Hommage à la mémoire du Père Sarloutte
DISCOURS
de
Pierre BENOIT
Mesdames,
Messieurs,
Comment pourrais-je ne point commencer par saluer présence à cette cérémonie de Son Excellence Monsieur le Président de la République libanaise, ainsi que celle des plus hautes autorités morales et religieuses de ce pays ? Monsieur le Président, vous êtes par goût quasi bien que par destination le protecteur des lettres dans un pays où elles sont chéries plus que dans n’importe quel autre. Vous avez en outre toujours réservé aux écrivains de chez nous un accueil qui vous a valu leur gratitude ainsi que celle de la France. Quant à sa Béatitude, le Patriarche maronite, oserais-je simplement confier à son envoyé qu’arrivé pour la première fois à Beyrouth le 21 mars 1923, je me présentai dès le dimanche suivant à Bkerké, pour y déposer mon hommage aux pieds de son vénéré prédécesseur, tradition que j’ai eu depuis à cœur de ne point laisser périmer ? Est-il enfin nécessaire de parler du respect avec lequel je m’incline devant les éminents représentants des divers rites qui ont bien voulu consentir à rehausser la solennité de cette cérémonie ? Sur cette libre et sainte terre du Liban, le temporel et le spirituel n’ont-ils pas été alliés de façon toujours indissoluble ? Gage de la grandeur et de la gloire de la patrie, nous sommes heureux que ce jour et ce lieu soient les témoins d’une éclatante marque d’union.
Le jeudi 26 janvier dernier, l’Académie Française tenait à en donner une autre. Réunie à l’occasion d’une de ses habituelles séances de travail, elle écouta son secrétaire perpétuel, Georges Lecomte, lui communiquer une lettre du Révérend Père Joppin, Supérieur du Collège Saint-Joseph d’Antoura, lettre dont vous me permettrez de vous faire, à mon tour, connaître les passages essentiels. Vous commenciez, Mon Révérend Père, par rappeler les raisons pour lesquelles vous pouviez souhaiter voir un membre de notre Compagnie délégué à l’inauguration du monument élevé à la mémoire du Révérend Père Sarloutte. Puis, vous écriviez : « Si celui-ci aima recevoir dans sa maison nos officiers, nos marins et nos administrateurs, il eut une prédilection pour les hommes de lettres dont beaucoup furent des vôtres : Maurice Barrès avant la guerre de 1914 et, depuis, messieurs Henry Bordeaux, Jérôme et Jean Tharaud, le général Weygand, le maréchal Franchet d’Espèrey, vous-même, Monsieur le Secrétaire perpétuel..... Ils se plaisaient à retrouver à Antoura les traces de leurs illustres devanciers, Volney, Lamartine, Melchior de Vogüé... » Et vous concluiez : « Ces visites et séjours échelonnés le long de l’histoire d’Antoura lui ont valu comme une manière de petite parenté avec l’Académie ».
On ne pouvait dire mieux, et l’Académie tint à vous en fournir sur le champ le témoignage. À l’unanimité, elle décida de désigner le représentant que vous lui demandiez. Par un de ces hasards auxquels je suis de ceux qui préfèrent donner un autre nom, notre Directeur en exercice se trouvait être, ce jour-là l’un des hommes qui ont le plus aimé le Liban et la Syrie, le général Weygand. Je voudrais être à même de vous rapporter les paroles d’une extraordinaire élévation avec lesquelles il évoqua devant nous la haute figure du Père Sarloutte. « Au mois de septembre 1923, acheva-t-il, j’étais avec lui dans une automobile qui nous conduisait à Palmyre. Nous n’étions pas seuls. Nous avions un compagnon, Pierre Benoit. C’est lui que je vous propose de déléguer à l’inauguration du 28 mai prochain ». Si j’ai l’immense honneur d’être au milieu de vous en ces minutes, vous savez à présent le parrainage auquel je le dois.
Depuis dix-neuf ans que j’appartiens à l’Académie Française, je n’ai jamais reçu, ni sollicité d’elle un mandat représentatif. Il m’est même arrivé, si mes souvenirs sont exacts, d’en avoir éludé deux ou trois ; Comment ne me féliciterais-je pas aujourd’hui d’une discrétion qui multiplie, en ce qui me concerne, la valeur de la circonstance que voici, qui contribue à faire d’elle ce qu’elle va sans doute devenir pour moi, le souvenir le plus précieux, le plus émouvant de toute ma vie ?
