Discours sur les prix de vertu 1905

Le 23 novembre 1905

Paul DESCHANEL

DISCOURS SUR LES PRIX DE VERTU

PAR

M. PAUL DESCHANEL

DIRECTEUR DE L’ACADÉMIE FRANÇAISE

 

 

MESSIEURS,

Vous vous rappelez, le mot par lequel Renan commença son discours sur les prix Montyon : « Il y a un jour dans l’année où la vertu est récompensée. » On pourrait dire aussi : « Il y a un jour dans l’année où nous devons nous élever au-dessus de nous-mêmes, pour vivre avec ceux qui s’élèvent au-dessus de tout. » Oui, le poète et l’artiste qui créent le beau, le politique qui, en accroissant la force d’une noble patrie, donne aux hommes plus de justice, le savant el le philosophe qui cherchent le vrai, ne viennent, sur la route où marchent ceux qui s’avancent vers la perfection, qu’après rare de dévouement et de sainteté.

La vertu dépasse l’esprit comme l’esprit dépasse la matière. La matière ne connaît point l’esprit ; et la raison, à elle seule, ne saurait produire les grandes vérités morales : il ne suffit pas de tout comprendre pour se donner.

Sans doute, il y a parenté entre une grande pensée et une belle action ; cependant la plus noble maxime ne guérit pas une épidémie, ne sauve pas un navire en détresse ; elle invite seulement à braver le péril, ce qui est la première condition pour le vaincre ; mais il y a quelque distance entre concevoir la justice et la vivre : le précepte n’a tout son prix que s’il se réalise.

Et je ne parle pas ici de ces moralistes qui aiment la vertu pour les autres, qui, par la manière dont ils en parlent, laissent voir leurs remords, et la traitent un peu comme Manon Lescaut son chevalier, plus tendre quand elle songe à ses infidélités de la veille, plus tendre encore quand elle en prépare de nouvelles.

Contemplez ces êtres admirables que la reconnaissance populaire nous a révélés : tout ce que la méditation des sages, l’effort des penseurs les plus généreux et les plus délicats, la science achevée de la vie spirituelle ont conçu de plus exquis, c’est leur existence de tous les jours, à toutes les heures. Mépris des biens de la vie, des richesses, des honneurs, des plaisirs, de la mort, immolation totale de soi au salut des autres, ils réalisent d’emblée le rêve des plus grandes âmes ; les maximes les plus éclatantes pâlissent auprès de leur vie obscure, et nous trouvons ici un nouveau témoignage de ce qu’a dit Montaigne, que l’ignorance naïve et la science parfaite se rejoignent quelquefois dans la vérité.

L’Institut de France n’aurait pas rempli toute sa destinée si, entre ceux qui servent l’idéal, il avait négligé les meilleurs ; notre œuvre serait incomplète, si nous n’allions, à certains jours, par les âpres sentiers, chercher sur les sommets, parmi la souffrance, la maladie et la mort, les pâles fleurs de sacrifice, pour en faire la couronne de la patrie.

Mais qui sommes-nous, pour assigner des rangs dans la hiérarchie des âmes ? Et comment choisir ?

C’est sur leurs sentiments qu’il faudrait juger les hommes, plutôt que sur leurs actes. Ce qui importe, c’est le motif qui fait agir, le ressort caché ; ce qui intéresse, c’est la crise intime, la conquête, la victoire secrète. Tel, qui n’a point failli, n’est pas vertueux ; tel, qui est tombé, l’est encore. La vertu, c’est la lutte. Nul ne dit de Dieu qu’il est vertueux, parce qu’il est naturellement bon.

D’ailleurs, la vertu véritable se cache ; elle fuit le jour : elle brille dans l’obscurité, comme le lis dans la forêt sombre.

Si une belle œuvre suffit à montrer le génie, une belle action ne suffit pas à réaliser la vertu : il y faut toute une vie. Le courage, l’héroïsme, le martyre même peuvent être d’un instant ; la vertu, c’est la durée.

Quelle est, dans une vie sainte, le fait de l’imagination et celui de la raison, la part de l’exaltation et celle de la volonté ? Que devons-nous préférer : la bravoure de l’homme, qui éclate en traits de feu et illumine tout, ou la jeunesse, la beauté de la femme abîmées tout entières dans le mal d’autrui, dans la contagion hideuse, qui- ronge la bouche, le nez, les yeux ?

Pour certains êtres, il n’y a de jouissance que le dévouement ; et en effet, ceux qui s’oublient perdent bien des raisons d’être tristes : le calvaire est moins dur quand-on porte la croix des autres. Alors, la vertu est à elle-même sa propre fin, sa récompense. Pour d’autres, elle est le moyen d’obtenir une récompense éternelle. Mais quelle récompense ? Sans doute, pouvoir faire encore le bien, toujours plus de bien. En échange d’eux-mêmes, ils reçoivent l’infini. Comment juger avec les mesures de la terre ces existences toutes remplies des choses du ciel ?

