Discours de réception de M. de Malesherbes

Le 16 février 1775

Guillaume-Chrétien de LAMOIGNON de MALESHERBES

M. Lamoignon de Malesherbes, ayant été élu par l’Académie française à la place laissée vacante par la mort de M. Dupré de Saint-Maur, y est venu prendre séance le jeudi 16 février 1775, et a prononcé le discours qui suit :

 

Messieurs,

Je reçois en ce jour un honneur auquel je n’avois jamais osé prétendre.

Content d’admirer vos ouvrages en silence, je m’estimois heureux d’être né dans le siècle qui les voit éclore, sans aspirer à être un jour couronné par vos suffrages.

Deux illustres Académies avoient déjà daigné m’admettre dans les places occupées par les amateurs des belles-lettres et des sciences. Il est donc aussi parmi vous des lauriers destinés à ceux qui ne se sont fait connoître que par leur amour pour les lettres, et leur vénération pour les grands hommes qui les cultivent ; ou dois-je croire que vous mettez les sentimens patriotiques au nombre des titres littéraires ?

J’ai le bonheur de parler au nom d’une Cour dont les vœux ont été reçus favorablement du Roi, et dont le zèle, je crois qu’il m’est permis de le dire, a été applaudi par la nation.

Si ce sont là les titres qui me font asseoir parmi vous, je m’en glorifie, Messieurs, encore plus que s’ils m’étoient personnels. J’en dois cependant faire hommage à ceux dont je ne fus jamais que l’organe, qui m’ont éclairé de leurs lumières, m’ont guidé par leurs exemples, ont fait passer dans mon ame les sentimens dont ils sont pénétrés.

Je n’aurai point, Messieurs, la témérité de traiter des questions littéraires devant les juges suprêmes de la littérature. Vos suffrages peuvent m’enorgueillir, mais ils ne doivent pas m’aveugler.

Je me permettrai seulement de considérer en citoyen le rang que tiennent à présent les lettres entre les différens ordres de l’état, et je félicite l’Académie, je félicite mon siècle et ma patrie, de ce qu’aujourd’hui tout ce qui mérite d’occuper et d’intéresser les hommes est du ressort de la littérature.

Le public porte une curiosité avide sur les objets qui autrefois lui étoient le plus indifférens. Il s’est élevé un tribunal indépendant de toutes les puissances, et que toutes les puissances respectent, qui apprécie tous les talens, qui prononce sur tous les genres de mérite ; et dans un siècle éclairé, dans un siècle où chaque citoyen peut parler à la nation entière par la voie de l’impression, ceux qui ont le talent d’instruire les hommes, ou le don de les émouvoir, les gens de lettres, en un mot, sont, au milieu du public dispersé, ce qu’étoient les orateurs de Rome et d’Athènes au milieu du peuple assemblé.

Cette vérité, que j’expose dans l’assemblée des gens de lettres, a déjà été présentée à des Magistrats, et aucun n’a refusé de reconnoître ce tribunal du public comme le juge souverain de tous les juges de la terre.

Si nous voulons remonter à l’origine de cette révolution qui s’est faite dans nos mœurs, nous trouverons qu’elle a suivi les progrès de la littérature, qu’elle a commencé immédiatement après l’institution des Académies.

Autrefois la plupart des sciences étoient absolument étrangères à ceux qui couroient la carrière de l’esprit et des talens. Plusieurs Arts, dont nous admirons aujourd’hui la profonde théorie, étoient relégués au nombre des professions viles, et méprisés par ceux même qui se piquoient de philosophie.

 Les Poètes et les Orateurs, qui composèrent l’Académie naissante, ne s’exercèrent que sur des sujets que leur pésentoit l’histoire, ou sur ceux dont l’antiquité leur offroit des modèles ; et dans ces étroites limites, des entraves inconnues aux anciens resserroient encore leur génie. Ils célébroient les grands hommes, ils exaltoient les sentimens héroïques ; mais aucun n’auroit osé consacrer ses talens à sa patrie.

