Réponse au discours de réception de Cuvillier-Fleury

Le 11 avril 1867

Désiré NISARD

Réponse de M. Désiré Nisard
au discours de M. Cuvillier-Fleury

DISCOURS PRONONCÉ DANS LA SÉANCE PUBLIQUE
le jeudi 11avril 1867

PARIS PALAIS DE L’INSTITUT

     Monsieur,

Vous venez de finir par de belles paroles un discours justement applaudi. Oui, ménageons-nous, respectons-nous les uns les autres. Nous y gagnerions une vertu de plus, et la vérité n’y perdrait rien. À aucune époque peut-être, il n’a été plus facile de se tromper sur les mobiles de la conduite des hommes publics. Le sol sur lequel nous marchons a été si souvent ébranlé, que ceux mêmes qui s’y sont tenus le plus ferme ont pu paraître chancelants. Vous nous donnez donc le bon conseil, Monsieur ; c’est le conseil d’un temps qui a vu toutes les opinions tour à tour humiliées par les événements. Mais la modération à laquelle vous nous conviez ne peut être une vertu qu’à deux conditions, c’est que nous sachions faire la part de nos fautes dans nos disgrâces, et qu’en ménageant les autres nous croyions sincèrement ne leur faire que justice. Nous avons tous le devoir d’être justes. Personne de nous n’a le droit d’être généreux.
Ce que vous demandez, Monsieur, et ce que souhaitent avec vous tous les honnêtes gens, c’est la tolérance politique. Nous jouissons du bienfait de la tolérance religieuse. L’histoire nous dit ce qu’il en a coûté à nos pères pour le transmettre à leurs enfants. Nous n’aurons pas payé moins cher la tolérance politique. Pourquoi ne la verrions-nous pas enfin passer dans nos mœurs ? Si la tolérance a été possible dans la religion, où il semble qu’en souffrant la foi contraire le fidèle consente à laisser son prochain en péril, ou tout au moins qu’il ne se soucie pas de l’associer à ses espérances, combien ne l’est-elle pas plus dans la politique, où les affirmations des hommes sont si souvent exposées aux démentis du temps ? Aussi bien, la tolérance n’est pas l’indifférence. Chacun garde sa foi et reste à son rang dans les luttes inévitables des opinions ; mais on se souvient que l’homme communique de son imperfection à ses croyances comme à ses vertus ; la foi est pure de tout orgueil ; et, comme les soldats de deux vaillantes armées qui sont aux prises sous des drapeaux différents, on se combat et on s’estime.

En attendant, Monsieur, que, par le progrès de la raison publique, la tolérance modère nos jugements sur les vivants, il est beau qu’elle devienne la règle de nos jugements sur les morts. J’ose dire que l’exemple n’en peut être donné avec plus d’autorité et de convenance que par cette Académie, où les grandes opinions qui se sont disputé de notre temps le gouvernement du pays ont leurs représentants les plus illustres ; et l’homme auquel vous succédez était si sincèrement .libéral, qu’il méritait de servir d’occasion à une apologie de la tolérance politique.

Appelé à juger à votre tour M. Dupin, on ne vous avait pas fait la tâche aisée. Deux de nos plus éminents confrères, .l’un par un ample et noble tableau de sa vie d’avocat et de magistrat, l’autre par un portrait saisissant, qui l’a pour un moment ressuscité, vous avaient enlevé à la fois les grands traits de l’homme public et la physionomie de la personne. Vous avez complété le tableau, en y faisant plus de place à la politique, et vous avez recommencé le portrait, en le laissant ressemblant. Ce que nous venons d’entendre est un morceau achevé, dans ce genre de critique où vous avez acquis une célébrité qui devait vous ouvrir les portes de l’Académie.

Je voudrais, Monsieur, en indiquer brièvement les difficultés. J’en ai pris l’idée dans vos qualités mêmes et dans votre succès.

Si la critique, appliquée à la littérature contemporaine, est l’art de discerner dans les livres les qualités des défauts, ce qui est écrit pour le jour de ce qui est écrit pour durer ; si, comme vous le dites quelque part, c’est une sorte de libre défense de la vérité contre l’erreur, quoi de plus difficile que la critique ? Où est l’erreur ? où est la vérité ? Chaque époque, je devrais dire chaque lustre, a son tour d’esprit particulier et passager. C’est, dans les choses littéraires, ce que sont dans les ameublements un certain style de fantaisie, dans les habits une certaine coupe. Né de la mobilité humaine, qui, dans notre pays, s’augmente de la mobilité nationale, le tour d’esprit du moment se prend volontiers pour la vérité, pour le progrès, pour l’art ; il s’en donne les noms, et il persuade tous ceux, en si grand nombre, qui veulent du nouveau à tout prix, et auxquels il importe peu de savoir s’ils avancent ou s’ils reculent, pourvu qu’ils marchent. Comment se rendre libre d’une influence si puissante ? Comment se défendre de la peur, toute française, de n’être pas à la mode ?

