Discours sur les Prix littéraires 2022

Le 1 décembre 2022

Marc LAMBRON

Discours sur les prix littéraires

PRONONCÉ PAR

M. Marc LAMBRON
Directeur en exercice

le 1er décembre 2022

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Nous voici donc réunis en ce palais de l’Institut, sous la coupole de l’ancienne chapelle du collège des Quatre-Nations, pour la séance publique annuelle au cours de laquelle sont remis les prix décernés par l’Académie française.

Notre Compagnie s’est inscrite dans la légende nationale comme l’atelier d’un dictionnaire. Mais elle ressemble aussi à un essaim de lecteurs, avec ce que cela suppose de passion folâtre et d’amour des vocables. Les prix remis aujourd’hui en sont autant de totems. Ils disent aussi, par la liberté du choix et le goût de la promenade, ce qu’est l’Académie française. Non pas un policier de l’usage, mais plutôt une tige sensible : l’Académie observe les évolutions de la langue dont elle est la consignatrice. Il suffit de consulter les neuf éditions du Dictionnaire établies depuis sa création, en 1635, pour constater que les états successifs de la langue nationale y sont fixés à chaque carottage, ainsi que le ferait un géologue du lexique.

De même pour les prix : c’est un exercice en miroir. La France a su préserver une heureuse tradition éditoriale caractérisée par sa richesse et sa polymorphie. Cela s’entend aussi de notre langue telle qu’elle est parlée, enrichie et écrite hors de nos strictes frontières, puisqu’en 2022 ce sont trois cent vingt et un millions de locuteurs qui la pratiquent sur la planète. Le palmarès de ce jour ne manquera pas d’en porter témoignage.

Comment procède l’Académie pour ce faire ? Elle répartit ses membres entre des commissions thématiques. Des rapports écrits sont établis pour chaque ouvrage proposé ou pressenti, puis débattus afin de déterminer les lauréats en adéquation avec l’objet prédéfini de chaque prix. Il est évident que des expertises multiples sont là sollicitées, les philosophes humant les livres de philosophie et les historiens explorant les parutions d’histoire. Pour la Grande Médaille de la Chanson française, diverses tessitures sont mises à l’épreuve.

Il est également heureux que chacun des soixante-cinq prix décernés ce jour n’ait pas donné lieu à quatorze tours de délibération, ce qui serait susceptible d’altérer la santé psychique de tout jury s’y perdant comme dans une forêt d’essences vénéneuses.

La Compagnie valide enfin en séance plénière les propositions des différentes commissions afin de composer son palmarès de l’année.

Le voici donc.

Il n’y a pas lieu d’exagérer le poids des servitudes s’y rattachant, même si elles supposent une abnégation certaine. En effet, les académiciens restent des lecteurs au-delà de la concentration qu’exige la poursuite de leur œuvre propre. C’est donc à l’enseigne du plaisir de lire que nous approchons ces ouvrages comme autant d’îles inconnues. Leurs auteurs nous donnent le loisir d’y débarquer et se montrent généralement hospitaliers. Ils réveillent en nous l’enfance et l’espoir d’y séjourner hors du temps. Ils attisent le désir d’apprendre et d’aller gîter dans ce biotope de feuillets vivaces que l’on nomme une bibliothèque, un lieu dont Malraux professait qu’il contient l’héritage de la noblesse du monde.

Le grand critique de cinéma Serge Daney disait qu’il y a des films par lesquels il s’était senti regardé. Les livres et les talents couronnés cet après-midi nous ont regardés. On prête parfois à l’Académie française un pouvoir de légitimation, voire de consécration. Mais ce sont les lauréats qui nous ont offert la grâce de dire « oui » à l’intelligence et à la beauté. Si les prix sont des actes de reconnaissance, ceux qui sont décernés aujourd’hui éveillent dans notre Compagnie ce sentiment qui ressemble à un jardin et se nomme la gratitude.

 

Les lauréats des Grands Prix voudront bien se lever à l’appel de leur nom et nous les applaudirons chacun à la fin de leur éloge.

 

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Grand Prix de la Francophonie : M. Trinh Xuan Thuan

Notre lauréat fait partie de ces savants d’exception, dont le destin personnel emblématise le lien indéfectible entre le Vietnam et la France.

Trinh Xuan Thuan, souligne Jean-Marie Rouart, a consacré sa vie au ciel. Il aurait pu dire, comme le père de Lamennais observant la mer, « tout le monde regarde ce que je regarde mais personne ne voit ce que je vois ». Diplômé de l’université de Princeton, il a découvert en 2004, à l’aide du télescope Hubble, la plus jeune galaxie connue à ce jour dans la constellation de la Grande Ourse. Éminent professeur à l’Institut d’astrophysique de Paris, admirateur de Claude Monet, il a publié de nombreux ouvrages témoignant de sa dilection pour la culture française. L’un des plus beaux, La Mélodie secrète, nous introduit dans les abysses du big-bang. Jean d’Ormesson disait retrouver en lui son double inversé, un éminent scientifique passionné de littérature et de poésie.

 

Grande Médaille de la Francophonie : le quotidien francophone L’Orient-Le Jour

À la recommandation d’Amin Maalouf, la Grande Médaille de la Francophonie est décernée au quotidien libanais de langue française L’Orient-Le Jour, en témoignage de solidarité envers la tradition francophone que ce journal perpétue de manière exigeante, et envers le Liban, qui traverse l’une des phases les plus délicates de son histoire. Le journal lui-même est né de la fusion, en 1971, de deux vénérables quotidiens de langue française : L’Orient, fondé en 1924, et qui fut longtemps dirigé par Georges Naccache, et Le Jour, fondé en 1934, dont le nom reste associé à celui de Charles Hélou, futur président de la République libanaise et figure éminente de la francophonie. Peu après la réunion des deux titres, le pays est entré dans une période tumultueuse de son histoire, avec des épisodes sanglants et destructeurs que L’Orient-Le Jour a traversés et traverse encore avec un admirable courage.

