Discours sur les prix de vertu 1872

Le 8 août 1872

Paul de NOAILLES

DISCOURS

DE

M. LE DUC DE NOAILLES

DIRECTEUR DE L’ACADÉMIE FRANÇAISE[1]

8 août 1872.

 

MESSIEURS,

Au moment de prendre la parole pour vous signaler les actes de vertu privée auxquels on décerne chaque année de justes récompenses, mon esprit s’arpète en présence de tant d’actes bien autrement frappants de vertu patriotique qui pendant nos malheurs se sont produits au milieu de nous. Devant leur nombre et dans l’impuissance de les signaler tous, il faudrait au moins leur rendre ici le tribut général d’admiration qui leur est dû.

Mais il en est sur lesquels on ne peut se taire, parce qu’ils resteront inscrits en lettres de sang dans notre histoire, et demeureront gravés comme un terrible enseignement dans nos souvenirs.

Nous avons eu le malheur, Messieurs, d’être témoins d’un événement qui ne se rencontre dans les annales d’au­cun peuple une capitale obligée par la famine de se rendre après la plus glorieuse résistance, et son propre gouvernement obligé de la reconquérir sur des insurgés, sous les yeux mêmes de l’ennemi.

Et quels insurgés ! Dans quel but se levaient-ils ? Pour détruire toute société, pour anéantir Dieu, la famille, la propriété. Il n’y a pas à s’y méprendre : ils ont commencé à le faire, et en le faisant ils l’ont dit. Ne craignez pas que je m’arrête trop longtemps sur ces jours sinistres où la Providence a permis que, pendant un moment, une lueur effrayante éclairât le fond de l’abime dans lequel les derniers excès de la démagogie nous engloutiraient.

Ce que je veux en ce moment, c’est appeler l’attention sur les nobles figures qui se détachent du sombre tableau.

Vous verrez, dans les derniers jours de ce drame sanglant, quatre groupes de victimes marchant avec une égale fermeté à la mort. D’abord celui de la Roquette, à la tête duquel se montre le vénérable archevêque de Paris, donnant à la ville sa bénédiction au moment où il succombe sous des coups mortels. En même temps que lui, avec le même calme courageux, tombent le représentant de la magistrature, M. Bonjean, président de chambre à la cour de cassation ; l’excellent pasteur de la Madeleine, M. Deguerry, que sa physionomie de martiale bonté faisait aimer de tous ceux qui l’approchaient ; d’autres encore, soit religieux, soit laïques, tous également dignes d’admiration et de regret.

Vous verrez le groupe d’Arcueil, arraché à une simple maison d’éducation, où l’on s’empare à la fois des religieux, des professeurs, des domestiques et des enfants pour les conduire aux Gobelins, d’où plusieurs heureusement s’échappent, mais où un trop grand nombre, maîtres et serviteurs, sont massacrés.

Vous verrez le groupe des jésuites de la rue de Sèvres, emmenés à Mazas, où ils sont fusillés ; et celui de Picpus, respectable établissement fondé pour veiller et prier sur la tombe commune des nombreuses victimes de la première Terreur, et. dont quatre supérieurs sont conduits à cette effroyable immolation de Belleville, rue Haxo, où plus de cinquante personnes de tout ordre et de tout âge., gendarmes, soldats, simples laïques ou prêtres, sont égorgés. Heureusement nos braves troupes arrivaient ; entraînées par cette ardeur qu’on éprouve en sentant qu’on sauve la patrie, elles se précipitent, elles délivrent les autres victimes qui allaient périr, — l’ordre du massacre était donné, — et mettent en fuite les bourreaux.

Ordinairement. Messieurs, en vous exposant les vertus modestes que nous vous proposons de couronner, nous en­trons dans un récit détaillé des actes méritoires ou des vies dévouées que nous racontons. Ce récit vous touche et vous intéresse.

Que serait-ce si nous vous représentions ici, non-seulement tout ce que valaient, mais tout ce qu’ont souffert ceux dont nous vous rappelons la fin tragique : leurs privations de tout genre, leur dénûment, la dureté de leur prison solitaire ; et en même temps leur calme, leur dignité douce et ferme, leur sérénité même ? Pas un n’a faibli. Ils sont morts pour leur patrie comme les premiers chrétiens mouraient pour leur foi. Ah ! Messieurs, les prix de vertu ! Qui donc les a jamais mieux mérités ? De combien de couronnes ne devrait-on pas couvrir leurs tombeaux ?

Non, Messieurs, ne détournons pas nos regards d’un pareil spectacle. S’il a de quoi soulever l’horreur, il doit en même temps inspirer l’admiration. D’ailleurs n’ayons pas la faiblesse de nous en distraire par égard pour la mollesse de notre âge et la légèreté de nos esprits. Contemplons-le avec fermeté pour y retremper nos caractères ; et que cette année, le premier mot du discours sur les prix de vertu soit un hommage national rendu aux héroïques vertus des victimes, et, nous le répétons, des martyrs de notre société, que de nouveaux barbares ont failli détruire.

