Rapport sur les concours de l’année 1856

Le 28 août 1856

Abel-François VILLEMAIN

RAPPORT SUR LES CONCOURS DE L’ANNÉE 1856.

DE M. VILLEMAIN,
SECRÉTAIRE PERPÉTUEL DE L’ACADÉMIE FRANÇAISE,

Le 30 août 1856

 

 

MESSIEURS,

Cette réunion toujours chère aux lettres, dont la première récompense est l’attention publique doit aujourd’hui paraître attristée pour nous par la perte de l’homme que nous avons, depuis quinze ans, couronné ici même d’une distinction annuellement renouvelée. Personne ne s’était lassé d’une si longue justice rendue à l’éminence du talent historique et à l’empire de l’esprit et de la volonté sur les défaillances du corps. La mort seule fait cesser, à l’égard de M. Augustin Thierry, cet hommage singulier, qu’une fondation généreuse avait rendu possible, et que des conditions uniques justifiaient pour lui.

N’hésitons pas même à le dire : ce sera pour le caractère de notre temps une marque honorable, qu’il y ait eu de nos jours cet accord si constant des juges, des concurrents et du public à proclamer tant de fois un même nom, à maintenir si longtemps une même préférence.

N’admettons pas que, sous l’ascendant des applications pratiques et de l’industrie lucrative, l’intelligence de cette grande nation soit tentée de devenir moins sensible aux travaux délicats du goût, aux œuvres de l’art, pour l’art lui-même. L’éclatante équité de l’opinion en faveur de M. Augustin Thierry serait là pour répondre. Elle a survécu aux variations du temps, aux changements de pouvoir, à l’instabilité des plus augustes patronages ; et les remplaçant, pour ainsi dire, elle a, par cette noble substitution, protégé jusqu’à la fin le travail et la vie de l’illustre écrivain, qu’elle dotait d’honneur et d’indépendance.

Ce privilége est épuisé, Messieurs. Fondé sur un des anciens ouvrages de M. Augustin Thierry, les Considérations sur l’histoire de France et les Récits mérovingiens, il s’attachait aussi à l’Histoire des Communes, que sa mort laisse interrompue. Désormais, la récompense de M. Augustin Thierry ne dépend plus que de la gloire, et ne sera donnée que par l’avenir ; sa place y est assurée. La louange contemporaine est parfois aveugle, excessive ; mais, elle ne se trompe pas toujours. « J’augure de tes histoires, écrivait Pline le jeune à Tacite, qu’elles seront immortelles[1] ; » et dix huit siècles écoulés ont fait de ce présage une réalité qui s’accroît encore. Quels que soient aussi nos augures, ou plutôt nos certitudes pour la durée du nom de M. Augustin Thierry, nous avons aujourd’hui à déplacer, sinon à transférer complètement cette couronne destinée, disait le fondateur du Prix, au travail le plus éloquent sur notre histoire.

Comment répondre à ce programme un peu ambitieux ? L’éloquence, la vraie éloquence est bien rare partout, bien rare dans l’histoire. M. Thierry lui-même, si pénétrant et si vrai dans ses récits, si expressif pour le détail des mœurs, si naïvement associé aux émotions populaires qu’il décrit, n’atteint à ce don de l’éloquence que dans les grands tableaux de sa Conquête de l’Angleterre par les Normands ; et c’est l’éclat de ce petit nombre de pages impérissables qui a dû se réfléchir, à nos yeux, sur l’ensemble de ses récits.

Que si maintenant, Messieurs, dans le même ordre, non de génie, mais d’études, un homme jeune encore, animé d’une imagination assez vive pour avoir à s’en défendre et, en même temps exact sur les recherches, s’imposant avec scrupule la vérité dans les choses, et cherchant la justice envers les hommes ; que si, dis-je, un homme de talent, ainsi dirigé par la conscience, a fait lire successivement de nombreux volumes sur notre histoire ; s’il a, malgré les erreurs et les fautes d’une si longue tâche, ajouté souvent à l’intérêt des faits connus, et marqué de quelques traits de plus nos époques mémorables ; si l’instinct de la patrie, l’amour éclairé de sa gloire, le culte de ses grands hommes respirent dans tout ce qu’il écrit sur un tel sujet, ne peut-on pas avec justice lui décerner cette récompense, qu’un autre avait obtenue par la perfection d’un art plus irréprochable ?