 

Grand Prix de Littérature Paul Morand : M. Éric Neuhoff, pour l’ensemble de son œuvre

Éric Neuhoff est l’auteur d’une œuvre à la fois classique, hexagonale et insolente, passant avec beaucoup d’aisance de la chronique au roman et du journalisme à l’essai. Sa vie d’écrivain a commencé au début des années 1980 quand il signe Précautions d’usage. Quarante ans plus tard, ce cinéphile publie sans précaution un nouveau roman qui a pour titre Rentrée littéraire, où son talent a grandi sans vieillir et s’est aiguisé sans perdre son charme.

Neuhoff est un écrivain qui cherche d’autres écrivains à admirer et à aimer, nous dit Daniel Rondeau. Il le fait en douceur, presque en contrebande : la nostalgie, la France, le temps qui passe, la littérature, toute son œuvre tourne autour de ces thèmes avec une légèreté enviable et une forme de précision qui déchire. Il a consacré un livre d’amitié à Michel Déon, lequel pensait que nous étions entrés dans un monde où il y aurait moins de poneys sauvages. Pour ces raisons, cet auteur d’esprit cavalier méritait un prix décerné à la hussarde.

 

Grand Prix de Littérature Henri Gal (Prix de l’Institut de France) : M. Jean-Loup Trassard, pour l’ensemble de son œuvre

L’Académie salue Jean-Loup Trassard à l’occasion de la parution de son dernier ouvrage, Un jour qui était la nuit : quinze récits « menuisés », comme il le dit, au cours des dernières années, où l’on croise des marchands de bestiaux un peu trop coléreux, des sacristains jugés indélicats ou des paysans trop égarés pour retrouver le trou de leur serrure…

Découvert par Jean Paulhan en 1961, Jean-Loup Trassard s’est attaché à la vérité frémissante des objets, aux paysages de son enfance dans la Mayenne, où il continue de vivre. Ses écrits témoignent d’une forme de mélancolie face à la disparition de l’ancienne civilisation rurale qu’il a pu encore observer, et qu’il s’attache à préserver. Il faudrait encore évoquer l’humour de Jean-Loup Trassard et sa prose à la fois précise, inévitable et inattendue – ce qui est, selon Frédéric Vitoux, la caractéristique des plus grands stylistes.

 

Prix Jacques de Fouchier : M. Raphaël Gaillard, pour Un coup de hache dans la tête

Professeur de médecine, normalien, Raphaël Gaillard dirige le pôle de psychiatrie de l’hôpital Sainte-Anne et de l’université de Paris-Cité. Son ouvrage, Un coup de hache dans la tête, écrit à l’intention d’un vaste public, ouvre des perspectives sur un sujet qui a hanté nombre d’époques et tant de cultures : les liens supposés entre folie et créativité. L’hypothèse qui se dégage de sa réflexion est inédite, souligne Frédéric Vitoux : folie et créativité ne se superposent pas, mais sont bien liées par un lien de parenté, jusqu’à l’A.D.N. qui nous constitue. Ne serait-ce pas, se demande ce pionnier de la bio-psychiatrie, le prix à payer pour que l’Homo sapiens ait connu le destin que l’on sait ? Notre A.D.N. nous rendrait ainsi vulnérable aux troubles psychiques en même temps qu’il nous permet de créer.

 

Grand Prix du Roman : M. Giuliano Da Empoli, pour Le Mage du Kremlin

Daniel Rondeau souligne la parfaite maîtrise dont fait preuve Giuliano Da Empoli dans la construction et l’écriture du Mage du Kremlin, méditation sur la solitude du pouvoir et l’espace dans lequel il est enfermé, développée à travers la figure d’un imposteur qui réussit à s’insinuer dans la faveur du maître de la Russie. Inspiré d’un personnage réel, l’ouvrage conserve toute son épaisseur romanesque et permet à l’auteur de pointer les faiblesses des sociétés occidentales, sans chercher à rejoindre une actualité devenue brûlante. Notre Académie s’est montrée particulièrement sensible à la manière originale dont Giuliano Da Empoli, Italien écrivant en français, mêle réalité et fiction dans un récit qui ne doit rien à l’essai ni à l’étude historique, et dont l’intrigue, menée avec une habileté virtuose, est servie par des qualités de style qui en font un grand roman.

 

Prix de l’Académie française Maurice Genevoix : M. Louis-Henri de La Rochefoucauld, pour Châteaux de sable

Par le jeune ou encore jeune auteur de La Révolution française et du Club des vieux garçons, nous saluons un récit à la fois désopilant et mélancolique où les poncifs sur l’Histoire et les mythes volent en éclats. Le héros est un jeune homme désabusé, dont la famille, illustre depuis les Croisades, s’est ensuite délitée. Lui restent le panache et l’humour. Dans une vision hyperréaliste apparaît la figure vivante de Louis XVI : le roi mal-aimé, toujours un peu ridicule avec sa manie horlogère et sa maladresse physique, vient ici éclairer notre époque. C’est décalé, amusant, et très intelligent, nous dit Dominique Bona.

