Fragment de la tragédie des États de la ligue

Le 9 août 1832

Jean-Pons-Guillaume VIENNET

FRAGMENT DE LA TRAGÉDIE DES ÉTATS DE LA LIGUE,

LU DANS LA SÉANCE PUBLIQUE DU 9 AOUT 1832,

PAR M.VIENNET.

 

(L’exposition de la pièce est faite par Jeannin et Sully déguisé en soldat espagnol.)

FIN DE LA SCÈNE PREMIÈRE.

 

JEANNIN.

Voici les princes de Lorraine.
L’altière Montpensier les conduit chez Mayenne.
Déjà nos députés entrent de toutes parts.

 

SCÈNE II.

 

SULLY, JEANNIN sur le devant de la scène ; la duchesse de MONTPENSIER traverse le théâtre avec le duc de FÉRIA, GUISE, BUSSY-LECLERC, le jésuite VARADE et le curé LINCESTRE. Les membres des États entrent au hasard, et se groupent sur la scène, ou se placent au hasard sur leurs sièges.

 

SULLY à Jeannin.

Quel est cet étranger qui s’offre à mes regards ?

 

JEANNIN.

Le duc de Féria, l’envoyé de l’Espagne.

 

SULLY.

Ce jésuite ?

 

JEANNIN.

Est Varade, et Bussy l’accompagne.

 

SULLY.

Bussy ! Varade ! ô ciel ! quel ramas d’assassins !

 

JEANNIN.

Contenez-vous.
 

SULLY.

Et vous, déjouez leurs desseins.
Recevez cette lettre à Mayenne adressée.

 

JEANNIN.

D’un ennemi de Dieu !

 

SULLY.

Vous verrez sa pensée.
Il vous offre une trêve ; il cherche à s’éclairer.
Dans le sein de l’Église il est près de rentrer.
Prince, ne souffrez pas qu’un sénat de rebelles,
En disposant du trône, aigrisse nos querelles.
Adieu, je vois Brissac qui s’avance vers nous.

 

JEANNIN prenant la lettre.
Il pourrait vous connaître, et je tremble pour vous.

 

SULLY.

Ne craignez rien, il va me frayer une issue.
 

 

SCENE III.

LES MEMBRES DES ÉTATS, JEANNIN.

 

JEANNIN à part.

Brissac le reconduit !... Villeroi le salue !
Que dois-je en augurer ?... quels sont leurs sentiments ?
…Et que fais-je moi-même !... O devoirs ! ô serments !
Mais la France est vendue au tyran d’Ibérie ;
Mayenne est sans espoir. Songeons à la patrie !

 

SCENE IV.

 

MAYENNE, GUISE, le duc de FÉRIA, JEANNIN, VARADE, BUSSY, VILLE-ROI, MEMBRES DES ÉTATS. (Ils se lèvent à l’entrée de Mayenne, qui passe devant eux en les saluant.)

 

JEANNIN à part.

Si le roi de Navarre obtenait son pardon !
Si Rome !...

 

MAYENNE.

Que dis-tu ?

 

JEANNIN en remettant la lettre.

Répondez à Bourbon.

 

LE DUC DE FÉRIA bas à Bussy.

Vois-tu pâlir Mayenne en lisant cette lettre ?

 

BUSSY.

Un soldat à Jeannin est venu la remettre.

 

FÉRIA.

Le connais-tu, Bussy ?

 

BUSSY.

Non.

 

FÉRIA.

Va les observer.

 

VARADE à Féria.

L’homme que j’attendais vient enfin d’arriver.

 

FÉRIA.

Qui ? le jeune Barrière ?

 

VARADE.

Il est simple, crédule ;
Tout en lui de Clément nous promet un émule.

 

MAYENNE à Jeannin.

Que faire ?

 

JEANNIN.

Sur le trône espérez-vous monter ?

 

MAYENNE.

Non, Jeannin.

 

JEANNIN.

Votre fils ?

 

MAYENNE.

Il n’y doit plus compter.

 

JEANNIN.

Si les vertus de Guise et les droits de son père…

 

MAYENNE.