Puisque notre pensée se trouve douloureusement ramenée vers ces tristes temps, remontons-en le cours, et, pendant cette guerre, contemplons aussi les nombreux exemples de dévouement et de charité qui s’y produisirent. Cette vue adoucira celle sur laquelle je viens d’attirer vos regards ; elle vous révélera un caractère nouveau, qui s’est développé chez nous au milieu de nos catastrophes, et cependant elle ne vous le montrera que par quelques-uns de ses côtés les plus frappants.

Il y a quelques années, il s’est formé une société française intitulée Société de secours aux blessés militaires, en même temps que d’autres sociétés de même nature se fondaient en Europe : grande œuvre d’humanité qui honorera notre âge. Ces sociétés parvinrent à se faire reconnaître par les divers gouvernements, dans la convention de Genève, en 1864, et firent entrer, comme on l’a dit, les blessés dans le droit des gens. Il y fut stipulé que les ambulances et les hôpitaux seraient reconnus neutres, de même que les blessés et les personnes qui se consacreraient à les secourir. Ce fut la réalisation de quelques efforts isolés qui s’étaient faits autrefois.

Le but est de secourir les blessés du moment où ils tombent sur le champ de bataille jusqu’à celui où ils sont rendus guéris, soit à l’armée, soit à leurs familles : généreuse pensée, née dans la paix, et qui tend à faire un peu par­donner à la civilisation ce qui devrait lui être inconnu : la guerre. Cette pensée mérite assurément d’être ici consi­gnée ; et quand on semble appliqué de toutes parts à multi­plier les armées en même temps que les moyens de les détruire, on est heureux de voir un grand nombre d’hommes se dévouer à leur arracher une partie de leurs victimes,

En 1870, la société dont nous parlons n’était pas entièrement fondée ; mais, au premier cri de guerre, elle accourut. Le danger public lui donna la vie. Elle s’organisa aussitôt, prit tout coup de vastes proportions, se créa un per­sonnel énorme et dévoué, établit une foule d’ambulances et de comités dans les provinces, se trouva sur les champs de bataille avec un service matériel et médical suffisant ; et tout cela, avec une rapidité et une intelligence dont, tout le inonde fut frappé.

Ceux qui ont parcouru les différents théâtres de la guerre ont vu cette société à l’œuvre. Ils diront avec quel dé­vouement ces soldats de la charité remplirent leur mission et exposèrent leurs vies, et comment, après que Paris fut investi, ils surent conserver à la province tous ses secours sans que la capitale perdit aucun des siens.

Vous avez été témoins, Messieurs, de tous ceux qui furent prodigués à la grande ville assiégée : les grandes ambulances fixes où l’on soignait les blessés, et celles au moyen desquelles on allait les arracher à la mort sur les champs de bataille. Puis, lorsque la Commune vint naturellement dissoudre cette association bienfaisante, et s’emparer de ses magasins, vous l’avez vue se transporter à Versailles, où, avec la même ardeur, elle secourut l’admirable armée qui nous sauvait.

Il était juste de célébrer ici cette grande œuvre de patriotisme et d’humanité, qui doit avoir son rang parmi les vertus publiques qu’on honore. Il était juste de donner un témoignage public de reconnaissance à ceux qui se sont mis à sa tête, qui Font créée et si rapidement développée, consacrant, comme leurs coopérateurs, tout leur temps et toute leur intelligence à son succès.

Mais ce que nous voulons particulièrement mettre en lumière, c’est le nombre de vertus privées que cette création fit éclore. Dès qu’on vit un moyen efficace d’agir, l’ébranlement fut général. De toutes parts les dons affluèrent, les quêtes se firent, le pauvre lui-même voulut être souscripteur.

Une foule d’ambulances privées surgirent, se rattachant quoique indirectement à la société générale, et pour un grand nombre recevant d’elle des subventions en argent ou en nature ; toutes enrôlées comme elle sous la croix rouge nouvelle croisade en faveur de l’humanité, et dans laquelle, au milieu de nos malheurs, il n’y eut de nouvelle gloire acquise que pour la croix.

Ce qui brille au premier rang dans ce mouvement général, nous le dirons sans peine, ce sont les femmes : les unes, se faisant ouvrières et travaillant pour les ambulances et les blessés dans les ouvroirs ; les autres, devenant infirmières, et cela dans la France tout entière. Mais à Paris l’élan fut admirable.

