Discours de réception d’Ernest Seillière

Le 23 mai 1946

Ernest SEILLIÈRE

ACADÉMIE FRANÇAISE

 

M. le Baron Ernest SEILLIÈRE, ayant été élu par l’Académie française à la place vacante par la mort de M. Henri LAVEDAN, y est venu prendre séance le jeudi 23 mai 1946 et a prononcé le discours suivant :

 

MESSIEURS,

Quand un écrivain a, comme je l’ai fait, voué sa vie à l’élaboration et à la propagation de quelques idées qui lui ont semblé utiles à répandre ; lorsque, les confrontant avec les données de l’histoire et celles de son expérience propre, il les a exposées dans un grand nombre d’ouvrages et soumises de la sorte à la méditation de ses contemporains, il a, certes, sur son chemin des approbations précieuses, obtenu des adhésions réconfortantes et noué des amitiés qui lui restent chères. En revanche, il s’est heurté à mainte incompréhension ou même à mainte hostilité dont il ne pénétrait pas beaucoup les motifs ; à la routine, aussi, cette « étrangère qui supplante en nous la raison », a dit, de l’habitude, un poète qui fut des vôtres. Tout cela est humain, trop humain.

Mais si, tandis qu’il avance vers le terme de sa carrière, vos suffrages viennent à l’appeler dans le sein de votre illustre Compagnie, il voit, dans cette marque de votre estime, le couronnement et la justification de son effort : il y trouve l’apaisement après l’incertitude, le calme du soir après le labeur du jour, l’assurance, enfin conquise, qu’il n’aura pas travaillé tout à fait en vain. Certes, il ne pensera pas avoir évité entièrement l’erreur car elle est le lot de l’humanité : mais il s’assurera d’avoir entrevu quelqu’aspect, jusqu’à lui plus confusément aperçu, de la vérité morale et sociale vers laquelle tend l’élite du genre humain. Il se sentira autorisé à prononcer, en regardant avec confiance vers l’Au-delà mystérieux, le Nunc dimittis du serviteur attaché en conscience à l’accomplissement de sa tâche, à travers les épreuves et les vicissitudes de toute existence. Les Forces animatrices de l’univers n’ont-elles pas voulu que la Vie fût essentiellement inquiétude et, par là, déjà, souffrance, vaguement perçue. Malgré le préjugé régnant, la jeunesse, hélas, n’en est pas exempte. La vieillesse, au contraire, nous apporte parfois des apaisements enviables. Vous dispensez, je viens de le rappeler, le plus enviable de tous, Messieurs, à celui que vous honorez de votre choix. C’est là un bienfait dont il se sait redevable à votre indulgence et dont son premier devoir, en prenant place au milieu de vous, est de vous exprimer sa gratitude. Je m’en acquitte en ce moment de tout cœur. Sa seconde obligation, c’est de rendre hommage, dans la mesure de ses forces, à l’homme de haut mérite qui obtint avant lui cette distinction suprême. L’écrivain que j’ai le privilège de remplacer au milieu de vous fut éminent par son caractère autant par que par son talent exquis et rare. Je vais m’efforcer de vous le rappeler dignement aujourd’hui.

 

I

 

Pour évoquer l’existence d’Henri Lavedan, nous avons en mains un document précieux. Ce sont ses Mémoires en quatre volumes dont il intitula l’ensemble Avant l’oubli et dont le tome premier porte pour suscription l’Enfant rêveur. Oui, certes, rêveur, et qui, plus tard, saura traduire souvent ses rêves en poète, bien que tout un aspect de son œuvre demeure satirique et générateur de gaieté. J’aurai plus d’une fois recours à ces attachants Mémoires qui connurent près du public un succès de bon aloi.

Les premiers souvenirs de l’auteur ont pour cadre un appartement parisien, dans l’une de ces habitations d’architecture uniforme, qui encadrent, sur trois côtés, la place du Palais Bourbon. Durant la belle saison, on y installait le tout petit garçon sur un balcon en terrasse. On l’y laissait seul et, autour de lui commençait bientôt le ballet aérien des hirondelles. Parce que l’homme, dès sa naissance, se fait instinctivement le centre de l’univers, il semblait à cet homme en miniature que ces oiseaux, au vol si léger et si sûr, ne s’occupaient pas de lui, qu’ils s’appliquaient à le chercher, à le viser, à le taquiner même quand leur essaim vagabond s’enfuyant soudain, en « cache-cache », dit-il, allant raser les toits d’alentour, dire bonsoir à de proches gouttières, ou rire à des cheminées voisines. Les hirondelles revenaient bientôt d’ailleurs, lancées à nouveau vers son visage, comme si elles avaient à lui rapporter quelque chose de leur course capricieuse et de leur chasse à travers les rayons du soleil couchant : comme si elles voulaient le favoriser « d’une becquée d’or lumineux, ou d’un brin de ciel bleu. » Dès cette heure de sa vie commençante, assure-t-il, il s’efforçait à leur répondre dans leur langage, à entrer dans leur ronde où elles allaient l’emporter bien loin, dans un vertige d’infini, lui faisant tout oublier de sa petite vie à peine éveillée. — On dirait une page du délicieux Andersen. — Ce sont ces heures de solitude enchantée qui ont fait de lui un « enfant rêveur ».