La difficulté s’accroît, quand on fait, comme vous, de la critique dans un journal quotidien. Juger demande du temps ; un journal n’en donne guère. Il faut donc juger vite, et comment juger vite et juger bien ?

Si le journal est l’organe d’une opinion politique, je vois d’autres périls pour la critique. Comment se garder de l’esprit de parti ? Je n’ai pas peur des grosses injustices ; un honnête homme n’a ni peine ni mérite à s’en défendre. Mais j’ai peur des petites, de celles qui se dérobent à l’homme qui les commet. On croit n’avoir que le goût sévère, on a le jugement prévenu. En prenant la plume, on s’était fait un point d’honneur de se défier de soi, et de faire bonne mesure à l’œuvre d’un contradicteur politique. On écrit, et voilà qu’à l’insu du critique, la plume glisse sur les qualités et appuie sur les défauts. Par quelle partialité involontaire cela se fait-il ? Un La Rochefoucauld nous le dirait, sans calomnier la nature humaine.

Au contraire, s’agit-il de juger l’ouvrage d’un écrivain de notre parti, comment nous mettre en garde contre une indulgence que nous commande la fidélité au drapeau ? De tous nos amis, ceux que nous louons le plus volontiers sont ceux que nous a faits la politique. On garde sa sévérité pour les amis qui ne sont que des amis. Jamais poëte n’a trouvé dans son parti un Aristarque ; en revanche, l’auteur du plus méchant sonnet est toujours sûr de trouver un Philinte.

Que sera-ce enfin, si le critique et l’auteur écrivent dans le même journal, et s’il leur arrive d’y changer de rôle ? Quel moyen de ne pas se tromper, là où l’erreur est si pardonnable et si douce ? Par quelle surveillance sur nous-mêmes empêcher qu’il ne se glisse dans notre justice de la complaisance, et dans notre complaisance une pensée lointaine de réciprocité ? Et, après tout, quel grand dommage y a-t-il pour les lettres, si, en parlant d’un livre qui n’occupera peut-être pas la postérité, nous tenons moins à l’intégrité de notre jugement qu’à toutes ces convenances aimables, et à l’agrément qu’elles répandent sur la vie ?

Vous avez eu à passer, Monsieur, à travers ces piéges. Tout ce qui s’en peut éviter par l’amour du vrai, la bonne foi, la droiture, l’art de la contradiction obligeante, vous l’avez évité. On trouve dans vos articles ( ), selon que la vérité le demande, tantôt des critiques à l’adresse d’écrivains qui pensent comme vous sur la politique, tantôt des éloges pour des écrivains qui sont d’un autre avis, et tout le monde s’accorde à vous louer vous-même d’avoir su garder aux choses et aux personnes une fidélité pure de toute partialité comme de tout ressentiment.

De tous les piéges dont j’ai parlé, le plus attirant et le plus caché, c’est le tour d’esprit du moment. Vous vous en êtes gardé par le culte de la tradition. C’est vous-même qui avez dit le mot, et je vous remercie de n’avoir qu’à le répéter. Il y faut un peu de courage, dans la confusion sincère ou intéressée que font tant de gens de la tradition et de la routine. Peut-être y a-t-il eu des temps où la tradition a touché à la routine, comme le bon usage à l’abus. Mais ce n’est certes pas le nôtre. Dans un siècle où la critique est une sorte de tribunal de révision universelle, il n’y a pas d’apparence que la tradition y ait échappé. Elle s’y est épurée de tout ce qui est proprement la routine, rhétorique, procédés de convention, recettes littéraires, règles d’Aristote qui sont ou ne sont pas dans Aristote ; il en est resté ce qui se transmet, se perpétue et s’impose, non par l’autorité, mais par la liberté, des principes, des types, vers lesquels, avant toute impulsion de l’éducation et de l’exemple, les esprits bien faits se tournent naturellement, comme l’œil vers la lumière.

Tradition et routine sont choses si différentes, qu’à certaines époques de l’histoire des lettres, la tradition n’a été qu’une insurrection de l’esprit humain contre la routine. En face des poëtes qui faisaient cortége à Chapelain, en face de l’imitation espagnole, qui, même après le Cid, continuait de fleurir, et de mener ses disciples à l’Académie, Boileau vous semble-t-il un routinier ou un révolté ?

Dire que la tradition est tout ce qui du passé subsiste et vit dans le présent, ce n’est pas en dire assez. Il n’y a, dans le présent, rien de plus vivant, et, j’ajoute, rien qui soit plus certain d’être vivant que la tradition. Car qui sait, parmi les choses nouvelles, celles qui seront de force à survivre, et qui feront à leur tour tradition ?

