Rapport sur le premier concours des prix extraordinaires destinés à des ouvrages de morale de l'année 1828

Le 25 août 1828

François-Juste-Marie RAYNOUARD

RAPPORT

DE M. RAYNOUARD,

SECRÉTAIRE PERPÉTUEL DE L’ACADÉMIE FRANÇAISE,

SUR LE PREMIER CONCOURS DES PRIX EXTRAORDINAIRES
DESTINÉS A DES OUVRAGES DE MORALE.

ANNÉ1828.

 

L’Académie, dans sa séance du 25 du mois d’août 1827, a proposé trois prix extraordinaires pour des ouvrages d’utilité morale. Elle a déterminé les sujets pour les concours de 1829 et de 1830 ; et, pour celui de 1828, elle a laissé le sujet au choix des auteurs.

Quarante et un ouvrages sur autant de sujets différents ont été envoyés à ce dernier concours. L’Académie a eu le regret de n’en trouver aucun qu’elle jugeât digne du prix. Mais elle en a distingué deux, l’un enregistré sous le n° 11 portant pour épigraphe : « Nos droits nous ont été donnés comme moyen d’accomplir nos devoirs, » et traitant de cette question : L’éducation doit-elle être libre ? L’autre, enregistré sous le n° 30, portant pour épigraphe ces vers de Pindare : « Jamais une âme, dépourvue de sagesse, n’apprit à soutenir le malheur ; » et ayant pour titre : Esquisses de la souffrance morale.

Dans ce dernier ouvrage, l’Académie a remarqué de la sensibilité, de l’énergie, de l’originalité, des observations prises assez avant dans le cœur humain, des sentiments finement analysés, et quelquefois d’heureux effets de style. Mais elle a regretté que l’auteur, croyant peindre avec plus de vigueur et de vérité les maux violents auxquels l’âme peut être en proie, ait, en de nombreux passages, exagéré son expression jusqu’à la rendre forcée et bizarre, jusqu’à violer les règles du jugement, les convenances du goût, et les lois même du langage.

L’auteur du n° 11, dans un écrit beaucoup moins étendu, a discuté et résolu affirmativement une question à la fois de morale et d’administration publique, qui, en ce moment même, agite et divise les esprits, celle de savoir si l’éducation doit être libre. L’Académie aurait préféré que, plus fidèle à l’esprit du concours, il eût appliqué son talent à un objet moins susceptible de controverse, et, par là même, d’une utilité plus commune et plus immédiate. Sans prendre aucunement parti dans une question livrée à la discussion publique, elle se plaît toutefois à reconnaître qu’elle est traitée dans l’ouvrage avec toute la modération, tous les justes égards pour les personnes et même pour les choses, qui distinguent les écrits véritablement philosophiques; et elle croit juste aussi de déclarer que l’auteur lui paraît posséder, à un degré digne d’estime, l’art, et surtout le style de l’argumentation. Mais, en même temps, il lui a semblé que le sujet n’était rien moins que complétement traité; que l’écrivain ne se rendait pas toujours un compte assez fidèle de la différence qui existe entre l’éducation et l’enseignement ; qu’il ne s’était pas toujours mis à l’abri du reproche de contradiction; et qu’enfin plusieurs notions positives, éléments nécessaires de la question, ou lui manquaient, ou avaient été présentées par lui, soit avec inexactitude, soit avec insuffisance.

L’Académie remet à l’année prochaine le prix qu’elle regrette de n’avoir pu décerner cette année.