Son père, Léon Lavedan, était un homme de lettres doué de talent et de caractère, que ses aptitudes et ses goûts avaient dirigé vers la politique. Il assurait l’existence des siens par sa plume alerte de journaliste. Plus tard, il tint une place en vue dans la rédaction de l’un de nos grands journaux du matin sous un pseudonyme : Philippe de Grandlieu. Ses opinions étaient catholiques et légitimistes : ses amis se nommaient Montalembert, Falloux, Augustin Cochin. Il figura donc dans l’opposition sous le second Empire et dut même passer un mois dans la prison de Sainte Pélagie pour délit de presse. L’évêque d’Orléans, Dupanloup, qui fut des vôtres, l’avait pris en gré. Ce prélat, ardent aux luttes de la pensée, était en outre un éducateur-né. Après avoir formé longtemps avec un grand succès les jeunes Parisiens, il avait créé un collège près de sa ville épiscopale, à Saint-Mesmin où était située sa résidence d’été. Le petit Henri lui fut confié comme interne dès l’âge de sept ans.

À la différence de nombre de nos illustres, les Balzac, les malheureux Dumas fils, les Barrès qui se sentirent fort malheureux du fait de leurs maîtres, et surtout de leurs condisciples, de réactions parfois brutales, votre futur confrère s’épanouit devant ce riant paysage de France, au sein d’une atmosphère physiquement et moralement vivifiante. Il assure que, travaillant nonchalamment et réussissant donc peu dans ses études, il fut néanmoins traité avec une indulgence et une affection dont il propose l’explication la plus aimable. « Je me sentis, explique-t-il, soigné, gâté, aimé, presque préféré par mes éducateurs, uniquement parce qu’ils étaient, même le grand et redoutable évêque, émus et touchés par la joie que j’éprouvais si visiblement à vivre près d’eux, dans leur beau parc et dans leur gai val de Loire, ainsi que par l’affection expansive avec laquelle je leur témoignais cette joie ! » Pour ma part, j’estime fort permis de penser que sa modestie nous trompe quelque peu sur ce point et qu’il devait être fort attachant déjà par ces qualités naissantes du cœur et de l’esprit qui se sont plus tard épanouies dans sa personne et dans ses œuvres.

Une page délicieuse de ses premiers souvenirs scolaires est celle où il décrit une procession de la Fête-Dieu, au cours de laquelle, petit enfant de chœur, il jetait des feuilles de roses sur le parcours des officiants en s’abandonnant à des sentiments qui sont ceux de l’enfance chrétienne : « Quelle innocence alors, écrit-il ! Quelle lumière dans l’âme ! Quelle ignorance de la douleur, du mal, de tout ce qui fait l’existence pesante ! Quel enchantement absolu ! Nous ne pouvions savoir qu’ensuite, sur les chemins de la vie, il en serait de même qu’aux processions de nos premiers ans. Les roses ne restent sur la route que quand Dieu y passe et pendant qu’il y passe ! Aussitôt qu’il a passé, elles sont écrasées et salies par le pied des hommes !»

 

II

 

Le volontariat de l’enfant grandi se fit à Nantes, dans un régiment de cavalerie. Il a dans ses Mémoires d’amusants récits sur ses relations avec son cheval d’armes, d’une laideur rare et auquel il s’attacha néanmoins. Les premiers symptômes se manifestent alors en lui de sa vocation littéraire, car il éprouve le besoin d’évoquer par sa plume ce qu’il a sous les yeux chaque jour, de conter les épisodes de sa vie militaire : et cela, de façon joviale, mettant surtout en relief l’aspect pittoresque et plutôt comique des choses ou des événements. De cette propension descriptive naquit une sorte de journal dont il put tirer parti dans la suite.

Son père était devenu le directeur du Correspondant, cette vivante revue, d’inspiration catholique, qui a vécu cent ans avant de s’éteindre, il y a peu d’années. Rentré à Paris, Henri devint le secrétaire de la rédaction de ce périodique. Là, défilaient sous ses yeux attentifs et perspicaces tantôt des hommes célèbres et tantôt des importuns. Des uns et des autres, il apprenait quelque chose. Ce ne fut donc pas l’aspect poétique, mais la note critique de son talent qui se développa dans cette atmosphère et devait marquer son œuvre de jeunesse. « Regarder, a-t-il écrit plus tard, regarder d’un œil et d’un esprit curieux, indiscrets, avides ; et cela afin de voir, de voir, s’il est possible, autrement et mieux que ceux qui ne voient pas ou qui voient mal : puis, ce que l’on a discerné de la sorte, s’appliquer à le rendre perceptible pour d’autres par une certaine nouveauté d’expression, par des trouvailles de mots faisant image, de façon frappante et neuve ! Quelle occupation délicieuse ! Un travail qui est un plaisir, même quand il coûte de la peine ! Peut-on remplir ses journées de plus attrayante manière ? »