Ah ! si vous m’en croyez, contentons-nous de recueillir les ondes pures qui viennent des cimes, sans chercher à découvrir les sources d’où elles jaillissent ! Et si de tels espoirs sont des rêves, bénis soient les rêves qui enfantent des réalités sublimes !

Ce qui est sûr, c’est que la vertu n’est point, monotone. Ceux qui le prétendent n’ont pas regardé d’assez près, ni assez longtemps. Le monde moral est encore beaucoup plus varié que le monde physique. La vertu a ses raffinements et ses élégances, comme la perversité. Il y a autant de manières de soulager que de manières de souffrir, autant de nuances dans la charité que dans la douleur. Est-ce leur faute, à ces héros, s’il nous faut : résumer ici en quelques lignes leurs adorables vies ? Quelle peinture des passions résisterait à une telle épreuve, et que deviendraient, à ce compte, la Cousine Bette, la Confession d’un Enfant du siècle, ou la Dame aux Camélias ? Et puis, dans une galerie de chefs-d’œuvre, l’œil se fatigue vite : est-ce la faute des peintres, ou de notre vue ?

Tout de même, les hommes du XVIIIe siècle, en imaginant ces prix ; eurent une idée juste et profonde, il vous souvient de Zadig et, de la fête à Babylone ; il vous souvient aussi de ce que Diderot écrivait, quelques années après, à Mlle Voland :

« Si on tenait compte des bonnes actions, disait-il, elles seraient plus fréquentes, n’en doutez pas. C’est ce qu’on fait aussi à la Chine ; on les y publie à son de trompe ; elles y ont des récompenses assurées. Nous ne savons que punir ; nous arrêtons, tant que nous pouvons, les méchants, mais nous ne nous mêlons pas de faire germer les bons ; peut-être ne faudrait-il guère de châtiments pour le crime, s’il y avait des prix pour la vertu. On commet le crime par intérêt ; on aimerait autant, pratiquer la vertu par le même motif, et il y aurait de l’honneur et de la sécurité de plus à gagner. Où l’on donne une bourse d’or à l’homme bienfaisant, ou n’en doit guère voler. »

Je doute que M. de Montyon, si bon calculateur qu’il fût, ait songé à instituer une sorte d’assurance contre le mal, et je ne pense pas non plus qu’il ait voulu offrir des récompenses à la vertu, car les choses de l’âme n’ont point de prix ; mais il voyait, sans doute une inconséquence à admirer l’expression littéraire des sentiments et des actes humains et à ne pas les admirer dans la vie ; il pensait que la culture des esprits se fait autrement encore que par les livres ; et il se préoccupait du perfectionnement intérieur autant que de cette perfectibilité générale à laquelle il est si commode de s’abandonner. Aux pauvres bienfaisants, il donna le moyen d’accroître leurs bienfaits ; aux riches, celui d’ennoblir l’argent en secondant l’honneur ; aux lettrés, celui de servir les progrès de l’esprit en améliorant les mœurs ; à la France enfin et à l’humanité plus de force : car la vue du beau qui ne vieillit pas répand l’optimisme, et l’optimisme engendre de nouvelles beautés ; elle développe la bienveillance, et la bienveillance est une partie de la justice.

 

Parmi vos élus de cette année, Messieurs, je trouve d’abord une sœur de charité et une institutrice. La sœur était institutrice ; l’institutrice est une sœur de charité laïque. La religieuse a conquis même les libres penseurs, et l’institutrice, les croyants. Leur vertu les a élevées au- dessus des partis et des sectes.

La sœur s’appelait dans le monde Julie Hartmann. Elle est née en 1830 à Sainte-Marie-aux-Mines, arrondissement de Colmar, dans une famille de modestes cultivateurs. Elle se destinait aux Ordres et à l’enseignement, lorsque, à vingt ans, elle resta orpheline avec cinq frères et sœurs plus jeunes qu’elle. Pendant quinze ans, elle fut leur mère. Lorsqu’ils furent tous armés pour la vie, elle prit le voile et entra, sous le nom de sœur Emérentienne, dans l’Ordre de Saint-Joseph de Cluny.

En 1868, elle était nommée directrice d’une école maternelle à Beauvais. Pendant trente-six ans, elle y éleva les enfants du peuple. C’était pour elle encore une façon de prier. Sa maternité virginale l’eût préparée à sa mission, si elle n’était pas de ces âmes fines qui ont reçu en don le maniement des cœurs.

Elle a aujourd’hui soixante-quinze ans ; son pur visage s’est aminci ; sa taille s’est un peu voûtée ; et en même temps son nom s’est abrégé : le peuple, dans sa langue familière et touchante, l’appelle « Mère Ancienne », et c’est bien une mère, en effet, que trois générations, tendrement couvées par elle, couvent à présent d’une égale tendresse.