On vit les dames du monde les plus élégantes, mêlées cordialement à une foule d’autres non moins dévouées, sortir tout à coup de leur vie douce pour venir dans le vaste palais de l’Industrie, transformé en hôpital encombré, passer toutes leurs journées et souvent leurs nuits, et cela durant cinq mois, à soigner les malades et à les servir. On les voyait, elles et toutes leurs compagnes, bravant la vue du sang et l’horreur des blessures, aider aux pansements, assister avec sang-froid aux plus cruelles opérations.

N’aurions-nous pas aussi à signaler le concours de médecins et de chirurgiens nombreux, écrasés sous le travail, et parmi lesquels on remarquait les plus célèbres et les plus habiles ?

Si nous parlons du clergé, nous dirons que, de l’aveu de tous, il a été à la hauteur de sa mission. Dès l’origine, il s’offrit de lui-même et tout entier pour contribuer au salut commun. Il exerça une puissante influence, par la parole et par l’action, dans les paroisses et hors des paroisses, animé du vif esprit de résistance à l’ennemi et de l’inspiration patriotique qui s’étaient emparés de la population. Elle le vit ne faire qu’un avec elle, soit lorsque ses membres se consacraient aux ambulances et aux ateliers intérieurs, soit lorsqu’ils fournissaient des aumôniers aux ambulances extérieures, se faisaient infirmiers ou brancardiers sur les remparts, ou marchaient en volontaires dans les sorties, prodiguant sous le feu de l’ennemi les secours de la religion aux mourants, en même temps que l’appui de leurs bras aux blessés. Empressons-nous de dire que les ministres des autres cultes agirent avec le même patriotisme.

Il y a, Messieurs, une autre manifestation de ce noble sentiment que la France n’oubliera pas : c’est le mouvement général de la presse française, c’est l’association ardente de tous les journaux. Ils remirent le premier versement des fonds qu’ils recueillirent à la Société de secours en s’unissant à elle. Celle-ci, au moyen de cette somme, forma la seconde ambulance envoyée devant l’ennemi ; elle fut nommée l’ambulance de la presse. Toute la presse s’enrôla donc aussi sous la croix, la porta fièrement, contribua vaillamment à sa nouvelle gloire ; enfin le journalisme ne fut pas le moins ardent des croisés.

En effet, la presse voulut bientôt agir par elle-même ; elle se constitua régulièrement. Annexée au ministère de la guerre, elle eut à l’intérieur de Paris ses ambulances fixes, ses ambulances mobiles dans le voisinage des remparts, pour les premiers pansements aux blessés, que onze avant-postes sur les lignes avancées étaient chargés de recueillir. Elle établit aussi dans les baraques de Longchamps vingt et une salles pour leur convalescence. Elle eut ses médecins et ses chirurgiens habiles et célèbres, confia ses malades aux sœurs de charité dites de l’Espérance, et s’adressa, pour avoir des infirmiers et des brancardiers, aux Frères des écoles chrétiennes, qui s’y consacrèrent avec une ardeur dont nous parlerons plus tard.

Nous pourrions en dire bien long, Messieurs, et surtout ce qui s’est passé en France, et sur tout ce qu’on a pu admirer dans ces murs. Quant aux noms de ceux qui ont fait tant de bien dans ces jours malheureux, pour en avoir trop à citer, nous n’en citerons aucun.

Mais proclamons-le : il appartient à ce discours de le constater : Paris a donné un spectacle auquel peut-être on ne s’attendait pas, et qu’aucune ville de cette importance et de cette nature n’a jamais présenté. N’écoutant que ses sentiments, il se persuada jusqu’à l’illusion que les armées françaises allaient renaître ; et la plus grande partie de ses habitants, quand ils ne pouvaient plus vivre, ne voulaient pas encore qu’on se rendît. Devenue tout à coup calme et silencieuse, sérieuse et appliquée, se transformant sans transition en un camp militaire et en un vaste hôpital, cette ville renonça en un instant à son luxe et à ses élégances, à ses joies et à ses folies. Quel spectacle que celui des femmes, faisant queue sans murmures aux boucheries et aux boulangeries, les pieds clans la neige et souvent sans rien recevoir’. Ce fut un épisode unique dans l’histoire du monde que de voir tant d’hommes de toute condition et de tout âge, adonnés aux exercices militaires, montant la garde sur les remparts, marchant à l’ennemi dans les sorties, bravant le froid et les fatigues, oubliant, quelques-uns leurs habitudes frivoles, beaucoup d’autres leurs habitudes de travail ; pas un ne craignant la mort, tous ayant fait, sans jactance, le sacrifice de leurs vies.

Voilà comment, sur le témoignage de tous, Paris s’est montré pendant cinq mois. Sans doute il y eut quelque ombre à ce tableau. Il y avait l’armée cachée du désordre, plus occupée de préparer l’insurrection que de marcher à l’ennemi. Mais nous devions ce témoignage aux vertus patriotiques qui resteront une gloire pour la nation. Pendant que le groupe de ses martyrs montait au ciel, le parfum de tant de vertus y montait aussi, et le ciel ne l’abandonnera pas.

