Discours sur les prix de vertu 1856

Le 28 août 1856

Prosper BRUGIÈRE, baron de BARANTE

Discours sur les prix de vertu

de M. le baron de Barante
Directeur de l’Académie française

Lu en séance le 28 août 1856

 

 

MESSIEURS,

Appelé, pour la première fois, à rendre un compte public des actes de vertu que l’Académie a voulu honorer, permettez-moi de répéter quelques paroles que je prononçai en son nom, lorsque, il y a beaucoup d’années, les restes mortels de M. de Montyon furent solennellement transférés à l’Hôtel-Dieu de Paris, dont il était le bienfaiteur.

« La pensée de sa vie sera l’honneur de sa tombe : éclairer et secourir l’humanité, telle fut non-seulement sa dernière volonté, mais l’occupation constante de ses longues années. En surcroît du bien qu’il a fait, il a trouvé la renommée qu’il ne cherchait pas. Son nom sera répété d’âge en âge dans nos Académies, et le pauvre gardera à jamais sa mémoire. Puisse son exemple être imité puissent les riches et les heureux du siècle, cédant aux inspirations sympathiques de la pitié, pénétrés du véritable esprit de fraternelle égalité, avertis par l’état de la société, chercher, comme M. de Montyon, leur contentement et reconnaître leur devoir dans la pratique éclairée de la charité ! Que l’amour des richesses et des jouissances, mobile trop universel de notre époque, s’excuse et s’absolve en n’oubliant pas les souffrances du pauvre et en lui donnant sa portion. »

Lorsqu’il institua des prix de vertu, et prescrivit qu’ils seraient accordés à des pauvres seulement, M. de Montyon se souvenait sans doute du denier de la veuve, qui avait plus de valeur aux yeux de Jésus que les dons offerts par le riche et « pris dans son abondance. »

C’est qu’en effet le riche, lorsqu’il vient en aide aux pauvres, n’a point à s’imposer de privations ; il s’acquitte pour ainsi dire d’un devoir ; il obéit à un sentiment général d’humanité il est louable sans doute, mais rarement on peut dire qu’il a fait acte de vertu la vertu comporte une idée de combat, d’effort, de sacrifice. Le secours accordé au malheur et à la misère ne suffit pas pour que le bienfaiteur soit charitable. « Quand je distribuerais tout mon bien aux pauvres, cela ne me servira à rien devant Dieu, si je n’ai point la charité. » Ainsi parle l’Apôtre. Il faut que l’aumône soit inspirée, non point par la compassion, non point par un sentiment de convenance ou de justice, mais par sympathie, par affection, par obéissance à la loi divine. « Aimez votre prochain comme vous-même. » C’est le second commandement égal au premier : « Vous aimerez Dieu de toute votre âme. »

Depuis l’Évangile, aimer et secourir son prochain est devenu un acte de religieuse adoration ; le divin Rédempteur s’étant identifié avec la nature humaine, ayant accepté ses souffrances et ses misères, on a pu écrire sur la porte d’un hôpital : « Christo in pauperibus, au Christ dans les pauvres. »

Qui se conforme le mieux au précepte évangélique, si ce n’est l’indigent, quand il retranche sur ses ressources nécessaires pour nourrir son frère en pauvreté ; quand il consacre une part de son travail à le secourir ; quand il emploie une part de son temps à le soigner ? Ce n’est pas à une émotion passagère qu’il obéit ; ce n’est pas qu’il soit, comme le riche, touché et surpris par le spectacle d’une misère à laquelle lui-même est trop accoutumé il ne cherche pas non plus l’approbation publique il n’acquerra pas une renommée de bienfaisance et de philanthropie. Non, c’est un instinct du cœur qui l’entraîne à ce dévouement qui ne se lasse point et peut durer toute la vie. Telle est la charité la plus vraie, cette charité qui est la première des vertus chrétiennes, qui ne prétend à aucune récompense, qui ne recherche nulle publicité, qui sans doute ignore qu’il y a une Académie chargée de distribuer des prix de vertu. En effet, Messieurs, vous savez, car aucun d’entre vous n’est resté étranger à l’examen qui précède les choix proposés par vos commissions, que jamais ces récompenses ne sont sollicitées par ceux qui les méritent ; leurs titres sont présentés par les autorités locales, par le curé de la paroisse, par des voisins témoins de leur obscure vertu. Plus d’une fois eux-mêmes sont étonnés que leur charité ait été remarquée et paraisse digne de récompense ; leur situation est telle, qu’habituellement le prix est pour eux un secours qui vient les aider à accomplir leur bonne œuvre.

