Discours de réception du duc de Montmorency

Le 9 février 1826

Mathieu de MONTMORENCY

M. le duc Mathieu de Montmorency, ayant été élu par l’Académie française à la place vacante par la mort de M. le comte Bigot de Préameneu, y est venu prendre séance le jeudi 9 février 1826, et a prononcé le discours qui suit :

    

Messieurs,

Dès que vos suffrages m’eurent appelé a un honneur que l’insuffisance des titres littéraires, me défendait d’ambitionner, mes regards durent se porter sur ce jour où j’aurais à remercier, au sein de l’Académie, ceux dont l’admission ne fut pas, comme la mienne, généreuse et gratuite, puisqu’elle était la preuve tout ensemble et le prix des travaux et de la gloire.

J’ai voulu d’abord étudier dans vos annales ces discours de réception qui sont eux-mêmes restés des monuments et des modèles. En y voyant la modestie s’exprimer avec un art si parfait, avec une si rare élégance, comment n’aurais-je pas été effrayé de la nécessité d’avoir tant de talent pour prouver qu’on n’en a pas ? Ces tours plus moins heureux, ces manières plus ou moins ingénieuses et brillantes de dissimuler d’incontestables droits, peuvent laisser soupçonner l’orateur, qui s’en console aisément, de manquer un peu soit de sincérité soit de justice.

Pour moi, Messieurs, je serai tout à. la fois juste et sincère, en proclamant devant vous les motifs de mes craintes et de ma reconnaissance.

Si votre indulgence a voulu compter pour quelque chose de bonnes études à l’école de cette célèbre Université de Paris qui a formé tant de maîtres parmi ses disciples, et l’ensemble d’une vie dont les occupations sérieuses n’ont pas été étrangères à ce qui fait l’objet constant de vos nobles travaux ; si appelé, trop tôt peut être, à des fonctions publiques., qui font, au nom du devoir, violente à la timidité même, j ai pu monter quelquefois à ces tribunes politiques qu’ont illustrées tant de talents du premier ordre, si j’y ai vu mes efforts, encouragés par cette bienveillance que j’ai presque toujours rencontrée, et à laquelle je dois aujourd’hui de m’asseoir parmi vous, ce n’étaient pas là, je le sais, des titres littéraires qui dussent m’ouvrir le sanctuaire des sciences, des lettres et des arts.

Ne me serait-il pas facile de chercher autrement à m’expliquer l’honneur de vos suffrages ? Ne les dois-je pas à votre constante fidélité aux usages, je pourrais dire, aux règles de conduite et aux exemples dont vous avez si dignement recueilli l’héritage ? L’Académie française n’a-t-elle pas toujours montré ce dessein, qui n’est ni sans grandeur, ni sans utilité publique , de former dans ses rangs les plus heureuses alliances, de resserrer des nœuds de mutuel attachement et de douce confraternité entre les grands écrivain set leurs simples admirateurs, entre ceux que recommandent à l’estime publique les glorieux succès, les bons ouvrages, et ceux qui ont toujours mis un grand prix à perpétuer les pures traditions de notre belle langue ?

Vous aimez, Messieurs, comme vos devanciers, à étendre de plus en plus le système à ces unions, de ces pactes si désirables, entre tous les genres de distinctions sociales. Et ne puis-je pas dire que ce ne sont pas les titres littéraires de l’estimable académicien, auquel j’ai l’honneur de succéder, qui me font le plus sentir toute mon insuffisance ? Mais ses vertus modestes, une instruction si variée, tant de services rendus à l’humanité ; voilà ce qui honore sa vie, voilà ce qui est le sujet de nos justes regrets, et aussi du tribut d’estime et de louanges que votre indulgence me permettra de consacrer à sa mémoire.

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M. le comte Bigot de Préameneu était entré dans la carrière des fonctions publiques, à cette époque de douloureux souvenir, moins séparée de nous, ce semble, par l’espace du temps et le nombre des années que par l’ordre, et le repos dont nous jouissons ; les intentions du meilleur et du plus infortuné des rois étaient méconnues ; la France avait déjà perdu ce qu’elle prétendait conquérir, et selon une expression heureuse et célèbre, elle avait traversé cette liberté dont les augustes frères de Louis X devaient un jour lui assurer le bienfait, en fixant à jamais ses conditions, ses limites, et ses garanties.

M. Bigot de Préameneu, nommé député de Paris à la seconde des assemblées législatives, eut le courage et l’honneur de défendre à la tribune ce qui survivait encore des prérogatives d’un trône presque renversé. Il défendit avec la même énergie la liberté de conscience des prêtres contre les premiers cris de la fureur et de l’intolérance, qui demandaient des serments, pour signaler des victimes. Il avait ainsi mérité d’être proscrit : le 9 thermidor le trouva dans ces prisons où l’on attendait l’échafaud. Il sortit de captivité avec ceux que la tyrannie n’avait pas eu le temps d’immoler ; et, dès l’aurore de ce retour vers les idées d’ordre et de sécurité qui devait ramener le culte paisible des beaux-arts, la réputation qu’il avait acquise par d’excellents mémoires judiciaires aux deux barreaux justement renommés de Rennes et de Paris, ses lumières, ses travaux législatifs lui méritèrent l’honneur d’être admis dans l’une des classes du corps illustre qui renferme les diverses Académies, ces vieux temples consacrés à la gloire des sciences et des lettres françaises.

