Réponse au discours de réception de Melchior de Polignac

Le 2 août 1704

Jules de CLÉRAMBAULT

Réception de M. l’Abbé de Polignac

 

Monsieur,

Quoy que la douce & charmante Societé qui nous unit, nous ait tousjours fait regarder la mort de tous nos Confreres, comme on regarde ses propres malheurs, nous avons esté si vivement atteints de celle du fameux Académicien dont vous occupez la place, que sans nos reflexions sur l’indispensable necessité de sortir de cette vie, & la joye que nous ressentons de vostre heureuse presence, nous n’aurions jamais peu trouver aucun soulagement à nostre douleur.

Ce grand personnage estant un de ces Hommes rares & superieurs, qui sont quelquefois monstrez au monde, pour luy faire seulement sentir jusques où peut estre porté le mérite sublime, sans laisser presque l’esperance de leur pouvoir trouver des successeurs : dés qu’il s’appliqua aux Lettres sacrées , il faut bien faire connoistre, par le prodigieux espace qu’il laissa, entre luy & ceux qui couroient la mesme carriere, qu’il sembloit destiné à entrer un jour dans ce petit & glorieux nombre des grands Génies, qui font l’ornement de leurs siecles ; il soustint de si beaux commencements par une application exacte à tous ses devoirs, & par cette ardeur infinie pour les Sciences, dont il devoit faire un si noble usage ; & comme l’utilité de l’Eglise fut tousjours son tendre & principal objet, avec l’amour de la belle gloire que Dieu veut bien estre inseparable de la la digne exposition, & de la ferme defense des saintes veritez que la foy propose, il commença des les premieres années de sa jeunesse à faire valoir contre les vices les talents qu’il avoit receus du Ciel pour l’eloquence ; ce fut avec de si grands succés, qu’ayant un peu de temps obscurci la pluspart de ses égaux, il s’acquit par ses importantes fonctions, & par ses sçavantes Conferences, cette haute estime dans les esprits, & sceut gagner par les charmes de son commerce, dans lequel il sçavoit tout rendre aimable, ce doux empire sur le cœur, dont il a joüi d’une manière si singuliere jusqu’aux derniers moments de sa vie.

Tant de talents extraordinaires, esgalez ou surpassez encore par son de desinteressement & sa modestie, luy ayant donné autant de zele partisants, qu’il y avoit dans tous les Estats de personnes capables de juger du vrai merite, le firent appeller au gouvernement d’une Eglise considerable par le grand Prince, que sa penetration & sa justice eslevent si fort au dessus de tous les autres, & qui est suffisamment designé par ce noble caractere ; mais l’education du Successeur de sa puissance & de sa gloire, ce Fils unique qui possede si dignement toute sa tendresse & son estime, luy paroissant trop importante, pour n’en pas confier une grande partie à un homme si excellent ; il le determina à renoncer pour ce glorieux emploi, aux fonctions de la haute dignité dont il venoit de l’honorer, ausquelles il se destinoit tout entier ; alors se donnant sans reserve à ce nouveau devoir, il contribua si heureusement à fortifier dans cet excellent naturel toutes ces grandes & aimables qualitez, qui nous asseurent la felicité publique, & meditant desja des victoires contre les ennemis de l’Eglise, il laissa obtenir à ses rivaux le premier rang qu’il pouvoit occuper dans l’eloquence sacrée, comme autrefois (si l’on ose comparer des hommes si différents) le premier des Empereurs avoit fait si noblement parmi les Orateurs profanes, en preferant à cet honneur celuy de subjuguer les ennemis de sa patrie.

