Discours de réception de l'abbé Millot

Le 19 janvier 1778

Claude-François-Xavier MILLOT

Réception de M. l'abbé Millot

 

M. l’abbé Millot ayant été élu par Messieurs de l’Académie Françoise à la place de M. Gresset, y vint prendre séance le Lundi 19 Janvier 1778, & prononça le Discours qui suit.

     

Messieurs,

Si les plus grands Génies de la France ont ambitionné l’honneur d’être associés à vos travaux & à votre gloire ; si le mérite, décoré de tous les titres de la grandeur, aspire à la noble confraternité qui fait disparoître les rangs parmi vous ; si des Écrivains immortels, parvenus à ce terme de leurs vœux, ont épuisé toutes les ressources du talent pour signaler ici leur reconnoissance ; comment, n’ayant pas les mêmes ressources, puis-je remplir le même devoir, sans exposer à la critique le choix dont vous m’avez honoré ? Mais le sentiment n’a besoin ni de la pompe ni de la délicatesse du discours : il s’exprime sur-tout par les actions. Régler sur vos exemples, soumettre à vos jugemens, & vous consacrer en quelque sorte les travaux de ma vie entière, c’est ce que je dois, Messieurs, c’est ce que je puis : heureux si c’en est assez pour justifier vos suffrages.

Le zèle & le travail ne remplaceront jamais, sans doute, un de ces talens extraordinaires, qui, dès leur première apparition, attirent & fixent tous les regards. En parlant de mon Prédécesseur, je vais sacrifier l’amour-propre à la justice. On connoîtra mieux, & ce que l’Académie Françoise a perdu, & combien sa perte est peu réparée. Heureusement le Public aime la vérité, dans la bouche de ceux qu’elle ne peut enorgueillir, comme il aime la mémoire de ceux qu’elle honore : peut-être m’accordera-t-il son indulgence en faveur de M. Gresset.

Au fond d’un collège, au milieu de la gêne, des ennuis, des tristes études, & de mille objets propres à glacer le génie ou à l’asservir, un jeune homme devient tout-à-coup célèbre par un chef-d’œuvre, non de cette latinité moderne dont il existe à peine quelques juges compétens, mais de cette aménité & de cette gaieté Françoise, dont chacun se prétend juge, sans autre connoissance que celle du monde. Ver-vert paroît au grand jour. Le naïf La Fontaine semble revivre avec toutes ses grâces, moins simples dans leur parure, toujours modestes, jamais recherchées dans leur élégance. Le Chantre du Lutrin, si supérieur par le sujet comme par la beauté de ses tableaux, semble trouver un émule, dont l’imagination, plus originale & plus féconde, produit un genre de beautés plus neuves, si naturelles, que tout y charme & rien n’y ressent le travail. Le Pindare de la France admire un phénomène singulier, par lequel il se dit modestement effacé lui-même . Les cris ou les manœuvres d’une cabale passionnés ne font qu’ajouter du prix à l’applaudissement général, & fournissent au Poëte des traits heureux, pour caractériser bientôt avec enjouement la déraison, l’absurde malignité, qui forgent des crimes à l’innocence .

Comment définir, Messieurs, cette espèce de magie poétique à laquelle tout rend hommage ? Comment un oiseau, un cloître peuvent-ils exciter tant d’intérêt, sans aucun trait qui blesse les mœurs, sans aucune des ressources trop souvent employées par la licence pour suppléer au génie ? Ici la trompette héroïque ne donne point au sujet une noblesse contraire à sa nature. C’est la lyre d’Anacréon, exercée sur d’agréables bagatelles. Mais quelle harmonie délicieuse ! quelle richesse & quel choix d’expressions ! quelle délicatesse de goût, dans un genre où le goût n’avoit pas même un modèle ! quel assemblage de traits fins & de naïvetés piquantes ! quelle facilité de verve & quel charme de coloris ! Oui, l’art de réunir les vives couleurs & les accords mélodieux de la Poésie, anime, relève & embellit tout, prête à la fiction la plus frivole des appas qu’enviesoit presque la vérité. Ce fut l’art de M. Gresset ; ou plutôt, on diroit que la Nature l’avoit doué singulièrement de ce don si précieux, pour faire sentir l’impuissance de l’art dans le vulgaire des rimeurs, dont les efforts n’aboutissent qu’au succès équivoque du moment, & à l’éternité de l’oubli.