De toutes les inspirations qui animent l’artiste ou l’écrivain, la tradition est la seule qui ne s’éteigne qu’avec la vie. Hier encore elle tenait le pinceau, elle dirigeait la plume de deux vieillards illustres, aujourd’hui disparus, dont l’un se glorifiait, et dont l’autre ne se défendait pas de représenter la tradition, M. Ingres et M. Cousin. Qu’elle les ait avertis de leur génie particulier, ou que ce génie se soit tout d’abord ajusté à elle, toujours est-il que leurs plus beaux ouvrages en ont reçu le lustre qui ne passe pas, et, que, des peintures de l’un comme des écrits de l’autre, ce qui doit subsister après nos jugements, après les jugements plus sûrs de nos successeurs, ira grossir ce choix d’œuvres supérieures qui témoignent de la vitalité de la tradition.

Ce ne sont pas les raisonnements qui me font peur pour elle ; c’est plutôt la séduction d’une certaine critique,

Subtile, engageante et hardie,

comme dit La Fontaine de la philosophie de Descartes, qui paraît chercher hors de la tradition les motifs de ses jugements. Depuis plus de quinze ans, dans une suite de brillants écrits, qui, sous le nom aimable de Causeries, se sont succédé sans interruption et sans affaiblissement, cette critique a trouvé le secret d’en apprendre aux plus instruits, de contenter les plus délicats et de plaire à tout le monde. Ce n’est pas que la tradition n’y trouve à prendre son bien. Cet art ingénieux de faire ressortir, dans les œuvres de l’esprit les plus diverses, le point vif des talents, de détacher d’un livre oublié ou négligé la page où le rayon de l’inspiration a brillé, de suivre la veine de sève qui continue à nourrir sur un tronc mort un rameau toujours verdoyant, et cet autre art, plus sévère, de montrer sous des aspects nouveaux les grandes figures littéraires, et de rajeunir leur gloire, tout cela est du domaine de la vérité et de la vie, et par conséquent de la tradition. Elle pourrait aussi s’emparer des maximes de goût qui abondent dans cette critique, et en recomposer ses principes et ses propres types. Mais il est très-vrai que les jeunes écrivains y remarquent moins ce qui oblige au travail, que ce qui invite à la nouveauté par la liberté, au vrai par le laisser-faire, au bien par le changement, et je crains que la méthode générale d’un tel maître ne soit plus persuasive que ses maximes de goût et ses exemples.

C’est pour cela, Monsieur, que, tout en tirant du côté de la tradition, comme c’est notre droit, des œuvres qui n’en sont qu’une application plus libre, et qui la fortifient plutôt qu’elles ne l’infirment, il faut continuer à la défendre.

Vous en avez le culte, vous n’en avez pas la superstition. Vous évitez le dogmatisme, et vous faites bien. Il a le tort d’affecter un air d’autorité, même alors qu’il n’est qu’une confession d’obéissance. Vous êtes fidèle à la tradition avec liberté ; vous la nommez rarement ; vous n’en faites pas peur aux auteurs ; mais ils savent qu’ils ont en vous un juge qui se gouverne par ses principes. Ce juge est même, dit-on, un peu sévère. Ce qui fait qu’on s’y trompe, — outre que pour les auteurs il n’y a pas de critique indulgente, — c’est le ton que prend volontiers la vôtre. Polémique littéraire serait son vrai nom. Vous combattez tout ce que vous critiquez. Vous avez toutes les qualités du polémiste, la verve, la dialectique, l’abondance et l’éloquence. Vous avez, dites-vous quelque part, la passion de la critique. Belle passion, Monsieur, et dont on peut faire l’aveu, quand elle n’est autre chose que la raison émue, et qu’on sait la concilier comme vous avec la courtoisie et la bienveillance.

Me permettrez-vous de préférer, dans vos articles, ceux qui appartiennent à la polémique historique ? Ma préférence n’est pas étroite, car c’est plus de la moitié de ce que vous avez fait. Là votre verve, votre ardeur, là cette passion dont vous vous confessez, sont une défense proportionnée à l’attaque. Car, si les erreurs littéraires sont préjudiciables, combien le sont plus encore les erreurs historiques, par le mal ou le bien que peut recevoir le présent de la connaissance ou de l’ignorance du passé !

Parmi tant de pages éloquentes ou piquantes, j’aime surtout celles où vous combattez avec tant de force et raillez avec tant d’esprit l’étrange mode d’abaisser les grands noms de l’histoire. Soit amour pour le paradoxe, soit que notre société démocratique, où l’égalité est une conquête récente, ait peur que l’admiration pour les grands hommes ne lui fasse reprendre goût à l’inégalité, nous avons vu des livres où l’on fait de nos plus grands rois des despotes, sans songer que du même coup on fait de nos pères des esclaves. On cherche de préférence les preuves de l’histoire dans les pamphlets, comme si un pamphlet, tiré de la poussière d’un dépôt, était la conscience du genre humain qui recouvre la voix. Le mur qui protégeait la vie privée a été abattu, et l’on s’est servi du témoignage des valets de chambre pour défaire les héros.