L’Académie décerne, cette année, à l’Histoire de France de M. Henri MARTIN le grand Prix fondé par le baron Gobert. En accroissant ainsi la récompense, pour l’étendre à l’ouvrage entier, l’Académie comprend sous son choix des parties de travail déjà couronnées par une autre classe de l’Institut elle se félicite même de cette indirect appui à son propre jugement. Mais, elle sait aussi que, dans une composition si vaste, elle rencontre bien des sujets de doute et de critique ; elle le sait, et n’en est pas arrêtée ; elle n’adopte et ne veut honorer ici que ce qui est bon, judicieux, salutaire, dans l’œuvre immense et inégale d’un cœur honnête, d’un esprit actif, ingénieux, qui à travers nos jours d’ambition impatiente et de gloire rapide, a dévoué vingt ans d’infatigables études à l’achèvement d’un labeur qu’il corrige sans cesse. Mais ces corrections sont-elles toutes à l’abri du reproche ? Nullement, Messieurs ; et le Prix que nous décernons n’en a pas besoin. Aujourd’hui même, nous indiquerons librement combien l’auteur nous paraît, dans la révision récente de ses premiers volumes, et dans un des plus beaux épisodes de notre histoire, s’être écarté du vrai, par son admiration pour les Druides et par l’influence qu’il leur attribue sur le génie de la France.

Ici tout manque au paradoxe, le témoignage des faits, la logique des conséquences. Le Druidisme, bien mal connu, malgré quelques lignes de César et quelques vers de Lucain, n’a pas servi de modèle à la constitution de notre Église ; il ne portait pas dans son sein l’idée de la France ; il ne s’est pas retrouvé jusque dans l’héroïsme de notre moyen âge. Pourquoi cette préoccupation ? dirons-nous à l’historien. D’où vous vient cette lumière, que vous n’aviez pas d’abord aperçue ? Ce ne sont pas les Druides, immolateurs sauvages de victimes humaines ; ce sont les martyrs chrétiens, victimes volontaires des tyrannies de l’empire, qui, de Jérusalem jusqu’à Rome, d’Alexandrie, de Smyrne, de Corinthe jusqu’à Lyon et à Lutèce, ont relevé l’esprit humain, en lui attestant, par leur sérénité dans les supplices, sa céleste origine et son immortelle nature. Ce n’est pas une tradition druidique, infiltrée à travers les âges, qui, d’un obscur hameau de France, suscita Jeanne d’Arc, comme une autre Velléda ; ce fut l’esprit chrétien, dans une âme simple et sublime ; ce fut la passion du dévouement, l’ardeur de mourir pour son pays et pour ses frères, sans verser soi-même le sang d’un ennemi, et en marchant au combat, comme une victime sainte réservée au sacrifice, après le triomphe. Mais je m’arrête : il est facile de blâmer dans un grand travail. L’honneur de M. Henri Martin, c’est d’obtenir, même pour un temps, la distinction qu’a possédée, à titre inamovible, celui qu’il appelait son illustre maître.

L’Académie a déjà regretté que dans l’intention du fondateur, le second Prix ait été si éloigné du premier ; et toutefois, ce Prix, elle le partage aujourd’hui entre deux concurrents nouveaux. Elle le décerne par moitié à de savantes et fines observations sur le gouvernement intérieur de la France, et à l’histoire curieuse d’une des fondations de Louis XIV, la maison de Saint-Cyr. Les deux auteurs sont destinés à d’autres succès et distingués par d’autres ouvrages. M. CHÉRUEL est un des hommes qui connaissent le mieux la France du XVIIe siècle, dans ses lois, son gouvernement, ses mœurs, sa littérature ; il réunit à la précision des vues la nouveauté des recherches. M. LAVALLÉE auteur d’une histoire de France utile et souvent réimprimée, n’y a pas seulement porté, dans les détails géographiques, une exactitude habilement calculée pour l’intérêt, comme pour l’intelligence des faits ; il se livre avec ardeur à cette étude des sources historiques les plus détournées, où de grands talents pénètrent aujourd’hui de toutes parts, pour en tirer, par la peinture des caractères et le détail des mœurs une interprétation du passé à la fois plus piquante et plus vraie.

En honorant ainsi à part la science de l’histoire, l’Académie aime à conserver aux Prix fondés par le baron de Montyon leur destination toute morale ; mais, dans ce cercle, elle étendra beaucoup ses choix ; et elle n’hésite pas à les rapprocher de ce qui peut paraître, à certains esprits, trop spéculatif, ou même chimérique. Elle place aujourd’hui dans le premier rang des ouvrages utiles aux mœurs un recueil de Poésies sans apparence dogmatique, une variété d’accents mélodieux sortis d’une âme émue, sous l’impression des lieux, des souvenirs d’études, ou des élans d’affection. Et en effet, Messieurs, si, dans la pensée des anciens législateurs, et selon l’expérience de plus d’un peuple moderne, la musique est douée d’une grande action morale, la poésie, cette musique intérieure de l’âme, n’a-t-elle pas droit au même empire ? Et quand elle y met tout son effort, quand elle se propose pour but les vérités mêmes de la philosophie ou les promesses divines de la Religion, ne peut-elle pas devenir la forme d’enseignement la plus persuasive pour le cœur ? L’enthousiasme du beau ne peut-il pas donner l’inspiration, comme la charité donne l’héroïsme ?

