Réponse au discours de réception d’Edmond Rostand

Le 4 juin 1903

Eugène-Melchior de VOGÜÉ

     Monsieur,

Est-il possible que vous débutiez aujourd’hui dans la prose ? C’est alors qu’en prose comme en vers, -vos pareils à deux fois ne se font point connaître. Vous nous avez ravis ; et vous devez l’être vous-même, à la façon de ce bon drapier, le jour où il découvrit que la prose, c’est « comme l’on parle ». Mais vous ne pourriez pas ajouter avec lui : « Par ma foi ! Il y a plus de quarante ans que je dis de la prose, sans que j’en susse rien. »

Votre heureuse jeunesse nous enchante, elle nous ramène à nos usages du vieux temps : du temps où la victoire faisait des maréchaux de France très jeunes, et où l’Académie les accueillait sitôt faits. Vous nous étiez d’ailleurs désigné par d’étroites affinités avec votre prédécesseur. Pour remplacer et pour louer Henri de Bornier, il eût fallu vous inventer, si l’applaudissement du monde ne s’était pas chargé de ce soin. Nous avions perdu notre Durandal : vous nous rapportez Joyeuse. Héroïques et jumelles comme les deux épées, deux lyres s’appellent et se répondent sur le théâtre contemporain. Deux fois, la France s’y est reconnue dans l’œuvre d’un de ses fils ; sur des tons différents, la Fille de Roland et Cyrano luifaisaient réentendre son air favori, ce même air de bravoure qui sonne dans l’olifant des paladins et rit dans le fifre des cadets de Gascogne. Deux fois, la France a communié dans le même transport, soulevée au-dessus d’elle-même, rappelée à ses meilleurs instincts par deux âmes furieusement cornéliennes. Et la plus effrénée dans le sublime n’était pas celle du poète tragique : je le dis à l’honneur du poète comique, je le forcerai d’en convenir tout à l’heure.

Vous avez peint au naturel notre regretté confrère ; un portrait à la manière de Meissonier : un grand courage dans un petit homme. Je n’y ferai qu’une retouche, pour défendre le vigneron offensé. Mais il eût rugi, Monsieur, si vous aviez douté devant lui de sa compétence en matière d’hybrides ou d’aramons. Et si vraiment il s’arrêtait dans son vignoble aux plants en bordure, c’était peut-être que ces longues rangées de ceps égaux lui rappelaient trop l’ancienne fatigue des hexamètres implacablement alignés. Pour le reste, vous l’avez fait ressemblant : candide et bon, d’une modestie touchante chez un homme promu à la dignité de poète national ; tel que nous le voyions apparaître chaque jeudi, avec la mine et l’allure d’un vieux capitaine exact au rapport, mené par l’espoir de trouver à l’ordre du jour la citation d’un haut fait. Il ne collaborait au Dictionnaire que pour les mots nobles. Combien il nous manquera, si nous arrivons jamais au mot gloire ! Ce vocable démodé conservait pour Bornier tout le prestige d’antan. Il ne pensait pas que ce fût une rime usée, ni une creuse abstraction, le salaire idéal de ces dévouements avec quoi l’on fonde et l’on maintient les patries. Il en eût proposé de plus amples définitions, il eût réclamé de plus abondants exemples ; il aurait pu nous offrir le sien. Sa gloire lui était venue si tard qu’il en gardait un foudroiement d’apoplexie, et comme l’éblouissement craintif d’un homme surpris au soir par une averse d’étoiles. Ne nous lassons pas de redire comment cet accident mérité lui arriva ; redisons-le, ne fût-ce que pour réconforter dans leur labeur ingrat les probes travailleurs qui attendent leur récompense et sont tentés d’en désespérer.

Il atteignait, en un temps plein d’embûches, l’âge où l’on fait des tragédies ; le poète Ponsard illustrait les dernières années du roi Louis-Philippe. Une petite école, lasse du théâtre romantique, cherchait une statue à jeter dans les jambes de Victor Hugo. Ce beau feu pour le sublime raisonnable n’était qu’un feu de paille, une transition rapide vers la comédie de mœurs bourgeoises, qui allait s’emparer de notre scène avec Augier et Dumas fils. Bornier s’imagina, – nous sommes tous ainsi, – que les seuls vrais dieux seraient toujours les dieux à la mode au printemps de sa vingtième année. Comme tant d’autres, il rêva de faire dire par Rachel des alexandrins ordonnés et magnanimes. N’était-il pas à l’Arsenal, cette caverne de poètes ? Bibliothèque publique : on le fait accroire aux provinciaux ingénus ; et il n’est pas impossible que l’un d’eux y aille parfois demander les beaux livres qui sommeillent dans les appartements de Sully. Étonnés, réveillés de leur songe par les pas du visiteur, les surnuméraires lui offrent des épopées, les bibliothécaires des élégies ; d’un geste dédaigneux et magnifique, l’administrateur lui jette… un sonnet. Bornier, retranché dans son Arsenal, y fourbissait des armes redoutables : glaives gréco-romains, haches gauloises, francisques barbares.