Rentrons, Messieurs, clans l’ordre des faits qui forment habituellement le sujet de nos discours. Le premier qui se présente à nous n’est pas étranger à ceux dont nous avons peine à nous arracher. Il s’agira du dévouement patriotique d’un habitant de Versailles, M. Hardy, tapissier, pendant l’occupation allemande. Il était parvenu par son travail à une honnête aisance, qui lui permettait de faire modestement le bien. À la première apparition des ennemis vainqueurs et menant à leur suite une foule de prisonniers, il se sentit saisi du désir de leur venir en aide ; ce désir devint bientôt une passion.

Il se mit en rapport avec les officiers allemands, les toucha et les conquit par son cœur charitable, obtint d’eux la permission d’entrer dans la prison, d’être en communication continuelle avec les prisonniers. Il s’en acquit en quelque sorte le droit. Soutenir leur courage, consoler leur tristesse, subvenir à leurs besoins, les soigner quand ils étaient malades, les mettre en correspondance avec leurs familles, faire dans la ville des collectes pour eux, les munir de toutes choses quand on les faisait partir pour l’Allemagne, les aider, les secourir, et même les distraire, telle fut son infatigable occupation pendant près de cinq mois. Il serait trop long de raconter tous les incidents qui se produisirent. Un grand nombre de lettres que lui ont adressées les prisonniers avec l’effusion de la reconnaissance, et diverses autres, écrites par les autorités allemandes elles-mêmes, sont le plus honorable témoignage de sa conduite. Le don d’une médaille d’or que lui a offerte le conseil municipal de Versailles le constate, et l’Académie joindra un prix de deux mille francs.

Un autre exemple de charité infatigable nous vient de Cayenne. Une femme veuve, nommée Toussaint ; née esclave dans la race noire, âgée aujourd’hui de quatre-vingt-huit ans, a consacré sa longue existence au soulagement de ses semblables. Elle a certainement droit à l’un de ces prix que leur généreux fondateur a spécialement destinés à la vertu modeste et persévérante, au dévouement désintéressé. Employée dès sa jeunesse aux soins et aux pansements des malades, son bon cœur y trouva une telle jouissance qu’elle y consacra toute sa vie quand elle fut devenue libre, et elle le devint en récompense du dévouement qu’elle avait montré en i8o2, lorsque la fièvre jaune avait envahi la colonie. Cette terrible maladie la retrouva la même en 1850 et en 1856 ; et la variole, autre mal plus funeste encore aux indigènes, fut témoin par deux fois de son dévouement intrépide. Le conseil municipal de Cayenne, le préfet apostolique, le clergé, les dames de charité de la ville la recommandent instamment à l’Académie, qui lui décerne un prix de deux mille francs.

C’est encore de loin que va nous venir le bon exemple. Louis Soliveau, né esclave à la Guadeloupe, se racheta, mais resta chez son maître, qui l’avait toujours, dit-il lui‑même, paternellement traité ; il l’aida de son travail quand la fortune de celui-ci se trouva en partie détruite. Grâce à Soliveau, la misère n’entra jamais dans cette maison. Doué d’intelligence, et sans avoir pu étudier dans sa jeunesse, il apprit de lui-même et parvint à exécuter des travaux de différents genres qui lui acquirent une assez grande aisance. Quoique marié et chargé d’une nombreuse famille, il mit ce qu’il possédait au service de la veuve et du fils de son maître, lesquels, après sa mort, se trouvèrent dans un état voisin de la pauvreté. Le plus beau témoignage rendu à son dévouement est celui-ci : lorsque cette veuve vint à mourir, le conseil de famille le déclara tuteur de l’enfant mineur qui restait. Soliveau répondit dignement à une telle marque d’estime, administra avec habileté les biens de son pupille, les lui remit à sa majorité dégagés de toutes dettes, sans vouloir accepter aucune indemnité pour son entretien ; et il ne fut que do plus en plus honoré de ses concitoyens, qui l’élurent constamment aux fonctions de conseiller municipal et de conseiller de fabrique. L’Académie lui décerne un prix de deux mille francs.

L’Académie décerne, d’autre part, un prix de mille francs à chacune des trois personnes suivantes : Françoise Bon, Hélène Chollet et Henriette Fruchou, remarquables toutes trois par leur dévouement domestique. La première, à Alger, se consacre depuis trente ans à la même famille, qui est dans un état de grande gêne, sans recevoir de gages, et sans avoir voulu accepter d’autres emplois lucratifs qui lui furent offerts. La seconde soutient aussi ses maîtres tombés dans la misère, et qui, par leur vie et leurs infirmités, ne peuvent plus travailler. La troisième, dévouée à sa maîtresse abandonnée par son mari avec trois jeunes enfants, leur vient en aide non-seulement par ses services gratuits, mais en se livrant à n’importe quel travail productif. Aujourd’hui sa tâche de dévouement, qui a duré cinquante ans, est finie. Sa maîtresse est morte dans ses bras.