La confiance en lui-même lui venant avec le cours du temps, il s’enhardit bientôt à porter ses croquis parisiens à l’Écho de Paris où régnait Aurélien Scholl. Quoique politiquement orienté de façon toute autre que Léon Lavedan, ce boulevardier typique accepta sans hésitation d’imprimer les manuscrits du débutant. Et, merveille encore plus surprenante, le père de ce dernier admit sans délai chez son rejeton une conception de la littérature radicalement différente de celle dont il faisait profession pour sa part : l’accent de la Vie parisienne substitué à celui du Correspondant ! Plus tard, la même tolérance s’affirmera quand ce fils aventureux abordera le théâtre et elle le suivra durant toute la vie de ce chef de famille modèle, qui, jamais, ne formula sur les décisions imprévues du jeune homme une protestation, ni même une réserve. « Les réserves, a plus tard écrit le bénéficiaire de cette indulgence inlassable, il les gardait pour lui ! Toujours sa bonté m’en fit grâce. Pour tout ce qui touchait à la chose littéraire, il s’oubliait, uniquement préoccupé de se mettre à ma place par la pensée quand il s’agissait de juger mes écrits. Il s’adaptait à ma nature. C’étaient mes idées qu’il trouvait, pour moi, les bonnes, les meilleures : prompt à me soutenir, à me défendre ouvertement si l’on m’attaquait ; passant même à l’offensive au besoin, sans jamais me lâcher ! »

Le succès du jeune homme s’affirma d’ailleurs très vite. Ses charmants dialogues lui assuraient une ample clientèle de lecteurs. Il réunissait ces pages légères en volumes toujours bien accueillis du public. Celui qu’il intitula : le Vieux marcheur est de 1895 : on y goûte une philosophie de la vie qui demeure, certes, frivole et dont il n’y a pas grand chose à tirer pour l’approfondissement de la pensée. Mais l’accent désinvolte de ces morceaux sied à l’âge de l’auteur et laisse transparaître un fond d’indulgence et de bonté. Sur ces sommets de la hiérarchie sociale que hantent des fils ou des pères prodigues, — prodigues de cette richesse qu’ils ont trouvée toute faite dans leur berceau, sans avoir à peiner pour l’acquérir ; chez ces femmes légères, pleinement inconscientes de la médiocre qualité des exemples par elles offerts à leur progéniture, on croit percevoir quelque chose de cette « bonté naturelle » que notre XVIIIe siècle philosophique plaçait dans de tout autres régions de la société. Le « vieux marcheur » qui donne son titre au volume, c’est le sénateur Labosse. Écoutons-le un moment tandis qu’il converse, dans son séjour d’été, avec le curé de son village : un prêtre âgé et aimablement naïf. Le Parisien chevronné lui tient ce langage, — ou à peu près ce langage car je n’oserais reproduire ici ses discours dans toute leur liberté — Il s’agit du Jugement dernier, dans la vallée de Josaphat : « Je vous dis, monsieur le Curé, que je suis un bon et que je n’irai pas pour l’éternité avec les mauvais. Le bon Dieu ne me fera pas ça ! Informez-vous, que diable ! Consultez tout le monde, dans le pays et ailleurs : à Paris, au Sénat, au cercle, partout ! On vous répondra que je suis le meilleur des hommes... avec des vices, parbleu..., Oh, des vices à remuer à la pelle ! Sans quoi, ce serait trop beau !... Je ne suis pas un saint, mais un brave homme, avec une âme d’enfant, de petit enfant... Mon âme est simple, naïve et fraîche ? C’est une chaste fille, Monsieur l’abbé, qu’on a mariée à un vieux pécheur et qui réprouve tout ce que fait son compagnon de vie, etc. » Je m’excuse d’avoir rappelé le ton de ces petits morceaux qui furent longtemps le mode d’expression préféré de Lavedan.