Ainsi nous ont frappés les Symphonies de M. de LAPRADE, œuvre de méditation et de candeur, mélange d’inductions métaphysiques, de sentiments austères avec tendresse, et de vives émotions empruntées au spectacle de la nature, et rapprochées toujours des grandes vérités inscrites au cœur de l’homme, comme sur la voûte des cieux. Ah ! sans doute, cet ouvrage ne pouvait utilement concourir avec tel ou tel produit de l’intelligence appliquée, tel ou tel résultat de l’observation scientifique. Il n’y avait point là de mesure commune. Au calcul qui vérifie, par un procédé nouveau, la vitesse de la lumière sur la zone terrestre, on ne saurait comparer le libre et pur essor de l’âme vers le Créateur de la lumière et des mondes ; à telle expérience sur la matière éthérée on ne saurait opposer cette aspiration d’amour qui donne des ailes à la pensée, selon la parole de Platon. Mais, qu’en dehors du cadre factice d’un parallèle impossible, on lise ces Poésies variées de sujet et de forme, sous une seule passion, l’amour de l’idéal dans l’homme, de l’ineffable dans Dieu, on se sentira comme touché d’un souffle bienfaisant, on aimera cette pureté d’âme parée d’imagination, autant que d’innocence ; on la goûtera comme la plus poétique des vérités et la plus vraie des poésies, la poésie presque au delà des paroles, indépendante de quelques fautes et de quelques négligences, et conforme au cœur de l’homme, parce qu’elle en vient.

Parfois, ce sont des stances simples et courtes, la rêverie d’un promeneur dans les bois, au déclin de l’automne, sa tristesse devant les feuilles qui tombent et l’année qui se dépouille, comme la vie ; puis, son retour courageux sur lui-même, et son élan de résignation /

Fais tes adieux à la folle jeunesse ;
Cesse, ô rêveur l’abusé si souvent ;
De souhaiter que la feuille renaisse
Sur tes rameaux desséchés par le vent.

Ce doux feuillage obscurcissait ta route ;
Son ombre aidait ton cœur à s’égarer ;
La feuille tombe ; et, sillonnant la voûte,
Un jour plus pur descend pour t’éclairer.

Oui ! si les bois, l’ombrage aimé du chêne
Ont trop caché la lumière à mes yeux,
Soufflez, ô vents, que Dieu sitôt déchaîne.
Feuilles, tombez ; laissez-moi voir les cieux !

Ailleurs, ce même charme d’allégorie mélancolique semble plus expressif encore, dans un souvenir tout personnel au poëte, à son séjour, à sa pensée solitaire et pure, parmi les tumultes d’une grande cité. C’est une rêverie le long des quais du Rhône, entre les bruissements du fleuve et ceux de la foule, mais en vue des cimes du mont Blanc qui domine à l’horizon, et fait au loin resplendir sa blanche lumière, comme le spectateur, qui la contemple, sent lui-même s’élever du fond de son âme un sommet idéal de pureté religieuse et de libre grandeur.

Cette élévation de cœur, cette enthousiaste mélodie est l’accent naturel de M. de Laprade. Elle lui a inspiré la plus belle ode de son recueil, celle qu’on peut nommer une ode épique, par l’étendue qu’elle embrasse, les êtres vivants qu’elle fait agir, les symboles qu’elle personnifie. Mais, comment donner l’extrait d’une ode ? Comment résumer l’imagination d’un poëte ? Un mot seulement, Messieurs, de cette belle fiction, où les Alpes sont animées et font entendre leur voix, sous les noirs sapins et les glaciers qui les défendent, et où la voix d’un proscrit, d’un fugitif, d’un mécontent du monde se mêle à cette nature âpre et déserte, chez laquelle il cherche moins un asile que la place d’un suicide ignoré. Mais, tout à coup, la cloche de l’hospice du grand Saint-Bernard vient l’avertir, le sauver ; et un chœur de religieux hospitaliers l’entoure, le ranime de ses soins, et le rend à Dieu et à l’humanité par ces paroles d’une harmonie douce, comme la voix des bienfaiteurs :

L’âme qui sait atteindre à la cime où nous sommes
S’y rapproche de Dieu, sans s’éloigner des hommes ;
Elle est là pour descendre et monter tour à tour ;
Et, des sommets parés de neige et de bruyères,
Elle s’élance au ciel en gerbes de prières
Et revient sur la terre en semences d’amour.

Près de cette poésie, que votre émotion a jugée, nous placerons ce qui lui ressemble le moins, ce qui n’est pas populaire comme elle, mais ce qui lui prépare une sève salutaire, cette métaphysique généreuse inspirée par l’âme et fondée sur la science. Tel est le caractère d’un ouvrage de M. Christian BARTHOLOMÈSS sur les doctrines religieuses de la philosophie moderne vaste sujet qui, dans la juste conception de l’auteur, remonte jusqu’à Descartes, ce maître puissant d’où sont sorties des écoles diverses, mais dont la parole bien comprise est le spiritualisme même, ainsi que l’attestent ses écrits et le génie du grand siècle, dont il fut l’âme principale.