Si Ver-vert pouvoit être oublié, ce ne seroit que pour la Chartreuse. Les esprits sévères, à qui le badinage de l’un ne plairoit pas, seroient-ils insensibles à l’aimable philosophie de l’autre ? L’oiseau parleur & son cortège, indifférens par eux-mêmes, doivent tout à la Poésie enchanteresse dont ils ont reçu leur existence. Mais le jeune Poëte, environné d’objets lugubres, s’égayant à les décrire, les ornant des fleurs de sa brillante imagination, offre un spectacle que le dédaigneux Stoïcien pourroit contempler. Voyez comme il sourit aux jeux cruels de la fortune, aux fantômes nés de la folie & des passions pour le tourment des mortels. Voyez comme il se fait un Élysée de son Tartare ; comme il foule aux pieds les peines & les soucis du présent, & se transporte dans l’avenir pour braver tous les orages de la vie humaine ; comme il se retrace vivement les ridicules & les vices, en philosophe qui les observe pour s’en garantir : non en censeur atrabilaire, qui les attaque pour humilier ses semblables. Son génie prend l’essor de la liberté, son ame se déploie avec franchise, ses sentimens vertueux ennoblissent même sa paresse, sa paresse donne de la douceur à ces sentimens, son courage leur donne de l’énergie. Enfin, dans la Chartreuse & les Ombres, on voit l’Auteur tel qu’il est ; on admire son talent, on aime son caractère, on estime ses mœurs : & déjà l’on peut prédire son destin.

L’homme, qui n’a pas reçu en naissant une de ces ames communes & molles, cédant par foiblesse à toutes les impressions du dehors ; celui qu’une impulsion forte, soit de la pensée, soit du sentiment, excite à user de tous les droits de sa nature, & à chercher le bonheur dans la carrière que lui marque son génie ; lorsqu’il se trouve déplacé par leurs circonstances, se repliant sur lui-même, il s’agite jusqu’à ce qu’il ait rompu ses fers pour remplir sa véritable destinée. Ainsi le premier des élémens, le feu, tend à se dégager des corps où il est captif, & s’élance vers les régions où il doit agir en moteur de l’univers.

M. Gresset sentit donc la nécessité de changer d’état. Nos goûts sont nos destins, dit-il ; mais son destin fut l’ouvrage de sa raison conforme à ses goûts. Une Société assujettie aux bienséances les plus rigides, où la pensée même étoit soumise à des lois que la Religion n’impose point, & les Lettres étoient un moyen subordonné & non une fin principale, où Ver-vert n’avoit pu se produire impunément, pouvoit-elle retenir dans ses liens l’homme le plus fat pour l’indépendance & pour les Muses ? Cet engagement contracté sans se connoître, il le rompt en se connoissant : il regrette les Bougeant & les Brumoi, mais il a dû s’en séparer. Le voilà enfin sur le théâtre du monde, comme un Acteur prôné d’avance, impatiemment attendu, & qui, parmi tant d’écueils, doit craindre sur-tout une célébrité aussi perfide que flatteuse.

Alors, Messieurs, cette juste admiration qu’inspirent le génie & les succès, ou ce vertige contagieux que l’on appelle engouement, fruit de la légèreté ardente & frivole, s’exerce en faveur du nouvel Horace. Les Mécènes vont au-devant de lui, les meilleures sociétés se le disputent ; il y porte, avec des mœurs simples, tout ce que le bel esprit & les agrémens extérieurs ont de séduisant ; il y trouve le plaisir varié sous mille formes nouvelles ; il s’abandonne à sa passion favorite, & goûte les douceurs d’une riante oisiveté. Dans l’enchantement d’une telle métamorphose, sera- t-il perdu pour les Lettres, ou ne sera-t-il que l’émule des Chaulieu ? Loin de lui cette ivresse épicurienne, qui enchaîne les talens, & ne leur laisse du moins en partage que des jeux ou des foiblesses ! La carrière est ouverte : tout le sollicite de la parcourir. En vain il se la représente hérissée d’épines, entrecoupée de précipices, couverte des sièges les plus dangereux & des ennemis les plus implacables. En vain il apprécie dédaigneusement une fumée de gloire, toujours infectée par le souffle de l’envie, & qui tourmente plutôt que de satisfaire les illustres esclaves de la renommée. La peinture de ces dangers effrayans, les plaintes qu’il en adresse à sa Muse , annoncent déjà qu’il va franchir tous les obstacles. Et bientôt, jusques dans les langueurs de l’infirmité, à peine échappé des bras de la mort, on le voit manier la lyre, atteindre au sublime, chanter sa convalescence & l’amitié, avec un enthousiasme dont il ne paroissoit point susceptible, lorsqu’il se jouoit mollement au milieu des grâces & des plaisirs de la jeunesse .