M. Bigot de Préameneu trouvait dans l’habitude du travail, dans la vie de famille, dans ses mœurs pures et exemplaires, dans toutes les vertus paisibles qui économisent le temps, en donnant aux occupations sérieuses ce qu’elles ôtent à la dissipation et aux plaisirs, les moyens de remplir des devoirs variés et nombreux.

Assemblées politiques, places importantes dans la magistrature, travaux préparatoires de nos lois civiles, fonctions plus éminentes encore, il a su tout concilier avec l’exactitude académique, comme avec ces soins encore plus chers à son cœur, que la charité lui confiait, et dans lesquels j’ai eu le bonheur de l’avoir pendant ces derniers temps pour collègue et pour modèle.

N’est-ce pas un spectacle digne d’attention et d’intérêt que la longue vie de mon estimable prédécesseur, utile, laborieuse, honorée, exempte, en général, d’orages au milieu de ceux qui grondaient sur sa tête ? Une pensée de Tacite me semble venir heureusement à mon secours pour développer la mienne.

Si je savais la langue d’Horace comme son ingénieux traducteur, si j’avais surtout le secret de sa prose, élégante comme ses vers, qui consolera la mémoire de mon prédécesseur de l’insuffisance de mes efforts pour la célébrer, je traduirais littéralement le texte du grand écrivain, dont je me bornerai à chercher le sens et l’intention.

J’ai été frappé d’un passage de cet éloge d’Agricola, où l’on dirait que l’éclat du plus beau talent s’est plu à tromper l’intention modeste d’un hommage de famille ; cet hommage a traversé les siècles, et un homme de bien est devenu immortel pour avoir eu le bonheur d’être l’ami et le parent d’un homme de génie.

Avec ce style inimitable dont l’énergie est si pénétrante, et la concision si féconde, le plus grave des historiens, selon l’expression de Bossuet, en retraçant ces temps qu’il appelle funestes à la vertu, donne des conseils plus utiles que des louanges ; il promet encore de la gloire à la vertu, même sous de mauvais princes, etiam sub malis principibus, pourvu qu’avec des talents et de l’énergie (industria et vigor), elle consente à la condescendance et à la mesure.

N’est-ce pas, Messieurs, ce conseil de Tacite qui semble avoir présidé à la conduite de notre collègue ? N’est-ce pas là l’éloge, et comme l’abrégé de son caractère et de sa vie ? Du talent, du travail, des connaissances étendues, du courage à la tribune politique, toujours de la circonspection et de la mesure, obsequium et modestia.

C’est ainsi qu’on peut bien mériter de son pays dans les temps difficiles ; c’est ainsi qu’en ne faisant pas tout le bien qu’on voudrait faire, on obtient du moins le second succès du zèle et des bonnes intentions, qui consiste à empêcher le mal. C’est ainsi que M. de Préameneu, dans les plus importantes fonctions qu’il ait eu à remplir, ne pouvant guérir toutes les plaies de la religion, écartait une partie des maux qui la menaçaient : il consolait quelques-unes de ses douleurs : chez lui, autour de lui, la pourpre romaine, proscrite et captive, trouvait des soins, des égards, de secrets, de dangereux peut-être, et par là même, de plus touchants hommages.

Mais il était des devoirs que remplissait avec une ardeur libre de toute mesure l’ame bienveillante et charitable de M. de Préameneu. Personne ne fut un membre plus utile du conseil-général des hospices, et, ensuite, du conseil des prisons. Ce n’est pas sans un sentiment doux et consolant que l’on voit les amis des lettres et les savants prendre place dans ce qu’on peut appeler les divers ministères de ce royaume de la charité. Utile et touchante association, où les lettres reçoivent autant qu’elles donnent ! L’habitude de la méditation, l’exercice exclusif des facultés intellectuelles peuvent élever noblement l’homme au-dessus des vices de l’humanité, mais peut-être aussi l’isoler trop de la connaissance et du sentiment de ses souffrances, le rendre trop étranger au besoin de compâtir à ses maux et de soulager ses misères. Si l’on a vu, surtout dans le siècle immortel qui nous a transmis tous les exemples de gloire et de vertu, les plus beaux génies se montrer dociles à l’empire des habitudes de famille et des relations d’amitié, ne peut-on pas dire que ceux qui se reposent de leurs études favorites, en se dévouant aux devoirs de la charité, s’attachent à des amis, à des parents de tous les temps et de tous les jours, adoptent, dans les pauvres et les malheureux, une famille éternelle ? Un moraliste éloquent a dit : Les grandes pensées viennent du cœur : n’est-il pas bon de les aller puiser quelquefois dans celles des jouissances du cœur qui sont les plus pures de toutes ? Peut-être au fond des prisons ou des hôpitaux, à côté du lit des malades à qui la guérison est promise ou la mort rendue moins amère, en présence de ces anges visibles, des saintes filles qui, semblant commencer le ciel sur la terre, offrent au talent les traits à saisir d’une nature plus qu’humaine, seront inspirées des pensées hautes et sublimes, les plus heureux mouvements de l’éloquence et de la poésie ! Ainsi, les bonnes œuvres seront la source des bons ouvrages : la miséricorde ne sera ni inutile, ni étrangère à la gloire… Ainsi, deviendra de plus en plus intime et féconde l’heureuse alliance de ce qui fait honneur à l’humanité, et de ce qui lui porte secours, du cœur et du talent, de la charité et du génie.