Ce Prelat illustre commença peu de temps aprés à faire sentir aux adversaires des veritez orthodoxes le poids de sa superiorité, par cette science sublime, dans laquelle il s’estoit desja rendu si recommandable, cette Maistresse de toutes les autres si eslevée au dessus d’elles, non seulement par la dignité de son objet, mais encore par la profondeur & la methode de le traiter ; c’est-à-dire, la grande & vraye Theologie ; puisée dans les bonnes sources de l’Escole, que les Partisants de l’erreur ont tousjours tasché de decrier, & mesme de charger de mespris apparents, connoissant combien elle leur estoit funeste ; il se servit donc contr’eux de ce grand Art, qui supposant les notions claires, & les definitions justes, prises dans la nature mesme des choses, insere l’un de l’autre par des raisonnements solides, & concluants avec ordre & liaison ; en un mot, de cette parfaite scholastique, egalement esloignée de la foiblesse embrouillée, & de la chicane barbare, affectée par quelques-uns qui 1e flattent avec si peu de fondement d’exceller par là au dessus des autres, & de l’épaisse confusion d’authoritez & de faits entassez & mal digerez, sans estre rangez dans les questions differentes, pour y servir de fortes & vives preuves, que certains demi-sçavants, se fiant à ce qu’ils ont d’esprit naturel, osent honorer du nom de positive, leur peu de lumiere ne leur permettant pas de connoistre que ce sont deux sœurs inseparables, dont l’une est le guide & le soustien de l’autre ; qui fait sa perfection & son ornement : il fit sentir toute sa force & sa méthode, en conservant tousjours dans ses escrits la politesse, & mesme les graces ; soit qu’il fallust justifier la Doctrine de l’Eglise contre les reproches & les calomnies de ses ennemis ; soit qu’il fallust les convaincre des contradictions absurdes de la leur, & des changements essentiels qu’elle a desja soufferts malgré sa nouveauté. Ce grand Homme se faisoit honneur de posseder une Science si necessaire, & de s’en servir si utilement, bien différent de ceux qui n’estant pas seulement à portée de l’entendre, ni par consequent d’en pouvoir jamais juger, croyent que c’est bien plustost fait de la rejetter en la traitant de subtilité seche & inutile, pour excuser au moins par là leur peu de penetration & leur ignorance.

Tous ces grands & solides avantages qui le mettoient si fort au dessus de ceux de son temps, ni les travaux d’esprit continuels, dans lesquels il se trouvoit engagé, & qui souvent y laissent de la rudesse, ne le rendirent jamais ni plus fier, ni plus farouche ; il sceut tousjours parfaitement accorder l’affabilité, la douceur, & mesme la condescendance, avec la fermeté de vigilant ; & intraitable Defenseur de la pure & saine doctrine, il se crut indispensablement obligé d’employer toutes les lumieres de son esprit à reprimer les entreprises de ceux qui vouloient y donner atteinte ; & voyant qu’une nouvelle erreur d’autant plus pernicieuse, qu’elle affectoit de se cacher, sous le prétexte d’une plus haute perfection, & de rafinement dans les sentiments de piété, menaçoit la tranquillité de l’Eglise, sans considerer son âge avancé, ni les incommoditez de sa personne attenuée par tant de travaux, il n’escouta plus que son zele, pour l’affermir par ces doctes Ouvrages si dignes de nostre admiration. Enfin, quoy que bien prest de terminer ses jours, il ne peut encore s’empescher de ranimer ses forces mourantes, pour refuser un Traducteur, & nouveau Commentateur de l’Évangile qui luy parut trop hardi ; ce qu’il fit avec tant de profondeur & de justesse, qu’on pourra douter un jour que ce fust le dernier effort de son génie ; alors sentant en lui la nature entierement espuisée, & sans aucune ressource, & qu’il luy falloit subir la loy commune à tous les hommes, il acheva de s’y préparer avec une fermeté & une resignation exemplaire, par tous les actes les plus edifiants & les plus tendres ; & vivement penetré des veritez qu’il avoit si constamment defendues, & plein de cette salutaire esperance qu’il avoit si bien connuë, il alla partager les recompenses eternelles avec ses glorieux Predecesseurs, les fameux Peres de l’Eglise, qui ont si bien merité d’Elle dans leurs siecles, comme il a fait dans le sien.