Je n’ai point combattu pour le fils de mon frère.

 

JEANNIN.

Aux mains d’un étranger faut-il livrer l’État ?

 

MAYENNE.

Qui, moi ? plutôt mourir !

 

VARADE, annonçant à haute voix.
Le cardinal-légat.

 

MAYENNE à Jeannin.

Prends cette lettre, lis, et demande audience.

 

SCÈNE V.

 

MAYENNE, le cardinal de PLAISANCE, le duc de FÉRIA le duc de GUISE, le président LE MAISTRE, JEANNIN, BRISSAC, VARADE, BUSSY et autres MEMBRES DES ÉTATS. La duchesse de Montpensier parait dans une tribune avec des femmes. Les Membres des États se lèvent à l’entrée du Légat, qui se dirige vers le trône.

 

MAYENNE au légat.

Légat, que faites-vous ?

 

JEANNIN.

Quel excès d’arrogance !

 

LE MAISTRE.

Un légat en ces lieux prétend-il commander ?

 

MAYENNE.

Nul autre ici que moi n’a droit de présider.

 

LE CARDINAL.

Vous, duc ! Devant un roi je céderais, peut-être ;
Mais des trônes chrétiens le Saint-Père est le maître.
Qui les ôte et les donne a droit de s’y placer ;
J’en ai tons les pouvoirs, et les veux exercer.

 

BRISSAC.

Si Brissac commandait, il t’en ferait descendre.

 

BUSSY.

Tout fidèle Ligueur est là pour le défendre.

 

MAYENNE.

Vous perdez le respect, Bussy-Leclerc.

 

BUSSY.

C’est vous.

 

LE MAISTRE.

Dussé-je des Ligueurs m’attirer le courroux,
Et le sort de Brisson dont j’occupe la place,
De ses vils meurtriers je brave la menace ;
Et, chef du Parlement, je proteste avec lui
Contre tous les abus qu’on invoque aujourd’hui.
Les vieilles libertés dont la France est pourvue
Rejettent ces pouvoirs que Rome s’attribue ;
Et longtemps avant nous, nos aïeux et nos lois
Des caprices de Rome ont affranchi nos rois.

 

LE LÉGAT s’asseyant.

Je suis prêt à sortir si la France prononce ;
Mais c’est du Vatican qu’elle aura ma réponse.
 

FÉRIA, BUSSY ET LES LIGUEURS.

Restez.

 

JEANNIN bas.

Cédez, Mayenne.

 

MAYENNE.

Abrégeons ces débats :
Qu’importe où peut s’asseoir le chef de ces États !
Ce trône désormais n’est qu’un siège vulgaire ;
Et la place où je suis est ici la première.

 

LE LÉGAT.

Le ciel au second rang daigne vous conserver !
On perd tout quelquefois en voulant tout sauver.

 

MAYENNE.

Nobles, juges, prélats, députés de nos villes,
Vous qu’affligent ces temps en discordes fertiles,
C’est pour rendre le calme à nos peuples troublés,
Qu’en ce palais des rois je vous ai rassemblés.
Vos cœurs n’ont pas besoin que Mayenne déploie
Le tableau des horreurs où la France est en proie.
En vain depuis cinq ans j’oppose à ses malheurs
Le pouvoir qu’en mes mains ont remis les Ligueurs.
D’un sceptre passager la fragile puissance
Aux chefs des factions laisse trop d’espérance.
À ce trône vacant s’attachent leurs regards ;
Et comme pour l’atteindre il leur faut des hasards,
Que chacun n’a de droits que ceux du cimeterre,
Afin de les accroître ils fomentent la guerre.
Pour perdre les rivaux qui gênent leurs desseins,
Ils se font un besoin de meurtres, d’assassins ;
Et des séditieux qui suivent leur fortune,
Souffrent par intérêt la licence importune.
Nul crime enfin ne coûte à leur ambition,
Espérant qu’à l’abri de la confusion,
Un caprice du sort, remplissant leur attente,
Leur fraîra vers ce trône une route sanglante.