M. de Préameneu était toujours le même, toujours également assidu et zélé, partout où il y avait du bien à faire, sans que l’âge ni la délicatesse de sa santé pussent ralentir son ardeur. J’ai appris de vous-mêmes, Messieurs, que son excellent esprit, son instruction étendue se faisaient remarquer par la part qu’il prenait à vos utiles travaux sur la langue dont vous êtes chargés de conserver le précieux dépôt, pour en continuer l’empire presque universel.

Tel il se montrait parmi les administrateurs des pauvres dont il discutait les intérêts avec une rare sagacité, avec une justice scrupuleuse. Tel il était encore dans les conseils qui travaillent avec tant de sollicitude à la réforme des prisons. C’est là un des bienfaits de la restauration, une de ces pensées dignes de la royale famille, seconde providence de la France, et surtout des Français malheureux. Quel soin plus digne du trône ! quel dessein où respirent davantage les vues de la plus habile politique administrative, et les sentiments de la plus miséricordieuse bonté ! La société, forcée de punir, pour exister et pour durer, frappe toujours à regret ; sa main maternelle voudrait guérir les plaies de sa justice ; elle rappelle sans cesse dans son sein, de la route puissance de ses vœux, ceux qu’elle a été contrainte d’en exclure. Elle ne perd pas de vue cette foule captive, isolée du reste des hommes, cette espèce de société prisonnière et cachée, qu’elle voudrait reprendre, ressaisir, ramener de la mort à la résurrection sociale par la voie du repentir et des remords. Pour obtenir un si touchant succès, le concours de la puissance divine et de la puissance humaine était nécessaire : il fallait d’abord faire retentir dans ces tristes demeures la voix de la morale et de la religion ; il fallait aussi que des hommes versés dans la science des lois ne dédaignassent pas de descendre au travail compatissant d’une législation spéciale, appropriée à de telles mœurs, à de telles circonstances, à de tels besoins.

M. Bigot de Préameneu avait contribué à la confection de ce Code civil dont on se réjouit de voir le perfectionnement si bien confié à des hommes habiles qui se retrouvent encore parmi vous, de ce Code civil, dont il serait déjà juste de remercier les auteurs, par cela seul que plus d’un pays étranger a payé, en l’adoptant, un nouveau tribut à nos lumières.

M. de Préameneu se plaisait à consacrer ces mêmes talents, ces mêmes connaissances au travail du Code des prisons, mélange heureux de bienveillance et de sévérité, d’humanité et d’indispensable rigueur. Bien peu de temps encore avant de le perdre, n’avons-nous pas entendu cet homme de bien apporter le tribut de ses vœux ardents pour la réforme des mœurs, dans cette intéressante réunion d’hommes appartenant aux diverses classes et aux diverses fonctions de la société, que l’héritier du trône, que notre Dauphin daigne appeler auprès de lui, pour s’occuper avec une touchante sollicitude d’améliorer le sort des prisonniers ?

Ah ! qu’il est digne de vous, Prince, cet apprentissage de la royauté qui vous associe à la direction suprême des secours, des bonnes œuvres et de tout cet empire de la miséricorde publique ! Vous vous y plaisez bien plus qu’au milieu des pompes du trône, qu’au milieu même de toutes les jouissances de la gloire. La gloire ! pour vous paraître digne de vous, il a fallu que, conservant ce qui la rend chère à vos pareils, les fatigues, les dangers, les chances de la guerre, elle fût aussi avouée par la justice. Conquérant pacificateur, la conquête n’a pu avoir de charmes pour vous, qu’en gardant ce qui la recommande aux yeux de l’histoire ; l’importance du succès, la justice des causes, la grandeur de l’entreprise, qu’en perdant ce qu’elle a trop souvent de dur et de cruel. Elle a dû se présenter à vos regards, Prince, sous les traits du devoir, du secours porté par l’alliance et par l’amitié, à un peuple, à un roi également opprimés et malheureux.