De Descartes et de la part de création faite à la France, l’auteur passe à ce Leibniz qui réunit presque toutes les grandeurs de l’esprit humain, géomètre inventeur, métaphysicien profond, érudit universel, écrivain original et simple, même dans une langue qui n’était pas la sienne. C’est assez dire tout ce que l’étude d’un tel génie, le plus savant, comme le plus dédaigneux adversaire des écoles matérialistes, devait apporter de force et de lumière à la grande cause défendue par M. Bartholmèss. Sous le rayonnement du génie de Leibniz, la docte Allemagne se borna longtemps à commenter en détail quelques vues transcendantes de cette philosophie, que la France ignorait alors, ou dont elle ne jugeait que par les railleries de Voltaire.

Puis, après cet intervalle d’activité secondaire qui souvent succède, dans l’ordre intellectuel, au règne d’un grand esprit, un nouveau et fécond penseur s’éleva de Kœnisberg, essaya de tout refaire, fut mécontent de Leibniz lui-même, osa beaucoup, toucha sur plus d’un écueil, mais, soutenant sa métaphysique par sa morale, mérita bien du genre humain par son immortelle théorie du devoir, la plus utile, comme la plus noble application du spiritualisme. Que si la philosophie allemande descendit plus tard de ces hauteurs, si la rivalité des systèmes, si l’enchère des innovations ramena pour elle, sous des titres nouveaux, les plus vieilles erreurs, le panthéisme, le matérialisme, la matière pensante, si l’orgueil humain se fit lui-même Dieu et s’adora, sous le nom d’humanisme, l’analyse impartiale, la discussion piquante et variée de ces folles doctrines ne saurait être qu’une excellente leçon de vérité morale et religieuse. Le spectacle de l’ivresse, où jettent certains systèmes, rappelle aussi les âmes à la sobriété. En voyant jusqu’où se sont égarés quelques disciples d’Hégel, et comment l’excès de la spéculation subtile est venu rejoindre les théories grossières de Lamétrie ou de Thomas Payne, on apprend à se défendre d’une première erreur de raisonnement, et à s’attacher d’autant plus aux vérités primitives, comme à la seule sauvegarde infaillible contre les dernières erreurs.

La place qu’occupe l’esprit français, dans ce savant tableau, en accroît l’intérêt, pour nous. Voltaire, Rousseau y sont jugés d’un point de vue extérieur, pour ainsi dire, qui n’en est pas, à quelques égards, moins pénétrant et moins vrai. Érudit et bienveillant, l’auteur ne déclame jamais il accuse rarement. Là même où il blâme, il aime à trouver quelque adoucissement à la censure, à dégager quelque bien du mal. Peut-être même a-t-il péché, sous ce rapport, par excès de précautions mais l’indulgence, faute pardonnable et rare, n’ôte rien à la sincérité, à l’autorité, à l’indignation même de l’auteur, lorsqu’il s’agit, non des personnes, mais des doctrines. L’Académie décerne à chacun de ces deux ouvrages une médaille de trois mille francs.

Un travail d’une main habile a fixé son attention, sans remplir toute son espérance c’est la traduction par M. SAISSET de la Cité de Dieu, ce livre original d’un grand et pieux génie, dans une époque de décadence. Familier par la science avec le fond du sujet et tout ce qui s’y rapporte, M. Saisset n’a pu faire qu’une bonne et instructive traduction ; mais peut-être ne s’est-il pas assez imposé cette ingénieuse patience qui seule aurait su rendre, dans tous les détails, le style de saint Augustin et les couleurs si riches de cette imagination moins exacte que vive et touchante.

La belle introduction qui précède ce travail, tout en résumant avec une rare sagacité et une précision remarquable la philosophie de saint Augustin, nous laisse aussi le regret de ne pas lire, sous la même autorité, une étude plus complète, une plus longue analyse. Cette œuvre, nous la demandons à M. Saisset, en le couronnant. Penseur et écrivain également distingué, unissant la méthode à l’étendue des connaissances, éclairant des lumières d’une saine et libre philosophie tous les problèmes qu’il se propose, sa place n’est pas marquée par le rang qu’obtient aujourd’hui son ouvrage.

