Remerciement fait à M. le Duc de Richelieu

Le 24 juin 1672

Jean DOUJAT

REMERCIMENT fait en 1672, par Monsieur DOUJAT, à Mr. le Duc de Richelieu, sur ce qu’il avait fait présent à l’Académie Française du portrait de Mr. le Cardinal de Richelieu.

 

MONSEIGNEUR

APRÈS les obligations essentielles que l’Académie Française fait profession d’avoir au grand Cardinal de Richelieu son Auteur, il ne se peut que le don de son portrait, dont il vous plaît d’honorer la Compagnie, ne lui soit extrêmement précieux. Ce présent, MONSEIGNEUR, nous serait sans doute très-considérable par lui-même de quelque main qu’il nous vint, mais nous étant offert d’une manière si obligeante par le seul héritier du nom et des vertus tout ensemble de notre très-illustre Instituteur, et par celui qui en est lui-même le portrait vivant, nous le recevons, MONSEIGNEUR comme une grâce singulière, et que nous dirions sans égale si nous ne venions de recevoir le comble de toutes les grâces, dont il a plu au plus grand Roy du monde de nous honorer; mais quelque éclat et quelque avantage que cette Compagnie reçoive de cette bonté Royale, elle ne laisse pas de regarder toujours cet incomparable Cardinal comme celui qui lui a donné l’être. Le souvenir de ses bienfaits ne s’effacera jamais de l’esprit de l’Académie Française ; et s’il ne s’agissait que d’empêcher qu’elle ne les oubliât, nous pourrions dire, MONSEIGNEUR, qu’il serait superflu de donner son portrait à des gens qui portent dans le cœur la vive image de ce Héros. Mais parce qu’une des plus douces satisfactions qui restent aux vivants après la perte de ceux pour qui ils avaient de la vénération ; est d’avoir quelque objet qui flatte leurs yeux par la représentation de ce qu’ils ont perdu, et qu’ils ne peuvent plus voir ; l’Académie nous a chargé, MONSEIGNEUR de venir vous rendre de très-humbles grâces de cette obligeante marque de votre estime et de vôtre affection, et en même temps vous assurer de ses profonds respects, et du désir conservera éternellement de répondre en quelque façon aux obligations immortelles qu’elle a, et qu’elle fera toujours gloire d’avoir au glorieux nom de Richelieu.