Deux établissements charitables appelleront un instant votre attention. Le premier appartient à Mlle Hello, de Dinan, âgée de soixante-treize ans, qui se consacre depuis plus de cinquante années à l’éducation des enfants pauvres. Mise à la tête d’un ouvroir de jeunes filles par les deux prêtres qui l’avaient fondé, elle sauva l’établissement à la mort de ses fondateurs en le prenant à sa charge. Quoique peu favorisée de la fortune, elle installa alors à son propre compte, et en se chargeant, de leur entretien, une trentaine d’enfants, auxquels elle enseigne à lire et à écrire, la couture et la lingerie, et en même temps les principes et la pratique de la religion et de la morale. Aidée par quelques âmes charitables, elle a élevé ainsi un nombre considérable d’enfants, sur lesquels elle conserve une influence salutaire après leur sortie de sa maison. Elle mérite bien réellement le prix de mille francs que l’Académie lui envoie.

Le deuxième établissement est une fondation due à la charitable générosité de Mlle Douy, à Crouy-sur-Ourcq, et à laquelle sera attribué le prix Souriau. Elle appartient à une famille modeste. Dès son jeune âge, elle visitait les malheu­reux et les malades, et leur partageait ses petites économies. Elle refusa de se marier pour pouvoir se consacrer plus exclusivement aux pauvres ; et, pendant le choléra de 1832, elle se dévoua avec l’abnégation la plus courageuse. Mais voici son plus grand acte de bienfaisance : elle était entrée chez une darne comme dame de compagnie, et ne tarda pas à acquérir sur elle une influence qu’elle tourna du côté de la charité. Cette dame, charmée d’elle, voulut la faire son héritière ; mais Mlle Douy, à qui suffisait une petite rente que lui faisaient son frère et sa sueur, ne travailla qu’à se faire déshériter, et obtint, à force d’instances, que cette dame consacrât sa fortune à fonder un hospice pour les malades et les vieillards infirmes. L’hospice fut fondé ; il contient vingt-quatre lits. À la mort de la fondatrice, Mlle Douy, instituée son usufruitière, continua à diriger l’hospice, dont la propriété était léguée à la ville. Elle s’y dévoue encore avec un zèle et une entente que tout le monde admire ; ce qui ne l’empêche pas d’exercer sa charité au dehors et jusque dans les chaumières des pauvres. L’Académie lui décerne le prix Souriau, de mille francs.

Onze médailles de cinq cents francs et six de trois cents francs seront en outre distribuées à des personnes dont les noms et le mérite vous seront signalés par le livret qui fera suite à ce rapport.

Dans l’abondance des fonds dont nous pouvions disposer cette année, nous nous sommes permis d’y puiser plus largement pour récompenser des efforts qui intéressent à la fois la morale et les lettres. M. de Bornier, lauréat plusieurs fois couronné dans cette enceinte, recevra un prix de deux mille francs.

Un prix de deux mille francs sera également attribué à M. Ferdinand Fabre, auteur du roman des Courbezon, roman religieux, peignant diverses scènes été la vie cléricale et inspiré par un excellent esprit. Certains ouvrages romanesques ont voulu déverser le mépris sur le caractère du prêtre. Il est bon d’avoir répondu dans la même forme à ces attaques, et, par une fiction puisée dans les faits ingénieusement groupés de la vie réelle, d’avoir peint le vrai zèle, ses excès quelquefois, la nécessité de la discipline, la passion de la charité chrétienne et tout le bien qu’elle peut faire.

L’Académie a particulièrement regardé comme devant être récompensée l’initiative hardie et le zèle aussi persévérant qu’ingénieux et désintéressé de M. Ballande, qui a fondé les Matinées dramatiques, au théâtre de la Gaieté, où le dimanche il fait jouer devant la classe populaire les chefs- d’œuvre de notre théâtre classique, en faisant précéder la représentation d’une conférence qui d’avance explique l’œuvre dramatique et prépare les auditeurs à la bien saisir. C’est une heureuse idée qui portera ses fruits ; son succès l’atteste. Elle popularise nos chefs-d’œuvre ; elle leur conquiert toute une classe nouvelle d’admirateurs, une foule attentive et sympathique, prompte à s’émouvoir, dont l’âme et l’esprit s’élèvent, qui apprend à vivre dans une sphère plus haute, et chez qui naît et se propage le sentiment du beau. L’Académie, en recommandant à cette œuvre de ne pas s’écarte de sa voie, s’associe à cette entreprise populaire, en l’encourageant par un prix de quatre mille francs.