Près de ce travail d’un esprit supérieur, qui n’a pas déployé toute sa force, nous nommerons un livre, où le savoir et le talent ont surtout voulu se rendre utiles par une œuvre accessible à tous. Cette œuvre se compose de quelques leçons prononcées au Cours de philosophie d’une ville de France, qu’ont honorée à diverses époques des noms célèbres dans les lettres, la patrie de Brunck et la première école de Goëthe. Il y a quinze siècles, un Grec éloquent, un prêtre chrétien, élève d’Athènes, charmait les habitants d’une ville d’Asie, en leur expliquant, le soir, dans des homélies familières, la création du monde et l’œuvre des sept jours, selon la foi et selon la science du temps. Un jeune et habile maître de nos écoles a pris pour sujet d’un Cours public, à Strasbourg, la famille, les devoirs qu’elle impose, les vertus qu’elle exige, les conditions de sacrifice qu’elle amène, le bonheur qu’elle réserve, les maux dont elle console, et la sanction suprême, l’espérance divine, dont elle a besoin et cette étude de la vie, ainsi faite au nom de la science, cet enseignement à la fois abstrait et sensible de ce qu’il y a de plus essentiel et de plus pratique pour l’homme, attirait, retenait un nombreux auditoire, sous la parole précise et animée du jeune orateur. Aujourd’hui publiées, ces instructions aimables et sévères ne seront pas lues avec moins d’intérêt qu’elles furent écoutées. Le fondateur de nos prix eût goûté dans une telle application cette philosophie qui n’était pas celle de son temps, et volontiers couronné ce touchant ouvrage, que la sensation transformée de Condillac n’aurait jamais inspiré. Une médaille de deux mille francs est décernée à l’ouvrage de M. Paul JANET, comme à la traduction de la Cité de Dieu.

La même morale, avec des formes plus polémiques, anime un recueil d’ingénieux fragments publiés par M. CARO, sur des questions et même sur des renommées récentes encore. L’auteur, s’il n’a pas fait un traité complet, a du moins partout l’unité d’un même sentiment, d’un même amour du bien, et aussi d’une même verve maligne contre le paradoxe et l’erreur. Occupé de combattre le faux, l’exagéré, l’immoral, dans les systèmes et dans les romans, dans le sérieux et le frivole, on peut trouver parfois quelque amertume à sa parole surtout quand on la juge séparée de ce qu’elle réfute. Mais, l’intention est toujours droite, la pensée réfléchie, quoique vive, et, sauf quelques traits injustes, la leçon assez profitable. À côté du suffrage ainsi décerné, une médaille de même rang est offerte, sous une impression de respectueux intérêt, à l’ouvrage calme et serein d’une douce vieillesse, aux Contes de l’enfance, par Madame de BAWR. On doit toujours reconnaissance aux esprits rares et délicats, lorsqu’ils se chargent d’un travail facile en apparence, mais qu’on ne saurait trop bien faire. La finesse élégante, la grâce moqueuse, dont s’animaient quelques scènes dramatiques inspirées à Madame de Bawr par la vue des salons, est ici remplacée par l’étude intelligente de la destinée du pauvre, de son éducation, de ses épreuves, de la promotion naturelle qu’il peut tenir du travail et de la probité. Ce petit livre inspire l’émulation du bien et la confiance en Dieu. On croit sentir ces derniers rayons, dont la chaleur tempérée mûrit encore et colore ce qu’elle touche de sa lumière.

Après ce sage et gracieux écrit, l’Académie, parmi bien des ouvrages de poésie et de prose, a distingué ce que ni la renommée ni l’art ne lui recommandaient, ce qui est moins un livre qu’un portrait ingénu, le petit volume d’une simple ouvrière, Madame Reine GARDE, d’Aix dont la vie fut un pieux dévouement, que, sans y songer, elle trahit par une révélation de son talent. Rien ne peut-il être blâmé dans cet ouvrage ? N’y sent-on pas surtout la plainte, et quelquefois l’impatience du malheur ? Cela même ne serait pas un motif d’oubli. Que le talent, qui se décèle en accusant sa souffrance et son obscurité, que la pauvre ouvrière qui se croit ensevelie sous un insurmontable dédain, reçoive de personnes inconnues d’elle une marque d’honneur applaudie par cette assemblée ! vous l’aurez doublement servie, en lui donnant un peu de bonheur pour elle-même et plus de justice envers le monde, grâce à l’intérêt que ce monde si lointain et si distrait ne lui aura pas refusé. L’Académie accorde à Madame Reine Garde, d’Aix, une médaille de mille francs.

Ne désertons, sur aucun point, Messieurs, la pensée des généreux fondateurs qui, à divers degrés, ont voulu contribuer au bien moral de la société, par l’encouragement des bonnes actions, ou des grandes études. Un récent émule de M. de Montyon vient d’établir un prix annuel de haute littérature à décerner par nous. Que le nom de M. Bordin demeure consacré par cette noble intention, et par l’application qu’elle recevra ! Aujourd’hui même, et pour le premier essai de ce prix nouveau, nous aurions pu hésiter entre plusieurs travaux remarquables par l’importance du sujet, l’étendue des recherches. Ce mot de haute littérature nous a paru désigner surtout ce qui est à la fois savant et inspiré, ce qui ne se sert des lettres que pour parler à l’âme, ce qui ne conçoit et n’applique l’art d’écrire que sous les formes les plus graves et les plus pures.