Le hasard, toujours lui ! a continué en l’occurrence à se montrer bon maître. Ou plutôt, il est à présumer que l’Académie n’était pas ignorante de certain détail touchant de près son émissaire. Que mon pays d’origine soit celui de Saint Vincent de Paul, que le cimetière de la terre landaise où reposent tous les miens ne soit guère distant de plus d’une lieue de ce village de Pouy où est né le fondateur des Filles de la Charité et des Lazaristes, que les pins sous lesquels, avant d’être inscrit au nombre des plus insignes pasteurs d’âmes, il a gardé le maigre troupeau paternel, que ces pins, dis-je, soient les aïeux de ceux que voici, et que je vais laisser à Antoura en m’en allant, avec l’espoir de les voir y représenter un peu de notre commune patrie, ne voilà-t-il pas là un titre à prendre la parole ici en ce jour, dont j’ai le droit d’être assez fier, je l’avoue ?
Il s’ajoute, ce titre-là, à un autre, plus cher encore, car il est mon bien propre, un bien que je ne laisserai jamais ni prescrire, discuter. Écoutez la phrase que voici : « Et c’est dans nos âmes surtout que vous trouverez combinés, avec le rappel de nos traditions lointaines, les sentiments et les inspirations les plus doux à enregistrer par un cœur français ; au-dessus de toutes nos différences de races, de religions, nos âmes se sont unifiées dans une affection, un respect commun pour la France dans ce qu’elle a de plus beau : sa langue, son histoire, ses vertus, ses héros. » De telles paroles, indépendamment de leur sens profond ne comprenez-vous pas le bouleversement, l’orgueil qui peut être le mien à vous les lire dans leur texte même ? Ce texte, le voici. Il ni m’a jamais quitté. Il fait partie des archives les plus sacrées, de mon petit trésor inaliénable. Ayant laissé se disperser tant d’autres choses auxquelles un moment j’ai cru tenir, vous voyez avec quelle piété, avec quelle secrète préméditation j’ai conservé celle-ci. C’est l’original de l’allocution par laquelle me salua l’un des élèves d’Antoura, ce matin de printemps de l’année 1923 où j’ai pénétré pour la première fois dans votre vieux collège, présenté à vos aînés, à vos maîtres d’alors, par le Père Sarloutte en personne. J’étais bien ému, je peux vous le jurer. Quel n’eût point donc été mon trouble si j’avais, pu connaître l’avenir, prévoir l’importance que vingt-sept années plus tard devait revêtir cet événement, imaginer la journée d’aujourd’hui ?
Si nous sommes entre les mains d’un sublime organisateur qui attribue à chaque être sa place, on ne pourra point prétendre en tout cas du plus humble de ses instruments qu’il est infidèle à ses amitiés. Je n’aurai jamais été, vous ne l’ignorez point, et il serait un peu tard pour le devenir, un courtier occasionnel et assermenté des propagandes officieuses ou officielles, et ce n’aura jamais été que le sentiment que l’affection qui m’aura mené, puis ramené une fois, deux fois, dix fois parmi vous. Vingt-sept années, pourtant, songez-y, c’est tout de même un bail qui commence à compter ! J’en appelle au témoignage de votre Supérieur, 1923 quelle date pour moi, mais aussi pour lui, puisque c’est celle où nous sommes arrivés tous les deux, ensemble peut-on dire, à Antoura ! Mon Révérend Père, mon bien cher ami, que d’événements, d’embûches surmontées, que de souvenirs en ce quart de siècle ! Nous voici maintenant l’un en face de l’autre, aux postes que Dieu a bien voulu nous confier à l’un et à l’autre, parvenus au soir de notre existence tous les deux. Elles me semblent cependant d’hier, ces conversations, ces promenades tout à l’entour d’ici, le long de la merveilleuse baie de Djounié, sous nos chers ombrages de Reyfoun, paysages d’une beauté, d’une qualité unique au monde, inséparable pour vous et pour moi, de l’évocation du prêtre au cœur magnanime à qui nous devons de nous être rencontrés, dont notre devoir est d’aider à ce que continue à vitre la mémoire, alors que nous aurons disparu vous et moi.