Corneille lui-même ne put déployer sa grande ame que quand il eut à peindre celle des hommes célèbres de l’antiquité. Ce n’est que sous ces noms respectés qu’il dicta ses immortels préceptes aux Rois, aux guerriers, aux citoyens de tous les ordres et de tous les âges.

Rendons cependant justice aux vues profondes de votre fondateur. Quand ce Ministre, dont toutes les pensées étoient celles d’un homme d’état, conçut le projet de créer en France un corps littéraire, croyons qu’il avoit prévu jusqu’où s’étendroit un jour l’empire des lettres chez la nation qu’il avoit entrepris d’éclairer.

Ses vœux furent remplis, et bientôt les lettres prirent un tel essor, que l’Académie ne put avoir d’autre protecteur que le Roi lui-même. Cependant la foiblesse de Louis XIII expirant, la jeunesse de son successeur, et les troubles du royaume vous obligèrent de chercher encore un asile pendant les orages. Il vous fut offert par Séguier, non moins ami des lettres que Richelieu. Vous lui déférâtes le même titre qu’à votre fondateur. Il vous prêta un appui qui vous étoit encore nécessaire, et n’attenta jamais à votre liberté ; ce qui n’est pas un éloge médiocre pour un protecteur.

Après sa mort, le Roi prit en main l’administration de l’Académie, comme, après Mazarin, celle de tout son royaume.

Louis, né avec un esprit juste et l’ame la plus ferme et la plus élevée, étoit fait pour porter au plus haut point les vertus auxquelles il seroit appelé par le génie de son siècle : s’il eût vécu dans le temps des Valois, il n’eût peut-être été que guerrier et conquérant ; s’il régnoit aujourd’hui, il ne seroit sans doute que législateur et bienfaiteur de son peuple. Dans le moment où il fut placé sur le trône, il mit le combe à la gloire des François par des victoires, et prépara leur bonheur par des lois plus sages que celles qu’on avoit connues jusqu’alors, et par la protection qu’il accorda aux lettres.

La brillante littérature appelée en France avec les beaux Arts du temps de François 1er,parvint sous Louis XIV, à ce degré de splendeur après lequel elle ne fait souvent que décroître ; et les sciences de raisonnement, dont la marche est plus lente, mais qui n’ont jamais de mouvement rétrograde, arrivèrent aussi à la voix de ce Roi et furent posées par lui sur la plus solide de toutes les bases, sur des établissemens dirigés par Colbert.

Ce fut sous ce règne que disparut tout-à-fait le préjugé barbare qui avoit condamné nos ancêtres à l’ignorance. Le nom et l’objet de chaque science furent connus, et les savans de toutes les classes obtinrent la considération qui leur est due.

Il parut un sage qui parloit également la langue de tous les savans et celle des gens du monde, et qui avoit le don de répandre la lumière et l’agrément sur les sujets les plus obscurs et les plus ingrats ; c’étoit le neveu des Corneilles. Ce fut lui qui servit d’interprète entre tous les hommes de son siècle ; et c’est depuis cette époque qu’il n’existe plus de barrière entre la science et les talens, et que l’art d’écrire est presque inséparable de l’art de penser.

Aujourd’hui les secrets de tous les Arts sont dévoilés, ou vont l’être. On a trouvé ce qu’on auroit cherché inutilement dans les siècles passés, des artistes capables de les écrire, et des lecteurs capables de les entendre.

L’étude de la nature n’est plus une froide contemplation, elle remue l’ame par des ressorts aussi puissans que ceux de l’épopée. Le Pline françois a su, par la seule magie du style et sans le secours de la fiction, prêter aux brutes son éloquence, et nous intéresser par les êtres inanimés.

La géométrie elle-même est justifiée du reproche d’aridité qu’on lui a fait pendant tant de siècles. Les oracles de cette science sont encore proférés dans une langue mystérieuse ; mais les prêtres de ce temple ne se tiennent plus éloignés des autres hommes. Celui qui instruisit les savans par de lumineuses théories, sait aussi obtenir du public les applaudissemens dus à l’homme de génie. Le profond mathématicien devient le rival de Tacite : Que dis-je ? Il s’élève au sommet de toutes les sciences, et c’est lui qui en a tracé le tableau général et tous les rapports. Il marche parmi vous, Messieurs, le front ceint d’un laurier inconnu à Newton lui-même.

