Homélie prononcée pour les obsèques de M. Edgar Faure, en l’église Sainte-Clotilde, Paris

Le 17 avril 1989

Robert-Ambroise-Marie CARRÉ

HOMÉLIE

PRONONCÉE PAR

le Révérend Père A.-M. CARRÉ

en l’église Sainte-Clotilde à Paris, le 17 avril 1989

 

 

L’amitié d’Edgar Faure me fut offerte un jour de façon inopinée, et ce jour demeure inoubliable.

Au cours d’une longue conversation, que favorisèrent certaines circonstances, je fus ébloui, évidemment, par son intelligence toujours en éveil, mais c’est l’homme de cœur que je découvris avec émotion.

Pour comprendre vraiment Edgar Faure, il fallait avoir obtenu sa confiance. Alors on écartait d’un revers de main les jugements superficiels portés sur lui. L’homme, que l’action passionnait, aimait aussi s’étendre sur l’herbe pour scruter le ciel et se laisser envahir par la paix. Il y avait chez lui du contemplatif. Les fruits de tels recueillements l’aidèrent, sans aucun doute, pendant les heures où l’affaiblissement de ses forces lui causa une douloureuse surprise.

Edgar Faure nourrissait un sens aigu des exigences de la conscience. Sa foi chrétienne était profonde ; il n’hésita jamais — j’en reçus le témoignage — à l’affirmer au risque d’étonner ou de faire sourire.

Mais on ne devient ce qu’il fut qu’en pratiquant l’effort et en refusant de se duper. Remerciant les amis qui lui offraient une magnifique épée d’académicien, il déclara : « Je pense au combat que nous menons tous, et particulièrement à celui que nous poursuivons chaque jour en nous-même, chacun de nous contre une partie de soi, contre l’erreur, mais aussi contre le doute, contre la démesure et le mépris, mais aussi contre le découragement et la faiblesse. »

Et il ajouta : « Que cette lame me soit miroir de conscience; que sa pointe comme celle de l’esprit tende son fil de finesse pour la réception du message qui nous transcende, que cet esquif de poignée m’attire avec sa voile d’espérance vers le large... »

Nous nous sommes vus souvent pendant les quelque douze années que dura notre amitié. Cher Edgar, permettez-moi de reprendre en le transposant le titre d’un livre de Karl Popper que vous admiriez : « La .Quête inachevée ».

Votre quête de bien s’est achevée sur la terre, l’an dernier. L’heure était venue de « se réaliser enfin », selon le vœu de Marcel Proust. Je ne vous canonise pas. Je vous remets à la Miséricorde infinie, avec l’espérance de ceux qui croient que l’Amour en Dieu est un perpétuel commencement.