Accablez de la grandeur de nostre perte, nous nous estions tellement abandonnez au desespoir de la pouvoir jamais reparer, que nous ne pouvons nous empescher de tesmoigner de quel prix nous parut l’unique occasion de le pouvoir faire par le choix de vostre personne ; & quoy que la consolation qu’il nous donne, soit le plus flateur, & le plus grand de tous les Eloges pour vous, nous nous trouvons obligez d’en faire icy si connoistre les motifs, importuns à vostre modestie, mais necessaires à confirmer nostre esperance, nostre joye de voir par là avec quelle certitude les ‘grandes & heureuses destinées de l’Académie luy promettent de perpétuelles & avantageuses ressources. Il falloit un sujet tel que vous pour nous en fournir une si glorieuse, sorti d’une Maison si connuë par son antiquité & par son esclat, vous avez dés vostre premiere jeunesse, & commençant à donner vostre application aux Sciences les plus hautes, tellement fait briller les talents de vostre esprit, que dans un âge, où l’on ne louë les autres que de leur assiduité & du desir de sçavoir, vous sceustes desja vous faire un nom sujet à l’envie : on jugea dés lors que vous ne trouveriez rien au dessus de la portée de vostre génie, en vous voyant rendre claires, & mesme aimables les questions les plus abstraites par cette profonde penetration, & cette expression vive & juste, qui semble tousjours couler de source, avec la noble facilité qui vous est si singuliere, heureux fondements des Académiques.

Pour ne pas laisser inutiles tant de dispositions aux grandes choses, vous entreprîtes, quelque temps aprés, d’aller voir cette Ville fameuse, destinée à estre en tout temps Maistresse du monde, qui conserve par la Religion, la domination qu’elle avoit autrefois par les armes, non par une vaine & oisive curiosité si commune à la jeunesse ; mais la regardant comme un lieu propre à perfectionner les grands talents, dont vous estiez orné, vous voulustes connoistre par vous-mesme l’esprit de ceux qui la gouvernent ; cette Cour si fameuse par sa sagesse, & par la constante uniformité de ses principes, jointes à cette politique fine & délicate, par laquelle elle sçait tousjours maintenir ses interests, & menager avec tant d’adresse ceux des autres. Ce dessein fut suivi de tout le succez que vous en pouviez attendre; ces hommes si clairs voyants & si accoustumez au maniement des affaires, connurent d’abord en vous ces manieres insinuantes, lesqelles secondées d’une eloquence douce & persuasive, vous gagnent egalement l’estime & l’amitié de ceux avec qui vous estes en familiarité ; ils vous donnerent des marques si distinguées de 1’effet que des qualitez si rares avoient produit en eux, qu’ayant à entamer avec le plus grand & le plus esclairé des Rois, une négociation difficile, & souvent abandonnée, où il s’agissoit de la plus importante, & de la plus sensible de leurs pretentions, ils paserent jusqu’à la confiance de vous charger (quoiqu’estranger) d’une partie du soin de la faire reussir, & ce fut alors que ce grand Prince, après vous avoir donné une audience particuliere, aussi glorieuse pour vous, qu’utile à vous faire bien connoistre jusqu’où l’on peut porter la saine & infaillible politique, fondée sur la profondeur & la justesse du génie, vous jugea digne des plus hauts & des plus grands emplois, en louant en vous d’une maniere singulière ce don de persuasion que vous possedez avec tant d’avantage.