Enfin la littérature et la philosophie semblent avoir repris le droit qu’elles avoient, dans l’ancienne Grèce, de donner des législateurs aux nations.

Nous n’avons plus, à la vérité, la tribune des Démosthènes et des Cicérons. Les Souverains et les Républiques n’appellent point encore les philosophes sur la foi de leur renommée, pour leur dicter des lois. Cependant une voix s’est élevée, et c’est au milieu de vous, Messieurs, c’est du sein de cette Académie : Montesquieu a parlé, et les nations ont accouru pour l’entendre. Il eut des disciples passionnés ; il fit naître de puissantes contradictions. Quelque jugement qu’en porte la postérité, il est toujours certain qu’aujourd’hui les philosophes regardent la législation comme un champ ouvert à leurs spéculations, et que les jurisconsultes cherchent à porter dans leurs travaux le flambeau de la philosophie.

     Osons dire même qu’un heureux enthousiasme s’est emparé de tous les esprits, et que le temps est venu où tout homme capable de penser, et sur-tout d’écrire, se croit obligé de diriger ses méditations vers le bien public.

L’histoire destinée à être l’école des Rois et des Grands, s’étoit presque entièrement bornée, depuis plusieurs siècles, à des récits de combats. Aujourd’hui on y démontre aux ambitieux l’inutilité de leurs rivalités et de leurs guerres ; on leur prouve que la cruauté est aussi une absurdité ; et j’ose prédire, Messieurs, qu’à l’avenir, nul de vous ne rappellera le souvenir des temps d’héroïsme et de barbarie, sans détester ce qui a fait l’admiration de nos ancêtres.

Ce sont à présent les sages de toutes les nations qui se sont chargés d’approfondir les principes de toutes les sociétés, et de nous faire connoître les hommes de tous les siècles.

Déjà le progrès des mœurs, depuis Charlemagne jusqu’à nos jours, a été présenté dans des tableaux faits pour intéresser les lecteurs de tout âge, de tout sexe, de toute condition. Déjà les différentes constitutions des empires qui nous environnent ont été développées. Nous connoissons la suite des événemens qui les ont formées, et l’influence qu’elles ont eues sur le sort des peuples.

Je vois un philosophe, un littérateur qui rempliroit plus dignement que moi la place dont vous m’avez honoré ; je le vois renoncer aux succès flatteurs qu’il obtint plus d’une fois dans le commerce des Muses, pour se livrer à de pénibles recherches sur les causes du bonheur des hommes ; je le vois, après s’être distingué dans la guerre, annoncer aux Souverains la nécessité de la paix, digne de plusieurs ancêtres que l’histoire nomme parmi nos plus célèbres guerriers ; digne aussi de ce savant, cet éloquent, ce vertueux Magistrat, qu’aucun citoyen ne peut entendre nommer, sans rendre à sa mémoire un tribut de tendresse et de vénération, et qui auroit reconnu son petit-fils dans l’auteur de la félicité publique.

L’Académicien à qui je succède, né dans la magistrature, avoit été entraîné vers les lettres par un goût invincible. L’essai de ses talens avoit été d’enrichir notre littérature du chef-d’œuvre de la nation notre rivale. C’est avec ce titre brillant qu’il avoit été reçu dans cette Académie. Sa maison devint même un lycée où se réunissoient la science, l’esprit et la décence, où ce grand Montesquieu dissertoit avec le naturaliste Réaumur, où toutes les sciences se communiquoient à l’envi leurs secrets. C’est là, c’est au milieu de ces entretiens intéressans que ce vertueux citoyen conçut et exécuta le projet de se dévouer entièrement à de laborieuses et effrayantes compilations sur la valeur des monnoies et sur le prix des denrées, travaux fastidieux pour le traducteur de Milton, mais dignes de l’ami de Montesquieu, puisqu’ils sont utiles à l’humanité.