 

Grand Prix Hervé Deluen : Mme Anna Moï

Notre lauréate, romancière française d’origine vietnamienne, a construit depuis plus de deux décennies une œuvre importante constituée de romans et de nouvelles inspirées par son pays natal. Humour, liberté d’allure, profondeur d’analyse caractérisent ses ouvrages, qu’elle rédige en français pour préserver, elle y insiste, sa « liberté d’expression », ainsi que le relève notre Secrétaire perpétuel Hélène Carrère d’Encausse. La pratique experte de notre langue donne ainsi de la perspective et de l’émotion à son projet. Écrivain de l’universel, Anna Moï avait reçu le prix Littérature-Monde du festival Étonnants Voyageurs. L’Académie s’honore de lui décerner aujourd’hui l’un de ses Grands Prix.

 

Prix Léon de Rosen : M. Éric Fottorino, pour Mohican

Voici un très beau livre sur un sujet sérieux, la campagne dévastée par la pollution chimique, puis défigurée par les éoliennes. Éric Fottorino traite des dévoiements du monde contemporain avec sérieux et conviction, sans tomber dans les excès verdissants des écologistes, souligne Hélène Carrère d’Encausse. À le lire, on partage ses indignations et son émotion. Les personnages sont vivants et attirants, les descriptions ornées et le roman écrit dans un style vif, une langue châtiée, polie à l’école de précision d’une éminente carrière de journaliste.

 

Grand Prix de Poésie : M. Jean-Pierre Siméon, pour l’ensemble de son œuvre poétique

Né en 1950, Jean-Pierre Siméon est un auteur prolifique, de romans, de pièces de théâtre, de livres pour la jeunesse, d’études critiques et, particulièrement, de nombreux recueils de poèmes, qui ont reçu notamment le prix Artaud, le prix Apollinaire et le prix Max-Jacob.

Il a aussi beaucoup œuvré pour la poésie en général, comme poète associé puis dramaturge au T.N.P. de Villeurbanne auprès de Christian Schiaretti, comme directeur pendant seize ans du Printemps des Poètes, et comme directeur de la collection Poésie/Gallimard.

Son projet est d’explorer « la possibilité d’un autre langage ». Ses rythmes sont agiles, ses images originales et réjouissantes, souligne Michael Edwards. Jean-Pierre Siméon avait vocation éminente à recevoir ce Grand Prix de Poésie.

 

Grand Prix de Philosophie : Mme Anca Vasiliu, pour l’ensemble de son œuvre

Née à Bucarest à la fin des années 1950, Anca Vasiliu y étudia l’histoire de l’art, commença une carrière dans la recherche, et fut conservateur du musée de Bucarest. Mais c’est en France, d’abord à l’université de Poitiers, puis à celle de Paris-Ouest Nanterre, qu’elle entama vraiment ses recherches en philosophie, avec une thèse originale traitant de la lumière dans la pensée antique et médiévale. Devenue directeur de recherche au C.N.R.S., elle enseigne régulièrement dans les universités françaises et européennes.

L’originalité la plus remarquable d’Anca Vasiliu réside dans sa capacité à relier sa connaissance de la philosophie grecque classique et néo-platonicienne avec la théologie des Pères. Par la qualité de son érudition, la largeur de ses vues et la fécondité de ses hypothèses, Anca Vasiliu témoigne non seulement de l’attractivité de la recherche francophone, mais aussi de l’unité intellectuelle de l’Europe. L’Académie, souligne Jean-Luc Marion, est dans son rôle en la distinguant.

 

Grand Prix Moron : Mme Sandra Laugier, pour l’ensemble de ses travaux philosophiques

Sandra Laugier, formée à l’École normale supérieure et à Harvard, agrégée et docteure en philosophie, est aujourd’hui directrice adjointe de l’Institut des sciences juridique et philosophique de la Sorbonne, où elle enseigne. Elle est reconnue tant en France qu’à l’étranger où elle dirige plusieurs collections, et où elle est traduite autant qu’elle traduit.

Son domaine de recherche est la pensée contemporaine, qu’elle rend accessible en traçant des ponts entre la philosophie anglo-saxonne et les grandes lignes de la philosophie française. À partir de travaux à la fois précis et novateurs sur les auteurs clefs que sont Wittgenstein, Austin et Quine, elle centre sa réflexion sur l’œuvre du grand philosophe américain Stanley Cavell, qu’elle a traduit et introduit en France.

Barbara Cassin souligne l’étendue et l’originalité de son savoir, toujours instruit, fondé et non trivial, y compris dans sa manière décidée et prudente d’approcher le féminisme.

 

Grand Prix Gobert : M. Maurice Vaïsse, pour Le Putsch d’Alger et l’ensemble de son œuvre

Maurice Vaïsse est un de nos meilleurs spécialistes des relations internationales et de la politique extérieure de la France. Enseignant toute sa carrière à Sciences Po, il est l’auteur de manuels de politique étrangère et de défense nationale devenus des classiques. Un aspect important de son activité a été la direction de la Commission des archives diplomatiques.

La dimension la plus personnelle de son œuvre porte sur la politique étrangère du général de Gaulle et plus spécialement sur sa dimension algérienne, ainsi que le rappelle Pierre Nora. Elle trouve son aboutissement dans le livre que Maurice Vaïsse a republié cette année : Le Putsch d’Alger, enrichi par l’ouverture d’archives et par d’innombrables témoignages. L’auteur navigue avec maîtrise entre la politique du Général, la psychologie des Français d’Algérie, les conflits de la décolonisation, les rapports de l’armée et de la nation, la situation internationale. Cet ouvrage mérite en lui-même, et par l’œuvre dans laquelle il s’inscrit, la distinction du Grand Prix Gobert.

