Discours sur les prix de vertu 1873

Le 28 août 1873

Camille ROUSSET

DISCOURS

DE

M. CAMILLE ROUSSET

DIRECTEUR DE L’ACADÉMIE FRANÇAISE

28 août 1873.

 

MESSIEURS,

Tout se trouve chez les anciens, male la question des prix de vertu. « Pourquoi. demande Aristote, nos pères ont-ils fondé des prix pour la gymnastique et non point cependant pour la sagesse ? Parmi des réponses qui ne sont pas d’une valeur également satisfaisante, il y en a une dont la grandeur me frappe et que je dois citer : « Ne faut-il pas que le prix soit supérieur au mérite qui l’obtient ? Dans les combats gymniques, il est plus élevé que le talent qu’il récompense ; mais, dans un concours de vertu, quel prix imaginer qui soit supérieur à la vertu même ? » Voilà, Messieurs, le sublime de la morale antique. Sénèque et Cicéron ne décident pas sur ce problème autrement qu’Aristote : « La récompense de l’homme juste, c’est qu’il est le juste. » Mais cette satisfaction de soi-même, cette intime complaisance qui est, selon les anciens sages, la plus haute ou, pour mieux dire, l’unique rémunération de la vertu, le moraliste chrétien la réprouve et la condamne, parce qu’elle est le commencement de l’orgueil. Que l’homme ait la conscience du bien qu’il a pu faire, c’est justice, à condition toutefois qu’il ne s’y complaise pas, qu’il n’en prenne point avantage, et qu’il n’oublie pas que sa récompense est hors de lui, au-dessus de lui, entre les mains du souverain Rémunérateur. Quelque opposées que soient ces deux doctrines, quoiqu’il y ait entre elles toute la distance qui sépare l’humilité de l’orgueil, elles ne se rencontrent pas moins l’une et l’autre dans cette commune conclusion : c’est que la vertu ne se met pas au concours.

Au début de cette séance, dans un tableau ingénieuse­ment varié par l’art consommé d’un maître, VOUS avez vu rassemblée sous vos yeux l’élite des écrivains qui se sont, cette année, disputé nos couronnes. Des poètes, des ro­manciers, des moralistes, des historiens, des critiques, se sont présentés en grand nombre, concurrents volontaires et avoués, ils ont sollicité nos jugements sur leurs œuvres, et, lorsque nous avons prononcé, lorsque nous avons décerné des prix aux travaux qui nous ont paru les mériter davantage, j’ose croire qu’il n’y a pas de docteur si sévère qui puisse interdire aux vainqueurs la joie légitime de leur triomphe.

En peut-il être des actes de vertu comme des ouvrages d’esprit ? Entre toutes les formes de la vertu, celle qui nous attire et qui nous captive, l’abnégation, le désintéressement, le dévouement, le sacrifice, la charité en un mot, puis-je me la figurer bruyante, solliciteuse, en quête d’applaudissements, avide de récompenses, et, pour tout dire, vertu de concours ? Concours et vertu sont deux termes que je ne saurais faire accorder ensemble.

Bien loin de chercher à concourir, la charité ne s’ingénie qu’à dissimuler ses œuvres ; mais, quelque soin qu’elle prenne afin d’en dérober la connaissance au monde, il y a des témoins émus qui sont d’autant plus attentifs à les découvrir. La rumeur publique a trop souvent l’occasion de dénoncer le crime : il est bon qu’elle ait en revanche à dénoncer la vertu.

C’est devant l’Académie française que sont portées ces révélations heureuses ; alors commence notre rôle, et il est bien simple. De généreux donateurs nous ont confié le dépôt de leurs libéralités : la fondation Montyon, la fondation Souriau, la fondation Marie Lasne ont pour objet d’encourager la pratique des plus louables vertus. Que pouvons-nous mieux faire que de nous tourner vers ces artisans de bonnes œuvres dont l’estime publique nous a recommandé les mérites ? Mais, comme il est impossible que nous les avons tous pour auxiliaires, nous nous adressons à ceux qui ont particulièrement fait leurs preuves, qui, inspirés par le génie de la charité, ont été les plus habiles à multiplier leur dévouement, à faire fructifier leurs aumô­nes, et c’est entre leurs mains éprouvées que nous versons avec confiance ces aides à la vertu dont l’emploi, quel qu’a soit, ne peut manquer de répondre aux intentions des fondateurs. Le choix public que nous faisons ainsi de ces cœurs d’élite est à la fois un hommage aux services déjà rendus, une satisfaction pour les témoins qui nous les ont fait connaître, pour tous un exemple salutaire, un encouragement à propager la contagion du bien.