C’est l’évocation de l’autre extrémité de l’existence que, deux ans plus tard, offrit au public le recueil intitulé les Jeunes ou l’Espoir de la France. Ils ne sont nullement flattés le plus souvent, ces débutants de la vie. Aussi bien, n’est-ce pas des panégyriques ou des apologies que l’on attendait de leur peintre attitré. Visitons par exemple avec lui l’appartement de l’un d’eux, d’Artelles : appartement rappelant celui du des Esseintes qui avait été décrit peu auparavant dans l’A rebours, de Huysmans : et l’on sait que les initiés de l’époque nommaient entre eux le modèle, bien, vivant, de ce dernier personnage. Ce logis de garçon, où Lavedan introduisait son lecteur, c’était à peu près le monde à l’envers. Voici le style des tableaux qui sont appendus aux murs et qui ne ressemblent guère à ceux dont s’entourent les traditionnalistes. L’artiste favori du maître de la maison ne peint, en effet, que sur les cadres. « Ça court tout le long, des quatre côtés, explique un initié... c’est gracieux au possible ! » Mais un curieux interroge : « Eh bien, et au milieu, à l’emplacement de la toile, qu’est-ce qu’il y a ? » « Oh, une gamme d’or, très doux… et la signature ! »

La note émue ne fait pas défaut cependant parmi ces appels au rire. Je songe à ce dialogue entre une pieuse aïeule et son petit-fils de vingt ans, qui se donne pour incroyant : dialogue dont l’accent est si juste, si délicatement saisi, de part et d’autre. La conclusion du débat sera tirée par la grand’mère : « Sache bien, mon petit, qu’en France on va encore à l’église ; et beaucoup ! Autant et plus qu’au café-concert. L’église est toujours là, portes ouvertes. C’est la maison où l’on revient, comme au pays natal, cacher parfois son âme en peine. L’église est une bonne moitié de la Patrie, crois-moi ! » Vingt ans plus tard enfin, paraîtront des Dialogues de guerre. L’auteur y met cette fois au service du patriotisme son talent d’évocateur des conversations de son temps. Toutefois l’esprit parisien y garde désormais le silence. Les sentiments qui honorent l’homme se font seuls entendre. Le courage, l’abnégation, l’esprit de sacrifice y sont à l’ordre du jour et s’expriment avec une conviction profonde qui agit de façon communicative. C’est ce dernier résultat que Lavedan souhaitait et qu’il escomptait en revenant ainsi, de façon tardive, aux formes de pensée et de style qu’il avait préférées tout d’abord.

Il nous a laissé non seulement dans ses piquants dialogues de jeunesse, mais dans ses amples Mémoires de vieillesse, des pages précieuses pour l’histoire des mœurs dans notre pays à la fin du XIXe et au début du XXe siècle. Il a décrit notamment les cercles ou clubs élégants dont il fut membre : en particulier celui de la rue Boissy d’Anglas dont le surnom avait été emprunté au vocabulaire de l’argot, l’Épatant. Les portraits de ses collègues marquants, dans ces réunions masculines quotidiennes, se pressent sous sa plume alerte. Il trace des silhouettes de joueurs vraiment impressionnantes. Je m’arrêterai plutôt à celle du Vieux Parisien qui nous ramène au sourire. (Ne pas le confondre avec le Vieux Marcheur.)

« Le premier venu ne pouvait prétendre à ce titre envié, nous est-il exposé. Il convenait d’avoir mérité un qualificatif aussi flatteur par un genre de vie fort absorbant, mais qui vous dispensait, au besoin, d’esprit, de talent et de toute originalité quelconque. Il y fallait en premier lieu une impeccable tenue, consistant moins à observer la mode en esclave qu’à s’en affranchi au contraire en se faisant sa mode à soi-même : c’était le plus souvent celle du second Empire qui, pour les vieux Parisiens de la fin du siècle, demeurait depuis leurs vingt ans à la fois attachée à leur cœur et pour ainsi dire collée à leur peau. » Il y fallait encore l’assiduité à toutes les réunions qualifiées bien parisiennes : répétitions générales et premières dans les théâtres de marque, vernissages des expositions d’art, garden-parties des ambassades, ventes sensationnelles à l’Hôtel Drouot ou ayant pour objet la charité. Bref perpétuellement et partout, il s’agissait de faire acte de présence, d’avoir été vu là où on devait l’être et cette préoccupation déterminait le programme de chaque journée pour ces représentants qualifiés de l’existence parisienne d’alors, si enviée par nombre de gens au delà de nos frontières.

 

III

 

Peu après la trentaine, les prédilections littéraires de Lavedan se portèrent du côté de la scène. Sa première pièce représentée, Une Famille, fut bien accueillie ; mais la seconde, le Prince d’Aurec, le mit déjà tout à fait en vue. Elle fut jouée au Vaudeville, par la troupe excellente qu’y avait réunie Porel et Carré. L’auteur décida d’y utiliser les études sur la haute vie parisienne qu’il donnait depuis quelques années au public. Mais ses personnages habituels prirent alors devant sa pensée, dit-il, une importance qu’ils n’avaient pas revêtue tout d’abord. Ils lui apparurent comme grandis par l’existence supérieure à laquelle il prétendait les élever, puisqu’il allait tenter de les faire vivre, en chair et en os, sous les yeux du spectateur. Ses « pantins » du journal surgissaient désormais devant son regard avec une portée imposante, bien qu’il ne se privât pas de leur être sévère — À sa surprise toujours renouvelée, Léon Lavedan, son père, l’un des favoris de ce monde aristocratique que le dramaturge malmenait parfois sans pitié, approuva pourtant de telles sévérités dans son théâtre, y voyant, pour l’aristocratie française de l’époque, des leçons salutaires. Le Prince d’Aurec naquit donc et triompha. Les deux Noblesses, portées à l’Odéon, y réussirent moins. On y voit le fils du prince d’Aurec devenu, sous un nom bourgeois volontairement adopté (celui de M. Roche) un grand, industriel estimé. Mais le fils de ce dernier épousera la charmante fille d’un gentilhomme voisin : écho du théâtre de Jules Sandeau ou de George Sand.