Contre les injustices de cet esprit et les illusions de cette mode, je ne sais qu’une défense, c’est de s’en rapporter à la gloire. La gloire n’est pas un éblouissement. C’est un jugement auquel la grandeur des justiciables a fait donner ce beau nom, mais qui a été rendu, comme tous les jugements réguliers, sans surprise, et après débat. Il y en a eu de revisés ; je n’en sache pas qui aient été cassés. C’est que la cause a été longuement instruite par le plus impartial des juges, le temps. Le bien, le mal, ont été pesés. On a fait la part des hommes et la part de leur époque. De tout cela est sortie la gloire, qui n’est que la justice humaine sous la forme d’une auréole.

Donner les motifs de cette justice, expliquer la gloire, est la tâche de la critique historique. C’est ainsi que vous l’entendez, Monsieur, dans un très-bel article, où, répondant au brillant historien de Mme de Longueville qui faisait du XVIIe siècle deux moitiés, et revendiquait pour la première le titre de grand siècle, vous repoussiez pour Louis XIV le reproche d’avoir abaissé les esprits, les caractères et les mœurs, suivi et non dominé son temps, et, rétablissant l’ordre interverti par M. Cousin, vous faisiez commencer le grand siècle où il le fait finir.

Une autre belle plume de notre temps, racontant les derniers efforts du génie militaire de Napoléon Ier à la bataille de Waterloo, avait mis en doute son courage, ce jour-là, comme soldat. Vous avez justifié le vaincu de cette fatale journée, et, vous servant à la fois de la vérité et de la vraisemblance, vous avez prouvé avec éclat que dans ce moment suprême, à l’angoisse indicible de sentir sa fortune écroulée, et la France ouverte à l’invasion, il ne se mêla point d’indignes peurs pour sa vie.

Ce n’est pas la seule fois que vous ayez défendu cette grande mémoire. L’historien le plus populaire de Napoléon Ier, d’autant plus digne d’être cru quand il l’accuse, qu’il a fourni le plus d’explications de sa gloire, lui reprochait de n’avoir pas accepté, après la bataille de Bautzen, la paix que lui offrait l’Autriche par M. de Metternich. Dans une discussion aussi forte que courtoise, sans excuser les torts, et même réduisant trop, à mon gré, la part de la nécessité, pour faire plus grande la part des fautes, vous n’avez pas plus voulu que Napoléon lui-même d’une paix que notre illustre secrétaire perpétuel a si justement appelée punique. Et si vous n’avez pas cru que la politique qui avait amené la bataille de Bautzen fût d’un sage, vous n’avez pas consenti à dire, avec le négociateur autrichien, que le refus de la paix fût d’un fou.

Le plus beau de vos titres, dans la critique historique, ce sont vos articles de 1850 et 1851, contre ce que vous venez d’appeler le socialisme doctrinal de février, et son ambitieuse rhétorique. Vous y défendiez à la fois la société comme citoyen, et le goût comme écrivain, montrant avec sagacité par quelle corruption particulière l’anarchie dans les idées s’allie avec la prétention dans le langage. Quoique la main qui devait nous sauver de la tempête fût, depuis deux ans déjà, au gouvernail, et que, dès le 13 juin 1849, la mémorable parole : « Il est temps que les bons se rassurent, et que les méchants tremblent, » eût retenti en France et en Europe, ni cette belle parole, ni ce qu’elle donna de cœur à la société française, n’ont diminué le mérite de la pensée courageuse qui vous inspira ces articles, et personne ne se souvient de l’éclat de votre polémique, sans se souvenir du service que vous avez rendu au pays.

En faisant la guerre aux doctrines, vous gardiez d’ailleurs de justes égards envers les écrivains qui les recommandaient de leur sincérité et de leur talent. Vous avez le secret d’être passionné sans être injuste. Vous aimez la liberté jusque dans ses erreurs, et, dans un écrit où les idées vous choquent, vous vous laissez toucher par le bien dire. Et, s’il était possible de donner aux auteurs des doutes sur leurs opinions au moyen de louanges sincères données à leur talent, vous y auriez réussi.

Les mêmes qualités font lire avec le même fruit d’autres articles, écrits vers ce temps-là, où vous jugiez certains personnages de la première république. Des écrivains distingués, que la grandeur tragique des choses trompait sur la petitesse des hommes, avaient plaidé pour eux les circonstances atténuantes, et s’étaient complu à jeter des fleurs sur de sinistres figures. Contre ces excuses imprudentes, vous avez maintenu le jugement du temps. Sans ôter à ces personnages trop fameux le bénéfice d’une première bonne foi révolutionnaire, vous savez discerner, dans la vie des plus emportés, des moins maîtres d’eux-mêmes en apparence, l’instant où cet emportement n’a été qu’un calcul, cette fureur de patriotisme qu’une couverture de la convoitise ou de la peur, ce visage enflammé qu’un masque. Du reste, vous ne forcez rien ; vous n’accablez pas ces temps de violence de la modération si facile à nos temps réguliers ; vous tenez compte des talents, et vous restez juste pour ceux même qui n’ont pas connu la justice. Mais, cette part faite au bien jusque dans l’extrême mal, vous abandonnez à leur mauvaise renommée des hommes qu’il ne faut pas faire grands, comme vous le dites si bien, parce que les événements les ont faits terribles, et qui, fondateurs et violateurs tout ensemble de la liberté, ont mérité d’être reniés par elle.