 

Prix de la Biographie : M. François Angelier, pour Georges Bernanos. La colère et la grâce

Il s’agit là d’une élucidation remarquable de la vie et du parcours d’un des plus grands écrivains du xxe siècle. On comprend qu’à travers ses divers engagements – camelot du roi, Action française, puis antifranquiste avant de rejoindre les rangs de la France libre – Bernanos a toujours été fidèle à une foi et à un héritage. De sa Picardie natale à Majorque où il écrivit Les Grands Cimetières sous la lune, de la Provence au Brésil où, fuyant la France du maréchal Pétain, il entraîna sa famille, il encourut la pauvreté pour rester libre. « Si j’entre au ciel, je voudrais que ce fût en qualité de vagabond », écrivait-il.

La biographie de François Angelier, sous-titrée « La colère et la grâce », nous fait partager ses errances, ses luttes, les illuminations poignantes de ses romans. C’est un grand livre, dit Florence Delay, qui tient en haleine par son style : magnifiquement écrit, il s’imposait pour un prix de la biographie.

Signalons que cette année, l’Académie a choisi de ne consacrer qu’une biographie littéraire.

 

Prix de la Critique : M. Sylvain Menant, pour Voltaire et son lecteur. Essai sur la séduction littéraire et l’ensemble de ses travaux critiques

Sylvain Menant est professeur émérite à l’université de Paris-Sorbonne où il enseigne la littérature française du xviiie siècle. On lui doit d’innombrables études, notamment sur Voltaire, la poésie des Lumières et sur Rivarol, dont il a publié pour la première fois les manuscrits authentiques.

Dans son dernier essai, Sylvain Menant cerne les différentes méthodes utilisées par Voltaire pour séduire son lecteur. Cette étude sur la « ruse stratégique » de l’auteur de Candide est écrite dans un style accessible et élégant. Sylvain Menant laisse entendre, avec un brin de nostalgie, que cet essai marque la fin de sa longue carrière consacrée à Voltaire. Espérons qu’il n’en sera rien, nous dit Xavier Darcos.

Il convenait de saluer son savoir et son talent, ainsi que son rayonnement intellectuel qui a bénéficié à tant d’étudiants et de chercheurs.

 

Prix de l’Essai : Mme Henriette Michaud, pour Freud à Bloomsbury

Le sous-titre de cet essai, « Alix & James Strachey, passeurs de Freud en langue anglaise », est dû à l’admiration unanime portée à la traduction anglaise des Œuvres complètes du fondateur de la psychanalyse, la Standard Edition. Qui étaient les traducteurs ? Comment se retrouvèrent-ils à Vienne ? Tout part d’un quartier de Londres : Bloomsbury. À la fin du xixe siècle, dans la rivalité avec Oxford, une société secrète se réunit au sein de l’université de Cambridge qui adopte le nom de « Société des Apôtres », réunissant des jeunes gens brillants dressés contre l’esprit victorien. Henriette Michaud nous fait découvrir avec précision ce cénacle. Pendant la Grande Guerre, Alix et James Strachey seront pacifistes, passeront ensuite à Vienne sur le divan de Freud, deviendront ses traducteurs. C’est un essai rigoureux, romanesque et captivant, nous dit avec éloge Florence Delay.

 

Prix du cardinal Lustiger : R.P. Michel Corbin, s.j., pour l’ensemble de son œuvre, après la parution de Lecture pascale des noms divins selon Denys l’Aréopagite

Né en 1936, ancien élève de l’École polytechnique, devenu membre de la Compagnie de Jésus, Michel Corbin fut longtemps professeur à l’Institut catholique de Paris et professeur invité au Centre Sèvres. Il s’était signalé comme un théologien spéculatif de haute volée avec son premier grand livre, L’Inouï de Dieu, réflexion sur l’entrée du divin dans la parole. Puis il entreprenait une lecture à la fois spéculative et historique de la théologie antérieure à Thomas d’Aquin à travers l’Œuvre de saint Anselme de Cantorbéry, réévaluant la signification de la pensée anselmienne. Michel Corbin a poursuivi son entreprise en devenant l’éditeur et le traducteur des Pères. Il vient ainsi de publier une étude remarquable et très novatrice sur Denys le Mystique.

Cet effort pour reprendre possession de la tradition théologique des origines constitue selon Jean-Luc Marion une réussite remarquable, qui eût sans nul doute conquis le cardinal Lustiger, et mérite qu’on lui décerne son prix.

 

Prix de la Nouvelle : M. Uli Wittmann, pour Le Crocodile blanc et autres hasards

Six nouvelles sont regroupées sous ce titre, dont un des personnages évoque la définition que donnait Théophile Gautier du hasard : « C’est le pseudonyme de Dieu quand il ne veut pas signer. »

Trois d’entre elles se déroulent dans le delta du Niger, en pays ibo, que l’auteur semble bien connaître, ainsi que dans d’autres paysages où devins et féticheurs jouent leur rôle. On est sous le charme magique du conte, car on ignore où nous mène un narrateur lui-même pris dans son tourment, tel ce musicien avec son bandonéon avançant dans le noir, victime d’une panne de métro. Uli Wittmann, comme J.M.G. Le Clézio l’écrit dans sa préface, est un conteur-né. Florence Delay nous dit combien le lire est un plaisir.