Viveurs, tiré plus directement des dialogues, satiriques de l’auteur, retrouva le succès du Prince d’Aurec — sur la scène du Vaudeville cette fois encore. Mais de l’ensemble du théâtre de Lavedan se détachent deux œuvres dont il me faut dire quelques mots. Le Duel est une lutte entre deux morales : celle du Christianisme qui assure la solidité des liens de famille en préparant ses fidèles au respect des devoirs du mariage ; et cette conception exaltée de l’amour irrésistible et souverain que j’ai souvent proposé de nommer un mysticisme passionnel. Deux religions antagonistes donc ! Elles s’affrontent sous les yeux du spectateur dans les personnages d’un prêtre et d’un médecin qui sont frères par le sang. L’éducation catholique de Lavedan lui a permis de prêter au premier le langage élevé qui convient à sa robe. Sa science sans égale de la vie moderne l’habilitait pour plaider l’autre thèse avec le plus persuasif accent : ceci au cours d’une intrigue conçue et conduite avec une rare maîtrise. Il parvient à tenir jusqu’au bout la balance à peu près égale entre ces deux conceptions de la vie : puis il dénoue la situation au gré du spectateur moyen en supprimant le mari odieux qui était l’obstacle à la fois au bonheur de l’héroïne et à la réconciliation des « duellistes » fraternels.

Le rôle du prêtre fut, l’un des plus brillants de la belle carrière théâtrale de Lebargy. Celui-ci trouva toutefois un triomphe encore plus complet sous les traits du marquis de Priola. Dans ce dernier drame — une œuvre puissante — Lavedan a su peindre de couleurs renouvelées le type éternel de Don Juan qui hante les imaginations masculines autant que les féminines et à qui les générations successives s’efforcent de prêter des traits qui le leur rendent sympathique en le marquant au sceau de leurs préférences ou de leurs aspirations. Le jeune premier chevronné du Théâtre Français y remporta, en le promenant à travers le monde, les plus grands succès du soir de sa vie. Si les plaidoyers de la passion qui ne connaît qu’elle-même et fait litière des acquisitions morales de l’humanité ont trouvé, cette fois encore, leur expression hautement éloquente sous la plume de Lavedan ; ils se voient finalement réfutés par les faits, par les réactions de la société contre son agresseur cynique, au cours d’un dénouement très dramatique qui s’apparente à celui de la légende espagnole fameuse, puisque Priola connaîtra, dès cette vie, un avant-goût des flammes éternelles.

L’approche, pressentie par tous, de la guerre de 1914 encore inspirer à l’écrivain une œuvre de théâtre qu’il intitula Servir. Refusée par la Comédie Française qui craignit de troubler la quiétude aveugle de ses abonnés et de ses habitués, la pièce fut accueillie par Lucien Guitry. Lavedan, dissimulé derrière le décor, observait les impressions de la salle. Il nous a confié dans ses Mémoires, les émotions qu’il éprouvait en voyant tous les visages tendus à suivre, dans ses péripéties, l’action patriotique imaginée par lui. Il eut bientôt noté dans sa mémoire les passages, les mots qui, chaque soir, amenaient aux yeux d’un grand nombre d’hommes, aussi bien que de femmes, des larmes que nul ne songeait à cacher. « Chaque soir, a-t-il écrit plus tard, ces larmes que je guettais, que j’espérais, je les voyais, au moment voulu par moi, rouler sur des joues qui n’étaient pourtant jamais les mêmes. Ineffables impressions, si pures que je m’arrête dans la crainte de les gâter en exprimant ! » Il y avait là, en effet, des pères, des mères et des épouses qui allaient se voir endeuillés peu après par la criminelle folie de l’Empereur allemand. J’ai été l’un de ceux-là.