La Providence a composé notre merveilleuse histoire avec des prévisions maternelles pour l’Odéon. Elle a réservé au drame épique le fourré mérovingien, et la lisière du carlovingien ; tirés giboyeux, où les chasseurs de rimes lèvent depuis trois siècles les mêmes farouches animaux, derniers représentants de la faune tragique : un Mérovée, un Chilpéric, une Brunehaut, une Frédégonde. Les plus intrépides font débusquer Pharamond. Je veux croire, Monsieur, que vous avez appris l’histoire de France dans le seul bon auteur, dans Anquetil. Vous les aurez dénichés sur un rayon de bibliothèque provinciale, ces petits volumes vénérables, habillés de veau fauve, maniés jadis par des grands-pères vêtus de soie puce. On ouvre le premier, on y lit la première phrase, et l’on tombe dans le ravissement : « Pharamond, élu vers l’an 420, fut le premier roi qui domina sur la totalité des peuples qui composaient la ligue ou association des Francs. S’il a été véritablement roi, si même il a existé, car on en doute, il demeura tranquille dans les limites fixées à sa nation. On croit qu’il régna huit ans. » – C’est tout. C’est de l’histoire selon Anquetil, et cela pourrait être de l’histoire selon Renan. Que de sens, que de bon sens, dans ce résumé prudent ! Et qu’il faut peu de chose aux gens d’esprit pour montrer tout celui qu’ils ont ! Avec ces documents sommaires, ils ont construit deux tragédies en cinq actes, le Pharamond de Cahuzac, celui de La Harpe ; sans compter le copieux roman de La Calprenède.

Savons-nous beaucoup plus de la belle Aude et de Roland ? Quelques lignes d’Eginhard suffirent aux premiers trouvères pour créer le fantôme prolifique. Nous ne sommes pas sûrs qu’il ait existé ; mais nous sommes très sûrs qu’il est immortel, plus aimable et plus nécessaire dans notre histoire que beaucoup de grands hommes avérés. Légende inépuisable, toujours séduisante pour des Français. On y trouve un amour insatisfait : il n’y a peut-être que ceux-là qui ne meurent jamais. On y trouve un héros national, et malheureux ; la France aime ses fils triomphants, mais cette douce mère garde ses plus chaudes tendresses aux enfants qui lui firent un sacrifice inutile. On y trouve un traître national : personnage indispensable aux fictions de notre race inventive, affolée de mélodrame, et si peu habituée à la défaite qu’elle consent difficilement à expliquer ses revers par ses propres fautes.

Bornier eut une divination de poète, le jour où il s’avisa de donner une fille à Roland et de la faire aimer par le fils de Ganelon. C’était enchérir sur les impossibilités qui séparent Chimère de Rodrigue ; et l’on pouvait attendre du tragique de Lunel qu’il poussât l’héroïsme plus loin que Corneille. Ayant enfin rencontré le sujet de tout repos, il en fit une des pièces les mieux composées qui soient. Tous les ressorts de la fable y sont ingénieusement agencés, l’intérêt rebondit à chaque péripétie ; au troisième acte, quand il fait parler Charlemagne, voici que l’honnête ouvrier se transfigure, se hausse à la taille des plus grands ; il traduit en vers superbes des pensées simples et fortes. Ce n’est plus le monologue des empereurs du romantisme, pantins de guignol derrière lesquels un auteur nous régale de son érudition, de ses diatribes politiques ; c’est le langage d’un maître du monde, pliant sous le poids du globe que Dieu lui mit dans la main ; c’est surtout, vous l’avez bien dit, la noblesse morale du modeste écrivain qui sort enfin dans la beauté d’un vrai chef-d’œuvre.

À l’heure où Bornier présentait timidement ce chef-d’œuvre, il y manquait la musique d’Offenbach. Devant un Charlemagne qui ne chantait pas de couplets, les bons connaisseurs du goût public reculèrent épouvantés. La Fille de Roland alla rejoindre dans leurs cartons des sœurs et des frères moins bien venus ; elle y dormit longtemps, – je vous prends une de vos belles images, –

Du triste et long sommeil de la graine lancée.