Le public en a vu des essais, qu’il a dû prendre pour des ouvrages complets. Cependant d’autres ouvrages bien plus étendus ont été trouvés après sa mort, et le public n’en sera point privé. Le temps n’est plus où une politique jalouse faisoit ensevelir de pareils trésors dans des archives secrètes, où ils étoient bientôt oubliés. Ces précieux manuscrits ont été remis à un Ministre dont les opérations ne sont enveloppées d’aucun voile ; qui pense que son cœur doit être ouvert à tous les citoyens, parce que leur bonheur doit être l’unique objet de ses travaux ; et qui trouvera toujours dans l’estime et l’amitié des gens de lettres, le digne prix de tout le bien qu’il veut faire aux hommes.

C’est ainsi que, sous l’empire des lettres, chaque citoyen travaille pour l’état ; et l’homme d’état s’éclaire des lumières de tous ses concitoyens. C’est ainsi que les différentes professions, les différens caractères, les différens talens sont entraînés par une pente commune, vers un objet unique ; et cet objet est le bonheur des hommes.

Songeons enfin que le plus beau génie de notre siècle auroit cru sa gloire imparfaite, s’il n’eût employé, à secourir les malheureux, l’ascendant qu’il a pris sur le public. Je sais que ce n’est point à moi de louer les talens de cet homme universel, en présence du public accoutumé à lui prodiguer ses acclamations, et devant vous, Messieurs, à qui seuls il appartient de décerner les palmes du génie ; mais il m’est permis de remercier, au nom de l’humanité, le généreux défenseur de plusieurs familles infortunées ; celui qui, du fond de sa retraite, sait mettre les innocens sous la protection de la nation entière ; et je dois observer, à l’honneur de mon siècle, que les poètes immortels qui ont illustré la Cour d’Auguste et celle de Louis XIV, n’ont pas eu cette gloire de joindre aux titres littéraires le titre sacré de protecteur des opprimés.

Il est donc temps de rendre un juste hommage à ce siècle dans lequel nous avons vécu, et au règne qui vient de finir.

Louis XV aima plusieurs sciences. On le vit souvent admettre dans sa familiarité l’Astronome, le Géographe, le Mécanicien, le Naturaliste, et il s’intéressoit à leurs travaux. Il faut cependant avouer que ce ne furent point ses goûts personnels qui hâtèrent les progrès des sciences favorisées.

Mais sous son règne, les savans de tous les genres furent protégés, parce qu’il savoit que cette protection leur étoit due, parce qu’un sentiment naturel le portoit à honorer le mérite, et toujours sans le faste de protection, sans aucun retour vers sa propre gloire, sans vouloir diriger les travaux qu’un Souverain ne doit qu’encourager, sans prétendre dicter des lois impérieuses au génie ; et c’est sous cette douce et tranquille administration, que les sciences livrées à elles-mêmes, ont fait des progrès supérieurs à ceux des autres siècles ; que la raison humaine s’est perfectionnée ; enfin que l’humanité a semblé renaître dans les cœurs et en chasser les restes de la barbarie : l’humanité qui existe en nous avant la science, et même avant la sagesse : l’humanité qui n’est point un présent de la philosophie, mais qui fut souvent étouffée par des préjugés, enfans de l’ignorance, par une passion exclusive et insensée pour la seule gloire des armes, par des haines aveugles de parti, de nation, de religion, et qui reprend aisément son empire dans l’instant heureux où le retour de la raison ramène la morale à ses vrais principes, et où le charme des lettres fait revivre les vrais sentimens de la nature.

Heureux le Monarque destiné à donner des lois à une nation chez qui tous préjugés contraires au bonheur des hommes commencent à s’évanouir, et dans le moment où le patriotisme et la bienfaisance sont les vertus que le public aime à encenser !

Vous, Monsieur1, qui avez le bonheur d’approcher du Roi, et la gloire d’avoir contribué à son éducation, vous nous avez annoncé que sa grande ame s’indigne de la louange, dès qu’elle approche de la flatterie. C’est nous dire assez que toute louange nous est défendue ; car les éloges donnés à un Roi sont toujours voisins de l’adulation.