Dans des articles d’une date plus récente, sur une des plus touchantes victimes de ce patriotisme si mélangé, Marie-Antoinette, vous avez expliqué le malheur qui est encore la gloire, et montré par quelles provocations, de jour en jour plus insultantes et plus menaçantes, cette reine infortunée fut poussée à appeler ce qui est, aux yeux de l’histoire, l’étranger, ce qui put lui paraître le secours naturel du chef de sa famille. J’ai tâché, moi aussi, d’exprimer dans quelques pages le sentiment qui nous est commun. Laissez-moi vous remercier d’avoir lu dans votre beau travail ce que je n’ai pas su dire dans le mien, et vous envier cette parole par laquelle vous résumez votre jugement sur Marie-Antoinette : « Le patriotisme l’accusait ; la démagogie l’a condamnée ; l’humanité l’absout. »

Le jugement que vous avez porté sur M. Dupin ne trouvera pas de contradicteurs. Vous y avez mêlé des restrictions aux éloges. Il n’y a de jugements vrais sur les hommes que dans ce mélange. L’Académie n’en prétend pas d’autres pour ses membres. Quoi qu’on en ait dit, nous ne nous mettons pas au ciel de nos propres mains. Mais, s’il est vrai qu’en jugeant ceux qui ne sont plus, le souvenir de leur commerce interrompu par la mort nous prévienne plus fortement pour leurs qualités que pour leurs défauts, cette prévention du regret n’est-elle pas le commencement de la justice ?

Vous n’ôtez rien à la renommée de M. Dupin, en disant qu’il n’était pas un homme d’État. Il n’a pas connu le plus dur travail de notre temps, il n’a pas été au pouvoir. Il a conseillé les gouvernants ; mais donner des conseils, même excellents, ne vaut pas gouverner, même en faisant des fautes. Je ne dirai pourtant pas avec vous que, s’il ne se risqua pas au pouvoir, ce fut peur de la responsabilité. Ses talents l’avaient appelé à la vie politique, son caractère ne s’y prêtait pas. Laissons-lui le bénéfice de l’aveu qu’il en a fait. « Je n’étais pas aimable, dit-il dans ses Mémoires ; j’en conviens. Je suis bourru, bien plus qu’égoïste. » Autour de lui, on l’aidait à se voir au vrai. « Je connais votre caractère brusque et sans patience, » lui écrivait son père, en le dissuadant d’accepter une haute fonction politique. Je n’ai pas à faire le portrait d’un bon ministre ; mais la brusquerie, même pure d’égoïsme, l’impatience, l’inégalité d’humeur, ne sont pas les qualités de l’emploi. Je crois donc volontiers qu’on ne voulut jamais sincèrement M. Dupin au ministère, mais je crois aussi qu’il ne s’y voulut jamais lui-même. Qu’il en ait eu, comme il arrive, quelque dépit secret contre ceux qui voulaient être ministres, et qui savaient l’être, on put le conclure, par moments, de la sévérité de ses conseils et des intermittences de ‘son amitié politique. Mais la raison vraie, vous l’avez donnée : c’est que M. Dupin ne voulait être et n’était à personne

En revanche, il y a deux choses auxquelles il appartenait tout entier. La loi d’abord. J’entends encore le son de voix dont il en prononçait, Saint-Simon eût dit : dont il en assénait le nom. Tout l’auditoire en retentissait. Vous dites très-justement qu’il croyait trop à la puissance des lois. Il ne voyait pas toujours le moment où les mœurs et les intérêts leur échappent ; il ne sentait pas venir la désuétude. Mais, si ce n’est pas une qualité dans un homme politique, convenons que, dans un jurisconsulte, c’est le moindre des défauts.

La seconde chose à laquelle M. Dupin se donnait sans réserve, c’est la présidence des assemblées politiques. Il croyait invincible une chambre bien présidée. J’en eus un jour la confidence de sa propre bouche. C’était le 24 février 1848. Il descendait de la tribune, d’où il venait de faire entendre en vain quelques paroles en faveur de la légalité violée. J’étais au bas de l’escalier. « Voilà, me dit-il, où l’on en arrive, quand on n’est pas présidé. » Il croyait que la révolution de février eût expiré, comme une émeute ordinaire, au pied du fauteuil du président, s’il y eût été assis. Si ce fut une illusion, peut-être était-elle permise à un homme qui fut égal à toutes les difficultés comme à tous les devoirs de cette grande fonction, président admirable dans les temps réguliers, président-né, pourrait-on dire, des jours de trouble, alors que les difficultés étaient des extrémités, les devoirs des périls, et que présider une assemblée souveraine ressemblait si fort à gouverner.