Si c’est en ce sens qu’il convient d’entendre ce qu’on nomme communément le concours pour les prix de vertu, les faits dont j’ai maintenant à vous entretenir viendront naturellement, comme des preuves à la suite.

Tout le monde sait combien la navigation est dangereuse sur la côte occidentale du département de la Manche ; quand les courants viennent à heurter le flot et le vent contraire, la mer grossit tout à coup, et telle embarcation qui est sortie par un temps favorable se trouve enveloppée dans la tempête. Il y a, au havre de Blainville, un de ces marins prompts à tous les dévouements, habiles à tous les services, pour qui la patrie, dont ils ont été la force et la consolation clans ses malheurs, n’aura jamais assez de reconnaissance. Boivin sait tout ce que cette mer a de caprices et d’écueils ; dès qu’elle gronde, il se tient prêt. Un jour il s’embarque avec quelques braves compagnons ; la houle est médiocre, bonne sera la pèche ; mais on est au mois de mars, temps d’équinoxe et de surprises. Soudain le vent fraîchit, bientôt il souffle en foudre, et la mer démontée se creuse sous le choc de la rafale. À quelque distance une chaloupe vient de chavirer ; quatre hommes sont cramponnés à la quille. Boivin a tout vu ; il court sur les naufragés ; mais, tandis qu’il dirige la manœuvre, une lame le prend par le travers, déferle et le jette par-dessus bord. Il est perdu ! non ; après bien des efforts, ses camarades parviennent à le recueillir épuisé ; il lui faut des soins qu’on ne pourra lui donner qu’à Blainville : on s’oriente pour le retour. Boivin se relève : « Allons donc ! s’écrie-t-il ; avant tout, sauvons-les ! » Il a vu de près la mort ; elle l’a saisi un moment, et c’est parce qu’il vient de subir ses horribles étreintes, qu’il veut à tout prix lui arracher ses victimes, Il les lui arrache. Merci à Dieu qui l’a sauvé pour le salut des autres ! Ce trait, d’une grandeur si simple, ne restera point isolé ; sept fois Boivin s’est, dévoué de même, et vingt-deux personnes déjà lui doivent la vie ; il a cinquante ans, il est chargé de famille : n’importe, il est résolu à se dévouer toujours. L’Académie décerne avec bonheur à l’intrépide Boivin une médaille de deux mille cinq cents francs.

On ne trouvera point, dans notre cher pays, de terrain si aride où la charité ne germe, ne prenne racine et ne produise ses admirables fruits ; c’est, donc par toute la France qu’il nous en faut faire la récolte. Le voyage est long, la chaleur est grande ; aussi souhaiterais-je bien de pouvoir ménager le temps, vous indiquer seulement les principales étapes et m’épargner, comme à vous-mêmes, le retard des transitions. En un mot, c’est un rapport d’été que je voudrais faire, avec la permission d’être court.

Si vous le voulez bien, nous voici à Tavers, près de Beaugency, sur la grande route de Paris à Bordeaux ; le chemin de fer ne l’a pas rendue déserte, car il y a encore beaucoup de pauvres voyageurs qui cheminent à pied, la bourse et l’estomac vides. C’est pour eux que s’ouvre à Tavers l’Hôtellerie de la charité. Les époux Lepage ne sont point hôteliers cependant ; ils sont vignerons et cultivateurs ; mais leur charité est si grande que dans tout le pays leur maison est connue sous le beau nom que je viens de dire. Chaque année, après la récolte, les époux Lepage font d’abord la part des pauvres ; souvent la récolte tout entière y passe ; parfois même elle n’y suffit pas, et ce sont les épargnes des bonnes années qui sont sacrifiées pour suppléer ce qui manque. L’amour des pauvres voyageurs est de tradition dans la famille de Mme Lepage ; sa mère le lui a légué comme un héritage, au lit de mort. « Ne rebutez personne, lui a-t-elle dit ; le ciel a toujours béni la charité. Elle n’appauvrit pas ceux qui la font, et Dieu vous en donnera d’ailleurs la récompense. » Fidèle à ce devoir, Mme Lepage, depuis vingt-six ans, n’y a pas manqué un seul jour ; c’est par milliers que se comptent les passants dénués de ressources qui, sous ce toit hospitalier, ont trouvé un abri, du pain, des soins consolateurs et des encouragements au bien.