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Ce sera encore ne pas perdre de vue que M. Bigot de Préameneu, ni les sentiments et les pensées qu’a réveillés en vous le souvenir de sa vie, que de nous arrêter quelques instants à considérer la toute-puissance de l’éloquence de la charité, qui seule a fondé dans l’univers chrétien tous ces utiles établissements, tous les asiles de la souffrance et du malheur. Les plus étonnants prodiges qu’elle ait opérés parmi nous se rapportent précisément à la même époque où l’Académie fut fondée. La France y trouve deux gloires contemporaines : comme pour nous rappeler que tout ce qui est bon, tout ce qui est beau, tout ce qui est grand doit se rapprocher et se prêter un mutuel appui.

La France voyait alors ses destinées confiées par Louis-le-Juste au ministre célèbre, dans lequel ni la différence d’opinions, ni des principes plus consciencieux sur les limites de la politique et de la morale, ni même l’influence légitime des souvenirs de famille, ne sauraient empêcher de reconnaître l’un de ces génies sublimes, mais terribles, qui portent bien haut la grandeur et l’éclat des empires, mais que rien n’arrête, qui ne reculent devant aucun obstacle, aucune infortune, aucune rigueur. L’instinct naturel à tout ce qui est grand le porta à rechercher ce qui est glorieux et durable. Richelieu devait être averti, et par sa confiance, et par son inquiétude, de ce que sa renommée aurait à démêler avec l’avenir : il a voulu changer les lettres du soin de le louer ou de le défendre, et, certes, les lettres reconnaissantes ont entendu sa voix, exaucé ses vœux. Ce magnifique temple de la gloire littéraire, qui a vu successivement suspendre à ses voûtes toutes les couronnes de la poésie, toutes les palmes de l’éloquence, toutes les offrandes du génie, les trophées de tous les genres de triomphe et de succès, n’a pas cessé de retentir tantôt de l’éloge, tantôt de l’apologie, toujours de la grandeur et du nom de son fondateur.

À la politique de ce profond génie n’avait pas échappé non plus le secret de ce que peuvent les lettres pour effacer dans les esprits les traces des troubles, des orages politiques ; espèce de charme plein de puissance, dont tous les siècles, dans des circonstances semblables, éprouveront l’invincible et doux empire !

Il semble que l’illustre cardinal ait voulu vous préparer toutes les trompettes de la renommée, que tant de grandes choses et de grands hommes allaient occuper et remplir. Le temps arrivait de nos triomphes littéraires unis aux triomphes de nos guerriers ; bientôt devait commencer le règne du grand roi qui imprima ce caractère immortel de grandeur à tout ce qui l’entourait, qui encouragea, par un suffrage éclairé, les travaux des célèbres devanciers, et qui, s’il écoutait avec prédilection leurs éloquents éloges, semblait absoudre la flatterie même par l’enthousiasme.

Dans le même temps, le simple fils d’un laboureur, que Richelieu sut apprécier et protéger, avait trouvé dans son cœur et dans la religion, le secret de cette éloquence qui touche, persuade, fait couler les larmes, obtient de l’égoïsme, de l’avarice même quelques bienfaits, et de la piété sincère d’immenses largesses, multipliées encore par le dévouement du zèle habile qui en dirige l’emploi.

Le modèle par excellence de la charité, n’est-ce pas ce Vincent de Paul qui a subjugué tous les cœurs, fait taire toutes les préventions, conquis et réuni tous les hommages ? Les hommes même assez malheureux pour méconnaître la source céleste de tant de puissance unie à tant d’humilité tombent involontairement à genoux devant les preuves toujours vivantes de son inépuisable bienfaisance. Quel doux emploi ! quel triomphe du don de la parole, qui flatta trop souvent le pouvoir injuste, servit les passions les plus coupables, troubla la paix des sociétés, et, comme un autre glaive, ravagea la terre ! Les règles se taisent devant cette langue de la charité : tout y est sentiment, tout y est inspiration ; l’art et le talent pourraient envier, mais aiment mieux admirer le pouvoir d’un pauvre prêtre, qui, par un discours de quelques lignes, que son début naïf et original a gravé dans la mémoire, arrache à la mort de malheureux enfants abandonnés, et fonde, pour les recevoir, un hospice, auquel ce jour là même quarante mille francs de rente furent assurés. À la voix de cet homme simple, dévoré du feu de la charité, des milliers d’enfants ont obtenu la vie : tous les ans un grand nombre cesse, pour ainsi dire, de mourir ; chaque fois que l’une d’eux trouve, au lieu de la borne fatale qui lui servait de berceau et de tombe, des langes, un lit, des mères adoptives, le cri de l’humanité ne s’élève-t-il pas pour bénir sur la terre le créateur d’une si belle œuvre, le sauveur de tant de victimes dévouées à la mort ?