Le canon la réveilla. Ne me pressez pas de redire les inoubliables soirées de février 1875, et comment, après la première stupeur de l’écrasement, toutes les fiertés renaissantes tressaillirent, toutes les mains applaudirent ces vers qui entraient au plus profond des cœurs meurtris, qui en ressortaient consacrés, tout chargés de douleur, de courage et d’espoir. Lorsque Bornier vint s’asseoir à la place où vous êtes, un des nôtres, fils d’une vieille race lorraine, dit au poète le remerciement de la France : son témoignage demeure, et suffit. Pourquoi ferais-je entendre les paroles importunes d’un revenant ? Elles troubleraient de nouveaux états de conscience. En ces jours reculés, le théâtre s’emplissait d’hommes rebelles à l’arrêt du destin ; on avait réduit les corps, non les âmes ; elles ne se résignaient pas à désapprendre si vite des habitudes séculaires. Quand Bornier leur parlait de rétributions meilleures, quand il appelait le « héros nécessaire » qui allait venir, il donnait une voix à l’espérance commune et quotidienne. Chacun prêtait l’oreille, certain que la cloche d’argent ne tarderait pas à tinter. Depuis lors, la France s’est relevée. Elle est considérée, enviée, de la considération et de l’envie que l’on porte toujours aux riches ; aimée pour sa bonne grâce qui n’inquiète personne ; justement admirée dans le monde de l’esprit, où elle règne par ses savants, ses artistes, par des poètes comme vous, Monsieur. Assagie dans un nouvel idéal, elle en exclut les aventures périlleuses ; des voix en crédit la prémunissent contre les folies des paladins légendaires ; on l’instruit à préférer un autre mysticisme, celui que le viril président d’une grande république osait appeler naguère : le mysticisme malsain de la paix. Des peuples naïfs acclament encore, ailleurs, les gestes imités de Charlemagne ; nos jeunes sages gardent leur estime raisonnable pour le roi Pharamond, « qui demeura tranquille dans les limites fixées à sa nation, si toutefois il a existé, car on en doute ».

Laissez-moi plutôt vous rappeler d’autres représentations mémorables. Il y a neuf ans, par un beau soir de mai, qui devait être un beau matin, nous étions convoqués à la Comédie-Française. Soirée de poètes, disait le programme. Nous venions d’entendre le Voile du pauvre Rodenbach, mélancolique sonneur de ces carillons de Bruges où il écoutait d’avance son propre glas. Le rideau se releva gaiement sur un décor fleuri : glycines, chèvrefeuilles, vigne vierge ; des costumes clairs, des rimes légères, gazouillées par Mlle Reichenberg, plus ingénue que jamais ; des pères de comédie selon la recette de Molière, faisant des niches à deux jouvenceaux florianesques, romanesques ; et dans tous ces riens charmants, l’essor d’une fantaisie ailée, aisée : roulades de rossignols, arrivée d’hirondelles, montée de sève dans l’aubépine en fleurs… On s’enchantait : Tiens ! Tiens ! du nouveau, un vrai poète ! Si d’aventure vous assistiez à cette éclosion des Romanesques, mon cher Coppée, vous vous êtes certainement dit : « Mais je le reconnais, cet inconnu, couleur d’aurore qui s’en vient un brin de lilas aux dents : c’est mon printemps qui repasse ; c’est le Passant ».

Il nous revenait trois ans après avec la Samaritaine. Vousalliez au puits de Jacob pour y lutter, comme le Patriarche, avec l’Ange. Votre belle audace tentait la gageure où tous ont échoué : paraphraser en vers, au théâtre, la divine simplicité des Évangiles. Un jour, en quittant Naplouse, je m’étais assis sur la margelle de la citerne tarie. « Le puits est profond », lisons-nous dans le texte sacré. Curieux de s’en assurer, mes moukres y jetaient des pierres ; lorsqu’elles atteignaient enfin les dalles souterraines, on eût dit de petits graviers, tant était grêle le son qui remontait de ces profondeurs. Ainsi des plus beaux vers, quand ils osent se risquer dans l’ineffable. Tandis que nous écoutions les vôtres, si purs, si suaves, il s’en fallait de peu que le miracle nous parût possible. Vous approchiez du modèle. Ce n’était pas encore, ce ne sera jamais l’Évangile ; c’était déjà, c’était presque le Cantique des Cantiques.

Les Romanesques et la Samaritaine vousavaient classé, comme dit l’indestructible collégien qui persiste dans tout littérateur français. La Princesse lointaine n’était connue que des pêcheurs de perles. Il faut croire que les pêcheurs de lune sont plus nombreux : ceux-ci vous découvrirent après le coup de filet triomphal où vous rameniez cet astre, avec l’homme qui en descendait. Au lendemain de Noël 1897, il naissait, le joyeux enfant ; et tous chantaient son avènement. Enthousiasme effarant : en quelques jours, vous passiez roi de la scène, empereur, Messie, poète national, et bientôt poète mondial. Pas une discordance, pas une réserve dans l’acclamation : tout Paris avait pour Cyrano les yeux que n’eut point l’aveugle Roxane. Comment ne s’est-il pas trouvé quelqu’un pour orchestrer la fanfare des Cadets de Gascogne ? Elle eût incontinent remplacé la Marseillaise dans tous les cuivres militaires et civils. Les foules se ruaient à ce théâtre où une comédie qui s’achevait en drame déchaînait un rire mouillé de pleurs. La joie contagieuse gagnait les plus moroses, et jusqu’à ces confrères qui ne rient jamais devant un succès. Les foules se livraient bonnement à vous ; elles ne gâtent point leurs plaisirs par l’analyse. Les confrères, à demi consolés d’une réussite quand leur esprit de finesse en a montré les raisons, chaussaient leurs lunettes et disséquaient : Pourquoi ce bonheur insolent ? Pourquoi cette unanimité dans l’éloge ?