Aspirer aux couronnes du Théâtre après de telles preuves de talent, c’est suivre l’inspiration du talent même. Oublions Édouard, Messieurs ; oublions Sidnei, s’il est possible Sidnei qui seroit la réputation d’un autre Poëte. Le génie vient d’essayer ses forces : il nous prépare un chef-d’œuvre.

Qu’il est glorieux, à ne considérer le Théâtre que d’un œil de Citoyen, d’y mériter des lauriers en combattant les passions, & d’y exercer sur les mœurs publiques une censure que la Patrie puisse avouer ! Zélé partisan de la vertu, M. Gresset sentoit vivement tout ce que le vice a de funeste & de difforme, tout ce que la Comédie peut avoir de force pour le corriger en lui opposant sa propre image. Il voyoit que le Tartuffe démasqué court ensevelir son infamie dans les ténèbres ; que le Joueur, peint avec sa frénésie & ses disgrâces, doit arrêter au bord de l’abyme celui que la même démence y entraîne ; que le Glorieux humilié par les suites inévitables de l’orgueil, & trouvant le mépris pour salaire de l’insolence, donne à ses pareils une leçon bien supérieure aux froids axiomes de la morale. Parmi tant de vices dont la société abonde, il remarquoit avec horreur ces caractères malfaisans qui la remplissent de fiel & de poison ; hommes faux & traîtres par systêrne, artisans de trouble & de scandale par plaisir, ennemis de toute morale par intérêt, railleurs amers de la vertu qu’ils voudroient anéantir, détracteurs du bien qu’ils ne peuvent empêcher, calomniateurs du mérite dont ils sont jaloux ; n’exerçant leur esprit, n’employant l’art de plaire que pour nuire ; & s’applaudisssant du mal qu’ils font, comme d’un triomphe remporte sur les âmes honnêtes qu’ils choisissent pour victimes : ces hommes, dis-je, fléaux de la société polie, qui toujours les craint & trop souvent les recherche, allumoient l’indignation d’un Poëte ami de l’humanité. Il entreprit courageusement de mettre sur la scène leur caractère, sans le dépouiller des grâces qui le rendent plus dangereux : persuadé qu’il suffisoit de le peindre pour l’avilir & le faire détester, il composa le Méchant.

Avec quels transports cette Pièce ne fut-elle pas accueillie ? Et quelle continuité de succès ne la met pas à couvert des caprices de la mode ? Que d’injustes critiques en exagèrent les défauts, en dissimulent les beautés, qu’importe ? les beautés n’en seront pas moins senties, le succès n’en sera pas moins constant : & qui se souvient encore des critiques ? C’est à vous principalement, Messieurs, qu’il appartient de prononcer sur les œuvres du génie, d’apprécier dans le Méchant cette vérité de caractères, ces heureux contrastes, ces admirables scènes où le sel de Plaute assaisonne l’urbanité de Térence ; cette morale exquise, répandue par-tout avec des agrémens toujours nouveaux ; ces vers dont l’élégance facile flatte l’oreille, & dont l’énergie s’imprime fortement dans la mémoire ; cet art, si peu commun, d’intéresser l’esprit attentif du Lecteur, encore plus que celui du Spectateur enchanté par les prestiges du Théâtre. Mais le jugement de l’Académie est connu depuis l’époque de la Pièce. Elle s’empressa d’élire M. Gresset ; & en couronnant ainsi son mérite, elle crut acquitter une dette de notre Littérature, je dirois presque, de la Nation.