Messieurs, c’est surtout dans cette enceinte que l’on aime à reconnaître que les lettres et les arts se sont montrés juste envers l’homme, qui, comme son modèle et son maître, n’a passé que pour faire du bien. Plus d’un orateur a dû sa gloire à celle de Vincent de Paul, qu’il a célébrée ; il lui a aussi consacré de beaux vers, ce poëte si cher à l’Académie, et tout vivant encore dans nos souvenirs par son charme et par sa grace, ce chantre illustre de nos princes, de la fidélité, du malheur et de la pitié !

Louis XVI avait voulu que la statue de Vincent de Paul honorât celles de nos autres grands hommes, pour que, ces diverses grandeurs se trouvant réunies, la justice de la terre fût une fois l’image de celle du ciel. La peinture a voulu rivaliser avec le ciseau ; dans l’un des premiers temples de la capitale, un tableau nous montre l’apôtre de la charité entre le cardinal de Richelieu et quelques pauvres enfants qu’il présente à ce ministre avec leurs mères adoptives. Ce sujet eût été digne d’inspirer le pinceau d’un des grands peintres que nous comptons parmi nos confrères ; elle ne manquait ni d’éclat, ni d’un touchant intérêt, l’idée de présenter aussi aux regards de la piété et de la reconnaissance française, par le rapprochement le plus propre à exciter de fortes émotions, ce qu’il y a de plus grave et de plus élevé dans les pensées de l’homme, et ce qu’il y a de plus compatissant dans son cœur, l’illustre serviteur des rois et le tendre ami des pauvres.

Si la Providence n’accorde à la charité qu’un Vincent, comme à la religion qu’un Bossuet, en deux ou trois siècles, elle allume cependant au feu de ces grands exemples le zèle de la plus ardente émulation. Ainsi, il y a environ un demi-siècle, du haut de la chaire sacrée, un orateur courageux s’écriait en s’adressant à la conscience et à l’humanité d’un roi : « Dans l’Hôtel-Dieu se renouvelle, sous les enseignes de la miséricorde, le supplice inventé par un tyran des temps anciens ; on voit plusieurs malades et plusieurs mourants comme enchaînés sur le même lit de douleur, et les vivants attachés à des morts. »

À peine la vois de Dieu et de son ministre a-t-elle parlé, que le bienfait commence ; et s’il ne peut s’achever sans le secours du temps, aussitôt du moins sont promises et préparées aux diverses maladies des couches solitaires, qui, séparant, isolant les douleurs, devaient garantir les maux et les souffrances de la contagion d’autres souffrances et d’autres maux.

Ainsi, parce qu’un prêtre a été éloquent, parce qu’un roi a été attentif et sensible, d’innombrables malades ont cessé de respirer la mort à côté d’eux, et une calamité barbare n’a plus attristé l’asile de la charité.

Vers la même époque, dans l’une de ces cérémonies religieuses où les pompes de la cour viennent s’unir aux actes de l’humilité évangélique, la parole sainte révélait à l’auditoire royal les horreurs inconnues de ces antres infects, où des malheureux prisonniers étaient réduits à force de souffrances à bénir le moment de leur supplice.

« Grand Dieu ! sous un bon prince, des objets qui envient l’échafaud ! Jour immortel ; soyez béni ! j’ai acquitté le vœu de mon cœur, de décharge le poids d’une si grande douleur dans le sein du meilleur des monarques ! » (Sermon de la Cène de l’abbé Besplas)

Ce cri touchant et sublime fut entendu. Le roi exprima sa surprise, sa douleur ; il fit combler les cachots les plus malsains : il commença dès lors cette réforme des prisons, qui devait être continuée de nos jours par les augustes princes de sa race.

Elle doit aussi être rappelée, cette pensée d’une charité plus soigneuse, plus délicate, et toute française, le noble et touchant projet de préparer des soins, en quelque sorte privilégiés, pour des misères d’un autre ordre que les misères communes. Il était digne des sentiments religieux de la nation la plus habile dans la science des égards et des convenances, de vouloir faire pardonner la somptueuse élégance de nos mœurs, en répandant un peu de notre luxe jusque sur nos aumônes, et de consoler, par des ménagements plus délicats, le souvenir même des rangs presque effacés par le malheur. Vous devinez, Messieurs, que je veux parler de cet asile d’un genre nouveau ouvert, quelques années avant la révolution, sous les auspices du nom de la Rochefoucauld, pour y recueillir un certain nombre de vieux prêtres et de vieux chevaliers de Saint-Louis, des vétérans du sanctuaire et des vétérans de l’honneur. C’est du sein de l’Académie française que s’éleva une voix toujours ingénieuse, mais devenue éloquente sous l’inspiration d’un si touchant intérêt. Cette immense capitale, souvent arrachée au tourbillon des plaisirs par l’attrait de semblables bonnes œuvres, avait rassemblé autour de l’orateur un riche et illustre auditoire ; l’hospice était doté quand l’abbé de Boismont descendit de cette chaire, où il venait de mériter sa réputation en se surpassant lui-même. Munificence noble et désintéressée qui soulageait des maux qu’elle croyait ne devoir jamais connaître ! Combien de mains généreuses, en consacrant à de nombres infortunes une opulente offrande, ne se savaient pas destinés à recevoir bientôt, sur la terre étrangère, les plus modiques secours ! Hélas ! tout avait péri, tout était tombé dans le gouffre de la révolution, et les bienfaits et les bienfaiteurs, tant de belles institutions, vieilles comme la France, vieilles comme la religion !