Pourquoi ? Parce que vous aviez fait, au matin de votre vie, les rencontres prédestinées que Bornier fit au soir de la sienne : un sujet où pouvaient briller toutes les facettes de votre fantaisie, tous les trésors de votre sensibilité ; une époque dans le passé, des circonstances dans le présent où tout servait et portait votre talent. Ce temps de Louis XIII, vous en êtes par toutes vos prédilections ; et vous y deviez préférer ce héros baroque, modèle échappé de l’atelier de Callot, délices de Tabarin et de l’hôtel de Rambouillet, digne de vaincre à Rocroy, calamiteusement noyé dans le fleuve du Tendre. Je serais étonné, Monsieur, si vous n’aviez pas lu de bonne heure, puis adopté pour toujours le livre sans pareil, celui qui égaie les enfants, attriste les hommes, venge l’idéal qu’il semble bafouer : notre bien-aimé Don Quichotte. Votre capitan lunatique finit comme a vécu le bon chevalier, en pourfendant tous les vilains fantômes. – « L’avis du médecin fut qu’une mélancolie secrète le tuait… Véritablement, Alonso Quixano est guéri de sa folie, et il se meurt. » – De même Cyrano. Ce que faisait pour le Cid votre grand contemporain de 1636, vous le faisiez pour Don Quichotte ; vous donniez au sublime fou de Castille une âme française, nos couleurs, nos humeurs, l’accent particulier de notre rire ; vous lui laissiez ce qu’il a d’universel et d’éternellement humain, son rêve de justice, de beauté, son défi douloureux aux réalités moins belles que ce rêve. Castillan ou Français, vous saviez qu’il se ferait reconnaître en séduisant tous les cœurs. Pour interpréter le rôle, Thalie vous donne son fils chéri, comme on eût dit dans la chambre bleue d’Arthénice : l’artiste au nom claironnant, au masque exhilarant, incarnation vivante du génie comique, avec tout ce qu’il peut exprimer d’étincelantes malices et de hautes ironies. Pour l’applaudir, voici que le vent changeant des réactions littéraires vous amène un public désorienté, fatigué des étrangetés et des exotismes dont on l’abreuva ; il boit avec ivresse cette eau claire de la fontaine française que vous faites ruisseler à gros bouillons.

Il s’applaudit lui-même dans votre œuvre, ce public, il s’admire dans le miroir où il se voit ressemblant et embelli. Vous ne lui apportez pas une de ces nouveautés scandaleuses qui soulèvent les résistances des vieilles écoles et provoquent aux batailles ; vous lui rapportez tout ce qu’il a aimé chez les aïeux, chez les éducateurs de sa jeunesse. Fond et forme, votre Cyrano est l’extrait subtil où se condense le résidu de nos trois grands siècles littéraires. Nous y retrouvons nos jolies qualités, nos défauts mignons : ceux-ci nous sont parfois plus chers que celles-là. Fond de bravoure un peu fanfaronne, de galanterie extravagante, de sensibilité avec un rien de mièvrerie ; fonds et tréfonds d’esprit endiablé, primesautier, avec son cliquetis d’antithèses, ses pointes, ses pirouettes, son plumet frisé par les précieuses, panaché de gongorisme espagnol et de concetti italiens. La forme ne nous plaît pas moins ; elle caresse notre mémoire ; elle y réveille tous les styles dont nous sommes imprégnés, tous les rythmes qui nous ont bercés ; il semble qu’un écho nous les renvoie, adroitement fondus dans une seule résonance, classiques et romantiques pêle-mêle ; depuis Corneille, – le Corneille de l’Illusion comique, – depuis Molière, en ses jours de bonne humeur débridée, jusqu’au Victor Hugo de Don César de Bazan. Bergeries de Racan et bouffonneries de Scarron, odes funambulesques de Banville et fêtes galantes de Verlaine, tous vos devanciers sont vos tributaires. Si bien que des pessimistes, revenus de leur premier éblouissement, manifestèrent une étrange inquiétude. – « Fasse le Ciel, murmuraient-ils, que cet extraordinaire début ne soit pas une fin : la fin de la longue fête donnée au monde par la France. On dirait un adieu dans une apothéose rétrospective : le bouquet du feu d’artifice où reparaissent en une même et dernière gerbe toutes les fusées, tous les serpentins, tous les soleils. » – Vous êtes le contraire d’un pessimiste, Monsieur ; vous nous garantiriez au besoin qu’après nous, après vous, d’autres artificiers rallumeront d’autres soleils.