Pouvoit-on prévoir qu’un Poëte né pour enrichir la langue Françoise, pour joindre aux honneurs académiques tous les avantages de la société, iroit se confiner dans une Province, à l’âge où le génie victorieux doit être le plus fécond en prodiges ? Le penchant triomphe de tout ; cet Homme rare ne fait qu’exécuter le plan de vie, qu’une force d’instinct prophétique lui avoit inspiré dans sa Chartreuse. Paris lui déplaît, il l’abandonne ; sa Patrie l’attire, il y vole ; un heureux hymen l’y retient ; l’amour, l’amitié & le repos l’y enchaînent ; & les Muses gémissent de l’avoir perdu. On le croit changé ; mais l’homme solide & vrai ne change point, lorsqu’il choisit la situation où le porte son caractère ; tout change autour de lui, il rie sera jamais que lui-même

Des principes austères & sacrés, les principes qui subjuguèrent autrefois l’incomparable Racine, réveillés dans l’ame de M. Gresset, y raniment bientôt des sentimens qui ne furent jamais éteints : il en suit l’impression avec la franchise qu’il montra toujours. Ami & disciple d’un pieux Évêque, il abjure publiquement le Théâtres : il fait plus ; ces badinages charmans, ces premières productions de la Muse, innocent plaisir de tant de Lecteurs, il craint qu’une licence irréligieuse ne les empoisonne ; il voudroit pouvoir les effacer : tant la supériorité d’esprit se plie humblement au joug de la Religion.

Mais qu’on n’impute pas au principe des vertus la déplorable éclipse des talens. Agréable tranquillité, plaisirs simples & purs, occupation sans effort, amitié sans gêne, société sans entraves, ces goûts dominans de l’Auteur de la Chartreuse, c’est à eux qu’il sacrifie pour toujours & le Parnasse & la gloire. Dussent les grâces de l’imagination & du style se flétrir loin des modèles de la Capitale, il a trouvé le bonheur ; il l’embrasse pour ne s’en détacher jamais. Le bonheur n’est-ce pas le terme où tend la nature, où doit conduire la raison ? Et parmi les spectacles affligeans que multiplient les passions orageuses ou les délires de l’esprit humain, peut-on ne pas considérer avec intérêt un spectacle moins commun sans doute, & propre à consoler la vertu, un Sage, autrefois célèbre, heureux dans l’obscurité ?

Regrettons des sacrifices trop rigoureux que lui reprochent les Muses Françoises : mais publions un secret révélé par l’amitié, & digne de couronner son éloge. Il s’étoit exercé dans un genre ou la haine du vice semble quelquefois armer le génie ; genre néanmoins toujours dangereux, presque toujours condamnable, dans l’épigramme satirique. Il en eut naturellement le goût. Tant d’objets odieux ou ridicules peuvent l’irriter ! tant de motifs, même honnêtes, le justifient en apparence ! Jamais il n’en a laissé le moindre vestige ; & dans la personne peut-être qui méritoit le moins d’égards ; il a cru devoir respecter ou épargner l’homme. L’humanité s’applaudira d’un si bel exemple : la méchanceté en seroit confondue, si elle savoit rougir.

Tel fut, Messieurs, l’Académicien respectable que vous avez vu, à la fin de sa carrière, honoré de l’estime & des bienfaits d’un Roi, qui gouverne par la justice. En louant ses vertus unies aux talens, j’ai rempli les devoirs d’Historien plutôt que les fonctions d’Orateur : je n’ai fait que rendre hommage à la vérité ; c’est à elle que j’ai consacré jusqu’à ce jour mes foibles travaux ; c’est elle que je viens adorer dans ce Temple de la Littérature nationale. Après y avoir reçu l’encens des Corneille & des Racine, des Bossuet, des Fénelon & des Fleuri, des Fontenelle & des Montesquieu, de tous ces Écrivains immortels qui ont étendu son empire avec celui de notre langue jusqu’aux extrémités du monde ; non, elle ne dédaigne pas le culte du zèle, mais elle impose à quiconque ambitionne de suivre leurs traces, la loi de les regarder comme ses maîtres.