Nous avons vu un semblable asyle, devenu plus nécessaire depuis que les besoins ont atteint même ceux qui semblaient ne devoir les connaître que pour les secourir, se relever de nos jours sous le plus auguste patronage, et par ces soins d’une ingénieuse délicatesse dont les femmes surtout ont l’art et le secret. Puisse-t-il se perpétuer, et prospérer à jamais au milieu des bénédictions qu’attire de toutes parts le nom qui le protège, le grand nom de Marie-Thérèse, auquel les annales des grands règnes, comme les annales de la vertu héroïque, et celles de la charité, conservent et garantissent une double immortalité !

Je pourrais continuer cette histoire de l’éloquence employée à son plus digne usage, au triomphe de la charité. Nous trouverions encore de nos jours plus d’un orateur chrétien, dont les paroles ont inspiré d’utiles institutions. Celui qui nous fut enlevé, il y a quelques années, savait par sa douceur rendre la vertu si aimable, la bienfaisance si attrayante ! La justice, la reconnaissance et l’amitié blessaient quelquefois sa modestie, en lui trouvant quelques traits de ressemblance avec Fénelon, et la Providence semblait avoir permis un rapport de plus entre l’imitateur et le modèle. C’est un digne héritier d’un si beau nom, c’est le vertueux abbé de Fénelon, le Vincent de Paul des petits savoyards, qui a transmis à l’abbé Duval comme par une délégation testamentaire l’une des bonnes œuvres les plus touchantes, à laquelle nous l’avons vu consacrer et ses éloquentes exhortations, et ses soins assidus, et tout le charme de son talent, et toute l’ardeur de son zèle ; je veux dire, la paternité adoptive de ces pauvres enfants plus recommandables encore que tant d’autres malheureux, et plus chers à la pitié, puisque la pitié mesure le privilège sur l’abandon, puisque ces enfants vivent, travaillent et souffrent parmi nous, sans père, sans mère, et sans patrie.

Mais il est temps de terminer un discours où le souvenir d’un homme charitable a introduit la Religion, bienfaitrice de tous les genres de malheurs : déjà, dans une circonstance récente, l’un de nos plus illustres collègues vous a entretenus de son alliance avec les lettres. Je voudrais, agrandissant le cercle de cette sage et heureuse idée, sceller ici même, dans ce jour rendu solennel pour moi par votre bienveillance, le traité qui devrait unir à jamais trois grandes puissances, sous la médiation du trône, la religion, les lettres, et les libertés publiques.

Et n’ai-je pas l’honneur de parler ici dans le palais d’une des puissances contractantes, où certes, les deux autres se trouvent aussi dignement représentées ; les libertés publiques, par les orateurs les plus distingués de nos tribunes politiques ; la religion, par ses éloquents pontifes.

Combien, sous tous les rapports, l’alliance de la religion et de la liberté n’est-elle pas ancienne, naturelle et nécessaire ! Comme la liberté et la religion correspondent et marchent d’accord, soit qu’il s’agisse de faire du bien au monde, soit qu’il s’agisse d’enseigner leurs devoirs aux peuples et aux rois, d’ennoblir et de purifier la terre ! N’est-ce pas à la voix du christianisme naissant qu’a disparu de l’univers l’esclavage, l’éternel opprobre de la prétendue liberté de Rome et d’Athènes ? Depuis cette grande réparation, depuis cette solennelle expiation d’un si cruel outrage à la dignité de l’homme, jusqu’à l’affranchissement des serfs du Jura, ordonné par Louis XVI, n’est-ce pas la religion qui a toujours voulu, protégé la liberté ? Combien de siècles avant les tribunes politiques, du haut des tribunes sacrées, les devoirs des rois et les intérêts des peuples étaient recommandés et prescrits au nom du Ciel ! La religion a-t-elle attendu qu’une lâche et facile audace vint insulter la royauté vaincue, pour étonner la première cour de l’univers par le courage du ministère évangélique ? Qu’ont révélé à l’histoire ces belles paroles ? « Il a fait son devoir ; faisons le nôtre. » Magnifique et sublime éloge tout ensemble de la royauté chrétienne qui pratique des vertus si humbles et de la religion qui inspire de tels apôtres ! Tout ce qu’il y a de plus pur dans la vérité et dans la morale religieuse, tout ce qu’il y a de plus haut et de plus libre dans l’essor réglé et légitime de la pensée humaine, ne respire-t-il pas dans les ouvrages de ces deux grands écrivains, vos illustres prédécesseurs, dont les images appellent ici nos respects, Bossuet et Fénelon, qui tous les deux ont employé leur génie à préparer les règnes de la vertu sur le trône : Fénelon, qui semble sans cesse embrasé d’un amour de l’humanité si vif et si tendre, qu’au faîte des grandeurs sociales, instituteur et ami de l’héritier du trône, on dirait qu’il ne peut se résoudre à voir dans les rois que les victimes dévoués de la félicité publique ; Bossuet, le premier de nos orateurs, le plus admirable modèle de l’éloquence, dont on pourrait dire qu’il semble avoir ajouté quelque chose dans le respect des peuples à la religion dont il était le ministre, tant la foi paraît comme agrandie et comme rehaussée, en voyant à ses pieds la soumission d’un si beau génie !