Fermez-en les chemins, et que, choisi par vous,
Un monarque l’occupe et leur impose à tous
Seul, il peut de la guerre arrêter les ravages ;
Et la patrie en deuil l’attend de vos suffrages.

 

LE DUC DE GUISE.

Oui, dans les mains d’un roi remettez le pouvoir,
Le salut de l’État nous en fait un devoir.
Tel est le vœu du peuple, il doit être le nôtre ;
Et si par son suffrage on peut juger du vôtre,
Si j’en crois tout l’amour qu’il daigne me porter,
Sur le choix des États Guise a droit de compter.

 

MAYENNE.

Qui vous donne ce droit ?

 

GUISE.

Mon aïeul et mon père.
J’ose de leurs bienfaits réclamer le salaire :
J’invoque en ma faveur leur gloire, leurs vertus,
Cinquante ans de combats pour le peuple rendus,
Leur zèle pour la foi, leur amour pour la France,
Leur sang que des Valois a versé la vengeance.

 

BUSSY.

Le suffrage des Seize, et tu peux t’en vanter.
Vive Guise ! et malheur à qui l’ose insulter !

 

LES LIGUEURS.

Vive Guise !

 

MAYENNE.

Attendez que les États prononcent.

 

LE DUC DE FÉRIA.

Ces cris tumultueux et le choix qu’ils annoncent
Étonneront l’Espagne et l’auguste allié
Qui pour vos intérêts a tout sacrifié.
J’étais loin de penser que par des injustices
La France eût de l’Espagne acquitté les services,
Le sang qu’elle répand pour la Ligue et la foi,
Les trésors qu’aux Ligueurs a prodigués mon roi.
Mais je veux oublier ce que la France oublie,
Que la Ligue sans nous serait anéantie,
Que Bourbon dans ces murs régnerait en vainqueur,
Si le glaive espagnol n’arrêtait sa valeur.
Sur d’autres souvenirs j’appuirai notre cause ;
Nos titres sont plus saints que ceux qu’on nous oppose.
Epouse de mon maître, et fille des Valois,
Elisabeth ici revendique ses droits.
Cette reine en mourant les transmit à sa fille.
Ce trône appelle enfin l’infante de Castille ;
Il est son héritage, elle doit l’occuper,
Et l’Espagne abattrait qui voudrait l’usurper.

 

LE PRÉSIDENT LE MAISTRE.

Un usage plus saint, un pouvoir plus antique
En repousse l’infante.

 

FÉRIA.

Et qui ?

 

LE MAISTRE.

La loi salique,
Cette loi, qu’en fondant le trône de nos rois,
Pharamond et Clovis portèrent aux Gaulois ;

Ce code qu’ont mille ans respecté nos ancêtres,
Qu’ont soutenu nos rois, nos magistrats, nos prêtres
Qui vieillit avec nous et ne souffrit jamais
Qu’une femme touchât au sceptre des Français.
Le temps a de ce code attesté la prudence.
C’est trop que d’une femme il souffre la régence.
Faut-il vous rappeler les troubles, les dangers,
Les malheurs qu’ont produits leurs règnes passagers
La veuve de Robert, Isabeau de Bavière,
Blanche, Alix de Champagne, et cette reine altière
Dont l’orgueil a, trente ans, attisé nos discords,
Et de tant de forfaits ensanglante ces bords ? 
C’est un roi qu’il nous faut, que la France désire,
Qui sur ses fondements relevant cet empire,
Confondant l’hérésie et la rébellion,
Protégera l’État et la religion.
Bravons de l’Espagnol la fierté menaçante ;
Gardons la loi salique, et rejetons l’infante.
 

MAYENNE, JEANNIN, BRISSAC.

Oui, oui.

 

FÉRIA.

L’ingratitude aura son châtiment.

 

LE JÉSUITE VARADE.

Modérez, Féria, ce juste emportement.
Vous, Français, écoutez. La loi qu’on vous rappelle
Ne peut être pour vous une règle éternelle.
Si l’intérêt du peuple était de l’abolir,
En vain le Parlement voudrait la soutenir.
Des coutumes, des lois il est dépositaire ;

Il leur prête, au besoin son noble ministère ;
Mais au peuple appartient le droit de les changer.
Contre sa volonté rien ne peut l’engager.
Le peuple dans l’État a la toute-puissance.