« Ces Lazaristes, s’écriait Maurice Barrès, après sa visite à leur mission de Damas, quels défricheurs ! Ils sont marqués par l’esprit à la fois si mystique et si pratique de M. Vincent, leur fondateur ! » Que voilà, dans le minimum de mots, un portrait achevé de ce M. Vincent, me semble-t-il, et, par le plus équitable des ricochets, du Révérend Père Sarloutte ! Mais allons plus avant dans cette fructueuse comparaison. J’ai toujours été enchanté de l’anecdote suivante, contée avec une verve qui s’ignore peut-être par Louis Abelly, l’historiographe de Saint Vincent de Paul. « Personne ne servit le roi plus fidèlement. Rien n’était insignifiant pour son obéissance. Un frère avait trouvé des œufs de perdrix dans l’enclos de Saint-Lazare et de ces œufs couvés par une poule étaient sortis de beaux perdreaux qui grandirent en cage. Sans autre intention que de distraire son Supérieur, il monta chez lui pour lui montrer ses bêtes. « Allons voir si ces petits oiseaux savent bien sautiller », lui dit Saint Vincent. Tous deux sortirent, traversèrent la basse-cour et une fois arrivés aux terres de labour, ce dernier ouvrit la cage, d’où les perdreaux s’enfuirent. Le plaisir qu’il prenait à suivre leurs évolutions ne l’empêchait pas de voir la désolation du pauvre frère. « Sachez lui dit-il, que nous devons obéir au roi : la chasse est défendue, aussi bien celle des œufs que du gibier ; nous ne saurions désobéir au Prince en ces choses temporelles sans déplaire à Dieu. »
Qu’on ne se méprenne point sur la pauvreté apparente de l’apologue ! C’est tout le Rendez à César ce qui est à César et à Dieu ce qui est à Dieu qui y est inclus. Telle est la règle dont ne s’est jamais départi Saint Vincent, non plus que l’Ordre créé par lui. Avec ces Messieurs, on peut être tranquille. Les gouvernements peuvent leur faire d’autant plus confiance qu’ils sont assurés de ne jamais les voir enfreindre, par de maladroits empiétements, des immixtions inconsidérées, les lois des pays qui leur ont accordé leur hospitalité.
Combien de fois, ce thème-là, ne l’ai-je point entendu développer, mettre en application par le Père Sarloutte, tantôt avec le sérieux inhérent au sujet, tantôt avec ce ton d’humour qui n’appartenait qu’à lui, au cours de ces excursions, de ces voyages où il ne détestait pas de m’entrainer à travers la Syrie et le Liban ! Je suis redevable à ces inoubliables randonnées de la connaissance que j’ai pu acquérir de ces régions, et de l’amour qu’en tout cas je leur voue.
À vrai dire, c’étaient là des déplacements qui ne nous imposaient point beaucoup de dépenses. À toute heure du jour et au besoin la nuit, que ce fut à Ajeltoun ou à Tripoli, à Lattaquié ou à Tartous, à Ghazir ou à Safita, n’étions-nous point partout assurés de l’accueil de nos frères et de nos sœurs en Saint-Lazare ? Nous nous mettions en route allégrement, de bon matin. Toutes les cloches chantaient pour nous dans ce Kesrouan dont mon compagnon, aux jours affreux de 1918, avait assuré le ravitaillement, tandis que son émule le R.P. de Martimprey, procédait à celui du Chouf. Avant de vous avoir entendu célébrer par la voix harmonieuse de notre ami, le poète Charles Corm, c’est ainsi que je vous ai toutes connues, Madones vénérées, Vierges tutélaires du Liban-Nord, sœurs de cette Notre-Dame de Buglose sous la protection de qui sont nés les arbustes que voilà, vous si chère au cœur de tous les compatriotes de Saint Vincent de Paul : Notre-Dame de Nouriyé, d’abord, « petite église d’un pauvre bazar de Beyrouth » ; Notre-Dame d’El-Ataya, « cette nouvelle bienfaitrice du bas quartier d’Achrafiyé » ; Notre-Dame d’Harissa, comme de juste ; Notre-Dame de la Délivrance « que l’on implore à Bikfaya, parmi les pins et les mûriers » ; la Vierge de Mrouje que l’on relance sur les hautes altitudes qui dominent les bois de Dhour-El Choueir » ; Notre-Dame de