Funérailles de M. Roger

Le 3 mars 1842

Prosper BRUGIÈRE, baron de BARANTE

DISCOURS DE M. LE BARON DE BARANTE,
DIRECTEUR DE L’ACADÉMIE,

PRONONCÉ AUX FUNÉRAILLES

DE M. ROGER ,

Le 3 mars 1842.

 

MESSIEURS,

Nous sommes ramenés souvent dans ces demeures de la mort. Il y a peu de semaines que nous conduisions le deuil de M. Duval. Un autre de nos confrères nous rappelle aujourd’hui à de tristes devoirs. Plusieurs d’entre nous, dans ce funèbre convoi, étaient unis à M. Roger par des liens plus intimes que la fraternité académique. — Le public sait par quels titres il avait acquis une juste renommée dans les lettres. Pour ses amis, c’est le moindre motif de le regretter et d’honorer sa mémoire. D’un commerce aimable et facile, bienveillant pour tous, il était dévoué dans ses affections. Son âme était ouverte à toutes les impressions morales et sympathiques. Nul n’était si actif dans le désir de rendre service, même à des indifférents, lorsqu’ils étaient dignes d’intérêt. — Homme de lettres, membre de l’Université, député, administrateur : partout il fut estimé et aimé. Jamais d’ennemis, jamais d’envieux. Il était si éloigné des mauvais sentiments, qu’il ne les rencontrait point dans les autres. — Il a supporté la mauvaise fortune avec égalité d’âme, comme il avait joui de la bonne. La dernière époque de sa vie le trouva aussi fidèle à ses opinions qu’à ses amitiés ; car ses opinions étaient, avant tout, des sentiments. Il regrettait peut-être le passé, mais sans aucun haineux vouloir contre le présent. — Une piété fervente et douce le soutenait et le consolait. Elle lui a donné un courage calme contre les souffrances du corps ; et, aux approches de la mort, une résignation qui semblait presque un contentement. Le spectacle de sa longue et cruelle maladie, les soins dont l’entourait la tendresse de ses fils, la foi tranquille qui régnait en son âme sont, pour les amis qui l’ont vu dans ses derniers jours, une consolation et un avertissement.