En se dérobant aux personnes, M. Dupin échappa du moins à l’esprit de parti, ce tyran des pays libres, qui sacrifie la sociabilité à la politique, engendre les fausses amitiés et ruine les vraies. Il dut à cette indépendance d’humeur de garder jusqu’à la fin, dans l’opinion politique la plus opposée à la sienne, une amitié de jeunesse commencée par la confraternité du barreau, et qui avait déjà duré quarante ans, à l’époque où il écrivait ces lignes, qui désigneront, sans que je le nomme, celui à qui elles sont adressées : « Nous avons eu le bon esprit de nous aimer comme hommes et comme avocats, par des qualités civiles, sociales, plutôt que par les calculs intéressés et variables de l’ambition et de l’esprit de parti… C’est ainsi que plusieurs fois, étant président de la chambre des députés, à l’époque où mon opinion était dominante et la tienne exilée, il m’est arrivé d’applaudir à ton immense talent oratoire, quoique tu l’eusses employé à une cause qui n’était pas la mienne, et de ne dissimuler à personne le plaisir que me faisaient éprouver, comme ami de cœur, tes succès de tribune. En rentrant chez toi, tu trouvais quelquefois que mes applaudissements y avaient précédé ton retour. » J’ai reçu du grand orateur, qui sut inspirer de tels sentiments, l’explication de cette dernière phrase. Pendant qu’il était à la tribune, des billets de M. Dupin allaient féliciter Mme Berryer du nouveau succès de son mari, et porter la tranquillité et la joie où était le trouble de l’attente.

Nous sommes en pleine éloquence, Monsieur, et il faut bien, au risque de vous prendre vos paroles, que je dise quelques mots de l’éloquence de M. Dupin.

Les termes de comparaison ne nous manquent pas. Nous n’avons qu’à regarder ici et hors d’ici. Tout ce que la science et l’expérience de la politique peuvent donner d’autorité à l’éloquence, la philosophie de l’histoire de profondeur et d’élévation, le génie des affaires de lumière et de netteté, l’imagination de coloris, la passion de flamme, nous en avons comme autant de types. Il semble même que, hors de ces types, il n’y ait plus d’éloquence. Il reste l’éloquence de M. Dupin. Le légiste y domine peut-être le politique ; vous avez marqué la nuance. Mais, dans les limites où se tient l’orateur, quelle puissance et quelle plénitude ! Non-seulement il ne manque rien à sa parole, mais il semble que quelque chose de plus y serait de trop, tant le sujet du débat, les raisons, le langage, le ton, y forment un ensemble et un tout parfait. Et quand la grandeur des choses débattues fait sortir l’orateur de ses limites, et qu’au lieu d’une loi menacée de désuétude en naissant, ou d’un fait que le temps emporte, il s’agit d’un de ces intérêts permanents des sociétés libres que troublent quelquefois, en voulant les régler, des législations éphémères, il a la partie divine de l’éloquence, celle qui emprunte aux passions leur ardeur pour les combattre. Ces jours-là, on ne classait pas M. Dupin ; on ne le mettait ni au premier rang, ni au second ; on le laissait à part.

Il avait bien le droit, lui aussi, de publier ses discours de son vivant. Il y a mis un art particulier. Il les a mêlés, dans ses Mémoires, au récit des événements, tantôt par extraits, tantôt en entier, selon les affaires, et pour le plus grand effet. J’ai entendu bon nombre de ces discours. Il en a ôté les accessoires : ici, une digression ; là, un exorde hésitant, où il tâtait le terrain, avant de prendre son élan. On a le meilleur du discours ; on a toute la scène ; il a noté les interruptions ; il n’a pas omis les applaudissements : j’y ai reconnu les miens.

Je viens de parler de ses Mémoires. On n’en fait pas assez de cas. Nous voyons s’achever en ce moment, sur la même époque, des Mémoires composés, si l’on en croit le titre, pour servir à l’histoire, écrits, au jugement de tous, comme l’histoire elle-même. Vous les avez lus et pratiqués, Monsieur, comme un de vos auteurs familiers. Peut-être vous ont-ils gâté les Mémoires de M. Dupin. Il faut prendre ceux-ci pour ce qu’ils sont. Ce n’est pas pour rien qu’il les a intitulés Mémoires de M. Dupin. Ils n’entendent servir à autre chose qu’à le montrer tel qu’il est, et le personnage est si original qu’on ne se lasse pas de le voir ; outre que la manière un peu bourgeoise dont il présente certains incidents de la politique, que grossissait le point de vue du moment, leur donne les proportions qu’ils garderont dans l’histoire.