Le traité serait-il plus difficile à conclure, ou plutôt à renouveler avec les lettres ? Eh ! que seraient les lettres sans la religion ? Quel âge de leur règne est étranger à ses bienfaits ? N’est-ce pas, avant tout, à l’éloquence des orateurs chrétiens que la prose française doit son empire ? Tous les genres de gloire littéraire n’ont-ils pas fleuri à l’ombre de la paix qui a long-temps régné entre la religion et les lettres ? Les lettres ne se contentaient pas de respecter la religion dans ce beau siècle, où la majesté du trône, la majesté du génie, l’orgueil de la victoire, Louis-le-Grand, le grand Corneille, le grand Condé, se prosternaient ensemble aux pieds des autels. Ainsi, des deux créateurs de la tragédie française, le premier, ne voulant pas sans doute laisser une renommée toute profane, se fiant à son talent sublime, osa lui demander des couleurs et des mouvements pour faire verser des larmes nouvelles sur la scène, pour y faire applaudir cet héroïsme surnaturel dont l’éloge semblait ne pouvoir retenir que dans les temples, la couronne se donner que dans le ciel : le second a rendu aussi son génie docile à sa piété, jamais plus admirable que quand il puis à des sources sacrées ; il a signalé la fin de son illustre carrière par deux chef-d’œuvre qui l’élèvent au-dessus de sa propre gloire, au-dessus des triomphes qui auraient suffi à l’immortalité d’un autre.

Les libertés publiques ont-elles un moins grand, un moins pressant intérêt à ce nouveau pacte de famille avec la religion, qui, tout à la fois, les contient et les garantit, avec les lettres qui les rendent moins austères, plus aimables et plus persuasives ? C’est à la faveur de cet heureux accord que leur légitime influence s’exercera, pour le bonheur commun, dans un cercle sagement circonscrit, et pour ainsi dire, tracé par ces lignes tout à la fois de défense et de démarcation qui les bornent et les protègent, par ces limites que la politique appellerait des limites naturelles, qui ne doivent jamais être dépassées, et qui, à cette condition, ne seront jamais envahies.

Sous l’auguste médiation de quel trône, de quel roi, une alliance si pleine de repos, de gloire et d’avenir, pourrait-elle être mieux proclamée, qu’à l’ombre du trône de France, et à la voix du roi qui l’occupe ?

Quand ce ne serait pas le cœur qui s’acquitterait aujourd’hui du devoir consacré par l’usage, dans ces solennités académiques, de remercier les rois nos fondateurs et nos éternels protecteurs, l’éloge de Charles X ne sortirait-il pas naturellement de tous les sujets que nous avons, non pas traités, mais parcourus ?

Nous avons parlé de la religion : la religion de Charles X est sincère comme lui-même, sage et digne du trône comme celle de Saint-Louis, tolérante et douce comme celle de Fénelon et du duc de Bourgogne.

Nous avons parlé de la charité : c’est le seul bonheur qui le repose de ses austères devoirs. Notre roi n’aurait pas voulu assister aux pompes de Rheims, avant d’avoir visité les misères de la maison du pauvre, avant que ses yeux (et cette remarque a échappé à son cœur) eussent pu voir des fenêtres de l’Hôtel-Dieu les dômes et les colonnes du Louvre.

Nous avons parlé des libertés publiques : elles sont garanties, puisqu’il les a jurées.

Nous avons parlé des lettres : il vient, avec plus de grace encore que n’en respire tout ce qui sort de sa bouche, de dire à l’Académie française : « Personne n’est plus attaché que moi à voir fleurir de plus en plus cet ancien et glorieux établissement. »

Rare et touchant privilège des lettres ! les bons rois ne se contentent pas de les protéger ; ils en ont besoin ; elles leur sont nécessaires.