Cette principale partie du grand Négociateur ne fut pas laissée long-temps inutile, on vous destina bien-tost à l’employer auprès d’un Prince renommé par sa valeur & par son mérite, recompensé de la Couronne, & chez un peuple que son inclination guerriere, sa fierté, & l’amour constant pour ses privileges, & pour ses Loix, ont rendu si fameux depuis plusieurs siecles. Là dans l’exercice d’un si important employ, vous meritastes à un tel point, (ce qui estoit jugé presque impossible l’estime & la confiance de l’un & de l’autre ; que ce Roy si renommandable par ses Victoires vous ayant fait depositaire d’une partie de ses volontez, surpris d’une mort prompte, se fit une consolation d’expirer presque entre vos bras, & qu’après cette perte les principaux de l’Estat regarderent aussi-tost vos conseils solides & eclairez, comme le plus feur moyen de se bien conduire dans l’embarras de leurs affaires ; alors mettant en œuvre, tout ce que la prudence humaine & la plus sublime politique peuvent trouver de plus propre à se promettre un grand succez, vous pouviez vous tenir comme asseuré du glorieux accomplissement de vos desseins, quand la fortune non-seulement contraire, mais absolument declarée contre vous, cette cruelle qui se joue si souvent avec insolence de la sagesse des hommes, les renversa tout à coup, en respandant dans une grande partie de ces gens, si attentifs à suivre, & à conserver la moindre de leurs maximes & de leurs Loix, cet aveuglement incroyable, qui les leur fit toutes oublier en un instant, sans pouvoir neanmoins vous empescher de recevoir, par vostre constance à supporter ses rigueurs, les louanges dont elle sembloit vous vouloir priver : vous avez lieu neanmoins, Monsieur, de pardonnerr en quelque sorte à cette inconstante, voyant que vos utiles avis qui eussent preservé cette Nation infortunée d’une desolation inconnuë dans ses Annales, après avoir comme meuri dans l’esprit des plus sages, ont reproduit leur effet avec tant d’esclat, en leur faisant ouvrir les yeux à tous les autres, pour prendre avec vigueur les mesures necessaires, à se sauver d’une ruine totale ; eh ! quel contentement ne devez vous pas mesme ressentir, d’avoir donné par là à ce nouveau Gustave, ce jeune Héros du Nord, qui fait desja tant d’honneur à son siecle, l’heureuse occasion de faire paroistre d’une maniere si haute toutes ces grandes qualitez qui font l’admiration de l’Europe.

Malgré la pleine confiance où nous estions de trouver en vous tout ce qu’il falloit pour remplir dignement la place que vous occupez, nous sommes contraints dans nostre joye d’advoüer icy nostre surprise, en remarquant que vous possediez le grand art de bien dire, jusqu’au point d’estre encore portée de nous faire sentir par un Eloge convenable, le prix des Vertus eminentes, & des surprenantes actions de nostre Protecteur, qui tenant le monde entier dans l’estonnement, eschappe & se desrobe tous les jours à l’eloquence, par l’accroissement continuel & immense de sa gloire ; il l’augmente sans cesse d’une maniere si haute & si nouvelle, que nos anciennes & justes louanges ne se trouvent plus en aucune proportion avec luy ; &, ainsi absolument réduits au silence, il ne nous reste plus que de sommer ses envieux & ses ennemis, qui aveuglez par leur malignité, nous reprochoient souvent nostre exageration excessive, de reconnoistre au moins à present l’accomplissement de ce que promettoient ces vifs tesmoignages de nostre admiration, leur voulant bien passer pour heureuses prophéties, les hommages solennels rendus si legitimement à ses actions immortelles : bien loin de pouvoir estre susjets de flaterire, pouvoient-ils deslors honorer assez dignement un Prince, qui s’estant formé dés sa jeunesse à la noble habitude du travail, & parvenu par cette assiduité si constante & si rare, à gouverner un grand Estat, avec la facilité & le detail dont on gouverneroit bien une simple famille, a commencé, depuis prés de quarante années, par une suite constante d’evenements glorieux & non interrompus, à desabuser les hommes de cet absolu & tyrannique empire du hazard ; mesme dans les choses de la guerre, la droite raison leur faisant enfin appercevoir qu’une si longue durée de tant de succez heureux, ne peut avoir d’autres causes que les regles invariables de cette prudence suivie, tousjours maistresse de la fortune ; Qui a si peu reconnu le pouvoir de cette capricieuse, que dans la guerre precedente, malgré les efforts redoublez de cette Ligue generale, la plus formidable de celles dont les Histoires fassent mention, exempte du seul desfaut capable de la ruiner, par son estroite & durable union ; il a sceu en l’humiliant par des pertes continuelles, nous mettre dans le tranquille & glorieux estat de ne plus craindre pour mauvais evenements, que des deffaires etudies par nos Ennemis, ou des Victoires peu importantes remportées sur eux ; Qui ayant tousjours deconcerté & rendu vaine, par la sagesse & la vigueur de ses conseils, cette pretenduë capacité qu’on croyoit remarquer dans les leurs, les a reduits le plus souvent à deliberer après l’occasion, à la mode des Phrigiens, comme il se faudroit conduire une autrefois ; & qui après avoir enfin convaincu ces perpetuels jaloux de sa grandeur, de la triste verité qu’ils se voujoient cacher ; que toutes les Puissances unies ne se peuvent maintenir que par la moderation d’une seule, leur accorda la Paix qui leur fut si salutaire, & à laquelle, pour mieux asseurer le repos du monde, il voulut bien sacrifier une partie de ses Conquestes.