Les gens du Beauvaisis, qui, depuis Jeanne Hachette, se connaissent en valeur féminine, vénèrent l’Alsacienne qui, en optant pour la France, a gardé l’accent du pays natal. Et là-bas, de l’autre côté de la frontière, les frères et les sœurs qu’elle a élevés jadis, qu’elle n’a pas revus pendant, tant d’années, et les enfants qu’ils élèvent à leur tour, seront contents de notre hommage. Ce n’est pas la religieuse que nous couronnons : une religieuse ne veut que son voile ; ce serait manquer à l’esprit de son Ordre. Qu’a-t-elle fait autre chose, que d’appliquer cet article du règlement des Filles de la Charité : « Elles se souviendront qu’il faut toujours préférer à leurs pratiques de dévotion le service des pauvres, se représentant qu’en ce faisant, elles quittent Dieu pour Dieu. »

Ce que nous voyons en elle, c’est la courageuse enfant qui a sauvé le nid de famille, c’est la bonne institutrice populaire, secourable aux malheureux, c’est l’Alsacienne, enfin, demeurée Française. Alsace comme la justice, tu vis inébranlable dans nos cœurs ; comme elle, tu fais partie de notre substance morale. En célébrant les fortes vertus d’une de tes saintes filles, c’est encore la France que nous honorons.

L’institutrice est Mme Boiron, à Luçon (Vendée). Depuis près de quarante ans, celle-là aussi s’est détachée d’elle-même ; elle s’est quittée, pour vivre dans les autres, dans les petits enfants, — et dans tous les malades, tous les blessés ; plus fervente, à mesure que le mal est plus repoussant et plus contagieux. Elle n’a rien, et elle donne toujours ; et les pauvres né sentent pas qu’ils reçoivent la charité, quand c’est elle qui la fait.

Elle court à la douleur comme d’autres à la joie, aux vives clartés, aux amours. Le misérable dont personne ne veut plus, devenu pour tous un objet d’horreur, est pour elle un objet de tendresse ; il boit à longs traits sur son visage l’espérance qu’elle a préparée pour les cœurs.

L’institutrice de Luçon a des émules. Mme Baudry, à Mouilleron-en-Pareds, dans le même département, s’attaque à la, petite vérole charbonneuse, soigne les ulcères des vieillards, recueille les petites chanteuses des rues. Marie-Anne Mouchiroud, à la Chapelle-de-Surieu (Isère), a été estropiée des deux mains par un malade dans un accès de lièvre chaude. Puis, ce sont les époux Bonnard ; à Thoy-sous-Montfort (Vosges) : nous ne voyons qu’une même personne en ces deux êtres unis par la charité comme par le sang ; la frêle Marie Billière, à Végennes (Corrèze) ; Eugénie Morge, à Marseille : flammes vivantes, auxquelles vient s’éclairer et se chauffer le malheur.

La Lozère surtout est fertile en héroïques moissons : Ses pauvres montagnes portent des âmes charmantes et magnifiques : Victoire Tardieu, au Fau de Peyre ; Célestine Roux, à Saint-Alban ; Marie Pigeyre, au Mas d’Orcières ; Élisabeth Courbettes, au Monastier ; Sophie Roux, à Cubières ; Marie Boissonnade, à Auxillac ; Colette Meynier et Mme Marcon, à Serverette ; Mme Brugeron, à Nozières ; que sais-je ? La Lozère est le jardin de la vertu. Et, c’est un jardin fort bien soigné.

De toute la France, les vertus familiales surgissent en foule ; elles éclosent à la chaleur des foyers comme les plantes rares sous les doux climats : vigueur et santé d’une race. Si étendu que soit le cercle de famille, il est toujours trop petit pour certains cœurs. C’est une pauvre couturière de Gavray (Manche), Élise Lebailly, qui, avec un salaire de 4 francs par jour, élève et établit cinq neveux orphelins ; c’est Charles Pannier, instituteur à Saint-Martin-de-Blagny (Calvados), qui, lui aussi, recueille et élève cinq orphelins ; c’est Virginie Decouvrant, institutrice à Saint-Hervé (Côtes-du-Nord), qui s’endette pour faire vivre sa mère, sa sœur, ses neveux ; c’est Jeanne Ravalec, de Locquénolé (Finistère), orpheline à seize ans, qui élève cinq frères et sœurs et paye les dettes de son père ; ce sont, à Paris, Mme Ibanez, qui élève quatre neveux orphelins, et les époux Calot, qui, chargés de famille, recueillent cinq neveux et un enfant abandonné par-dessus le marché ; enfin Jeanne Escaich, de Saint-Girons, providence à la fois et victime d’une ingrate famille, et dont la navrante aventure fait penser à un conte de Brizeux.