Et que ne leur doit pas en particulier l’Histoire, devenue l’instruction, & le plaisir de ceux que le nom d’étude pouvoit effrayer ; l’Histoire, où la philosophie de Tacite & de Plutarque ajoute à l’importance des faits toutes les lumières de la raison ? Elle vous sert Messieurs, depuis l’origine de cette illustre Compagnie, à immortaliser les Héros & les bienfaiteurs de la France, à perpétuer l’honneur du nom François, en retraçant les modèles qui suscitent & dirigent les grands Hommes. La vérité historique foudroie les réputations élevées sur le mensonge : elle dissipe l’éclat de la fausse gloire, & n’en assure que mieux la gloire solide.

Par-là, Richelieu, votre Fondateur, fera éternellement époque dans l’histoire des Lettres comme dans les fastes de la politique.

Par-là, ce grand Roi, qui le premier attacha au Trône le titre de votre Protecteur, que venoit de porter honorablement le Chef de la Justice, fixera toujours l’admiration même des Sages, quelque sévères que puissent être les jugemens sur son règne. La Poésie & l’Éloquence ont préconisé à l’envi tant de qualités royales, devant lesquelles disparoît presque toute la pompe de ses trophées. Mais il n’appartenoit qu’à Louis XIV de se peindre lui-même par ses propres sentimens, dans les effusions secrettes de son esprit & de son ame ; dans de simples lettres, quelquefois trempées de ses larmes, toujours dictées par la sagesse la plus profonde. Un homme qui lui fut cher, & qui dut l’être à la patrie, nous les a conservés, ces précieux monumens d’une ame sensible & sublime, d’un génie fait pour dominer & pour gouverner les Peuples. On les connoît enfin ; & peut-on ne pas s’écrier, en les admirant : il fut digne de donner son nom au plus beau siècle de notre Littérature, ainsi qu’au plus beau siècle de la France ?

Moins de force & d’éclat, plus de douceur & de modération, sembloient assurer à son successeur les avantages d’un règne constamment paisible. Hélas ! que d’obstacles les passions d’autrui élèvent contre les généreuses volontés des Rois ! L’amour de la paix dans la victoire, l’égalité d’ame dans l’infortune, le désir de faire des heureux dans les temps les plus difficiles ; dans la crise même des affaires, une attention suivie à prévenir ou à calmer les discordes intestines, combien de traits d’un Roi bienfaisant, d’un maître chéri, d’un tendre père, ont caractérisé Louis XV ! Combien a-t-on désiré que les événemens répondissent toujours, & à la justesse naturelle de son esprit, & à la bonté de son cœur !

Ne prévenons pas, Messieurs, les éloges de la postérité en faveur du jeune Monarque, dont les lois raniment nos espérances. La flatterie, s’autorisant de ce qu’il a fait, pourroit le mettre déja en parallèle avec ses plus sages prédécesseurs ; mais il fait trop ce qui lui reste encore à faire, pour que la flatterie le trouve accessible à ses funestes séductions. Bornons-nous à des vœux qu’il puisse approuver. Et comment désapprouveroit-il des vœux qu’il s’efforce d’accomplir ? Puisse donc son amour de la justice la rendre aussi respectable à l’homme puissant que secourable à l’homme foible ! Puisse son amour de l’ordre, maintenir tous les états dans leurs droits & dans leurs bornes, en soumettant au frein de la loi tous les vices, tous les caractères perturbateurs de la société ! Puisse sa bienfaisante économie rétablir sans effort toutes les ressources du Royaume, autant pour la félicité que pour la gloire de la Nation ! Puissent ses mœurs servir de modèle aux Grands de sa Cour & aux derniers des Citoyens ? Également modéré & ferme dans sa politique, zélé pour la paix sans craindre la guerre, ennemi de cette fatale ambition qui prodigue le sang humain, en poursuivant les chimères de l’orgueil ; ennemi de cette molle pusillanimité qui néglige des avantages légitimes & certains, que par la prudence de ses conseils, il ajoute un nouveau lustre à la dignité de sa Couronne ! Qu’il fasse de la puissance de sa Monarchie le fondement de la tranquillité de l’Europe ! En un mot, que son règne soit consacré dans l’Histoire comme le règne du bien public !

Lettres de Rousseau.

V. le Lutrin vivant, la Chartreuse, les Ombres.

Les Adieux.

Épître à ma Muse.

Épître à ma Sœur.