Maintenant, Messieurs, nous avons à vous entretenir d’un prix supérieur à tous les autres, et par son origine et par son objet. Mais auparavant il faut que vous me permettiez d’entrer dans quelques explications. Si quelque chose pouvait adoucir le souvenir de nos mauvais jours, ce serait assurément l’élan généreux, je ne dirai pas de l’Europe, du monde entier, pour diminuer nos maux. Il faudrait citer lei toutes les nations. Ce qu’il y a de non moins frappant, ce sont les sommes colossales, les secours de toute nature, et dans une proportion incalculable, qui nous sont venus de toutes parts. On ne peut compter que par millions.

Parmi ces dons, Messieurs, il en est un qu’il est de notre devoir de vous signaler. Par lui vous jugerez de tous les autres. À la nouvelle de nos désastres, les habitants de la ville de Boston furent vivement émus. En un moment les comités se formèrent, les souscriptions s’ouvrirent, les souscripteurs accoururent ; tout ce que sait imaginer la charité ingénieuse fut mis en œuvre. La ville de Boston, avec ses environs, réalisa la somme énorme de huit cent mille francs. On fréta aussitôt un bâtiment, le Worcester, on le chargea de provisions de toutes sortes, et il fit voile pour le Havre. Mais on apprit la fin de la guerre, et, en même temps, le soulèvement de la capitale et le siége qu’en faisait le gouvernement français. On renonça donc à la distribution des objets, qui n’était plus nécessaire, mais on ne renonça pas à la pensée qui avait fait naître la souscription. Le navire fut conduit en Angleterre, son chargement y fut vendu, et la somme répandue dans les parties de la France qui avaient le plus souffert. Voilà, Messieurs, ce qu’une seule ville des Etats-Unis avec ses environs, la ville de Boston, a fait pour la France qui ne l’oubliera jamais. Mais voici ce qui m’oblige à vous en parler.

En réglant les comptes de cette œuvre généreuse, il resta une légère somme que les membres du Comité de Boston eurent l’idée d’offrir à l’Académie, à l’occasion des prix de vertu qu’elle devait distribuer cette année. Ce don pouvait devenir un prix destiné à la personne qui en serait trouvée digne par ses actes de dévouement pendant le siége de Paris. « Il vient, dit la lettre d’envoi, d’une souscription qui représente toutes les classes des citoyens de Boston ; c’est un moyen d’exprimer la sympathie et le respect des Américains pour le courage, la générosité et le dévouement désintéressé des Français pendant le siége de leur capitale. » Cette somme est de deux mille francs. L’Académie l’a reçue avec émotion et reconnaissance, et ce sentiment, elle l’a exprimé dans les termes que méritait un don de cette nature.

Les liens qui nous attachent aux États-Unis datent de leur naissance. Si leur éloignement, leurs intérêts, leur puissance maritime, en font pour nous des alliés politiques naturels, les sentiments que cette grande nation vient de témoigner à la France, en souvenir de ceux qu’elle avait inspirés, font d’elle à jamais notre alliée sympathique et fraternelle.

Maintenant, Messieurs, à qui décerner ce prix exceptionnel ? Nous l’avouons avec fierté : quand il a fallu choisir celui qui en est le plus digne, les faits de courage et de dévouement, d’abnégation et de sacrifices, se sont trouvés si nombreux que le choix nous a paru impossible. Dans notre enquête, nous n’avons trouvé parmi nous qu’une chose : l’égalité dans le patriotisme. C’est alors que nous avons eu la pensée de donner à ce prix le caractère le moins personnel et le plus collectif possible. Nous l’avons décerné à un corps entier, aussi modeste qu’il est utile, que tout le monde connaît, que tout le monde estime, et qui dans ces temps malheureux s’est acquis une véritable gloire par son dévouement. Nous voulons parler de l’Institut des Frères des écoles chrétiennes. Vous savez tous à quelle carrière ils consacrent leur vie, et avec quel dévouement désintéressé, avec quelle paternelle simplicité ils l’accomplissent.

Quant aux événements dont il s’agit ici, nous n’avons qu’à laisser parler les faits. Lorsque l’on vit la patrie en danger, le sentiment qui nous émut tous les émut vivement ; ils se demandèrent comment ils pourraient concourir à sa défense et soulager ses maux. Deux fibres vibrèrent à la fois dans leurs cœurs : celle du citoyen et celle du chrétien ; deux sentiments, deux vertus les entraînèrent : le patriotisme et la charité. Dès le 15 août, le frère Philippe, que tout le monde connaît par le chef-d’œuvre d’Horace Vernet, écrit au ministre de la guerre pour lui dire qu’il met à sa disposition tous les établissements et toutes les écoles communales que son Institut possède, ainsi que tous les membres qui le composent, et ses novices, et lui-même, et, tout son conseil, pour prodiguer partout leurs soins aux malades et aux blessés. Le ministre usa de leur bonne volonté, mais d’eux-mêmes les frères se mirent à l’œuvre. Ils établirent à leur compte une grande ambulance, rue Oudinot ; ils fournirent un personnel dévoué aux ambulances organisées par la grande Société de secours dans les gares de chemins de fer, pour l’arrivée des convois de blessés, et ils organisèrent un service de même nature pour un grand nombre d’ambulances particulières.