La guerre vint. Lavedan en fut remué jusqu’au fond de l’âme. Après les premières semaines amères, il écrivit le bel hymne à la patrie dont je dirai quelques versets : « Je crois à la force du droit, à la croisade des civilisés, à la France éternelle, impérissable, nécessaire... Je crois au prix de la douleur et au mérite des espoirs… Je crois aux vœux sacrés des vieillards et à la toute puissante ignorance des enfants. Je crois à la prière des femmes, à l’héroïque insomnie de l’épouse, au calme pieux des mères, à la pureté de notre cause, à la gloire immaculée de nos drapeaux. Je crois à notre grand passé, à notre grand présent, à notre plus grand avenir. Je crois aux vivants de la patrie et je crois à ses morts. Je crois aux mains armées du fer et aux mains jointes pour la prière. Je crois en Dieu, je crois en nous. Je crois, je crois ! » Il ajoute : « Jusqu’au bout, quoi qu’il arrive, je ne cesserai pas de réciter cet acte de foi qui est mon cantique, ma litanie, mon Credo, mon alléluia ! » Deux fois depuis un demi-siècle, dans un double miracle, cet acte de confiance a été justifié par l’événement.

Ce fut en 1898, au cours de ses succès de théâtre, que Lavedan allait devenir l’un des vôtres ; et, cela, avant d’avoir accompli sa quarantième année. Certains académiciens de l’époque accueillirent, dit-il, sans bonne grâce sa visite protocolaire, ils auraient même prononcé devant lui : « Ah, s’il s’agissait de votre père. » Mais ce père, jusqu’au bout généreux, s’était, — comme vers même temps Émile Deschanel, — effacé volontairement devant un rejeton plus brillant que lui-même. Par la suite, Henri Lavedan sut remercier ses électeurs, en esquissant, Messieurs, un bel éloge de votre Compagnie dont je voudrais rappeler ici quelques mots : « Comment dire, a-t-il rappelé, l’immense rôle moral et social que l’Académie Française a joué dans tous les domaines, le précieux rayonnement de sa propagande à travers le monde, l’autorité qu’elle possède, acquise au cours du temps dans les questions qui, en dehors et bien au-dessus de sa destination primitive, lui commandent d’intervenir et de donner son avis, si souvent attendu.

 

IV

 

Il me reste à parler des œuvres de vieillesse de mon prédécesseur au milieu de vous : œuvres dictées surtout par la foi chrétienne pleinement épanouie de nouveau dans sa pensée. Je mentionnerai d’abord La Belle Histoire de Geneviève, fruit, elle aussi, des angoisses patriotiques de Lavedan pendant la guerre de 1914. C’est une sorte de « mystère » à l’imitation de ceux que goûta notre moyen âge croyant : mais un mystère de vastes proportions et de communicative émotion. Comme Faust l’ouvrage commence et s’achève dans le ciel chrétien, sans rien toutefois des fantaisies singulières qui déparent la conclusion du poète germanique. La sainte, qui deviendra la patronne de Paris, est présentée comme la déléguée de Dieu au salut physique et moral de Lutèce. Le grand miracle de sa vie, la mise en fuite imprévue des Huns d’Attila, est retracé avec une émotion intense. L’héroïne du merveilleux épisode atteint un grand âge, devient la confidente du roi Clovis et de sa sainte compagne, la reine Clotilde ; elle les conseille l’un et l’autre pour le bien de leurs sujets, Geneviève s’éteint enfin dans des sentiments admirables de résignation au trépas, cette porte ouverte sur l’éternité dont elle attend la récompense des vertus exercées par elle ici-bas. À ceux qui l’assistent de leurs prières sur son lit d’agonie, elle dirait volontiers comme une chrétienne de notre temps dont j’ai jadis conté l’intéressante carrière, Sophie Swetchine, cette Russe devenue Parisienne d’adoption au milieu du siècle dernier : « Surtout ne demandez à Dieu pour moi ni un jour de plus, ni une souffrance de moins ». Belles paroles qui résument les leçons de l’ascétisme chrétien.

En rouvrant ce pieux mystère d’Henri Lavedan que j’avais tiré à cet effet de ma bibliothèque après un quart de siècle écoulé depuis sa publication, j’y ai retrouvé une lettre de l’auteur, à moi adressée, et dont j’avais oublié l’existence ? Je venais de présenter son livre aux lecteurs de La Revue Critique, que créa Gaston Paris. Lavedan voulu bien me remercier en quelques lignes. Ce bref inédit de sa plume dira quelle fut la cordialité de nos relations. « Mon livre, m’écrivait-il donc, fut conçu pendant la guerre (de 1914) dans un élan passionné de foi religieuse et patriotique. Il m’est, je vous l’avoue, particulièrement cher pour tout ce que j’ai tâché d’y mettre d’ardent et de pur. Il est pour moi une sorte d’ex-voto que j’ai voulu suspendre au-dessus des autres œuvres de ma vie. Vous comprendrez donc tout le plaisir et l’émotion que ne pouvait manquer de me causer votre cordial jugement, etc. » J’arrête ici ma citation pour ne pas faire écho à une apologie trop indulgente des qualités de ma critique.