À tous ces titres, un nom, un talent célèbre et regretté devait préoccuper notre souvenir et fixer nos suffrages. Ce nom, ce talent, c’est celui de M. OZANAM ; ce sont ses leçons publiques, sa vie justement honorée et les derniers travaux de cette vie si courte. Lorsqu’il s’agit de pareils droits littéraires, aussi durables que purs, personne sans doute n’alléguera, comme un obstacle à ce choix de si bon exemple, que l’auteur a cessé de vivre. La couronne du talent ne s’attache pas seulement à la personne vivante de l’auteur elle suit sa mémoire ; elle protège sa famille. Si M. Ozanam n’a pas joui lui-même de la publication de son meilleur ouvrage formé de ses leçons recueillies au pied de sa chaire, c’est un motif de plus pour nous de rendre publiquement à son nom tous les honneurs que méritait ce travail inédit de son vivant. Dans les longues études, et parfois les succès un peu lents imposés au culte exclusif de la haute littérature, il y a de la part de l’auteur désintéressement et sacrifice il n’y en aura que plus d’équité de la part des juges à prolonger, après lui, la récompense dont il était digne, et à la reporter tout entière sur ce qu’il aimait plus que lui-même.

La jeune femme et la jeune enfant de M. Ozanam recevront, comme un dernier don de sa main, le prix dû à son rare talent, au monument inachevé de cette vocation ardente qui leur a coûté si cher. Rien, en effet, n’a surpassé la fièvre studieuse, l’effort à la fois d’application et de verve qui consumait Ozanam et dont ses écrits gardent la trace. Langues anciennes, langues modernes du Midi et du Nord, histoire de tous les temps, littérature classique ou barbare, à ses degrés divers, science du droit religieux et civil, étude des arts, il avait tout embrassé d’un travail méthodique et pourtant inspiré, dont les échos, pour ainsi dire ; se répondaient, dans sa vaste mémoire et dans son intelligence toujours excitée. Ces signes, apparus dès l’origine, s’étaient fortifiés, en s’étendant. Sa thèse sur le Dante, travail supérieur, mais inégal, avait été dépassée par la science et la diction de ses Études sur les Germains ; et ces deux précieux fragments n’étaient pour lui que l’essai du grand travail, où il voulait comprendre la ruine et la mort de l’ancien monde, et, sous la fermentation de ses débris, la naissance des sociétés modernes surgissant de toute part, comme une terre immense et nouvelle, qu’il voyait se défricher, s’animer, s’embellir, à la lumière de ces vérités chrétiennes, que lui-même avait saisies d’une foi profonde et d’un cœur passionné.

Les cruelles épreuves que la maladie vint mêler à cette vie de laborieux enthousiasme, les langueurs du corps, les inquiétudes nées de la souffrance, les voyages, les séjours en Italie, pour tâcher de guérir, n’ôtèrent rien à ce zèle de religion et de science, et servirent plutôt à l’enflammer. On le voit, alors même, par les recherches si neuves de l’auteur sur les écoles d’Italie, aux temps barbares, et sur les poëtes franciscains, au début de la Renaissance. Mais le grand titre qui, entre les premières fatigues d’Ozanam et son repos forcé, signala dans le haut enseignement un orateur, un écrivain de plus, animant le style par la parole, et relevant la parole par tous les secrets heureux de l’art, c’était le livre que nous couronnons aujourd’hui, la Civilisation au cinquième siècle, testament de l’âme et du talent de l’auteur, publié par les soins d’un maître célèbre[2], son émule et son ancien dans l’ardeur et la variété des plus nobles études.

Savant et naturel, dominé d’une même pensée et rayonnant de mille souvenirs, exact et plein d’illusions charmantes, ce livre, formé de vingt leçons et de quelques notes, est une œuvre éminente de littérature et de goût. Il élève la critique à l’éloquence et l’éloquence même, il la conçoit, il la cherche, il la trouve dans sa source la plus haute, dans son type qui ne meurt jamais, ou plutôt qui renaît toujours, dans l’instinct naturel de l’âme émue par le beau et le divin, par les seules grandeurs d’ici-bas, la vertu, la liberté, la science, et par les grandeurs d’en haut, celles que promettent la foi et l’espérance chrétiennes.

En retrouvant là toutes les paroles recueillies de la bouche d’Ozanam, ses impatientes analyses de la décadence antique, ses pieux hommages d’admiration et de joie, à la lumière nouvelle, sa ferveur studieuse qui passionne jusqu’à la grammaire, son ingénieuse tendresse qui rassemble et devine les premiers bégayements du moyen âge, on est saisi d’une amère tristesse ; on se redit avec douleur que tant de savoir et d’intelligence, tant de dons heureux n’ont pas achevé leur œuvre, que ce rare et brillant écrivain, qui grandissait en sagesse impartiale et en sentiment profond du vrai et du beau n’a guère atteint que la moitié de la vie et a été moissonné, dans le progrès de sa force et le rêve de tous les travaux si purs, qu’embrassait son ambition d’étude, et que sa pensée croissante avec le travail promettait d’accomplir. Devant de tels regrets et un tel mécompte pour les lettres, c’est une trop faible consolation, mais une grande justice, d’offrir à M. Ozanam sur sa tombe le nouveau Prix fondé à l’honneur de la haute littérature. Jamais la condition qu’exprime ce mot ne sera mieux remplie.