Un jour, une voiture bourgeoise, attelée de deux bons chevaux, s’arrête devant l’Hôtellerie de la charité ; un homme bien vêtu en descend ; il entre : « 0 mes chers bienfaiteurs, s’écrie-t-il, me reconnaissez-vous ? » C’était un ouvrier qui, comme tant d’autres, recueilli pour une nuit dans cet asile, avait, grâce à M. Lepage, trouvé du travail à Beaugency. Probe, intelligent, laborieux, il avait prospéré jusqu’à faire fortune, et c’était lui qui, devenu riche, venait fêter, avec ceux qui l’avaient aidé à sortir de la misère, le souvenir du temps où il avait reçu d’eux l’aumône avec les bons conseils. Je regrette, Messieurs, de ne savoir pas le nom de cet honnête homme, de cet homme de cœur ; j’aurais eu plaisir à le nommer dans ce récit ; car la reconnaissance est aussi une vertu, et une vertu bien rare.

M. Lepage est maire de Tavers ; dans le mémoire que nous ont adressé les notables de la commune, il n’a pas voulu qu’il fût fait aucune mention de lui-même. L’Académie comprend ce scrupule d’une conscience délicate, mais elle ne s’y arrête pas ; elle ne veut pas dédoubler en quelque sorte une vertu qui est l’honneur commun d’un couple charitable. C’est aux époux Lepage qu’elle décerne une médaille de quinze cents francs.

Il y a eu, au mois de février 1868, dans le département du Var, à Pontevès, l’épouvantement de la peste noire : c’est le nom sinistre qu’on donne encore en ces contrées à la variole. Tout le monde fuyait ; les morts, les malades, étaient abandonnés dans les maisons désertes. Une femme de soixante ans, Millon Merle, restait presque seule, avec son mari digne d’elle. Ils allaient de porte en porte consoler les moribonds, prodiguer leurs soins où il y avait encore quelque espoir, ensevelir ceux qui avaient cessé de vivre. Quelques jours se passèrent : ils n’avaient pas été atteints par le fléau. Leur exemple releva les courages ; la population revint peu à peu, et, quoique l’épidémie ait encore duré trois longs mois, les victimes qu’elle a frappées n’ont plus été du moins délaissées sans secours.

La femme Merle a toujours été pauvre, parce qu’elle a toujours partagé son pain avec de plus pauvres qu’elle. Quand les indigents du pays la voient entrer dans leur masure : Veïci veni la prouvidence, disent-ils en leur langage. Je trouve, dans le mémoire qui nous a été adressé par les autorités de Pontevès, un détail que je ne veux pas négliger. « Cette femme, nous dit-on, est toujours propre sur sa personne. Sa mise simple a, dans sa rusticité, quelque chose de distingué. L’intérieur de son échoppe, propre comme elle, est toujours reluisant. » Le détail, Messieurs, n’est pas si vulgaire qu’on peut croire ; chez les pauvres gens, dans le midi surtout, la propreté est un mérite rare, presque une vertu : c’est au moins un bon accompagnement de la vertu. L’Académie décerne à la femme Millon Merle une médaille de mille francs.