Le genre littéraire jadis cultivé par les Eugène Sue ou les Frédéric Soulié et que nous avons plus récemment baptisé « le roman-fleuve » tenta la verve de Hugo, vers la fin de la monarchie de Juillet. Il en traça une esquisse sous ce titre, Les Misères. Plus tard, il la reprit en main, dans un état d’esprit assez amplement modifié par les évènements de 1848 et il en fit Les Misérables. C’est de ce dernier ouvrage que s’inspira en partie Lavedan quand il écrivit en sept volumes les récits qui composent son vaste roman : Le Chemin du Salut : récits à la fois attachants et sains. Leur lecteur partage les émotions tendres ou inquiètes de l’aimable Irène Olette et de sa marraine, la bienfaisante Mme Lesoir, il réprouve Gaudias, le médecin malhonnête et plus encore Panteau, l’affreux repris de justice. La guerre de 1914 fait un tragique décor de fond à mainte scène émue, et la conclusion de l’œuvre est un débat imprégné de spiritualité sur les conséquences de ce premier cataclysme contemporain, si largement dépassé, cependant, en horreur de toutes sortes, par celui qui vient de s’achever.

Un prêtre admirable, qui tient une grande place dans le développement de la très complexe intrigue croit, en effet, devoir interroger des spectateurs compétents sur le résultat moral de la tourmente qui vient de secouer l’Europe. Les réponses obtenues sont souvent pessimistes. « La guerre, dit l’un, a fatigué les bons et fortifié les méchants. » Un autre prononce qu’elle a « tout empiré ». Un troisième, qu’elle laisse l’humanité sans changement, c’est-à-dire, aussi laide qu’auparavant. Mais l’homme de Dieu n’accepte pas ces appréciations trop dénigrantes. « Certains, dit-il, ont pourtant retrouvé dans l’orage ce « chemin du salut » qui est le thème d’ensemble du roman. » Peu fréquents, peut-être, ont été ces hommes de bonne volonté, car entre les nombreux appelés, la sagesse conseille de prévoir un petit nombre d’élus. Pauci vero electi ; mais ceux-là prépareront les voies à d’autres. La guerre est le Golgotha de l’humanité. Dieu nous a fait cet honneur insigne de vouloir que, nous aussi, nous ayons notre Passion. Le chemin du salut ne saurait être qu’un chemin de la Croix — Noble parole qui résume l’expérience d’une vie droitement conduite !

 

V

 

Un fort beau livre enfin, est celui qui s’intitule Monsieur Vincent, Aumônier des Galères. Cette hagiographie qui est en même temps une biographie profondément fouillée m’apparaît comme le chef-d’œuvre de la vieillesse de Lavedan, presque septuagénaire quand il la donna au public. Ainsi que son titre l’annonce, il y est fait une grande place à cette pénalité barbare, héritage de l’antiquité païenne et dont la vapeur, puis l’électricité ont délivré le monde civilisé : celle qu’on appelait chez nous les galères. La description de la vie atroce des rameurs enchaînés à leurs bancs pendant des mois entiers, met en plein relief la charité du saint, dévoué corps et âme au soulagement de leur misère.

M. Vincent survit cependant plutôt dans la mémoire des hommes par sa grande et durable création d’un ordre religieux féminin qui a étendu son action au monde entier. La Fille de la Charité devait donc tenir et tient en effet sa place dans l’évocation, par Lavedan, des mérites du Saint. Tout d’abord nous est tracé le portrait moral de cette sœur des pauvres : de préférence, dit-il, une bonne fille de la campagne, ayant, pour bien servir les malades et les malheureux dans leurs épreuves, toutes les qualités et les vertus de la servante modèle, parce qu’elle est la servante de Dieu : alerte, gaie, courageuse aux plus pénibles besognes. — Des pages excellentes rappellent ensuite les détails du costume qui lui fut donné par son père spirituel et je m’arrêterai un instant à celles où l’auteur évoque la coiffure, de tout temps si populaire, qui signale de loin au passant l’approche de ces religieuses.

« Ne pensez pas, nous en dit Lavedan, que cette grande coiffe, avec sa large envergure, alourdisse nos voyageuses pour le bien, et pèse en quoi que ce soit à leur front. Il les allège moralement au contraire et les soulève en leur donnant des ailes. Il leur fallait de fines coiffes d’un blanc fin. Il fallait que ce blanc, le plus parfait, le plus lisse, le plus uni, le plus chastement glacé demeurât toujours tel, du matin au soir, à travers les occupations de la journée : qu’il éclatât et reluisit au chef de celles qui l’ont convoité et conquis comme un virginal emblème de la couleur de leur âme sans tache. Et, en effet, au cours d’une existence physique si active, leur cornette conserve intacte sa pureté, sa forme angélique, son immarcescible blancheur. Elle repousse la souillure. Processionnelle en escortant les cierges et les bannières, ou bien oscillant aux jeux des enfants, aux cris de la rue, aux remous de la foule, on la vénère et on l’aime. Elle est adorable et sacrée ; elle est unique. On n’a qu’à dire ; la cornette et tout le monde a compris. C’est celle-là, pas une autre : celle de la bonne sœur, la sœur de Saint Vincent-de-Paul. »