C’est alors que la Société de la presse fit appel à leur dévouement pour les enrôler dans son entreprise en qualité de brancardiers sur les champs de bataille et d’infirmiers dans les ambulances. Les frères acceptèrent avec enthousiasme. Ils fournirent cinq à six cents des leurs qui furent constamment et gratuitement occupés à ces deux services. Les jours de bataille ils étaient plus nombreux.

Il faut ajouter, Messieurs, que leurs écoles ne furent jamais fermées ni leurs classes interrompues pendant toute la durée du siége. Ils suffirent à tout : à l’enseignement scolaire, aux ambulances intérieures et aux combats. Ils se dédoublaient ; chaque frère marchait à son tour. Un jour il faisait la classe, l’autre jour il allait au feu. Ils étaient en concurrence entre eux pour partir. Le jour où le frère Néthelme fut tué à la bataille du Bourget, ce n’était pas à lui de marcher.

C’est ainsi qu’ils eurent constamment leurs places, et sur les remparts, et dans les batailles qui se livrèrent devant nos murs : la bataille de Champigny, celle du Bourget, celle de Buzenval et l’attaque de Montretout.

Ces jours-là on les voyait de grand matin, par un froid rigoureux, traverser Paris au nombre de trois à quatre cents, salués par la population, le frère Philippe en tête, malgré ses quatre-vingts ans, et les envoyant au combat, où il ne pouvait les suivre. Quant aux frères, ils affrontaient le feu, comme s’ils n’avaient fait que cela toute leur vie, admirables par leur discipline et leur ardeur. C’est ce que tout le monde a proclamé. Ils étaient réunis par escouades de dix, un médecin avec eux, et ils marchaient comme un régiment. Arrivés au combat, les reins ceints d’une corde, et s’avançant deux par deux avec un brancard, ils se répandaient, courant toujours du côté du feu, relevant les blessés, les portant avec soin jusqu’au médecin et aux voitures d’ambulance. Pour chaque bataille, il y aurait une foule de traits à signaler. « Mes frères, leur criait un jour un de nos généraux, l’humanité et la charité n’exigent pas qu’on aille si loin. » Un autre chef descend de cheval, et embrasse l’un d’eux, sous le feu du canon, en lui disant : « Vous êtes admirables, vous et les vôtres ! »

C’est qu’en effet, dans le plus fort de la mêlée, ils couraient à nos blessés, sous les balles et la mitraille, mêlés cordialement avec nos soldats, qui les regardaient comme des camarades. Ils marchaient de concert : l’un, comme on l’a remarqué, portait l’épée qui tue, l’autre la croix qui sauve. Puis, le lendemain des batailles, ils ensevelissaient les morts. Eux-mêmes eurent à pleurer deux des leurs qui furent tués ; plusieurs furent blessés, et dix-huit périrent par suite de maladies contractées près des blessés et des malades.

Ces soldats pacifiques se retrouvaient ensuite, soit paisiblement au milieu de leurs enfants, à l’école, soit, doux et affectueux, auprès des malades qu’ils soignaient.

Mais ce ne fut pas Paris seul qui fut témoin de ce dévouement que la charité chrétienne inspire. Dès l’origine de la guerre, ils sollicitèrent dans toutes les Provinces les emplois les plus pénibles et les plus dangereux. Ils demandèrent à faire partie de l’armée du Rhin. Leurs établissements devinrent des casernes ; ils organisèrent partout de nombreuses ambulances pour nos soldats ou pour nos mobiles, pour nos recrues ou pour nos blessés. Tout cela est constaté par des correspondances multipliées, par des remercîments de maires ou d’officiers.

De même qu’à Paris, les frères parurent sur tous les champs de bataille de province : à Dijon, à Alençon, à Pouilly, à Pontarlier, partout où l’on se battit, allant toujours au milieu du feu, le plus loin possible, pour ramasser nos blessés. C’est attesté par tout le monde. Que de faits il y aurait à citer ! Que d’épisodes à raconter !

Je m’arrête, Messieurs. Il y aurait à vous dire le courage des frères sous la Commune, qui vint si tôt couvrir d’un voile lugubre ce qui aurait dû être la glorieuse fin d’une guerre malheureuse. Il y aurait à vous les montrer recueillant même à Belleville ou à Longchamps les blessés des insurgés, mais bientôt persécutés, chassés par eux, arrêtés avec leurs élèves dans leur maison d’Issy et, ailleurs, conduits à Mazas, au moment d’y périr, et, quand ils s’échappèrent, l’un d’eux, le frère Justin, tué en sortant.