De ce cercle étendu, où se placent les libres productions de talents célèbres, nous revenons, Messieurs, aux sujets de Prix que propose l’Académie, aux essais qu’elle demande et qu’elle se plaît à diriger.

Il en est un qui tenait à sa prédilection pour l’histoire de notre langue : l’Académie avait proposé une étude sur les Chroniques de Froissart, sur la vie, le génie, l’art de ce peintre si vrai, de cet Hérodote du moyen âge, admirable pour le détail des mœurs, et, comme le dit encore Fénelon, pour ce je ne sais quoi de court, de naïf, de hardi, de vif et de passionné, que l’auteur même de Télémaque enviait à notre ancienne langue.

Sur ce sujet instructif et piquant, un travail a été distingué par l’Académie ; c’est le Mémoire inscrit sous le n°1 et portant pour devise : « Or, peut estre que ce livre n’est mie ordonné si justement que telle chose le requiert. » La condition de Froissart, sa vie errante et sa poésie de troubadour sont là décrites avec soin et sagacité. Toutes les recherches de curiosité érudite se succèdent, au gré d’un esprit aussi juste que pénétrant. Mais la question de goût et de style, l’art, ou, si vous voulez, l’inspiration du narrateur, l’excellent goût français de ce natif de Valenciennes, qui vécut plus en Belgique et en Angleterre qu’en France, tout ce côté finement littéraire du sujet n’a pas assez occupé le savant biographe. L’Académie ne veut pas cependant prolonger une épreuve, dont le succès différé ne serait peut-être pas plus complet. Elle décerne sur le Prix une médaille de quinze cents francs à M. KERVYN DE LETHENHOVE, au docte écrivain belge, à l’homme de savoir et d’esprit qui, tout en célébrant Froissart presque avec l’orgueil d’un compatriote, et en éclairant sa vie et son temps de mille précieuses lumières, n’a pas eu souci de nous montrer assez à quel point ce conteur provincial, cet écrivain de frontière est demeuré, par sa prose vive et charmante, un des modèles non surpassés, une des sources originales de notre langue.

Une autre question proposée, depuis trois ans, par l’Académie demandait encore plus d’efforts. Il s’agissait d’étudier les progrès de l’esprit et de l’idiome français, dans les trente premières années du XVIIe siècle, avant la secousse imprimée par deux puissants génies, et, pour ainsi dire, sous l’impulsion ralentie du siècle passé et le mouvement de la France elle-même, dans le siècle commençant. C’était un travail où la philosophie de l’histoire, l’étude des institutions et des mœurs devaient prendre place, non pour exclure, mais pour éclairer la question d’art et de goût. L’Académie, ne voulant ni retirer cette question du Concours, ni qu’elle soit à demi résolue, proroge de nouveau l’épreuve jusqu’au 1er octobre 1857. Elle rappelle combien l’étude attentive du mouvement graduel de la langue et la recherche des causes qui le modifient doivent dominer ici sur les détails de biographie littéraire et, en ajournant de nouveau le Prix, elle demande aux concurrents des notions plus précises, une analyse plus sévère, et cette science de langage et de style qui fait ici partie nécessaire du sujet même.

Il n’y a pas cette année de remise semblable pour les Concours ordinaires de l’Académie. Les sujets proposés ont eu faveur dans la jeunesse encore occupée du goût des lettres ; ils ont amené de nombreux concurrents et quelques remarquables essais.

Citons d’abord le Prix de poésie, qui faisait appel à un des grands souvenirs de la religion et de l’éloquence, devenu plus particulièrement pour nous un souvenir national. Les restes de saint. Augustin rapportés en Afrique, cette consécration dernière de la conquête française d’Hippone, a naturellement éveillé la poésie, ou du moins cette ardeur d’esprit qu’on prend quelquefois pour elle. L’Académie, dans ce Concours, a reçu cent ouvrages. Sur ce grand nombre, plusieurs poëmes nous ont frappés par des traits heureux d’imagination, des promesses de talent. L’Académie n’a pas hésité cependant sur le Prix même et sur le premier rang à donner à la pièce inscrite n°84, et portant pour épigraphe : « llluminare his qui in tenebris et in umbra mortis sedent. » L’auteur est M. Jullien DALLIÈRES, membre de l’Université.

Studieux souvenirs et naïve admiration du génie d’Augustin, succession d’images empruntées aux premiers siècles chrétiens et à la gloire récente de la France, dans les mêmes lieux, devant le même autel et le même tombeau, poésie correcte, harmonie mêlée d’émotion, il y a beaucoup à louer dans ce poëme, dont une partie seulement vous sera lue et n’aura pas besoin d’autre recommandation que le sujet même et la voix de l’auteur qui s’en est inspiré.