Saidnaya, enfin, « fameuse, entre toutes, dans cette bourgade plusieurs fois millénaire où l’on parle jusqu’aujourd’hui le même araméen qui fut la langue du Christ… » Mais à ces pieuses investigations ne se limitaient point nos activités. C’eût été mal connaître M. Sarloutte. Le guide qui me conviait à suivre ses pas à travers ces montagnes sublimes avait de ses devoirs une idée autrement étendue. Nul, j’imagine, plus que lui, n’a été persuadé, dans le fond de son âme que selon la saisissante formule d’un de vos prélats « Ismaël a lui aussi obtenu en Abraham sa part de bénédiction ». Il a donc tenu à ce que je connusse, au hasard apparent de nos itinéraires, tous les tenants des différents dogmes dont la réunion a fait l’honneur et la renommée de ce Collège, et je n’avancerai point sous la foi du serment qu’un de ses regrets n’aura pas été de n’avoir jamais trouvé l’occasion de me présenter à un Yézidi. N’importe ! chrétiennes ou musulmanes, en tout cas, je me serais assis avec lui à toutes les tables. C’était, bien entendu, aux plus humbles qu’allait sa prédilection. Je ne l’ai jamais vu aussi heureux que lorsque nous recevions l’hospitalité de quelque modeste fonctionnaire local, publicain Zachée, centurion Corneille, dont il avait réussi en haut lieu à accélérer l’avancement ou à obtenir la nomination.
Une étrange Ford brinqueballant et ridiculement haute pattes, misérable véhicule n’ayant qu’une bien lointaine ressemblance avec les étincelantes automobiles d’aujourd’hui, ou bien un de ces maigres chevaux montagnards qu’il n’était jamais long à enfourcher ; sa minuscule valise de missionnaire à la main ; sur la tête enfoui jusqu’aux yeux, le casque colonial réglementaire, l’antique casque des Gallieni et de Bobillot ; un cache-poussière beige sur sa soutane ; tel était l’immuable et simpliste équipement qui, de l’Euphrate à la mer, des bouches du Litani à celles de l’Oronte, avait suffi à faire du Père Sarloutte la silhouette la plus révérée en même temps que la plus légendaire, En nombre accru chaque année, et toujours méritées davantage, je me garde d’oublier ses décorations, bien entendu. Sur les pentes des châteaux des Croisés, au Kalaat Sayoun comme au Kalaat Markab, à Amchit au bord de la tombe d’Henriette Renan, comme près de Ghazir, au bord de celle de la prophétesse Hendiyé, partout où Maurice Barrès m’envoyait compléter une documentation estimée par lui trop fragmentaire, il m’a été donné de vérifier la sûreté et la richesse de celle du Père Sarloutte. C’était à peine s’il lui arrivait de s’éclipser discrètement presque à mon insu, tout juste le temps, partout également où il passait, de faire le bien.
Ici, je m’arrête, en proie à je ne sais quel subit scrupule, redoutant d’en avoir trop dit, ou, ce qui revient au même, pas assez. Le métier de romancier nous engage parfois sur des sentiers bien redoutables. Insistant plus peut-être que ne l’eût comporté le sujet sur le pittoresque des événements et de l’homme, je me demande si je n’ai pas risqué de donner de mon modèle une idée déformée ou incomplète. Soucieux donc de parer à un tel danger, de remettre, si besoin en est, les choses en place, je me vois contraint d’appeler à mon secours le détail que voici. C’était en 1925, à l’occasion d’une visite à Paris de M. Sarloutte. Lié avec Maurice Barrès, qui a tracé de lui dans son Enquête aux pays du Levant un portrait inégalable, il m’avait demandé de connaître aussi Paul Bourget. C’était là un vœu d’autant plus facile à réaliser que l’auteur du Disciple, devant qui j’avais fait du Supérieur d’Antoura l’éloge que l’on peut supposer, m’avait exprimé à son endroit un désir identique. Lorsque l’entretien, après une bonne heure, eut pris fin et que le Père Sarloutte s’en fut allé, Paul Bourges se borna à me dire : « Vous aviez oublié de m’apprendre que, par dessus le marché, c’était un saint ».
