Né à Saint-Pierre-Église, en Normandie, le 18 février 1658.
Il était allié du maréchal de Villars et premier aumônier de la duchesse d’Orléans ; il était assidu dans les différents salons littéraires, fréquentant surtout ceux de Mme de La Fayette et de Mme de Lambert, mais il n’avait encore rien composé, lorsqu’il fut présenté par Fontenelle à l’Académie qui l’élut en février 1695 en remplacement de Bergeret, malgré l’opposition que lui firent Bossuet, La Bruyère et Boileau ; il fut reçu par La Chapelle le 3 mars 1695. Cette élection consacra la victoire définitive des modernes sur les anciens ; l’abbé de Saint-Pierre peut être considéré comme le premier représentant de la philosophie qui devait triompher au siècle suivant, bien qu’à son époque, il ne fût qu’un précurseur, plutôt idéologue et humanitaire. C’est en voyant les difficultés de conclure la paix à Utrecht, en 1712, où il avait accompagné le cardinal de Polignac, qu’il conçut son projet de paix perpétuelle, dont il se fit l’apôtre et qui l’a rendu célèbre ; il a également produit des ouvrages d’économie politique. Il fut aussi le premier qui proposa de donner l’éloge des grands hommes comme sujet de concours des prix d’éloquence ; cette idée n’était pas mûre ; Duclos l’a reprise et fait adopter un demi-siècle plus tard.
L’abbé de Saint-Pierre publia en 1718, la Polysynodie : il y faisait valoir la supériorité des conseils — comme celui de la Régence — au mode de gouvernement absolu et personnel de Louis XIV. Sous le prétexte de venger l’injure faite au défunt protecteur de l’Académie, les cardinaux de Polignac et de Rohan, les maréchaux de Villars, d’Estrées et de Villeroy demandèrent à l’Académie la radiation de Saint-Pierre. Quatre académiciens seulement, Louis de Sacy, La Motte, Fontenelle et l’abbé Claude Fleury, furent d’avis d’entendre les explications que voulait fournir l’abbé de Saint-Pierre ; celui-ci fut radié, sans être entendu, par l’unanimité des académiciens sauf la voix de Fontenelle. Le duc d’Orléans obtint qu’il fût seulement exclu comme l’avait été Furetière ; l’abbé de Saint-Pierre ne fut donc remplacé qu’à sa mort.
« L’abbé de Saint-Pierre ne se plaignit point. Il continua de vivre en philosophe avec ceux mêmes qui l’avaient exclu. Boyer ancien évêque de Mirepoix, son confrère, empêcha qu’à sa mort on prononçât son éloge à l’Académie, selon la coutume. Ces vaines fleurs qu’on jette sur le tombeau d’un académicien n’ajoutent rien ni à sa réputation ni à son mérite : mais le refus fut un outrage et les services que l’abbé de Saint-Pierre avait rendus, sa probité et sa douceur méritaient un autre traitement. » (Voltaire).
« L’ordre de ne point parler de l’abbé de Saint-Pierre lorsqu’il fut remplacé à l’Académie était venu de la cour. » (d’Olivet).
« L’abbé de Saint-Pierre, âme pure et naïve, écrivain sans talent, esprit peu élevé, mais à qui un infatigable amour du bien public tient lieu de génie. » (H. Martin, 7e, XCII).
La langue française a été enrichie par lui des mots bienfaisance et gloriole.
L’abbé de Saint-Pierre continua à fréquenter les salons philosophiques de Mmes de Lambert, Geoffrin, Du Deffant, et fit partie du Club de l’Entresol.
Cf. Étude sur la Vie et les écrits de l’abbé de Saint-Pierre, par Édouard Goumy ; L’abbé de Saint-Pierre, sa vie et ses œuvres, par de Molinari ; deux Causeries de Sainte-Beuve.
Mort le 29 avril 1743.