Ce que j’ai dit, Messieurs, suffit à justifier le choix que nous avons fait de cet Institut, des Frères des écoles chrétiennes pour lui décerner le prix si honorable de la ville de Boston. Les frères sont presque tous enfants du peuple, et tous dévoués à l’éducation et au bien du peuple. Que toute justice leur soit rendue ! L’Académie sera heureuse de la leur rendre, et ce prix qu’elle va leur décerner sera comme la Loi d’honneur attachée au drapeau d’un régiment.

Avant de terminer, Messieurs, nous avons à dire que, la totalité de la somme consacrée aux prix de vertu pendant ces deux dernières années n’avant pas eu d’emploi, l’Académie a destiné douze mille francs à secourir les blessés et les orphelins. Elle a adressé cette somme à la Société charitable qui s’est formé « pour venir au secours des orphelins de la guerre et des blessés défenseurs de la patrie ». L’Académie attache un grand prix à ce que son nom Soit inscrit parmi ceux qui attestent la reconnaissance publique envers eux. Ce n’est pas d’ailleurs détourner cette somme de son objet naturel, car la première des vertus publiques, c’est la vertu militaire.

Qui n’admirerait le soldat, simple habitant de la campagne, ou modeste ouvrier des villes, sans ambition, désolé de quitter sa famille, et qui, au bout de quelques jours, secouant son chagrin, trouvant dans ses frères d’armes une famille nouvelle, se transforme par l’esprit de corps, la discipline absolue, la vie dure, puis, quand vient la guerre, par la fatigue et l’âpreté des marches, le manque fréquent de nourriture et de repos, le mépris du danger, l’élan irrésistible, le sacrifice perpétuel de la vie, les exploits admirables, le sentiment dominant de l’honneur ! Il porte tout cela avec l’esprit de gaieté française qui ne l’abandonne jamais, et, presque toujours sans avancement, sans profit, sans récompense, restant ignoré et inconnu, il n’a d’autre préoccupation et d’autre jouissance que le sentiment du devoir accompli et la gloire du drapeau !

En 1855, Messieurs, à cette même place où je suis, je proclamais ces vertus du soldat ; je célébrais la gloire de nos armes, devant lesquelles tombait Sébastopol ; je mêlais ensemble les noms de nos victoires anciennes et modernes, et vous applaudissiez à mes paroles. Aujourd’hui il me faut avoir la fermeté de dire que nous avons éprouvé une suite de désastres inconnue à notre histoire.

On peut le déclarer sans forfanterie : nos soldats n’ont succombé que sous le nombre, par l’imprévoyance des préparatifs et par le défaut de direction. Sur beaucoup de points, nos troupes ont tenu tête à des forces très-supérieures avec un courage qui a excité l’admiration des ennemis. N’est-il pas arrivé à un officier prussien de dire : « Si nous avions des soldats vaincus comme les vôtres l’ont été à Reichshoffen, nous les recevrions sous des arcs de triomphe ? » Notre soldat est toujours le même, et si nos armées, qui se refont aujourd’hui et se régénèrent, avec tant de promptitude et de succès, ont été écrasées par le nombre, elles n’en ont pas moins droit à notre éloge et à notre reconnaissance.

Il n’est pas d’usage, Messieurs, de raisonner sur la guerre dans ce temple de la paix, ni de discuter sur la politique dans ce sanctuaire des lettres, où il n’y a point de partis. Mais laissez-moi, en finissant, vous soumettre une simple considération morale.

Depuis vingt ans, nous assistons à la plus grande innovation politique de nos jours : l’avénement du suffrage universel. Maintenant, un autre grand changement se prépare et nous est imposé. Si les peuples voisins ne nous ont pas emprunté notre suffrage universel, nous sommes obligés d’adopter leur service militaire universel. Mais de ce que notre armée verra s’élargir ses cadres et appeler tout le monde au drapeau, nous n’avons aucun sujet d’être inquiets. Chateaubriand l’a dit : la France est un soldat.

Observons seulement que ces deux éléments de gouvernement, le premier surtout, donnent incontestablement aux sociétés qui les adoptent un caractère démocratique dominant ; et que, par cela même, ils demandent une grande sagesse aux nations. Si l’un de ces éléments exige la vertu militaire, l’autre exige la vertu politique. C’est la seule observation que je veuille faire.

Je me permets ces paroles, Messieurs, en me mettant à l’abri du grand nom de Montesquieu, et en répétant après lui cet axiome, dont il faut nous souvenir, et qui d’ailleurs ne sort pas du sujet naturel de ce discours : « Le principe de la démocratie, c’est la vertu. »

 

[1] M. le Directeur a proclamé, dans cette séance, les prix de vertu décernés pour les années 1871 et 1872.