Que si nous ne pouvions refuser à tant de merveilles nostre veneration & nos eloges ; quel silence ne doit pas estre imposé à la Terre devant celuy qui decide, à present de son sort ? car le Ciel équitable ne laissa pas long temps sans recompense de si nobles & si pures intentions, il luy rendit au double cette gloire qu’il avoit meprisée ; il voulut que les sentiments de haine & de deffiance, que conservoit pour nous une genereuse Nation, tousjours émule de la nostre, fussent entierement esteints & dissipez par son habileté, & que le Roy qui la gouvernoit, voyant la Branche Royale de sa Maison entierement finie en sa personne, en obeïssant à la voix de Justice (malgré tous les obstacles & les efforts de la rage envieuse d’une Caballe opposée) appellait au Throsne qu’il luy falloit quitter, son auguste Posterité, en la personne du grand Prince, qui travaille si heureusement à en restablir la splendeur.

Loin d’estre esbloüi de ces nouvelles grandeurs, nostre Heros tousjours constant à preferer à toutes choses le bonheur du genre humain, mit tout en usage, mesme contre les regles apparentes de la politique, pour tascher de l’affemir ; il aima mieux remporter des Victoires moins faciles, que de manquer à faire esclatter sa moderation, il donna le temps à ses anciens envieux, de bien reconnoistre la justice de ses droits, & combien leur interest s’y trouvoit conforme ; mais après les avoir mesme reconnus, la noire & opiniatre jalousie ayant fermé leurs yeux aux lumieres de la raison, ils travaillerent à rehausser sa gloire, en commençant malgré luy cette nouvelle & sanglante guerre, dans laquelle il paroist s’estre eslevé au dessus de luy mesme : autrefois LOUIS LE GRAND, tenant ses troupes invincibles respandües sur ses frontieres, estoit la terreur de son siecle ; non seulement en faisant echoüer les desseins hardis de tant de peuples conjurez, mais les esprouvant sans cesse par ses victoires, & par des conquestes faites sur eux ; maintenant, il embrasse une grande partie de l’Univers par la puissance de ses armes ; il attaque ses Ennemis, non plus en se contentant de la deffaite de ceux qui defendent l’entrée de leurs Estats, ou de la prise des Places importantes qui paroissent les mettre en seureté, mais les jettant à tout moment dans l’affreux peril d’une ruine entiere en penetrant jusques au centre de leur Pays, le Danube, les bords de la Mer Adriatique, & les derniers rivages de l’Ocean, un nouveau monde, sont les lieux où s’executent si glorieusement les ordres qu’il donne, & l’on voit en les suivant les Generaux qu’il a formez, & qui conduisent si dignement ses redoutables Armées, renouveller en nos jours les manieres vives & audacieuses des plus grands personnages de l’Antiquité ; qui pour mieux asseurer la perte de leurs Adversaires, alloient si loin de leur Patrie se faire un nom immortel ; nostre Siecle se trouvant par 1à detrompé de son incapacité pour de si hautes entreprises.

Mais je commence à m’appercevoir, Monsieur, que mon zele, sans mesurer mes forces, m’engageroit insensiblement à rompre ce silence qu’exige de l’Univers le plus grand de ceux qui ait jamais attiré sa respectueuse attention, & les plus eloquentes expressions estant devenuës foibles & insuffisantes, nous ne pouvons, penetrez de joye, que rendre à ce grand Dieu, seul distributeur de la vraye gloire, nos humbles actions de graces ; de voir par sa justice, l’accroissement continuel des prosperitez, une santé selon nos vœux propre à les faire gouster, une famille florissante accruë depuis peu, jusques à un degré inconnu aux Princes les plus fortunez, la fidelité & le devouëment entier de ses peuples ; recompenser, comme à l’envi, la solide pieté, & le merite accompli du plus grand des Rois.