La critique était déconcertée par l’opulence d’une imagination créatrice qui faisait songer aux vers du vieux Malherbe :

La mer a dans son sein moins de vagues courantes
Qu’il n’a dans le cerveau de formes différentes.

Imagination servie par un pouvoir religieux d’invention verbale. Savoir et retrouver beaucoup de mots : ce don ne fait pas tout le poète, mais il lui est indispensable. Les dédaigneux disent parfois : Ce ne sont que des mots ! Opposons-leur l’admirable sentence qui se prête à tant d’acceptions, même profanes : Au commencement était le Verbe. Laissons aux philosophes le soin de décider si la pensée précéda la parole ou si la parole éveilla la pensée. Pour quiconque étudie de près un grand lyrique, – Victor Hugo entre tous, – cette dernière hypothèse devient une vérité d’évidence. Le vocable qu’il cherchait pour les besoins du mètre ou de la rime lui suggère des images imprévues, gracieuses, magnifiques. Posséder un riche vocabulaire, c’est participer plus largement au patrimoine où les anciens hommes accumulèrent leurs idées, leurs sentiments. Les mots ne sont-ils pas des êtres vivants, animés par les joies et les douleurs de nos pères ? Leur murmure intérieur nous donne la sensation de l’innombrable vie séculaire ; bourdonnement des myriades d’insectes qui font palpiter dans la forêt l’ardent silence d’un midi de juillet. La vie des mots ! Elle ressuscitait pour nous, quand Gaston Paris gouvernait ce peuple dont il savait tous les secrets. Vous avez bien sujet de le regretter, celui qui se faisait une fête d’être à vos côtés aujourd’hui : il vous aimait, Monsieur, et ce noble cœur n’aimait pas à demi.

Le triomphe de Cyrano vous condamnait aux dures servitudes de la célébrité. Les critiques étudiaient les procédés de l’artiste ; les femmes voulaient connaître l’homme. Contentons-les. Je ne sais si la vie de Bornier se pourrait mettre en un roman de la Bibliothèque Rose ; mais je sais qu’en le disant, vous définissiez ma tâche, bien plus que la vôtre.

La mer elle-même devait être rose, telle que la colorent certains levers de soleil, le jour où Notre-Dame-de-la-Garde fit une grâce insigne à sa bonne ville de Marseille. Vous y naissiez. Naître à Marseille, premier bonheur ; complété par un second, celui de grandir dans une famille de poètes et de musiciens. Une grand-mère y avait apporté cette goutte de sang espagnol qu’on retrouve aux origines de notre littérature héroïque. Deux générations de musiciens avaient fait la maison sonore et harmonieuse. Votre oncle, dilettante fervent, composait des oratorios ; votre père… vous montrait les mauvais exemples : il traduisait Catulle, et ne savait compter alors que les pieds de ses vers. Oh ! Je peux le dire sans perdre de réputation ces deux hommes éminents : ils se sont corrigés, ils marquent aujourd’hui parmi nos économistes et nos financiers. Leur demeure était accueillante aux écrivains, aux artistes. Vous vous rappelez l’un de ces familiers, haute silhouette maigre, voix fluette et spirituelle ; vous aussi vous avez joué sur les genoux de mon cher maître, Armand de Pontmartin : donnons ensemble un souvenir respectueux au vieil ami qui eût dû nous précéder dans cette Compagnie. Votre père vous dédiait les plus aimables poèmes de ses Sentiers unis. Il justifiait d’avance mon dire :

Souviens-toi que ta vie eut un rose matin,

et il anticipait sur les glossateurs futurs, lorsqu’il admirait dans le gazouillement de son bébé

Des mots qu’il façonne à sa guise,
Des diminutifs inédits,
Une petite langue exquise,
Un vrai jargon de Paradis.

Il ne vous initia que plus tard, j’imagine, aux élégies enflammées de son Catulle, aux furieux appels d’amour que cet intéressant poitrinaire adressait à sa Lesbie. Il vous apprit d’abord à aimer le beau, le bien. Il n’écrit plus de vers ; et pourtant, père et fils, vous collaborez tous deux à la même œuvre. Notre confrère Eugène Rostand est devenu l’apôtre de la mutualité, il a voué sa vie au développement du Crédit agricole, à l’amélioration des logements ouvriers ; l’un des premiers en France, il a eu cette idée féconde : faire travailler les fonds des Caisses d’épargne, l’argent du peuple, au profit du peuple ; employer cet argent social à construire des maisons où les plus pauvres trouveraient un foyer décent. Notre confrère Edmond Rostand bâtit des palais spirituels où ce même peuple vient s’égayer honnêtement ; il puise dans le trésor national, dans l’épargne littéraire d’un long passé, de quoi reverser sur tous les nobles et saines joies de l’esprit. Le père loge les corps, le fils les âmes.