La veuve Gacongne, à Fleury, près de Villers-Cotterêts, a eu autrefois une petite aisance ; depuis bien des années, elle, est devenue pauvre, son mari, qui était meunier, avant mal géré ses affaires. Dans le temps de sa prospérité relative, elle avait recueilli, en 1844, deux malheureuses femmes, la mère et la fille, presque également infirmes. Quand vint la ruine, la veuve Gacongne ne songea même point à se séparer d’elles, et cependant il lui restait à peine de quoi vivre seule ; elle se mit résolûment au travail, et il fallut qu’elle travaillât beaucoup pour gagner la nourriture de trois personnes. En 1857, la mère mourut. Voilà une bouche de moins, direz-vous : oui, mais une difficulté de plus. L’infirmité de la malheureuse fille est telle que les articulations des bras et des mains sont détruites ; il faut la soigner tout à fait comme on soigne les petits enfants ; ces soins, souvent, bien pénibles, c’était la mère qui les lui donnait : depuis seize ans c’est l’affaire de la veuve Gacongne. Elle est obligée de ne la perdre pas de vue, et si, à toute force, elle ne peut se dispenser de sortir pour quelques heures, il faut qu’elle laisse au bord de la table de petits morceaux de pain coupé que la misérable infirme prendra l’un après l’autre, comme les animaux, avec les lèvres. L’âge vient cependant pour la veuve Gacongne ; elle a moins de temps et de force à donner au travail ; mais son dévouement ni sa confiance en Dieu n’ont pas subi la moindre atteinte. L’Académie lui décerne une médaille de mille francs.

Mademoiselle Bricard est institutrice, depuis trente-cinq ans, au Ribay, dans le département de la Mayenne. C’est une bien petite et pauvre commune, et mademoiselle Bricard a tout le mérite qu’il faut pour diriger une école importante ; on lui a souvent offert une position meilleure : elle a toujours refusé. Née au Ribay, elle ne veut pas s’éloigner de son humble village ni de ses bien-aimées écolières. Elle a élevé les mères, elle élèvera les filles et les petites-filles, tant qu’il plaira à Dieu de lui en donner la force.

Mademoiselle Bricard n’a qu’un traitement modique, et, pendant les vingt premières années, elle n’en a pas eu du tout. De rétribution scolaire il ne faut guère parler. Non-seulement elle instruit gratuitement la plupart de ses élèves, mais encore elle nourrit les plus pauvres. « Arrivé un jour à midi, — c’est l’inspecteur primaire qui parle. — je trouve une douzaine d’enfants mangeant une soupe dont la bonne odeur se répandait dans toute la classe. Après bien des questions, j’apprends que la soupe, bouillon et pain blanc, est fournie par mademoiselle Bricard qui y ajoute souvent un fruit, quelquefois un peu de beurre ou de viande. À mes observations sur la dépense qui en résulte, mademoiselle Bricard me répond simplement : « Jamais je n’aurais le courage de manger la soupe auprès de ces pauvres enfants qui n’ont qu’un morceau de pain noir. » Les petites filles ne sont pas seules à connaître la charité de leur généreuse institutrice ; il n’y a pas de famille pauvre qui n’en ait éprouvé les bienfaits, pas de malade qu’elle n’ait assisté de ses deniers, de ses provisions et de ses soins. L’Académie offre à mademoiselle Bricard une médaille de mille francs.

Une médaille de même valeur est donnée à Françoise Lécrivain. C’est une ouvrière de Lunéville dont l’existence, depuis près de cinquante ans, n’a été qu’un perpétuel sacrifice, un dévouement sans réserve à tout ce qu’une ville importante renferme de misères physiques et morales. Ramener au bien de malheureuses filles perdues ou en danger de se perdre, à la régularité légale et chrétienne des unions de hasard, à la vie de famille de pauvres enfants livrés aux périls du vagabondage, c’est sa grande préoccupation, et, quand elle réussit, sa joie suprême. Il n’y a point de trait éclatant à citer de Françoise Lécrivain ; mais telle est la teneur de sa conduite que ce qu’elle a d’ordinaire et de quotidien ferait époque et merveille dans la vie d’une autre. Je me trompe : il y a eu dans la sienne trois années plus douloureusement laborieuses, trois de ces longues années dont on dit qu’elles peuvent compter double. A dater du mois d’août 1870, la pauvre fille de Lunéville a rencontré sur son humble chemin des obstacles qu’elle ne connaissait pas et qui viennent seulement de disparaître enfin ; dans sa ville natale délivrée, rendue à elle-même, son activité bienfaisante n’aura plus à subir désormais l’inquisition d’une police étrangère.