Mais, auparavant, nous avons encore d’autres justices à rendre : il nous faut nommer M. Alfred DES ESSARTS, dont le poëme, inscrit sous le n°53, obtient une seconde médaille. M. le maréchal ministre de la guerre, présidant par intérim l’instruction publique, a volontiers autorisé cette honorable exception. Une mention est aussi décernée à M. le docteur Eugène WUILEMIN, qui, dans un sujet si grave, a introduit, avec une fiction douteuse, des vers d’un tour libre et piquant. Deux pièces encore, les nos 37 et 82, ont offert le vif sentiment des plus nobles souvenirs et quelques traits de naturel et de force.

Nous n’exagérons pas, Messieurs, ces indices de talent, auxquels il faut joindre, vous le savez, des choses trop rares la liberté et la dignité du loisir, la passion du travail, l’heureux choix des modèles. Mais il nous appartient d’accueillir et d’honorer, sous toutes les formes, ce qui fait partie de la civilisation en France, le goût de l’art et des lettres. À ce titre nous avons des mandats de confiance à remplir, des récompenses à décerner. Ici, c’est une personne obscure, s’étant et le même formée dans une condition pénible, Mme BLANCHECOTTE, qui pour un recueil de vers parfois heureux, Rêves et Réalités, obtient le prix Maillé-Latour-Landry ; là c’est un poëte mûri dans la retraite et l’étude, dont nous saluons le nouvel avénement par le don que la fondation Lambert réserve à l’homme de lettres digne d’une marque d’intérêt public. M. LECONTE DE LISLE, auteur des Poëmes antiques, publiés il y a deux ans, et des Poésies nouvelles, à peine annoncées, est un talent à part, qui, loin des routes ordinaires de la fortune, ou même des succès, aspire ouvertement à la haute poésie. Son art est à la fois savant et hardi plus digne de la gloire que sûr de la popularité.

C’est sous les auspices de pareils exemples que nous aimerons à proposer à la jeunesse amie des vers un nouveau sujet, pour le prochain concours.

L’Académie, sans rien prescrire sur la forme d’une œuvre dont le talent saura choisir et restreindre les limites, indique, pour le Prix de poésie à décerner en 1867, la Guerre d’Orient. Aujourd’hui même vous entendrez les préludes de ce patriotique souvenir, dans l’hommage rendu aux sentiments religieux et guerriers qui, de Bone à Constantine, et des Portes de Fer aux rivages d’Alger, ont fait de l’Afrique française une si puissante école pour les généraux et les soldats vainqueurs en Crimée, ou dignes de l’être. L’Académie attend la suite de cet hommage.

L’Académie n’a pas été moins satisfaite d’un autre Concours de cette année. Elle avait proposé pour sujet l’Éloge de Vauvenargues, de ce jeune officier qui fut un sage, l’ami de Voltaire, dont par son âge il eût été l’élève, âme forte et pure, supérieure aux vices de son temps, auquel il n’emprunta que l’esprit de recherche et le libre penser, en leur donnant de plus sévères limites et une portée plus haute. Cinq ouvrages au moins, sur quarante-deux présentés à ce Concours, offraient des traces de fortes études et de talent heureux. Un discours sous le n°38, portant pour épigraphe : « Les maximes des hommes décèlent leur cœur » (Vauvenargues, maxime 107), a paru le plus complet avec art, le plus ingénieux avec justesse. La supériorité de ce discours se marquera surtout, quand on pourra le lire tout entier. Un autre éloge lui viendra du mérite de ses concurrents, soit que, dans le n°9, dont l’auteur est un magistrat, M. POITOU, déjà couronné dans nos concours, on remarque, sur quelques points, la haute raison et le style de l’écrivain, soit que, dans un autre discours, n°42, on apprécie le tour facile et vif, et l’abondance d’idées d’un jeune homme de vingt et un ans, M. Théagène CERFBEER. D’autres mérites, et surtout une spirituelle analyse de la philosophie de Vauvenargues, distinguent le n°25, portant pour épigraphe : Sursum corda ! L’auteur est M. Edmond BLANC, jeune avocat qu’une vocation de nom et d’études appelle à d’autres succès. Un cinquième ouvrage, enfin, dont l’auteur est trop distingué pour ne réussir qu’à demi, montre, par quelques pages seulement, tout ce que la même main aurait pu faire.

En se félicitant de cette intéressante recherche sur Vauvenargues, l’Académie décerne le prix à M. GILBERT, auteur du discours n°38, comme au meilleur interprète de ces maximes qui décelaient, dans Vauvenargues, un des plus nobles cœurs dont se soient honorées les lettres. De cette étude approfondie tout à la fois et bien sentie, vous n’allez entendre, Messieurs, que des fragments trop courts et des pages détachées mais, dans le naturel et l’art heureux de quelques détails, votre goût éclairé devinera le mérite de l’ensemble, à ces signes du talent que vous aimez à reconnaître.

 

 

[1] « Auguror (nec me fallit augurium) historias tuas immortales futuras. » Plin., lib. VII, ep. 33.

[2] M. Ampère.