 

Prix d’Académie :

Les prix d’Académie sont cette année au nombre de quatre. Ils vont à :

1. M. Philippe Descola, pour Les Formes du visible. Une anthropologie de la figuration et l’ensemble de son œuvre

Nous saluons avec Barbara Cassin la suite magistrale d’une œuvre où l’auteur pose les bases d’une anthropologie de la figuration, à partir de ce qu’il nomme « la doublure d’invisible », ouvrant sur une étude des correspondances et des simulacres dans les sociétés humaines. Voici une entreprise profonde de décryptage de l’humaine condition.

 

2. M. Patrick Reumaux, pour l’ensemble de son œuvre et son travail de traducteur

L’Académie salue ici les nombreuses vies de Patrick Reumaux : romancier, traducteur et préfacier de romanciers et poètes anglo-saxons, devenu aujourd’hui éditeur en créant aux Belles Lettres la collection « Poésie magique ». Cet aède de la parole en illustre les prestiges. Il est par ailleurs un mycologue reconnu, ainsi que le précise Florence Delay.

 

3. M. Stéphane Guégan, pour Caillebotte. Peintre des extrêmes

Pour le portrait d’un peintre qui enrichit notre connaissance de la mélancolie française et d’une période de l’histoire de l’art aujourd’hui réévaluée, jusqu’au romanesque feuilleton post mortem de sa succession, constate avec éloge Maurizio Serra. L’auteur sait restituer comme rarement les chromatismes d’un Paris de trottoirs mouillés et de bourgeoisie pensive.

 

4. Mme Florence Trocmé, pour son site Poezibao

Nous saluons à la diligence de Xavier Darcos la création du site le plus complet, le plus accueillant et le plus éclectique consacré à la poésie francophone contemporaine, qui propose chaque jour des chroniques sur les parutions récentes et les manifestations afférentes. C’est comme une affirmation de résistance télématique dans une ère du verbe prosaïque.

 

Prix du Théâtre : M. Jean-François Sivadier, pour l’ensemble de son œuvre dramatique

Comédien, metteur en scène, auteur, Jean-François Sivadier incarne tous les métiers du théâtre, s’insurgeant de longue date contre l’instrumentalisation de l’art à des fins mercantiles, nous dit Florence Delay. Enfant, il a commencé par écrire des pièces pour marionnettes, accompagné à l’orgue électrique par son frère, devenu compositeur. Lié depuis 2014 à l’Opéra de Lille, il tient à maintenir l’esprit de troupe, emmenant ses comédiens d’élection dans des tournées à travers la France. Sa dernière pièce, Sentinelles, a été créée au T.N.P. en décembre 2021. Jean-François Sivadier illustre la noblesse des tréteaux et la vigueur inspirée de l’art du comédien.

 

Prix du Jeune Théâtre Béatrix Dussane-André Roussin : M. Patrick Haudecœur, pour l’ensemble de ses ouvrages dramatiques

Notre confrère André Roussin, dernier lauréat du Trophée Dussane que notre prix prolonge, comédien et auteur de nombreuses pièces à succès, était le tenant d’un théâtre de divertissement de qualité. Sous quels meilleurs auspices saluer aujourd’hui Patrick Haudecœur, acteur dans la tradition d’un Jean Le Poulain, auteur comique dans la tradition d’un Feydeau, qui s’est notamment fait connaître avec les grands succès de Frou-Frou les Bains ou de Thé à la menthe ou t’es citron ? Sans parler du spectacle musical de La Valse des pingouins, du vaudeville actualisé dans le monde du cinéma de Silence, on tourne ! ou de sa dernière comédie coécrite avec Gérald Sibleyras, Berlin Berlin.

 

Prix du Cinéma René Clair : M. Arnaud Desplechin, pour l’ensemble de son œuvre cinématographique

Pour saluer avec Michel Zink une œuvre qui, si riche et variée soit-elle, se voit constamment portée par la véhémence d’une intelligence à vif, comme peut l’être une sensibilité. Ce cinéaste a regardé le monde de Truffaut avec l’œil d’un ami de Claude Lanzmann. Homme de mémoire, Arnaud Desplechin fouille avec un regard lettré les ambiguïtés des affects et les défaites du sentiment. On pense à Rois et Reine, Un conte de Noël ou Esther Kahn, qui joue sur le Paradoxe sur le comédien de Diderot. Dès 1996, il avait eu la bonne inspiration de citer notre confrère Jean-Luc Marion parmi les lectures des personnages juvéniles de Comment je me suis disputé (ma vie sexuelle). Cette preuve de goût ne peut qu’ajouter au prestige d’un artiste de haute réputation.

 

Grande Médaille de la Chanson française : M. Jacques Dutronc, pour l’ensemble de ses chansons

L’Académie française, lieu de mémoire, se plaît à honorer les légendes. Depuis ses débuts fracassants en 1966, cet ancien élève du lycée Condorcet et du Golf Drouot a emblématisé avec son parolier Jacques Lanzmann une certaine francité désinvolte, burlesque et tendre. Tandis que le premier ministre Georges Pompidou citait « Les Cactus » à l’Assemblée nationale, des titres tels que « Les Playboys », « Le Petit Jardin » ou « Il est cinq heures, Paris s’éveille » ont fait époque. Le séducteur à mèche est aussi devenu un acteur convaincant sous la caméra de Zulawski ou Pialat. Jacques Dutronc rejoint à notre palmarès son épouse Françoise Hardy, en attendant que leur fils Thomas, avec lequel il partageait la scène ces derniers temps, y prenne rang à son tour.