On parle de vos succès au lycée de Marseille, puis au collège Stanislas, où le succès n’était pas encore un crime d’État. Je ne vous vois pas bien déguisé en bon élève ; j’en crois plus volontiers ceux qui nous dépeignent un enfant songeur, grand chasseur de papillons, sujet à oublier la classe sur un lit d’herbe en contemplant un grillon ou une abeille. Vous remportiez cependant à l’Académie de Marseille le prix d’éloquence fondé par le maréchal de Villars. Un éloge d’Honoré d’Urfé : c’était votre affaire ! D’Urfé, l’Astrée,déjà : Cyrano vous guettait sur les rives du Lignon. On prétend que vous avez fréquenté l’École de Droit. Là, je ne vous vois pas du tout. On vous calomnie. Vous étiez à côté, sous les arbres versifères du Luxembourg, à la fontaine de Médicis. Comme il est dit au Roman de la Rose,

Il musa tant à la fontaine
Qu’il ama son umbre demaine,

et qu’il y composa son premier volume de poésies, les Musardises. Musardises, mignardises, où une pièce révèle déjà le poète de haut vol : cette poignante évocation du mort désolé dans sa tombe, quand la veuve qui lui apportait des fleurs vient moins fréquemment, ne revient plus.

Oh ! tourments ignorés des morts que l’on délaisse !
............................
Combien, si l’on venait regarder sous la pierre,
Combien dans le linceul ne seraient plus drapés
Et qu’on retrouverait avec les poings crispés !

Est-il besoin d’ajouter qu’une bonne moitié de ce premier volume s’intitule : le Livre de l’Aimée ? Les vieilles fées avaient jonché votre berceau de petits bonheurs : voici venir la jeune fée, qui les métamorphose en grand bonheur. Toujours comme Borner, des comédies de paravent vous rapprochent d’elle : première récompense de votre passion précoce pour le théâtre. La fée doit faire des vers : c’est la dot qu’on exige, dans cette invraisemblable maison de financiers où l’on ne prise que les poètes. Elle en fait, de charmants ; et je devine pourquoi vous avez posé de bon matin votre candidature à l’Académie ; on nous fera peut-être le plaisir de nous rapporter des Pipeaux : vous voulez avoir celui de les recouronner avec nous.

Ensuite… ensuite plus rien, et tout. Votre biographie intime s’arrête ici, courte et bonne. Vous venez d’avoir vingt-cinq ans, l’âge où il est permis d’être législateur, même au Parnasse. Ensuite, c’est la notoriété, avec les Romanesques ; c’est la gloire, avec Cyrano, avec l’Aiglon. Car le sire de Bergerac récidivait bientôt, ayant troqué son feutre empanaché contre le bonnet à poil d’un grognard de l’Empire. Cyrano se nommait dans cet avatar Séraphin Flambeau ; il gardait même cœur, même esprit, même séduction d’héroïsme jovial. Une seconde fois, votre verve millionnaire nous étourdissait par ses prodigalités de saillies, d’images, d’inventions ingénieuses. Sous cette envolée d’ailes bruissantes et chatoyantes, nous pensions au mot de Photime, dans la Samaritaine :

Et son geste est celui d’ouvrir une volière.

L’Aiglon en sortait ; comme dans la Samaritaine, nous admirions la fière vaillance qui vous pousse à tenter l’impossible. Le Roi de Rome, c’est le Prince lointain ; un reflet dans un mirage. Le cadre d’une épopée écrase cette, pâle figure d’élégie. Les historiens, les poètes, sont invinciblement attirés par un sujet qui promet tant ; ils l’attaquent, s’y désespèrent : de près, le sujet se dérobe. On ne crée pas un être vivant avec l’ombre d’un géant. Ah ! si l’Aiglon était le fils de Charlemagne, nous croirions sur votre parole à toutes les aventures qu’il vous plairait de lui prêter. Mais il est trop proche de nous : la légende ne se cristallise pas si vite. Elle veut le recul, la patiente collaboration des siècles. Vous avez mis sur cette tête découronnée un diadème merveilleusement ciselé : il y manquait la patine du temps, créatrice de notre illusion. Deux mille ans : c’est le moins qu’il faille à une tiare pour que nous en soyons vraiment coiffés. Tout le monde n’est pas comme

ce jeune homme nommé
Mardoche, qui vivait nuit et jour enfermé.
……………………………..
Il n’avait vu ni Kean, ni Bonaparte, ni
Monsieur de Metternich.