 

VI

 

En achevant ses Mémoires, Lavedan nous confie que, de ses années les plus récentes, il n’a pas gardé de « souvenirs » dignes de porter ce nom, selon lui. Il faut, dit-il, du recul pour que les souvenirs s’affermissent en nous et y reçoivent la patine du temps. Puis encore, des nombreux volumes par lui soumis au public, il se demande ce qui survivra ? L’avenir de son œuvre, il renonce à le deviner. Si son nom du moins doit être retenu, c’est à son travail assidu qu’il le devra. De ce travail tout au moins, il se sent le possesseur incontestable. Cela lui est acquis et on ne peut plus le lui soustraire. Pendant un demi-siècle, il s’est vu comblé par la vie bien au delà de ses vœux. La Providence l’a traité avec une libéralité telle, qu’il en demeure à jamais étonné. Parvenu à l’âge avancé qu’il a, dès ce moment atteint, il constate, avec une infinie reconnaissance, que rien ne lui aura manqué de ce qui compose une vie heureuse, pas même d’avoir souffert.

Ce testament est digne d’être admiré, n’est-il pas vrai ? Il me paraît d’autant plus méritoire dans sa simplicité et dans sa sérénité qu’il me reste à dire quel fut, aux épaules de Lavedan, le poids de cette souffrance, si discrètement mentionnée par lui. J’ai eu en effet l’avantage précieux de recueillir sur ce point les souvenirs du plus intime des témoins de sa vie, de l’épouse admirable qui a tant élargi sa part de bonheur ici bas. Cet homme que l’opinion jugeait particulièrement favorisé en tout de la fortune, a mené, au physique une existence de martyr. Il la supporta cependant avec un courage inlassable, en gardant même toutes les apparences de la sérénité et parfois de la gaîté : cette gaîté qui, longtemps, se refléta dans ses écrits. Et pourtant, dès l’âge de vingt-cinq ans environ, — c’est-à-dire, peu après ses débuts littéraires, et à l’heure où il commençait, pour de longues années, à faire sourire ou rire ses contemporains, — il ressentit les premières atteintes d’une surdité sans cesse aggravée dans la suite : infirmité qui allait lui rendre fort difficile toute communication avec ses semblables. Cette épreuve morale, déjà lourde, fut singulièrement aggravée à son égard par le fait qu’elle s’accompagna presqu’aussitôt pour lui, et sans rémission sa vie durant, de sonorités internes et subjectives contre l’importunité desquelles il ne trouva jamais de remède.

Rousseau, dont il différa sur tant d’autres points, nous a confié, dans ses Confessions, qu’il fut la victime d’une obsession analogue, qui ne le priva pas de l’ouïe cependant. Mais il avait subi, peu après ses vingt ans, lui aussi, et pendant son séjour aux Charmettes, une crise nerveuse qui lui laissa, dit-il, un continuel bruit d’oreilles ; un bruit quadruple dont, en musicien-né, il nous décrit avec soin les modulations diverses. C’est là un supplice dont il y a beaucoup d’autres exemples et qui a conduit parfois ses patients à la folie ou au suicide. Non seulement Henri Lavedan en porta vaillamment le faix tout le long d’une existence si bien remplie par ailleurs, mais il se fit, à l’occasion, le conseiller spirituel de malades affectés de maux analogues aux siens. Pour récompense, il recevait des infortunés qu’il avait soutenus, de ses exhortations et de ses exemples, des lettres de touchante reconnaissance. La foi religieuse qui avait tenu une grande place dans sa vie, surtout vers le terme de cette vie, fut pour beaucoup dans son héroïsme de tous les instants devant la douleur.

C’est sur ce dernier aspect de sa physionomie morale qu’il m’a semblé juste, Messieurs, de terminer devant vous son éloge, un écrivain excellent doublé d’un homme de bien dans toute la force du terme ; le vir bonus dicendi peritus qui fut pour nos ancêtres latins, ce que l’honnête homme a été depuis pour nos aïeux du siècle classique, tel m’apparaît Henri Lavedan. Devant le monde qui pense, ce bon Français a honoré notre pays et bien mérité de la patrie.

De tels répondants nous avons aujourd’hui grand besoin car notre pays traverse en ce moment une de ces crises de santé qu’il a souvent connue au cours de son histoire glorieuse et qu’il a toujours surmontées avec honneur. Il faut présentement qu’une fois de plus, il se réveille d’une passagère défaillance, afin que bientôt non seulement restauré, mais grandi, il reprenne avec autorité son rôle initiateur dans le monde. Il se doit en effet de mériter mieux que jamais l’épithète que nous aimons entendre accompagner son nom parce ce qu’elle suscite en nous des espoirs et des énergies tout ensemble : la France immortelle.