La postérité seule peut louer dignement les Rois, puisqu’elle seule a le droit de les juger ; mais l’amour des peuples a une autre expression à laquelle ils ne sauroient se méprendre, et qui est la récompense de leurs bienfaits.

Osons donc substituer à ces éloges, qu’un long usage sembloit avoir consacrés, la naïve et sincère expression des sentimens des gens-de-lettres. Plus le Roi se refuse aux louanges, plus il nous inspire la confiance de lui adresser nos vœux et de lui montrer nos espérances ; car une ame inaccessible à la flatterie est toujours ouverte à la vérité.

Le Roi protégera les Lettres ; il le doit à sa gloire, il le doit au public, à qui la littérature devient tous les jours plus chère, et dont les vœux unanimes déterminent toujours la volonté des bons Rois. Espérons qu’il sera érigé, sous son règne, de grands monumens ; qu’il sera fait des établissemens utiles aux Sciences ; qu’on exécutera de ces grandes entreprises qui doivent être faites par les Souverains, parce qu’elles ne peuvent l’être que par eux.

Il est vrai qu’on ne voit point parmi vous un ministre puissant qui vienne se reposer de ses travaux dans le sanctuaire des Muses, et faire réfléchir sur elles les rayons de sa gloire ; mais il existe un génie invisible, qui, prêtant à la jeunesse du Roi les secours de l’expérience, lui fera connoître toutes les ressources de la nation qu’il a le bonheur de gouverner ; et on reconnoîtra sans peine la main qui rassembla dans de vastes édifices toutes les productions de la nature, et dans d’autres le dépôt immense des connoissances humaines ; qui dirigera les voyages des savans dans toutes les parties de l’univers, soit pour recueillir les précieux restes de l’antiquité, soit pour rapporter cette mesure de la terre que la France a la gloire d’avoir donnée aux autres nations.

Mais ces bienfaits éclatans ne sont pas les seuls que les Lettres doivent attendre dans le dix-huitième siècle.

Quand on sortoit de la barbarie, c’étoit aux princes à faire de grands efforts pour introduire la littérature dans leur patrie ; mais chez une nation déjà instruite, et par qui la science et les talens sont révérés, le plus précieux de tous les biens pour les gens de lettres, est la liberté de donner l’essor à leur génie. La gloire, seul but de leurs travaux, peut seule en être le digne salaire, ou si les faveurs des souverains leur sont encore nécessaires, si la profession des lettres exige ce loisir qu’un dieu avoit procuré à Virgile, que la carrière soit ouverte ; et ceux qui seront nommés vainqueurs par le suffrage des peuples, recevront les prix de la main des souverains.

Non, Messieurs, vous ne demanderez point au maître d’un grand empire de se distraire des soins les plus importans, pour se livrer lui-même à vos sciences et à vos arts, et s’en constituer le juge. Vous ne lui direz point, comme dans les siècles d’adulation, que son goût, toujours sûr, doit inspirer tous les artistes ; que ses connoissances personnelles doivent guider les recherches de tous les savans ; que ce sont ses suffrages qui doivent entraîner ceux du public.

Disons plutôt à tous les Rois ce que l’antiquité disoit à Rome, maîtresse du monde : que d’autres fassent respirer le marbre et l’airain ; que d’autres décrivent le mouvement des astres ; vous Rois, n’oubliez jamais que votre emploi est de régir les peuples.

Oui, sans doute, protégez les lettres : mais ce n’est point la protection d’un savant ni celle d’un artiste qu’elles vous demandent ; c’est celle d’un Roi qui honore les sciences, parce qu’elles feront la gloire de son règne, et qu’il leur a déjà l’obligation d’avoir trouvé une nation disposée à seconder ses vues, et à sentir tout le prix de ses soins paternels ; qui, dans la dispensation de ses bienfaits, ne suit point les mouvemens toujours trompeurs d’une affection personnelle, et ne considère dans les savans que le mérite, les talens, et les travaux, sûr de ne jamais se tromper dans ses jugemens, parce qu’il ne juge que d’après le témoignage infaillible d’une nation éclairée.

Note 1 : L’abbé de Radonvilliers, directeur de l’Académie.