Des spectateurs de l’Aiglon, vieillards fabuleux, avaient vu Monsieur de Metternich, en chair et en os ; lui, ou d’autres contemporains simulés sur la scène. Moi qui vous parle, le hasard m’a fait vivre très près du comte Prokesch-Osten. Il fut à Constantinople le dernier ambassadeur d’Autriche qui porta ce beau titre d’internonce. Il ne tarissait pas sur sa longue carrière en Orient, il nous contait ses souvenirs : la bataille de Navarin, l’indépendance grecque, l’Égypte de Méhémet-Ali. Nous faisions des prodiges d’astuce pour l’amener à parler du duc de Reichstadt : rien. Il ne semblait pas que cet incident eût marqué dans sa vie. Prokesch prit sa retraite. L’année suivante je traversais Paris. J’entre dans un restaurant, j’aperçois la belle tète de l’internonce, auréolée de cheveux blancs et d’une barbe vénérable de vieux pacha. Il dînait avec une dame de compagnie. Je vais lui demander ses commissions pour Constantinople. Il se lève, met ses deux mains sur mes épaules, et d’une voix forte : « Mon enfant, vous allez revoir notre cher Bosphore : emportez-y ma bénédiction ». Vous voyez mon personnage, un peu embarrassé sous cette bénédiction solennelle, dans la salle du restaurant parisien. En vérité, Monsieur, puis-je l’accepter comme un héros mythique, un pair de la Table-Ronde, l’excellent homme qui me bénissait hier, à une petite table, chez Voisin ?

Hier… c’est-à-dire il y a trente ans. Vous reprenez ici vos avantages, vous vous écriez : Mais ce sont des temps préhistoriques ! L’imagination du poète a toute licence de les peupler à sa guise ! – Et vous avez raison, la jeunesse ayant toujours raison. Aimable fossoyeuse qui marche sur les tombes en portant des berceaux, la jeunesse a mission de détruire derrière elle la vie qu’elle crée en avant. Pour nos arrière-neveux, lorsque Napoléon prendra dans la nuit les contours indistincts d’un Charlemagne, vous serez peut-être le Théroulde d’un autre Roland. Vous aurez semé la graine d’où sortira la fleur de la Légende.

En croyant à des fleurs, souvent on les fait naître.

C’est la Princesse lointaine qui l’a dit : elle ne dit rien par quoi je ne sois persuadé. Vous pensiez que je l’oubliais, l’enchanteresse. Non, Monsieur. J’oubliais l’ordre naturel de vos ouvrages pour mettre à part le plus surnaturel. J’ai suivi la foule sur les places publiques où elle vous faisait cortège ; ouvrez-nous un instant le sanctuaire où vos fidèles vont adorer Mélissinde.

Un je ne sais quoi de secret
Rend sa grâce unique, et bien sienne ;
Grâce de Sainte qui serait
En même temps Magicienne.

Ses airs sont doux et persifleurs,
Et son charme a mille ressources ;
Ses attitudes sont de fleurs,
Ses intonations de sources.

Telle en son bizarre joli
De Française un peu Moabite,
Mélissinde de Tripoli
Dans un grand palais clair habite.

Oui, c’est bien cela : toute la magie d’Orient,

Le parfum voyageur des myrtes d’outre-mer,

qui nous vient sur les flots avec cette fille de Bérénice ; toute la douceur de France, dans ces vers où il semble qu’Antiochus soupire encore pour la reine de Palestine :

… une odeur langoureuse et moresque,
Témoignage léger par vos voiles laissé,
Pareille à cette odeur qui lorsqu’avait passé
Cléopâtre, devait longtemps embaumer Tarse…

Toute la foi du moyen âge, et, comme on disait alors, les « enfances s» d’une poésie naïve et subtile ; gracieux badinages qui sont une vérité de plus dans la peinture de vos pèlerins d’amour. Où l’avez-vous entrevue, votre princesse, belle comme les lys qui fleurissent sous ses pieds, femme par toutes ses faiblesses, par son dévouement, par sa grandeur dans l’expiation et « l’oubli de soi-même » ? Ah ! comme nous les comprenons, ces matelots qui peinent sur les rames, bravent les tempêtes, souffrent faim et soif pour arriver jusqu’à la vision créée par leur rêve ! S’ils périssent en route, Dieu leur fera miséricorde aussi large qu’à des croisés du saint Tombeau : ils en ont l’assurance du frère Trophime, ce bon capelan de nos vieux fabliaux.