On peut sourire, et je ne m’en fais pas plus de scrupule que vous, quand il enregistre les copies autographiées des lettres de compliment qu’on lui écrit, quand il recueille tout ce qui s’imprime dans les journaux à sa louange, et, parmi les critiques, celles-là seulement où les défauts qu’on lui reproche sont de ceux qui distinguent un homme plutôt qu’ils ne le diminuent. Mais, pour cette faiblesse, née d’un beau défaut, une trop grande attention à sa vie, que de choses honorables et de bon exemple ne devons-nous pas au soin qu’il a pris de garder ses propres reliques ! Nous ne saurions pas quel père aimé et digne de l’être eut M. Dupin, et quel fils docile était cet homme dont l’indocilité est le trait caractéristique. Nous ne saurions pas quelle affection de père il eut pour ce jeune frère qui lui succédait et le remplaçait du même coup au barreau, au moment où il montait lui-même sur le siège de procureur général. Lorsqu’avec la bonhomie de nos anciens magistrats, il parle de sa femme, et qu’il se plaît à citer d’elle quelques vers écrits pour rester secrets, où l’affection et la modestie ont mis leur poésie, que j’aime à voir ce mari se parer ainsi des talents de sa femme, et quel plaisir me font ces confidences du foyer et ces fleurs de sentiment, parmi les souvenirs arides de la vie publique ! Vous avez trouvé une noble et touchante parole pour caractériser cette femme si douce et si forte, qui ne vécut que de sa vie, assistant, avec mélancolie, aux vicissitudes de sa fortune, et, « quoique aimant un peu la gloire, » dit M. Dupin, plus fière de ce qui lui faisait honneur, qu’heureuse de ce qui l’élevait en dignité.

Vous m’avez laissé, Monsieur, à parler de M. Dupin comme écrivain. Je ne le ferai pas écrivain en dépit des apparences, je dirai même en dépit de lui, car, en mentionnant ses travaux académiques, « c’est, dit-il avec bonne grâce, ce qui, dans mes œuvres, se rapproche le plus de la littérature. » Ne parlons donc pas de son style, si vous voulez. Aussi bien, dans ce temps-ci, on ne reconnaît de style qu’à ceux qui en font. Parlons tout bonnement de sa diction. Quelle diction aisée, franche, naturelle, et, si peu que M. Dupin soit écrivain, quel bon écrivain ! Il avait sa tradition à lui. C’étaient le Traité des études de Rollin, le Traité des devoirs de Cicéron, les Dialogues de Fénelon, qu’il relisait, nous dit-il, une fois l’an ; l’Art poétique d’Horace, qu’il relisait toujours ; Boileau qu’il savait par cœur. Il ne me déplairait pas pour Boileau que son école ne fit pas de pires écrivains que M. Dupin. Si les poëtes n’en veulent plus pour maître, j’engage fort les avocats à le prendre. « Boileau, écrit Voltaire, a dit ce qu’il voulait dire, et a bien fait tout ce qu’il pouvait et ce qu’il voulait faire. » Dire ce qu’on veut dire ; ne vouloir que ce qu’on peut faire, et le faire bien, n’est pas un petit talent. C’est le talent de M. Dupin. J’ajoute : c’est toute sa vie. Il est très-aisé de dire jusqu’où M. Dupin n’aurait pas pu monter ; on ne l’a pas appris par ses chutes.