J’arrive, Messieurs, à toute une série d’actes vertueux, à tout un genre de dévouements analogues, entre lesquels il n’y a guère que des distinctions de noms propres et des différences de détail où il serait trop long de vous faire pénétrer. Chaque année amène devant vous un nombre toujours considérable de ces humbles et fidèles servantes dont l’attachement aux familles qu’elles ont adoptées, pour ainsi dire, a une force d’adhérence tellement puissante que rien ne saurait plus les en séparer ; et cependant, pour la plupart, ni le présent n’a de bien-être, ni l’avenir de promesses flatteuses. Tout au contraire s’assombrit autour d’elles ; les maîtres vieillissent, et, trop souvent, la mauvaise fortune s’ajoute au poids de l’âge ; non-seulement elles ne touchent plus de gages, mais encore leurs épargnes s’en vont peu à peu, sacrifiées en silence ; il faut réprimer en soi la faim et le sommeil, donner la nuit à des travaux sollicités au dehors et dont le maigre salaire pourra du moins empêcher de s’éteindre le pauvre foyer domestique ; et les jours succèdent aux jours, apportant un surcroît de dévouement en même temps qu’un surcroît de misère. Il n’y a pas assurément de vertu plus touchante et qui puisse mieux recommander les neuf noms dont je vais donner lecture.

Jeanne Badoz et Marie Derne, que l’Académie a particulièrement distinguées, reçoivent une médaille de mille francs chacune. Sept médailles de cinq cents francs sont décernées à Julienne Piette, à Jeanne Lambert, à Catherine Cartier, à la veuve Vendevelde, à Pélagie Crépin, Delphine Marrot, à Marie Rigal.

Parmi ces derniers noms, celui de la veuve Vendevelde nous a paru mériter une mention d’un ordre spécial. Son maître, qu’elle a servi pendant trente-six ans, avait été frappé de paralysie, à Paris, en 1870, tout au commencement du mois de juillet, quelques jours avant l’explosion de la guerre. Cloué sur son lit, aux trois quarts sourd, mais encore en possession de son intelligence, le vieillard a traversé le premier et le second siége, la guerre étrangère et la guerre civile, et il est mort au mois de juillet 1872, sans avoir rien su ni appris de ces événements énormes. Par un prodige de discrétion et de vigilance, avec une délicatesse de sentiment infiniment supérieure à sa condition, la bonne servante s’est donné le contentement d’épargner à son cher infirme les longues angoisses et les plus poignantes des souffrances morales. Un tel fait serait incroyable si deux amis du malade, qui était un musicien bien connu, M. Carafa, de l’Académie des beaux-arts, tous deux de la même Académie et nos confrères, ne nous apportaient pas l’autorité de leur témoignage personnel.

La liste que vous avez sous les yeux comprend encore bien des noms auxquels je ne puis adresser ici qu’un hommage collectif ; ils seront reproduits, avec les notices accoutumées, dans le livret de l’Académie. Nous y aurions volontiers ajouté, s’il eût été possible, tous ceux que nous ont révélés les quatre-vingt-quinze mémoires dont l’Académie a été saisie depuis l’année dernière. Si les limites dans lesquelles nous sommes obligé de nous tenir ne nous ont pas permis de vous en signaler un plus grand nombre, les désignations locales et les enquêtes qui les ont suivies ne sont-elles pas déjà d’un grand profit pour la moralité publique ?

C’est le privilége et l’honneur de l’Académie française de rassembler tous ces témoignages, d’en ressentir la première l’émotion généreuse, de s’en inspirer et de pouvoir déclarer hautement qu’en dépit de tous les mauvais exemples et de toutes les fausses doctrines, les vertus modestes et désintéressées, les vertus chrétiennes et sociales par excellence, le dévouement, le sacrifice, les forces morales enfin n’ont pas diminué chez nous et ne sont pas près de manquer à la France. Les forces intellectuelles ne lui manqueront pas davantage : j’en atteste le rapport éloquent que vous avez applaudi tout à l’heure.

Tel est, en effet, le caractère particulier de cette séance, que les lettres et la morale active y soient représentées tour à tour, de sorte que les belles œuvres reçoivent la louange d’abord et que le dernier mot appartienne aux bonnes œuvres.