Poème capital dans votre œuvre ; il la contient en germe et la résume d’avance. Joffroy Rudel, Bertrand d’Allamanon, s’appelleront plus tard Cyrano, Séraphin Flambeau ; ils seront toujours le même homme, héroïque, épris d’un idéal surhumain ; ils magnifieront la même idée, conclusion obstinée de toutes vos créations symboliques : la suprême beauté se marie au suprême mérite dans la vertu du sacrifice. Plus tard, la même exaltation chevaleresque se dissimulera sous les grelots du rire ; des auditeurs plus nombreux vous remercieront de les avoir divertis. Mais lors même que le poète ne nous eût donné ni Cyrano ni Flambeau, les compagnons partis sur la nef de Rudel nous l’auraient fait connaître dans ce qu’il a de meilleur ; et nous eussions dit avec justice, nous aussi :

… n’ayant à souhaiter plus rien,
Merci, Seigneur ! Merci, Mélissinde ! – Combien,
Moins heureux, épuisés d’une poursuite vaine,
Meurent sans avoir vu leur Princesse lointaine !...

Comme vous, j’avais grande envie d’innover dans mon discours. Si je m’étais écouté, je ne vous aurais pas répondu en prose ; pas davantage en vers : j’aurais redit beaucoup des vôtres, ceux de la mélodieuse Princesse. Je les dis mal : j’aurais dû céder ma place à celle qui les dit bien. Mieux que toutes mes paroles, ils eussent justifié votre présence ici. Que ne doit-on pas à l’homme qui fit chanter son âme dans le sortilège de ces syllabes ?

D’aucuns vous reprochent un bonheur trop constant. La malignité voudrait y mordre ; un moment de réflexion la décourage. Pour peu qu’elle regarde attentivement dans votre œuvre, elle est obligée de s’avouer cette vérité désolante : il est parfaitement juste que vous soyez parfaitement heureux. Vous n’avez fait que du bien. En louant la retenue de Borner dans ses écrits, vous caractérisiez les vôtres : comme lui, vous avez prévu la rencontre de vos livres et de vos enfants. Mais votre honnête réserve est plus méritoire que la sienne : les sujets et le genre où vagabonde votre imaginative offrent des tentations épargnées à la tragédie. Quel singulier phénomène êtes-vous donc, Monsieur ? Vous remplissez les théâtres ; et vous dédaignez les ingrédients que l’on croit nécessaires à la prospérité de cette industrie. S’il n’y avait que vous, les censeurs mourraient de faim près des caissiers qui s’enrichissent. Pas une scène dans vos comédies dont une jeune fille puisse s’effaroucher ; la mère y mène de confiance ses enfants : ils ne recevront dans un éclat de rire que des leçons de courage, de beauté’ morale, d’humaine pitié. Et ce n’est pas chez vous le résultat d’une surveillance rigide ; c’est, nous le sentons bien, l’effet d’une complexion saine autant que riche. Pareil à la voix de Mélissinde, votre talent garde « une intonation de source », naturellement pure comme le cristal.

Revenons en terminant à l’autre singularité, non moins rare, qui achève le parallèle entre vous et votre prédécesseur. Vous aurez fourni tous deux une démonstration consolante. On dit, et les événements en font la preuve, qu’il est très malaisé d’émouvoir ce pays de France. La plupart de ceux qui le disent avec chagrin voudraient qu’il prit feu pour leurs doctrines, leurs passions, leurs intérêts. Ces astrologues lui promettent tous la lune, telle que chacun d’eux la voit dans sa lunette. Peines perdues ; ils ont beau crier, se démener, la France reste sourde, indifférente ; elle ne veut prendre avec personne ce que les dames appelaient, dans la langue discrète d’autrefois, les derniers engagements. Pour qui donc s’émeut-elle ? À qui se donne-t-elle sans réserve ? – À des poètes ; à des montreurs d’idéal qui ne lui promettent rien, qui lui demandent de regarder en arrière les vertus des aïeux et d’y chercher des exemples d’héroïsme. Vous l’avez dit, Monsieur,

On finit par aimer tout ce vers quoi l’on rame.

Les actes héroïques sont en puissance dans les âmes qui vibrent à vos chants. C’est pourquoi vos pareils peuvent seuls prétendre à la vraie popularité, au pouvoir absolu sur les cœurs. Seuls, ils savent le secret de réveiller l’enthousiasme que l’on croit mort, parce qu’il se glace quand on veut l’égarer sur les disputes de Byzance, sur les ambitions de Lilliput. Honorons la Poésie : cette Princesse lointaine ne nous trompera jamais. Sur le cercueil triomphal d’Hugo, sur les théâtres où nos ovations allaient chercher un Bornier, un Rostand, la France saluait ses représentants naturels, ceux qu’on n’élit pas et qu’un décret d’en haut nous impose ; ils gardent dans leur génie, comme en un reliquaire, la grande image de nous-mêmes qu’ils dévoilent aux jours d’affaissement, la radieuse figure qui fut la nôtre dans le passé, comme elle doit l’être encore dans l’avenir.

Ce n’est pas ici que l’on prendrait ombrage de cette prééminence des poètes : nous en sommes heureux et fiers ; nous associons dans un même remerciement le vieux confrère disparu, le jeune confrère à qui nous souhaitons la bienvenue.