Mais en voici d’autres qui, franchissant le seuil de la famille, adoptent tout ce qui pleure, ne voient nulle part d’étranger, et ne connaissent de parenté que l’infortune : telle cette repasseuse de Dinan, Louise Lebreton, qui élève les quatre enfants d’une apprentie qu’elle a perdue.

Puis, ce sont des infirmes, des impotents, ruines humaines, désastres vivants, dont la débilité voudrait le secours des autres, et qui, par miracle, retrouvent assez de force pour les secourir. Marie-Louise Caron ; à Englancourt (Aisne), aveugle, soigne ses parents, — et toute la contrée, et ses yeux éteints ont encore assez de feu pour ranimer les cœurs ; François Aubourg, le taupier de Pierrefiques (Seine-Inférieure), avec une jambe coupée et huit sous par jour, soutient son père ; Marie Relly, à Confolens, fait vivre son père, sa mère, et quatre neveux ; Mme Lancelot, à Mirepoix (Ariège), infirme et pauvre, se dévoue pendant trente ans aux malades et aux pauvres, veille aux pieds des agonies solitaires et sur la poudre des tombeaux. Et tous ont de douces paroles pour guérir les affreux silences, des gestes qui pansent les blessures, des regards qui vont sécher aux bords des lèvres l’eau salée des pleurs.

Et comment conter ici l’émouvante histoire des servantes, chaque année plus nombreuses, qui s’attachent stoïquement à la détresse de leurs maîtres et qui prennent sur leur propre misère pour les sauver, eux et leurs enfants ? En voici une qui a été ruinée par sa maîtresse ; elle lui donne les nouvelles épargnes qu’elle refait lentement, — et toute sa vie. Une autre, — c’est une histoire fréquente — a refusé de se marier ; elle a éloigné le bonheur qui venait, elle a donné jeunesse et beauté à la vieillesse, au chagrin. Servantes ? Oui, servantes de l’idéal qui les emporte, servantes du dieu intérieur qui les — ou, pour mieux dire, affranchies : car elles ont brisé leurs liens en se donnant, en mourant à elles-mêmes !

 

Venez maintenant au pied des collines du Perche, au-dessous du vieux manoir d’où les comtes Rotrou, durant deux siècles, dominèrent la riante vallée de l’Huisne. Là, entre la tombe de Sully et la statue de Rémy Belleau, une vaillante personne, Mme Ferrandin, reçoit, de dix lieues à la ronde, tous les enfants contrefaits de corps ou d’âme. On dirait une sorte de Cour des Miracles, un tableau de Callot ou de Goya. De ce tas affreux, ses mains agiles et tendres tirent lentement des parcelles de raison et de sens moral. Oh ! que de patience, que d’adresse, pour apprivoiser ces biseaux farouches, pour apaiser leurs sauvages révoltes ! L’un veut être dompté, l’autre ému. La bonne dame sait toucher les fibres secrètes. On dit que certains pâtres, avec une simple baguette de coudrier, trouvent l’emplacement des eaux qui commencent à sourdre dans la terre : comme eux, elle sait faire jaillir les larmes.

La femme est toute pitié, toute miséricorde. Pour parler avec le Cantique, elle soupire après la douleur « comme le cerf brame après l’eau des sources ».

Rappelez en votre mémoire la légende d’Isis. La déesse pleure son époux, déchiré par le noir Typhon. Elle cherche ses membres épars. Tout à coup, elle trouve par terre quelque chose de noir, d’informe, un petit monstre nouveau-né. À la couleur, elle connaît que c’est le fils du meurtrier. Devant la faible créature qui pleure, elle ne sent que la pitié. Elle le prend dans ses bras, le serre contre son cœur et, magnanime, le pend à sa mamelle. Abreuvé du lait de bonté, arrosé des larmes d’amour, le monstre devient un dieu.

 

Messieurs, la vertu des hommes ne ressemble guère à celle des femmes. Leur courage prend une autre forme : il est presque toujours moins continu. Cependant, ici encore, c’est la persévérance qui commande nos choix. Il nous faut une vie, et non un acte de vertu. À ce compte, tous les Français seraient vertueux, car tous les Français ont du courage, et d’abord nos soldais el nos marins. Il y a quelques mois, lorsqu’un de nos sous-marins eut coulé dans la rade de Bizerte, entraînant dans sa prison de fer les braves qui le montaient, l’amirauté de Toulon, manquant d’hommes pour ces navires, fit appel aux gens de bonne volonté ; tout le port vint s’offrir : éloquente réponse à certains artisans de décadence et de ruine, à certaines théories dont on ne sait ce qu’il faut le plus admirer, ou de leur scélératesse ou de leur frivolité. C’est ainsi, que la France entière répondrait, — excepté les malades, si l’on osait toucher à son indépendance ou à son honneur. Elle trouve la guerre moins dure que la servitude, et elle chaulerait volontiers, elle aussi, l’hymne d’Aristote, qu’embrase le souffle héroïque de la Grèce :