« Ce sera aux lettres, a dit encore le roi, que nous devons d’avoir conservé le souvenir de ce qui sera bien. J’espère, et c’est mon ambition, que vous aurez à dire de moi que j’ai consacré toute ma vie au bonheur de mon peuple. »

C’est donc vous, Messieurs, qui recevez les vœux de celui à qui s’adressent les vœux de la France entière ! C’est de vous qu’il attend le premier bonheur après celui de faire le bien, l’espérance d’en voir, à travers les siècles, vivre l’exemple et perpétuer la mémoire ! De pareils souhaits sont toujours exaucés ; et les rois qui parlent de l’avenir avec une telle confiance, en présentent déjà les jugements.

Oui, Messieurs, nous transmettons à nos successeurs ce devoir doux et sacré. Ils garderont, ils immortaliseront dans leurs écrits, le souvenir de tout ce que le Roi aura fait de bien, de ce qu’il aura dit de bon et de beau. L’Académie française sera heureuse de s’avouer vaincue dans sa propre science, dans l’art de bien dire, quand elle recueillera tous ces mots charmants, tous ces traits dignes de mémoire, que le bonheur de ceux qui approchent du trône est d’entendre plus souvent, tout ce qu’on peut appeler la langue des Bourbons ; langue inimitable où le cœur le dispute à l’esprit, la raison à l’à-propos, l’élégance à la justesse, la grace à la beauté.

C’est encore au roi que nous sommes sûrs de plaire ; c’est remplir ses nobles intentions, que rendre justice à son allié fidèle, à ce prince si tôt et si cruellement ravi aux plus hautes, aux plus heureuses destinées. Daignez en croire, Messieurs, d’augustes confidences qui retentissent encore au fond de mon ame, et que je puis révéler aujourd’hui sans indiscrétion, mais non sans une profonde douceur ; tous les intérêts de l’humanité étaient chers et sacrés au cœur généreux d’Alexandre.

Me permettez-vous de retracer ici un souvenir auquel la confraternité académique ne vous laisse pas étrangers ? À l’époque de la restauration, un membre de l’ancienne Académie française, remarquable par la finesse de son goût et de son esprit, fut présenté à S. M. l’Empereur de Russie.

« Sire, dit M. Suard au prince dont son nom avait appelé l’attention bienveillante, V. M. se trouve dans un pays qu’elle doit aimer, parce qu’elle aime la gloire qui s’y distribue ; si votre illustre aïeule a mérité l’immortalité en Russie, c’est en France qu’elle l’a obtenue. »

Ceux qui entendaient ces paroles, où respiraient tout à la fois la grace la plus piquante et un patriotisme adroit, qui cherchait, au profit de la France, le secret d’un grand cœur, virent le noble prince sourire, en même temps sans doute, à la France et à cette promesse de gloire.

Elle aura été faite ni reçue en vain ; elle sera acquittée par la postérité. Ce qu’Alexandre a donné en exemples aux trônes, en paix et en repos au monde, en générosité, en désintéressement, en services à la France, la poésie, l’éloquence et l’histoire le rendront à sa mémoire en justice, en reconnaissance, en immortalité.

Vous attendez encore quelques paroles de moi, Messieurs, et il me semble qu’un grand événement de ma vie me donne un devoir de plus à remplir envers vous. J’ai l’intime conviction que vous n’êtes pas tout à fait étrangers à cet immense et redoutable honneur, l’effroi de ma faiblesse, et la perpétuelle occupation de ma conscience. Oui, Messieurs, quand je pense à tout ce qui me manque, à toutes les sollicitudes, à tous les besoins de garanties qui ont dû assaillir une auguste confiance, je ne peux douter, et il m’est doux de le croire, que le roi n’ait daigné faire entrer l’honneur de mon élection dans la balance de sa bonté.

J’appelle encore à mon secours les paroles d’un roi. Louis XIV commandait, dit l’illustre évêque de Meaux, à ceux à qui il confiait l’éducation de son petit-fils, de le rendre digne d’être proposé pour modèle à la jeunesse, pour exemple à la nation, pour protecteur à tous les amis de la vertu, des sciences et des lettres. Voilà le Code tout entier des instituteurs des rois, dicté par un grand roi et transmis par un grand homme ! Quand je lis ces paroles héréditaires, je crois entendre le petit-fils de Louis XIV donnant les mêmes ordres au sujet obéissant et fidèle, à qui il confie l’enfant du miracle, l’espoir de la France, cette tête si chère sur laquelle se réunissent encore une fois la tendresse d’un père, et les projets d’un roi. Je crois entendre l’auguste mère, qui secondera si bien les royales leçons, puisqu’elle n’aura besoin pour inspirer à son fils le goût des lettres et des arts, que de lui montrer les seules consolations de sa noble vie, pour lui enseigner le courage et les plus hautes vertus, que de lui raconter son histoire et ses malheurs.

Paroles de Louis XIV ! paroles de Charles X ! souvenirs de Bossuet et de Fénelon !vous serez à jamais présents à la pensée de celui qui, de l’immortel héritage de ces grands hommes, n’a recueilli que la fidélité à leurs doctrines, le goût de leurs écrits, l’admiration de leur génie, l’amour de leurs vertus, le culte de leur gloire !