 

BUSSY.

Il est le souverain, le maître de la France.

 

LE MAISTRE.

Il la perdra.

 

BUSSY ET LES LIGUEURS.
Tu mens ! Nous sommes ses appuis !

 

MAYENNE.

Silence ! factieux !

 

LES LIGUEURS.

Non.

 

BUSSY.

Varade, poursuis.

 

VARADE.

C’est à vous, que le peuple investit de ses titres,
À vous, que de l’État il a fait les arbitres,
De juger si l’infante est digne de monter
Au trône dont la loi voudrait la rejeter.
Quels que soient des Ligueurs le nombre et le courage,
Peuvent-ils sans l’Espagne achever leur ouvrage,
S’exposer à sa haine et braver à la fois,
Les soldats de Philippe et ceux du Navarrois ?
Au milieu des écueils où la France est jetée,
Que nous fait une loi par Clovis apportée ?
Au péril de l’État la faut-il conserver ?

C’est la Ligue, la Foi, l’État qu’il faut sauver ;
Et si notre salut peut venir d’Isabelle,
Que la loi de Clovis se taise devant elle.

 

JEANNIN.

Oui, le salut du peuple est la suprême loi ;
Et tous les cœurs ici le pensent comme moi.
Mais, au gré de ses vœux ou de sa politique,
Chacun de nos partis l’envisage et l’applique.
Ou l’un voit son salut, l’autre voit son malheur,
Et tous à leur avis attachent leur honneur.
On conçoit aisément que Varade préfère
Le règne de l’infante, ou plutôt de son père.
Ou sait ce qu’il entraîne ; et l’inquisition
Peut flatter un jésuite et son ambition.
Mais il est d’autres chefs que tente la couronne ;
Pense-t-il que Mayenne ou son fils l’abandonne ?
Qu’acceptant sans combat un pouvoir étranger,
Le bras de leurs amis renonce à les venger ?
Non, ce n’est point finir nos sanglantes querelles
C’est partager la Ligue en factions nouvelles.
Cherchons à nos malheurs des remèdes plus sûrs.
Pourquoi faut-il, hélas ! que des dogmes impurs
Infectent le seul roi qui soit digne de l’être,
Un héros si clément…

 

BUSSY aux ligueurs.
L’entendez-vous, le traître ?

 

LE CARDINAL-LÉGAT.

Ne poussez pas plus loin ces regrets criminels
Pour l’ennemi de Rome et de nos saints autels.
Craignez de prononcer le nom de l’hérétique.

 

JEANNIN.

Si Bourbon revenait à la foi catholique.

 

BUSSY ET LES LIGUEURS.

Jamais.

 

JEANNIN.

Il le demande ; et je tiens dans mes mains
Le témoignage écrit de ses pieux desseins.

 

LE CARDINAL-LÉGAT.

Que cet écrit impur soit jeté dans la flamme.

 

MAYENNE, BRISSAC, VILLEROI, etc.

Lisez.

 

BUSSY, GUISE ET LES LIGUEURS.

Non, non.

 

JEANNIN.

Il veut qu’on éclaire son âme
Que des prêtres romains, nommés par les États,
Traitent avec les siens, pour finir nos débats.

 

BUSSY.

Traiter avec Bourbon !Mort à qui le propose !

 

LE CARDINAL-LÉGAT.

À ce lâche traité le Vatican s’oppose.
Craignez, vils apostats, que le divin courroux,
Que l’anathème enfin ne retombe sur vous !

 

JEANNIN.

Pouvez-vous du pécheur rejeter la prière,
À qui veut s’éclairer refuser la lumière ?

 

LE CARDINAL-LÉGAT.

Rome l’a commandé.

 

JEANNIN.

Dieu nous l’a défendu.
C’est un enfant prodigue à son père rendu ;
Et du toit paternel vous lui fermez l’entrée !
Vous chassez du bercail la brebis égarée !

 

LE CARDINAL-LÉGAT.