« Vertu, ô la plus belle proie de la vie, c’est pour toi, pour la beauté, ô Vierge, qu’il est enviable, en Grèce, même de mourir ; tant et si bien tu sais jeter dans l’âme une semence immortelle, supérieure à l’or et aux joies de la famille et au sommeil qui console la paupière ! C’est pour toi que le fils de Jupiter, Hercule, et les enfants de Léda ont supporté toutes leurs épreuves, proclamant par leurs actions ta puissance ; c’est par amour pour toi qu’Achille et Ajax sont descendus clans la demeure de Pluton. C’est pour ton aimable visage, enfin, que le nourrisson d’Atarné a mis en deuil, par sa mort, la clarté du soleil : « aussi est-il digne, pour ses hauts faits, du chant des poètes, et les Muses, filles de Mémoire, le rendront »

 

Il semble que le commerce de la nature, plus que celui des hommes, prépare les fortes vies. Les grandes actions naissent des solitudes silencieuses. M. de Bismarck disait un jour que ceux qui ont été habitués à vivre dans les bois, dans les libres espaces d’une vaste campagne où l’on n’entend que le coup de bec du pivert sur un tronc d’arbre, ont des intuitions subites et profondes qui ne se trouvent pas sur le pavé d’une ville ou autour d’une table verte. Oui, la forêt, la montagne, la mer sont de vastes réservoirs d’énergie ; la lutte contre leurs forces aveugles ne veut pas moins de trempe morale que le combat contre la souffrance humaine. Nos rivages de la Manche, de l’Atlantique, de la Méditerranée foisonnent en héros ; la perfide mer trouve là, partout, de terribles amants.

À Granville, par exemple, plage d’impétueuse houle et de rude vent, dont le rocher reçoit la vague épouvantable roulant de mille lieues toute la furie accumulée de l’Atlantique, et parmi la fausse douceur des sables autour de Saint-Michel, se dressent, sans cesse renaissants, de fiers courages. Aujourd’hui, c’est un ancien marin, brigadier des douanes, Louis-Pierre Guyomard, qui, chaque jour, sauve une vie, il est toujours prêt, toujours intrépide et superbe. Tranquille dans la colère de la nature, il regarde la tempête et la mort fixement. Quand la mer se calme, il court aux incendies, sauve les gens qui brûlent, arrête les chevaux emportés ou les vagabonds dangereux : c’est l’acharnement du bien contre l’acharnement du mal. Vrai ! ces gens de nos côtes et de nos ports sont de splendides exemplaires d’humanité !

 

Jusqu’à présent, Messieurs, nous n’avons parlé que d’actes individuels. Mais l’Académie, depuis longtemps, a pris l’habitude d’en distinguer d’autres. Une personne charitable recueille un enfant abandonné, puis deux, puis trois, puis vingt ; d’autres gens de bien lui viennent en aide : parce que l’acte est le fait de plusieurs, est-ce une raison pour que nous ne l’aidions pas, nous aussi ? C’est le cas, cette année même, pour l’orphelinat de Mlle de Grandpont à Saint-Pol-de-Léon, et pour celui de M. l’abbé Pascatis à Marseille.

À l’origine, en 1782, nos devanciers n’avaient à décerner qu’un seul prix, pour « l’action la plus vertueuse accomplie à Paris ou dans la banlieue par un Français pauvre ». En 1819, M. de Montyon ajouta plusieurs prix à celui-là. En 1824 de Paris, ils furent étendus à toute la France et aux colonies. En 1860, pour la première fois, l’Académie couronnait des œuvres, un orphelinat et un asile pour jeunes filles.

Dès lors, d’année en année, le champ s’agrandit : asiles, ouvroirs, crèches, écoles ; hospices, hôpitaux, dispensaires, associations d’infirmiers ; refuges pour les vieillards, les mendiants, les vagabonds, les libérés ; institutions d’aveugles, de sourds-muets ; maisons de placement, de retraite, d’assistance par le travail ; cercles d’ouvriers, secrétariats du peuple ; puis, au delà de nos frontières, des personnes morales, comme ces établissements français du Levant, qui accueillent toutes les nationalités, et les associations de bienfaisance françaises à l’étranger, ou enfin une maison nationale comme l’Institut Pasteur. Il y a quelques années, un de nos illustres confrères s’écriait ici même : « Un de ces jours, vous verrez que nous donnerons un prix au meilleur syndicat professionnel. » Il avait raison : car tel syndicat agricole est une des merveilles de notre âge.

D’ailleurs, les donations mêmes suivent le mouvement des mœurs. Voici un prix « pour l’encouragement au bien », un prix pour « récompenser de bonnes œuvres », un autre « pour augmenter l’importance des prix », ou pour « récompenser des œuvres humanitaires ».