 

Prix du Rayonnement de la Langue et de la Littérature françaises :

L’Académie attribue cette année cinq prix du Rayonnement de la Langue et de la littérature française. Ils vont à :

1. Mme Osvalde Lewat

La journaliste et cinéaste franco-camerounaise Osvalde Lewat, connue pour ses documentaires poignants et courageux, est ici distinguée pour son roman Les Aquatiques, dont Michel Zink nous dit qu’il propose, dans la tradition des apologues politiques, une fresque sur cet oxymore que représente la notion de dictature modérée. C’est un ouvrage d’éveil salutaire en nos temps de troubles mondialisés.

 

2. M. Charles Xuereb, historien maltais, commentateur de la vie culturelle et politique française à Malte

Francophile passionné en terre essentiellement anglophone, Charles Xuereb s’est notamment attaché aux traces du passage de Bonaparte dans son pays, ainsi que put le mesurer Daniel Rondeau lors de son ambassade. On a dit de M. Xuereb qu’il mériterait le titre de consul permanent de la culture française à Malte, tant il porte haut l’amour de notre pays. Ce titre, nous le lui accordons volontiers.

 

3. Mme Jennifer Montagu, historienne de l’art anglaise, spécialiste de l’œuvre de Charles Le Brun et de l’art des xviie et xviiie siècles

Jennifer Montagu, qui eut la charge du fonds photographique de l’Institut Warburg à Londres, est renommée pour ses ouvrages sur la sculpture baroque romaine, autant de classiques admirés par les spécialistes de l’art de la Rome du dix-septième siècle. Ils ont notamment valu à cette francophone de haut vol d’être professeur invité au Collège de France. Pierre Rosenberg en a proposé l’œuvre à nos suffrages et à notre admiration.

4. M. Denis Vaugeois, historien et éditeur québécois

Nous le distinguons ici pour le programme inventif qu’il a imaginé afin de soutenir le développement des bibliothèques publiques et du livre au Québec, ainsi qu’en témoigne Dany Laferrière. Historien, libraire, ancien ministre des Affaires culturelles, Denis Vaugeois fut aussi co-fondateur des plus importantes maisons d’édition du Québec, les éditions du Boréal et les éditions du Septentrion. Il incarne sur cet autre continent une figure lettrée du combat pour la civilisation.

 

5. M. Frantz Voltaire, historien haïtien

Pour son œuvre en tant que gardien et diffuseur de la culture haïtienne et de sa mémoire, comme l’atteste Dany Laferrière. Nous saluons en lui la francophonie inventive et valeureuse d’outre-Océan. Militant, professeur, commentateur politique, documentariste et producteur de films, Frantz Voltaire honore la langue et la postérité de l’écrivain encyclopédiste dont il est l’homonyme.

 

 

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Après les Grands Prix, viennent désormais les Prix de fondations. Les lauréats se lèveront également à l’appel de leur nom, puis ils pourront se rasseoir, mais nous leur demanderons de bien vouloir accepter d’attendre la fin de la proclamation pour recevoir ensemble nos applaudissements, et donc à l’assistance de les retenir jusqu’au terme de la mention des lauréats.

 

 

PRIX DE POÉSIE

 

 

Prix Théophile Gautier : Mme Sandra Moussempès, pour Cassandre à bout portant

L’Académie salue un travail poétique qui interroge les stéréotypes autour du féminin et du couple, en raffinant les ambiguïtés de cette relation à travers des non-dits familiaux et des sensations de déjà-vu qui installent un climat d’inquiétante étrangeté.

 

Prix Heredia : M. Jean D’Amérique, pour Rhapsodie rouge

L’Académie distingue un jeune écrivain haïtien qui anime à Port-au-Prince des ateliers d’écriture et fait jouer ses pièces de théâtre aux monologues éclatés et rugueux. Donnant des spectacles de slam, il décrit souvent une douleur qui déborde de sa prose telle une lave de volcan.

 

Prix François Coppée : Mme Pascale Bouhénic, pour 76 façons d’entrer

Ou les multiples façons de considérer l’existence dans un texte qui marie encyclopédie et autoportrait, à travers la vie d’une femme telle qu’elle résulte des mentions de soixante-seize volumes de la collection Que sais-je ? C’est un jeu d’esprit et de malicieuse combinatoire.

 

Prix Paul Verlaine : M. Yvon Le Men, pour La Baie vitrée et À perte de ciel

L’Académie distingue ce grand poète breton dont l’œuvre oscille entre visions célestes et dimanches noirs. Couronné en 2019 par le Goncourt de la poésie, il met en exergue de son dernier recueil les impressions d’astronautes de diverses nationalités, faisant écho à sa lecture d’enfance du magazine Tout l’Univers.

 

Prix Henri Mondor : Mme Annick Ettlin, pour Poétiques de la volonté de croire. Rimbaud, Mallarmé, Valéry

L’Académie salue ici une universitaire helvète s’interrogeant avec cet essai sur les rapports entre la poésie et le désir de croire, à travers trois œuvres cardinales. Après une thèse et de nombreuses études sur Mallarmé, elle retrouve la source ancienne du vates latin dans les cryptages de la modernité poétique.

 

 

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PRIX DE LITTÉRATURE ET DE PHILOSOPHIE

 

 

Prix Montyon : M. Neil MacGregor, pour À monde nouveau, nouveaux musées. Les musées, les monuments et la communauté réinventée

Pour saluer cet ancien directeur de la National Gallery dont le livre – écrit en français – est le résumé de remarquables conférences prononcées au Louvre en 2022. Il s’y interroge sur le futur des musées à travers la mutation du regard contemporain sur la notion d’art et de collection.