Mais je conviens que le parleur vaut mieux que l’écrivain. Comme le plus pur de l’eau est à la surface, ainsi le meilleur de ce vif esprit est ce qui en a déjà passé sur les lèvres. Esprit, non de finesse, mais de bon sens, qui donnait à penser, et qui en ôtait la peine, que n’a-t-on pas dit d’ingénieux et de piquant pour le caractériser ? Ce n’est pas assez qu’il soit français : on le fait gaulois, c’est-à-dire français avant tout mélange. C’est le sel avant le raffinage, ce sel dont on l’entendit un jour, à la tribune, demander le dégrèvement, pour assaisonner, disait-il, la pomme de terre des paysans du Morvan. L’esprit de M. Dupin jaillissait comme par étincelles du choc des personnes et des choses, moins sous forme de réflexion que de réplique. On sait si l’épigramme y manquait. Il y en a de célèbres ; et, comme personne n’est assuré d’avoir échappé aux épigrammes de M. Dupin, chacun de nous peut en toute conscience se pardonner le plaisir qu’il y a pris.
J’ai peut-être tort de rappeler cette autre faiblesse d’un homme si rare. Aussi bien, tel a ri de ses épigrammes, qui n’en a pas été pour cela désarmé. Elles ont pu d’ailleurs cacher à certaines personnes le sérieux, la suite, les grands traits de cette vie si pleine, et, jusqu’au dernier jour, si active, que la mort, en le frappant à quatre-vingt-trois ans, parut mettre prématurément à la retraite un homme public qui suffisait à toutes ses tâches et qui n’avait pas connu de déclin ! Je cherche, parmi les conquêtes de la raison, de la vérité, de la justice, dans les cinquante dernières années, laquelle n’a pas reçu, dans l’occasion, l’aide de sa parole ou de sa plume ; et, parmi les choses qui ont fait obstacle à ces conquêtes, sophismes, préjugés, utopies, je cherche à laquelle il n’a pas tenu tête et dit son fait. Je cherche quel progrès raisonnable n’a pas à se recommander d’un vœu écrit ou parlé de M. Dupin. Le catalogue de ses ouvrages est long, vous l’avez dit, et j’en suis d’accord. Il y en a trop, si l’on n’y voit que des volumes ; il n’y en a pas trop, si l’on y voit des actes. À quelle branche de la science sociale M. Dupin n’a-t-il pas touché ? Le futur historien de la société française, au XIXe siècle, le trouvera sur tous les chemins. Il court de lui des maximes, marquées à son coin, qui font désormais partie de ce qu’on pourrait appeler la sagesse civile de notre pays. Dans ces applications si diverses de son intelligence, il n’est personne, gouvernant ou gouverné, ami ou adversaire, grand ou petit, qui, un certain jour, les uns sans le savoir, les autres sans le vouloir, n’ait reçu quelque service de lui, et ce ne peut pas être un tort pour sa mémoire d’avoir été si utile, qu’il ait fini par se croire nécessaire.

L’Académie française a eu sa part de ces lumières si vives sur tant de choses, dans les séances, trop rares à son gré, où M. Dupin se mêlait à ses discussions. Cet homme, dont la parole était si prompte, si heureuse et si écoutée, possédait un don plus rare encore ; il ne parlait que de ce qu’il savait. Discret jusqu’à la timidité, sur tout ce qui était proprement les affaires des lettres, sitôt que ces affaires touchaient à quelque partie de son vaste domaine, il prenait la parole, et il ne disait rien qui ne portât coup. À l’Académie française, comme au Sénat et à la Cour de cassation, il y a des choses considérables et décisives qui ne se diront plus ; et, quant à la manière dont M. Dupin disait toutes choses, elle est morte avec lui. Il s’était fait une langue à lui dans la bonne langue, et, s’il n’y voulut pas recevoir les nouveautés du bon usage, il la défendit des fausses couleurs de la mode, donnant à ceux qui ont peur de manquer de mots pour leurs idées l’exemple d’un homme supérieur, qui, du haut de la tribune ou du prétoire, sut parler pendant cinquante ans sur des sujets et devant des auditoires qui se renouvelaient sans cesse, sans paraître suranné et sans avoir besoin d’un mot nouveau.

Les remercîments si expressifs que vous avez adressés à l’Académie ne sont pas, Monsieur, nous le savons, de pure cérémonie. Nous y avons reconnu vos anciens et habituels sentiments. Il y a longtemps que vous dites du bien de l’Académie, et que vous le dites de la façon la plus propre à lui plaire, en louant la compagnie et en jugeant librement ses membres. Elle se persuade que vous pensiez à elle, toutes les fois que vous avez défendu la vérité en ménageant les personnes, la tradition en faisant bon accueil aux talents nouveaux, la morale comme la loi de certains genres, et comme la convenance supérieure de tous. L’Académie ne se pique pas de susciter les talents ; mais elle croit volontiers que le désir de s’asseoir un jour sur un de ses fauteuils peut exciter un écrivain tel que vous à valoir tout son prix.

Les qualités qui vous désignaient à son suffrage, votre littérature si variée et si profonde, une égale pratique des anciens et des modernes, l’habitude d’être attentif à tout ce qui, se passe dans le monde des choses de l’esprit, l’Académie va désormais en profiter pour elle-même. Le genre de travail où vous excellez n’est pas près d’y manquer. Nos jugements sont de plus en plus recherchés, même par ceux qui récusent les juges. Chaque année voit s’augmenter le nombre des concurrents qui se disputent nos couronnes. Il n’y a pas d’apparence que les libertés rendues à la nation par le souverain, et l’impulsion que doit en recevoir la vie politique dans notre patrie, y ralentissent l’activité de la vie littéraire. Les devoirs et le travail de l’Académie française vont s’en accroître. Vous arrivez donc à temps pour nous y aider ; j’en dis trop peu : vous nous y serez d’un principal secours ; et c’est ainsi que, par cette diversité de choix que nous permet la fécondité intellectuelle de la France, en donnant pour successeur à un grand orateur un critique éminent, nous aurons fait les affaires des lettres, et pourvu à ce qui sera toujours, s’il plaît à Dieu, un intérêt de premier ordre dans notre pays.

Les articles de M. Cuvillier-Fleury ont été recueillis, sous différents titres, dans une série de douze volumes.