En effet, la bonne action, parce qu’elle est multipliée par le groupement, n’est pas moins méritoire, moins digne d’être proposée en exemple. L’association met plus de méthode, de science, dans la pratique du bien. Elle fait vingt, cent bonnes actions d’un coup. Le bien aussi a ses armes perfectionnées.

Et ce n’est plus seulement le bienfait passé, que nous signalons : nous préparons l’avenir ; nous secourons avec l’humanité présente, celle qui n’est pas encore, et qui, au regard de la conscience, a les mêmes droits.

Ainsi, l’idée, tant critiquée jadis, d’un siècle essentiellement individualiste, s’est élargie peu à peu sous l’influence d’un siècle d’association. Elle a été plus féconde que nos pères ne l’avaient pensé, ou du moins elle l’a été en d’autres directions ; elle s’est prêtée aux nécessités des temps nouveaux, à des formes de bienfaisance qu’ils ne pouvaient prévoir, mais qui remplissent encore leur dessein et justifient leur foi généreuse en l’humanité. La vieille couronne, un peu jaunie, reverdit et donne des pousses nouvelles.

Cette année, vous décernez quatre de vos grands prix à l’Asile Mathilde, à l’Asile-ouvroir de Gérando, à l’Union française pour le Sauvetage de l’Enfance et à la Mutualité maternelle.

 

L’Asile Mathilde était patronné depuis 1855 par la noble princesse dont la bonté, l’esprit et les amitiés illustres ont échappé dès longtemps aux prises des passions.

Le 3 janvier 1904, la princesse Mathilde mourait, tenant son lit d’agonie un de dernier bouquet de violettes que lui avaient apporté celles qu’elle nommait « ses enfants ».

Sa maison est un des plus beaux ouvrages de la charité parisienne. Pour en bien dire l’histoire, il faudrait la simplicité d’un Vincent de Paul et la poésie d’un François d’Assise. Cette histoire est peu connue ; ceux qui la font n’aiment pas le bruit, et c’est les honorer encore que de taire leurs bienfaits.

On y soigne, on y élève les jeunes filles pauvres de cinq à vingt-deux ans, dont les maux sont incurables. Parmi ces trois-cents enfants, on trouve, hélas ! toutes les dégénérescences, toutes les anomalies qui jettent un être humain hors de l’humanité ; il y a là de jeunes monstres, mais des monstres pensants, dont l’âme parfois répand, à travers l’indignité de son enveloppe dégoûtante, des lueurs d’étrange beauté.

L’Académie offre 10 000 francs aux petites incurables. Le 21 novembre 1836, M. de Gérando, membre du Conseil général des hospices, visitait un hôpital parisien. Deux jeunes convalescentes, qui n’avaient pas quatorze ans, vinrent se jeter à ses genoux, désespérées, s’écriant : « Nous sommes entrées ici victimes d’un acte de violence ; nous allons sortir guéries, mais sans ressources, sans abri, sans famille ; nous voulons vivre honnêtement, mais nous ne savons où aller, où trouver du travail ; sauvez-nous, ou nous sommes perdues ! » M. de Gérando conçut aussitôt la fondation qui porte son nom. L’asile fut ouvert le 1er octobre 1839.

Les jeunes convalescentes qui y sont admises ne doivent pas être confondues avec celles qu’on nomme « filles repenties » : elles ont été séduites, elles ne sont pas corrompues. Elles n’entrent à l’ouvroir que sur leur demande ; elles y séjournent quelques semaines ou quelques mois, et sont ensuite placées en d’honorables maisons ou rendues à leur famille. Cet ouvroir a sauvé et réhabilité ainsi plusieurs milliers de jeunes filles. L’Académie lui offre 3 400°francs pour en sauver d’autres.

L’Union française pour le Sauvetage de l’enfance, fondée en 1888, et présidée par notre illustre confrère M. Jules Simon jusqu’à sa mort, recueille les enfants moralement abandonnés ou en danger moral.

Pauvres êtres nés dans l’opprobre, enfants désavoués, proscrits innocents, vous qui entrez dans la vie par les portes basses et par les routes fangeuses, vous que rebutent d’abord des visages hostiles et des fronts dégradés et à qui vos mères elles-mêmes versent un lait corrompu, vous verrez désormais des regards s’éclairer à votre approche, des lèvres sourire ; vous connaîtrez, avec une vraie famille, les biens suprêmes de cette terre : le travail et l’honneur.

Nous autres, nous commençons à mourir le jour où nous perdons notre père ou notre mère ; eux, ils sont les orphelins de parents qui vivent. Le Sauvetage leur rend ce qu’ils ont perdu.

En ces délicates épreuves, l’État ne saurait s’aventurer sans péril ; il n’a pas assez de souplesse. L’assistance par le travail, avec les types si divers qu’elle comporte, est, plus que toute autre, l’affaire des initiatives privées. Et son domaine doit s’étendre sans cesse : car il ne suffit plus de secourir les corps, il faut aussi relever les âmes.

