Discours prononcé à l'occasion de la mort de Paul Hazard

Le 13 avril 1944

Maurice de BROGLIE

DISCOURS PRONONCÉ PAR

M. LE DUC DE BROGLIE

le jeudi 13 avril 1944

A L’OCCASION DE LA MORT

DE

M. PAUL HAZARD

 

Messieurs,

Rien n’indiquait que Paul Hazard dût si brusquement nous quitter ; alerte et malicieux sans méchanceté, il nous apportait une force jeune, dont l’autorité déjà grande n’aurait fait que s’affirmer pour le plus grand bien de tout ce que nous aimons et de tout ce que nous souhaitons. Faut-il rappeler ses titres qu’il y a peu de temps encore je vous exposais au cours de la lecture privée de ses discours de réception, sa vie de travail, sa brillante carrière universitaire, ses séjours à l’étranger, toujours marqués par l’affection de ses élèves et l’accroissement du renom de la France. Tour à tour c’est l’Espagne et l’Italie, c’est l’Amérique qu’il parcourt, tournant son esprit vers la littérature comparée et recueillant des documents pour son ouvrage capital consacré à cette évolution surprenante des principes, des doctrines, des points de vue, en un mot de toute la philosophie qui a fait du XVIIIe siècle français l’opposé du XVIIe. Au Collège de France, il continuait d’étudier ce XVIIIe siècle où se poursuivait la trouble élaboration de tout ce qui préparait les grandeurs, les faiblesses et les secousses du monde contemporain. Son intelligence vive et perçante y jetait une lumière qui nous manquera désormais. Toute sa personne, si prématurément et si subitement disparue, laissera parmi nous un grand vide et des regrets profonds.