 

Prix La Bruyère : M. Philippe Grosos, pour Des profondeurs de nos cavernes. Préhistoire - Art - Philosophie

Nous distinguons ici une entreprise très originale visant à élargir la notion philosophique traditionnelle d’histoire et de préhistoire. À travers une exploration du logos archaïque, l’auteur dessine une antiquité pensée non comme une origine mais comme un aboutissement.

 

Prix Jules Janin : MM. Christian Garcin et Thierry Gillybœuf, pour leur traduction de l’intégrale des nouvelles de Melville

Nous saluons ici l’esprit d’exhaustivité et d’élégance, en huit cents pages, qui marquait déjà leur précédente traduction des nouvelles d’Edgar Poe. On y trouvera notamment une esquisse de Billy Budd proposant une saisissante version alternative de ce grand texte, qui s’en trouve ainsi éclairé.

 

Prix Émile Augier : M. Jean-Benoît Patricot, pour Voyage à Zurich

Nous distinguons un texte non dénué d’esprit de comédie, où l’on voit une femme choisir le moment de sa fin dans une clinique suisse malgré les protestations de son fils. L’auteur donne à leurs tergiversations des aspects d’humour noir qui en font le paradoxe et la saveur.

 

Prix Émile Faguet : Mme Mathilde Brézet, pour Le Grand Monde de Proust. Dictionnaire des personnages d’À la recherche du temps perdu

L’attrait majeur de cet ouvrage anthologique est de montrer comment Proust, féru de l’entomologiste Cuvier, opère la métamorphose de ses personnages dans une psychologie évolutive, comme s’ils passaient de la chrysalide au papillon.

 

Prix Louis Barthou : M. Sylvain Fort, pour Odysséennes. Cinq femmes homériques

Analysant cinq héroïnes mythiques, Sylvain Fort redécouvre l’originalité de leur histoire, les mystères de leur identité et les secrets de leurs désirs. Ce grand mélomane, auteur d’un essai sur Saint-Exupéry, tire sa brise d’inspiration de la harpe d’un rhapsode grec.

 

Prix Anna de Noailles : Mme Isabelle Dangy, pour Les Nus d’Hersanghem

La romancière, tel l’architecte d’un jeu de meccano, construit un monde imaginaire dans un esprit borgésien, poussant sa fiction aux limites du vertige. C’est un roman du mirage maîtrisé, porté par une savante virtuosité.

 

Prix François Mauriac : M. Olivier Hercend, pour Zita

Pour son premier roman, l’auteur aborde un sujet situé dans l’Italie de 1922, émouvant et riche de beaux personnages. Il sert son propos par une écriture précise où les phrases s’enchaînent selon un juste rapport de vitesse et d’émotion.

 

Prix Georges Dumézil : M. Pierre Vesperini, pour son édition de Théocrite, Les Magiciennes et autres idylles

La traduction originale et inédite de Pierre Vesperini est une merveille d’inventivité et de subtilité. Il restitue avec brio cette œuvre sophistiquée en sachant adapter sa translation aux diverses facettes de Théocrite, du lyrisme amoureux à l’évocation du paysage méditerranéen.

 

Prix Roland de Jouvenel : Mme Lyane Guillaume, pour Moi, Tamara Karsavina

Dans cette biographie romancée de la grande danseuse russe Tamara Karsavina se croisent Stravinski, Chanel, Picasso, Noureev et bien d’autres grands artistes, ce qui donne à la narration un ton particulièrement vivant et toujours incarné.

 

Prix Biguet : Mme Claude Habib, pour La Question trans

Le livre de Claude Habib est un modèle d’honnêteté, de mesure, de clarté, d’intelligence, très utile dans un débat qui commence à s’instaurer, et dont l’auteur examine tous les aspects sans préjugés ni parti pris idéologique.

 

Prix Ève Delacroix : Mme Brigitte Adès, pour Les Voix de la forêt

Le roman de Brigitte Adès est passionnant par son thème et son traitement : situé dans une forêt primaire du Kenya, il nous montre comment un chaman s’allie à un botaniste pour contrer les manigances de redoutables laboratoires pharmaceutiques.

 

Prix Jacques Lacroix : M. Luc Passera, pour Les Insectes, rois de l’adaptation

Un aperçu savant qui explique les différentes techniques élaborées par les insectes : configurations de déplacements, stratégies reproductives, avec mention spéciale pour l’un des champions de l’art mimétique, le phasme épineux à tiare, qui imite parfaitement les mouvements du feuillage dans lequel il se dissimule.

 

Prix Raymond de Boyer de Sainte-Suzanne : M. Emmanuel Cattin, pour La Venue de la vérité. Phénoménologie de l’esprit selon Jean

Spécialiste reconnu de l’idéalisme allemand et particulièrement de la philosophie de la religion de Kant, Fichte, Hegel et Schelling, Emmanuel Cattin était qualifié pour élever au niveau du concept l’Évangile selon saint Jean, selon une métaphysique où la foi du témoin devient l’index de la vérité.

 

 

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PRIX D’HISTOIRE

 

 

Prix Guizot : M. Christian Baechler, pour La Trahison des élites allemandes. Essai sur le rôle de la bourgeoisie culturelle (1770-1945)

Professeur d’histoire contemporaine à l’université de Strasbourg, Christian Baechler étudie le comportement des élites allemandes de 1770 à 1945, ou comment le raffinement d’une grande pensée nationale a pu être pervertie en alibi du pire.

 

Médaille d’argent du Prix Guizot : M. Jean-Pierre Langellier, pour Léopold Sédar Senghor

Jean-Pierre Langellier, correspondant du Monde à l’étranger pendant trente-cinq ans, présente à l’occasion du vingtième anniversaire de la disparition de Léopold Sédar Senghor une biographie éclairée de ce personnage dont la richesse d’esprit ajouta au prestige de notre Compagnie.