L’Union compte aujourd’hui près de 4 000 membres. Elle a eu à s’occuper, depuis 1888, de plus de 6 000 enfants. Elle a déjà fondé plusieurs sections dans les départements ; elle devrait en avoir dans chaque ville importante, afin que les enfants malheureux, sur tout le territoire de la République, soient entourés d’un réseau de personnes actives, empressées à les sauver.

La dernière œuvre, dont il m’est bien agréable de vous entretenir, est la Mutualité maternelle.

Lorsque, au lendemain du vote de la loi de 1898, nous tracions le programme d’avenir de la mutualité, on nous traitait de visionnaires. En cinq ou six ans, l’utopie est devenue réalité. Le principe d’association, que la Constituante avait aboli avec le régime corporatif et qui renaît aujourd’hui sous des formes plus libres, n’a rien produit de plus original, de plus varié, ni de plus français. C’est tout un monde nouveau, de sagesse, de concorde et de solidarité.

Entre les innombrables œuvres écloses sous vos yeux, vous vous êtes arrêtés à l’une des plus humaines.

En 1890, le Congrès de Berlin émit le vœu que la mère reprît son travail quatre semaines seulement après la naissance de l’enfant. L’année suivante, la Chambre des Députés inséra cette disposition dans la loi sur le travail des femmes. Mais comment grever le budget d’une pareille charge ? Ici encore, c’était à l’initiative privée qu’il appartenait d’agir. Ce que l’État ne pouvait faire, un ingénieux philanthrope, M. Félix Poussineau, l’entreprit en 1891, avec trois Chambres syndicales, d’abord pour les ouvrières de l’aiguille.

L’ouvrière versait 3 francs par an ; elle recevait, après ses couches, 12 francs par semaine, et, si elle allaitait son enfant, une prime de 10 francs. La jeune mère, hier enfant elle-même, chancelante, ébranlée, était assurée, en se préservant, de sauver aussi la fragile créature.

Le succès de l’œuvre fut tel que, l’an dernier, son actif promoteur put l’étendre à l’ensemble des ouvrières du département de la Seine. Si les ressources le permettent, on pourra, l’an prochain, accepter quarante ou cinquante mille femmes, qui attendent leur admission. Le mouvement a gagné les départements. Et l’Italie, la Belgique, la Hollande, marchent sur les traces de la France.

On a fait plus : on a voulu suivre la mère et l’enfant, non seulement pendant quatre semaines, mais pendant dix-huit mois ; et, pour cela, on a créé des consultations de nourrissons. Paris a trente sections en exercice et cent vingt en formation.

La France, vous le savez, perd, chaque année, plus de 150 000 enfants de un jour à un an, enlevés par des maladies qu’on pourrait en partie éviter. La Mutualité maternelle réduit la mortalité infantile de 25 à 6 p. 100 : il n’est pas, vous le voyez, de plus efficace remède au mal qui ronge notre race.

Les femmes, les jeunes filles s’empressent, toujours plus nombreuses, à cette tâche patriotique ; elles s’ingénient à améliorer l’hygiène et le logement, à combattre l’intempérance ; elles pénètrent au foyer et au cœur de l’ouvrière, partagent ses peines, ses joies’ les plus pures et lui donnent confiance en l’avenir.

L’Académie, en décernant à la Mutualité maternelle un prix de 4 500 francs, salue nos vaillantes ouvrières, qui servent, elles aussi, à leur façon, l’art et le goût français.

En même temps qu’une institution mutualiste, vous avez voulu encourager une des femmes qui ont le plus fait pour notre cause. Vous accordez un prix de 1 000 francs à Mme Reinbold, fondatrice de la Secourable, à Toulon, qui a contribué à fonder plus de vingt sociétés de secours mutuels de femmes et qui, depuis un quart de siècle, y a consacré toute sa vie. De sorte qu’ici encore, vous marquez le double caractère, à la fois individuel et collectif, de vos prix.

Nos 4 300 000 mutualistes, cette grande famille qui répond si bien à la définition que Montesquieu donnait de la vertu dans les Républiques, sentiront vivement l’honneur que vous leur faites, et votre hommage leur sera d’autant plus précieux, qu’il est, celui-ci, tout à fait désintéressé.

Messieurs, on peut mesurer maintenant ce que l’idée de M. de Montyon, agrandie, vivifiée, assouplie aux besoins nouveaux de notre France contemporaine, a ajouté à l’œuvre du cardinal de Richelieu. L’Académie française, en secondant toutes les grandes œuvres sociales de notre temps sans distinction d’opinion ni de croyance, demeure fidèle à son rôle historique. Par cela même qu’elle est la plus forte institution littéraire qu’aucun peuple ait possédée, elle a un caractère moral et social. À chaque époque, elle a rempli une haute et nécessaire mission. Au XVII° siècle, elle a contribué à maintenir et à fixer cette noble langue qui est la meilleure discipline de la pensée française ; au XVIIIe, elle a été le foyer de la philosophie et du libre examen ; au XIXe, un centre d’indépendance politique et morale. La voici maintenant qui participe à ce grand mouvement dont Michelet disait déjà : « La France est la fraternité vivante ». C’est par là qu’elle ne dure pas seulement, et qu’elle vit.

