Harangue faite à M. Colbert sur le rétablissement du Committimus de l'Académie française

Le 4 janvier 1674

Jean RENAUD de SEGRAIS

HARANGUE de Mr. de SEGRAIS, faite à Mr. COLBERT le 4 Janvier 1674, sur le rétablissement du Committimus de l’Académie Française.

 

MONSIEUR,

DE toutes les grâces que l’Académie a obtenues du Roi depuis que Sa Majesté l’honore de sa protection, aucune ne l’a plus seulement touchée que le rétablissement de ses Privilèges. Cette faveur lui donne des marques d’une grande distinction ; elle la délivre de l’importunité des affaires, et lui conserve le plus beau séjour de la France : mais ce que cette Compagnie estime encore davantage, elle se voit maintenant assurée du repos et de la tranquillité qu’elle souhaite si ardemment, pour se consacrer à la gloire d’un Roi, qui est l’honneur du monde, qui par sa valeur, sa prudence, et sa justice est digne de toutes les louanges qu’on peut mériter. En vain, MONSIEUR vous essayez de nous cacher ce que nous vous devons en cette conjoncture. L’Académie reçoit trop de faveurs de Sa Majesté pour méconnaître la main qui a accoutumé de les répandre. Elle découvre votre manière d’obliger à l’air et à la grâce qui accompagnent ce bienfait, et elle voit avec joie qu’elle le doit à ce merveilleux esprit, qui au milieu des soins que vous donne le soutien d’une grande Guerre est encore occupé de tout ce qui qui peut faire l’avantage des Lettres, et la félicité du Mérite. Vous devriez donc, MONSIEUR, ne recevoir que de très-humbles remercîments de sa part. Cependant au lieu des grâces qu’elle vous doit rendre, elle ose vous en demander une nouvelle. Elle vous conjure, MONSIEUR par cette bonté toujours prête à la soutenir, de faire connaître à Sa Majesté sa parfaite reconnaissance et la vénération, qu’elle a pour ses admirables qualités ; et comme elle est persuadée que le plus sûr moyen de vous plaire, c’est de publier les louanges de ce grand Roi, elle m’ordonne de vous assurer que si elle y est portée par son inclination, et par son devoir, elle y est encore poussée par le désir de mériter l’honneur de votre estime, et de témoigner le respect et l’attachement qu’elle a pour vous.