 

Prix Thiers : M. Charles-Éloi Vial, pour Napoléon et les bibliothèques. Livres et pouvoir sous le Premier Empire

On trouve ici un Napoléon lecteur insatiable et créateur de bibliothèques, se distrayant la veille des batailles avec des romans légers, plaçant au-dessus de tout Homère et Plutarque, Tite-Live et Tacite, Corneille, Racine et Molière, l’Arioste et le Tasse, Rousseau et Voltaire.

 

Prix Eugène Colas : M. Jérémie Gallon, pour Henry Kissinger. L’Européen

L’auteur retrace avec brio la vie personnelle et politique de son héros, en montrant combien son origine allemande, sa judéité puis un attachement profond à l’Amérique ont façonné sa vision de l’histoire et de la grande politique, pour guider son action.

 

Médaille d’argent du Prix Eugène Colas : Mme Pauline Valade, pour Le Goût de la joie. Réjouissances monarchiques et joie publique à Paris au xviiie siècle

L’ouvrage de Pauline Valade est d’une grande érudition et ouvre un nouveau champ d’étude sur les relations entre la population parisienne et le pouvoir royal à l’occasion des grandes célébrations publiques de 1715 à 1789.

 

Prix Eugène Carrière : M. Jean-Pierre Cuzin, pour La Tour

La très belle monographie de Jean-Pierre Cuzin, superbement illustrée, fait le point sur la redécouverte d’un peintre majeur, et avance de nouvelles propositions sur son goût pour les tableaux diurnes et nocturnes aux inspirations si contrastées.

 

Prix Louis Castex : M. Paul Salmona, pour Archéologie du judaïsme en France

Paul Salmona, directeur du musée d’Art et d’Histoire du judaïsme, étudie avec le soutien d’une impressionnante iconographie les aspects religieux, toponymiques, textuels et artistiques du judaïsme ainsi que sa place dans la vie française depuis les temps anciens jusqu’à nos jours.

 

Prix Monseigneur Marcel : Mme Bénédicte Boudou, pour La Sphère privée à la Renaissance

L’auteur précise de manière concrète ce qu’on entendait à l’époque par sphère privée : « un abri où penser par soi-même ». C’est une œuvre ample, fouillée, fourmillant d’anecdotes, qui nous plonge dans une Renaissance porteuse de leçons pour le temps présent.

 

Médaille d’argent du Prix Monseigneur Marcel : M. Ludovic Balavoine, pour Jan Van Eyck

Ludovic Balavoine retrace avec érudition et minutie ce que furent les voyages au Portugal et en Europe de Jan Van Eyck. Ce que signifiaient à son époque l’itinérance, le métier de peintre dans les Flandres et la place qu’un artiste pouvait occuper dans une vie de cour.

 

Prix Diane Potier-Boès : M. Étienne Jouhaud, pour L’Expérience du Levant à l’automne de la Renaissance. Le « Voyage de Constantinople »

La littérature de voyage trouve ici un terrain d’exploration particulièrement riche et révèle des talents d’écrivains oubliés. Ce livre passionne par ce qu’il nous montre de ces novateurs littéraires et de ce Levant où pérégriner restait une aventure périlleuse.
 

Prix François Millepierres : M. Christophe Dickès, pour Saint Pierre. Le mystère et l’évidence

Ce portrait très complet de saint Pierre s’appuie sur une documentation large et récente, qui s’organise en une lecture analytique des textes bibliques. Le rôle grandissant de Pierre, l’évolution de sa personnalité et l’extraordinaire puissance de son apostolat deviennent parfaitement clairs.

 

Prix Augustin Thierry : M. Xavier Hélary, pour L’Ascension et la Chute de Pierre de La Broce, chambellan du roi

Pierre de La Broce s’était élevé jusqu’à devenir le favori de Saint Louis puis, plus encore, celui de son fils Philippe III le Hardi. On le disait l’homme le plus puissant de France. Mais devant ses agissements d’intrigant effréné, le roi le fit juger et pendre au gibet de Montfaucon. C’est un ouvrage précieux sur le fonctionnement du gouvernement royal et la représentation que l’on avait alors du corps politique.

 

 

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PRIX DE SOUTIEN À LA CRÉATION LITTÉRAIRE

 

 

Prix Henri de Régnier : M. Dominique Charnay, après Queneau et ses vies de chien

Un livre délectable, érudit, modeste, consacré à Queneau et à ses chiens. On lit cet ouvrage précis et tendre avec le sourire aux lèvres, en attendant que Dominique Charnay parachève l’édition critique du dernier tome du Journal de Raymond Queneau.

 

Prix Amic : M. Jérôme Attal, après L’Âge des amours égoïstes

L’auteur, né en 1970, est également parolier, chanteur-compositeur et interprète. Le récit se déroule à Paris, et c’est une histoire d’amour vécue avec espoir. Citation : « Je me sentais foutu, mais tout n’était peut-être pas foutu. »

 

Prix Mottart : Mme Salomé Baudino, après Le Syndrome des cœurs brisés

L’histoire d’un logiciel capable de prédire non pas notre mort, mais la durée de notre histoire d’amour, ce qui revient à inventer une version moderne de la cartomancie, sous la plume alerte d’une romancière prometteuse.

 

Les lauréats des Prix de fondations sont désormais invités à se lever tous ensemble et nous leur rendrons hommage en les applaudissant.