D’autres bouches un jour te diront sur ma tombe
Où fut enfoui mon trésor…
s’est écrié Lamartine dans son Ode à Némésis, et l’on sait de quelle poignante façon il a répondu à la question qu’il avait pris lui-même soin de poser. C’est un trésor d’un autre genre qui, aujourd’hui, nous préoccupe : le trésor de M. Sarloutte, Où l’a-t-il enfoui ? Voilà ce qu’en terminant nous n’avons pas le droit de ne pas nous demander.
Ce trésor, il n’a certes pas, lui non plus,
... enrichi le sillon de ses pères
Ni le coffre jaloux d’un avide héritier.
Ce n’est point sur le plan terrestre qu’il faut nous livrer à sa recherche. Jusqu’à présent, nous avons surtout parlé du passé. Or, c’est à l’avenir, au seul avenir qu’aura toujours songé le P. Sarloutte. Là est son trésor. Regardons autour de nous, en cette minute. Nous sommes entourés de toutes parts par les épis de la moisson qu’il a préparée, sur laquelle il aura misé, qui nous autorise à affirmer d’ores et déjà qu’il a gagné.
Je songe aux générations de plus en plus pressées, de plus en plus abondantes, qui se sont succédées sur les bancs de ce Collège. Je songe à ces médecins, à ces avocats, à ces prêtres, à ces financiers, à ces poètes, à ces hommes d’État. Je songe en un mot à ces incomparables élites libanaises, auxquelles notre Secrétaire perpétuel, dans la lettre qu’il vous a écrite il y a trois ans, Monsieur le Supérieur, adressait un hommage que l’Académie me charge expressément de leur renouveler. Elles sont l’honneur et l’espoir du Liban, mais de plus en plus et de partout elles commencent à en déborder le cadre. Il ne serait pas la peine d’avoir parcouru, comme je l’ai fait, depuis vingt-ans, les cinq parties du monde pour n’avoir pas réussi à le constater. Il y a tout juste un mois, dans l’une des cités les plus énormes qui soient en train de s’édifier, au Brésil, à Sao Paulo, votre consul général, mon ami le poète Hector Klat, me conviait à admirer l’effort gigantesque fourni par vos compatriotes. C’est par dix, par vingt exemples, dans tous les domaines, ceux de l’action comme de la pensée, que je lui répondais. Dans combien d’autres lieux de l’univers le Cèdre Sacré ne cesse-t-il de déployer une ramure parmi laquelle les innombrables oiseaux de chez vous vont chanter ?
« Notre pensée la plus pure, a écrit magnifiquement Maurice Barrès, héritière d’Athènes, de Rome et de Paris, s’inscrit par les soins de nos maîtres dans l’âme reconnaissante des enfants du Liban. » Et il termine par l’apostrophe fameuse, qui n’a jamais autant qu’aujourd’hui été sur le point de recevoir ample et complète justification : « Liban, terre de souvenirs, pleine de semences ! » Ces semences, nous sommes réunis pour assurer de notre reconnaissance celui qui aura aidé, favorisé leur germination. Ces paroles, vieilles déjà de trente-six ans, c’est une visite à Antoura qui les inspira. C’est à la suite d’une mémorable conversation avec le Père Sarloutte qu’elles ont été prononcées. Depuis, deux horribles guerres ont eu lieu. Les épreuves n’ont pas été épargnées à la France, Ses couleurs ont disparu de bien des endroits où elles pensaient avoir acquis le doux privilège de flotter. Mais, dussent-elles disparaître de bien d’autres encore, et même du faîte de notre cher Collège, que je persisterais à proclamer que M. Sarloutte a joué la carte qui convenait, qu’il a gagné, puisque ce sont des hommes tels que vous qui constituez son trésor, et puisque grâce à des hommes tels que lui notre bannière continuerait à conserver sur les hauteurs de ce pays comme un asile inexpugnable, et, que cet asile, mes amis, ne serait autre que vos cœurs.