Funérailles du duc Maurice de Broglie, au château de Broglie

Le 24 juillet 1960

Antoine de LÉVIS MIREPOIX

DISCOURS PRONONCÉ PAR

M. le duc de LÉVIS MIREPOIX

LORS DES OBSÈQUES NATIONALES
AU CHATEAU DE BROGLIE

le jeudi 21 juillet 1960

 

J’apporte l’hommage de l’Académie française devant cette tombe où va reposer un mort illustre.

Si près de sa demeure de famille, autour de laquelle tant d’autres familles ont gravité en le prenant pour guide, qu’il me soit permis de saluer avant tout un continuateur.

Certes, il est très beau de voir surgir une personnalité d’une réserve humaine inexplorée, mais considérons aussi combien il est difficile de recevoir et de porter un flambeau qui a déjà répandu un si vif éclat.

La tâche de celui qui fut ici une lumière bienfaisante était lourde. Ainsi que l’a montré le beau livre de Jean de La Varende, que de prédécesseurs Maurice de Broglie avait-il à perpétuer dans le service du pays ? Les uns, à la tête des armées, d’autres, dans l’État, d’autres, dans les lettres, et, jusque dans notre Compagnie, ne retrouvait-il pas son nom plusieurs fois porté ?

Un caractère marquait tous les siens comme lui-même : le service appuyé sur l’indépendance.

Sa carrière de découvreur, seuls de grands savants, que nous avons entendus, ont pu en préciser la portée.

Laissez-moi seulement m’émouvoir de la manière dont il a, sans orgueil, dans la sincérité de son élan, frappé sa propre médaille. Son affirmation personnelle, sans être jamais discordante à l’égard de sa tradition, s’appuyait sur les libres initiatives de sa propre intelligence.

Homme puissant par la pensée, par l’efficacité, il ajoutait, à tous les prestiges répandus sur notre pays, le plus beau de tous, celui de la bonté.

Directeur de l’Académie française, Émile Henriot a montré le confrère attachant et courtois si aimé dans notre Compagnie. C’était un académicien assidu, trop véritablement humaniste pour se désintéresser  de notre tâche principale qui est le maintien d’un bon équilibre du langage et de la culture. Le laboratoire où il accomplissait de si grandes choses ne l’enserrait point dans ses limites.

Comme Président de la branche française des Cincinnati, fondée par Washington, il développa les relations franco-américaines en véritable diplomate, au cours de plusieurs missions qu’il conduisit aux Etats-Unis. Si bien que l’Ordre entier, tenant l’année dernière, ses assises à Paris, l’avait nommé président d’honneur du Congrès. C’est au nom de cette branche française qu’il a reconstituée et présidée depuis si longtemps que je m’incline aussi devant sa mémoire.

Membre du Comité de l’Association d’Entr’Aide de la Noblesse de France, qu’il reçoive aussi l’hommage de ceux qui sont fiers de l’avoir compté parmi eux.

Enfin, puis-je exprimer à

Madame la Duchesse de Broglie, dont j’ai pu admirer l’émouvante sollicitude,

Au Prince de Broglie qu’il a reçu lui-même à l’Académie française, tous deux donnant cet exemple extraordinaire d’éloquence d’avoir fait toucher, à un public non initié, les mystères de leur science profonde,

À la Comtesse de Pange, cette vaillante des Lettres, continuatrice du message intellectuel de Madame de Staël,

Au Prince Jean de Broglie, héritier des hommes d’État de sa lignée, les sentiments d’un ami.

Cette amitié ne masquait pas mon admiration, mais elle répondait d’un cœur sincère à la délicatesse de ses propres sentiments.

Cette amitié est en deuil, mais non un deuil sans espérance. À côté du puissant esprit, il y avait une âme profondément chrétienne, bien digne de reposer dans le sein de Dieu.