 

Enfin, l’avisé Montyon a eu le sens profond de la vérité historique et humaine en réservant ses libéralités aux pauvres, en voulant qu’au milieu de nous les plus humbles membres de la famille humaine fussent aussi les plus honorés. Les bonnes actions, les traits héroïques sont les chefs-d’œuvre du génie populaire. Les grandes choses se font surtout par les misérables. La gêne est le principe du mouvement ; le bien-être souvent est inerte. Le monde marche par la douleur. C’est elle qui a porté aux sommets de l’art et de la pensée Isaïe et Eschyle, Dante et Michel-Ange, Shakespeare et Pascal. C’est elle qui a engendré les plus grandes révolutions morales de l’humanité. Le judaïsme, le bouddhisme, le christianisme ont été des mouvements de pauvres. Chacune de ces religions nouvelles a attiré les exilés de la joie humaine en leur ouvrant des horizons indéfinis d’amour et de pitié, et la morale, en s’élargissant vers eux, s’est simplifiée et purifiée.

Qu’aurait pensé, aux premiers siècles de notre ère, un Tacite, si quelque pêcheur obscur des bords du lac de Tibériade avait pu lui dire : « Il te paraît que le centre de l’humanité est à Rome, à la Cour des empereurs ou dans les réunions de philosophes ? Non : il est là-bas, dans cette Judée persécutée, dans ce coin de terre maudit ! Il te paraît que les Césars sont les maîtres du monde ? Non : les vrais maîtres du monde sont mes frères gémissants, cette plèbe ignorante et vile, pour laquelle lui-même n’as pas assez de mépris ! »

Oui, Messieurs, telle est la loi de l’histoire. Ce sont toujours les bergers et les mages qui apercevront les premiers à l’horizon l’étoile nouvelle. Les causes profondes des grands changements humains sont ailleurs que dans les assemblées politiques et dans les cercles du lettrés, elles sont dans les aspirations des simples, des patients de foute sorte. Ce sont les déshérités de la terre qui toujours ont poursuivi le plus énergiquement l’idéal et qui ont réalisé le bien dont nous vivons. Ce sont les infiniment petits, au fond de la sombre mer des pauvres, qui fondent l’avenir.

La nature, à travers ses splendeurs, est un prodige d’iniquité. Le soleil a souri aux plus grands crimes ; la mort frappe, en pleine jeunesse, les plus grands cœurs. Tout, ici-bas, n’est que violence. L’homme lui-même ne subsiste que par une tuerie abjecte. L’extermination réciproque était la loi de l’humanité primitive comme elle est encore, comme elle sera toujours la loi de la nature animée.

Cependant, durant des milliers de siècles, dans l’homme s’est formée la conscience, et du fond de la conscience a surgi lentement la justice, et cette fleur de la justice, la charité.

Ni la justice, ni la charité ne sont dans la nature : elles sont une création de l’homme, comme le blé et comme la rose. La plante, l’animal, se parent, brillent pour l’amour ; la nature crée la beauté ; elle ne monte pas jusqu’au devoir, ni ait sacrifice.

C’est la justice pourtant et c’est la charité qui vivront, plus que tout le reste. La planète terre périra ; le système solaire périra ; tous les astres qui roulent dans l’espace périront, sous leur forme présente ; la matière dont ils sont faits ira se transformant et produira d’autres inondes, de même que les débris des imperceptibles forment la gelée féconde d’où surgiront d’autres êtres. Une vie nouvelle sort des éléments dissous de la vie précédente. Le monde physique est une vaste métamorphose.

Il en est de même du monde moral. Là aussi, tout se transforme ; là non plus, rien ne se perd. Mais la somme de bien qui est en lui et qui le fait vivre va toujours croissant et, de plus en plus, l’emporte sur le mal. Le lent travail de perfection que poursuivent les élues pensants et responsables agrandit l’ordre universel. Le moindre mouvement que le sage vient à faire suivant l’ordre profite à tout l’univers. « La vertu, dit Euripide, est le seul bien qui ne meure pas avec l’homme. » Une bonne action, une vie sainte sont, en un sens, éternelles dans leurs résultats. Le juste qui a apporté sa pierre à la construction immense a désormais sa place dans le temple. En concevant et en réalisant, la justice, l’être, dont la dépouille vient du néant et va y rentrer, participe à l’éternel et à l’infini.

Saintes créatures, vous n’aurez pas aimé et souffert en vain ! Non ! votre génie ne vous a point trompées : car, plus encore que dans les profondeurs étoilées du ciel, le divin éclate dans vos simples cœurs !