C’est le loup revêtu des habits du pasteur,
Qui veut dans le bercail reporter sa fureur
C’est Judas méditant son infâme parjure.
Ce sépulcre blanchi gardera sa souillure ;
Vous verriez ce Joas et ses vils courtisans
Aux autels de Baal reporter leurs présents,
Insulter dans leur gloire au Dieu de leurs ancêtres,
Et plonger le couteau dans le sein de ses prêtres.

 

LA CHAPELLE-MARTEAU.

Qu’il prêche bien !

 

LE CARDINAL-LÉGAT.

Chassez cet enfant de Satan,
Ce vil Ochosias, ce suppôt de Mathan.

 

LES LIGUEURS.

Oui, oui.

 

LE CARDINAL-LÉGAT.

De ses fureurs défendez notre Église.
Dieu ! protége la Ligue et sa sainte entreprise !

 

VARADE.

Puisse le bras de Dieu, prévenant son retour,
Comme l’impur Joas, le frapper à son tour !
La cité de David repousse sa présence.

 

BUSSY.

Guerre à mort à Calvin !

 

JEANNIN.

Paix et gloire à la France !

 

BRISSAC.

Prenez les voix, Mayenne, et soyez sans effroi.

 

MAYENNE.

Qui consent à traiter se range près de moi.

 

(Jeannin, Le Maistre, Villeroi, Brissac et les Députés de province se rangent à côté de Mayenne. Bussy, Guise, Féria, Varade et les Ligueurs entourent le Cardinal, mais en plus petit nombre.)

 

MAYENNE.

Les États à Bourbon accordent une trêve.
Quel lieu doit recevoir nos députes ?

 

BUSSY.

La Grève.

 

JEANNIN.

Son camp.

 

MAYENNE.

Vous conduirez ceux que j’aurai choisis.
Je suspends les États.

 

LE CARDINAL-LÉGAT.

Et moi, je les maudis.

 

SCÈNE VI.

 

La duchesse de MONTPENSIER, le LÉGAT, FÉRIA, GUISE, VARADE, BUSSY, les LIGUEURS.

 

BUSSY.

Allez, vils courtisans, infâmes politiques.

 

LA DUCHESSE.

Cet accord est l’effet de leurs sourdes pratiques.
Sully dans ce palais est venu ce matin ;
Cette lettre par lui fut remise à Jeannin.

 

BUSSY.

Si l’habit espagnol ne m’eût caché le traître,
Ce méchant huguenot n’eût pas rejoint son maître.
 

LA DUCHESSE.

Venez ; dans mon palais rassemblons nos amis ;
Que tous dans ce péril nous prêtent leurs avis.

 

LE CARDINAL-LÉGAT.

Varade, qu’avec vous Barrière s’y présente.
 

LA DUCHESSE.

La foi n’hésite point dans cette âme brûlante !

 

VARADE.

Tout l’esprit de la Ligue a passé dans son cœur.
Un prêtre aux saints autels entretient sa fureur ;
Et comme à la vengeance il est prêt au martyre.
 

LA DUCHESSE.

Qu’il meure, s’il le faut ; mais que Navarre expire.
Pour venger ma maison c’est trop peu d’un Valois :

Trois Guises sont tombés sous le poignard des rois ;
Et le bras de Clément n’a vengé que mon frère !
Je dois une victime aux mânes de mon père.

 

LE CARDINAL-LÉGAT.

Dieu vous l’accordera.

 

LA DUCHESSE.
J’y croirai comme vous,
Quand j’aurai vu la main qui doit porter les coups.

 

LE CARDINAL-LÉGAT.
Venez donc raffermir son zèle et son courage.
Et vous, prêtres vengeurs du Dieu que l’on outrage,
Prévost, Lincestre, Aubry, vous tous qui m’entourez,
Reprenez sur l’autel vos vêtements sacrés ;
Rassemblez tout le peuple, et du haut de la chaire
Faites du Dieu vivant éclater la colère.
Promenez dans Paris les images des saints ;
Des ennemis du Christ confondez les desseins ;
Flétrissez, condamnez ce traité sacrilège.
La cause de la Ligue est celle du Saint-Siège.