Ce n’est donc pas pour exciter une émulation de bienfaisance parmi les classes pauvres, ni pour leur proposer des exemples à suivre, que M. de Montyon a institué les prix de vertu. Ce don modique, distribué à un petit nombre de ceux dont les titres nous sont présentés, ne pourrait certes pas substituer un calcul d’intérêt à une inspiration charitable. Quant à l’honneur de la publicité, ils en sont peu touchés, et ils ont raison. Peut-être quelque acte de vertu accompagné de circonstances attendrissantes et romanesques fait-il répéter le nom de son auteur pendant une ou deux semaines, et puis on n’en parle plus, et ce nom retombe dans l’oubli.

L’avantage attaché à cette distribution des prix de vertu, c’est d’honorer, non point tel ou tel individu, mais la classe entière à laquelle il appartient ; de montrer quels sentiments peuvent y régner, quelle noblesse d’âme peut s’y rencontrer, quelle influence y exerce la religion, quels sont les bons effets fie l’esprit de famille. C’est dans la région de la charité que se trouve la réelle égalité et la fraternité des âmes, telle que la prescrit et l’inspire la religion chrétienne.

La fondation de M. de Montyon a encore un autre effet salutaire. Il n’a pas seulement donné l’exemple du charitable emploi d’une grande fortune consacrée aux pauvres, qu’à défaut d’héritiers proches il avait reconnus pour sa famille ; mais, par cette distribution des prix de vertu, il a imposé à l’Académie le devoir de publier annuellement le récit d’actes de dévouement et de sacrifices, ou de constance dans les œuvres de charité. Ainsi l’attention publique est appelée sur ces bons exemples ; les esprits, déjà préoccupés des questions du paupérisme, comme parle la science, ou de pauvreté, selon le langage plus simple de la bienfaisance pratique, y puiseront des informations et s’ingénieront de plus en plus à trouver des remèdes au mal. Par un retour sur eux-mêmes, les riches, en voyant les vertus des pauvres, se sentiront amenés ou provoqués à ne pas rester au-dessous d’eux, à ne point se borner à de froides aumônes, mais à se mettre en rapport avec ceux qui souffrent, à leur témoigner une affectueuse pitié, à se souvenir qu’ils sont leur prochain.

A vrai dire, nous ne pouvons nous flatter de récompenser la vertu elle n’a aucun besoin, ni de nos prix, ni de nos louanges. Les actes qu’elle inspire ont eu pour véritable récompense leur accomplissement. Une satisfaction qui ne ressemble nullement à l’orgueil réjouit la conscience de celui qui a fait une bonne action. Il lui semble qu’il a seulement obéi à un sentiment d’affection, à un précepte de religion.

Qui de nous avait jamais pensé à décerner un prix aux pieuses filles qui se sont consacrées au service des pauvres et des malades ? Elles ont accepté la vertu que nous voulons récompenser pour condition de leur existence elles suivent sans relâche ni interruption cette vocation de dévouement nous n’avons pas à recueillir les titres qu’elles ont à notre reconnaissance. Ce n’est point tel ou tel acte de vertu, c’est l’emploi de leur vie entière qui mérite notre vénération ; l’habit qu’elles portent est le signe de l’honneur qui leur est dû.

Toutefois, en ce moment, le zèle, le courage de nos Sœurs de charité, dont l’institution est enviée et que veulent imiter toutes les religions et les nations civilisées, ont eu un caractère si admirable, et l’on peut dire si glorieux pour la France, que la pensée nous était venue de consacrer la mémoire des saintes filles qui sont allées mourir en soignant nos soldats malades ou blessés. Il nous semblait qu’en inscrivant leurs noms sur un marbre qui eût été placé sous les voûtes de Notre-Dame ou des Invalides, nous aurions consacré le souvenir de ce dévouement, et que ce modeste monument aurait, à juste titre, pris place parmi les trophées de la guerre de Crimée. On aurait pu dire comme Jeanne d’Arc : « Elles ont été à la peine, elles doivent être à l’honneur. »

En y réfléchissant, l’Académie n’a point pensé qu’il lui fût permis de prendre cette détermination que n’autorise aucun précédent. « Il eût fallu, disait-on, l’assentiment de l’autorité archiépiscopale pour l’admission du marbre commémoratif dans une église. Cet assentiment aurait dû être précédé d’un avis demandé à la supérieure des Sœurs, et peut-être leur abnégation chrétienne aurait résisté à une mention honorifique. » On ajoutait « qu’il aurait fallu demander à l’administration supérieure l’autorisation d’un emploi inusité du fonds spécial de la dotation. » L’autorisation n’aurait assurément pas été refusée une telle pensée ne s’écarte pas des intentions de M. de Montyon ; lui-même vous a donné, pour être placé dans cette salle, ce buste de Madame Élisabeth, où vous lisez pour toute inscription « A la vertu, » et assurément il n’a pas cru dérober la dépense de ce marbre au fonds des prix de vertu.

Mais les scrupules de l’Académie lui ont inspiré des regrets sa délibération m’a chargé d’en faire mention dans ce rapport. « Le but moral si justement désiré par les auteurs de cette proposition doit être, a-t-on dit, atteint sous une autre forme, par la désignation publique d’un héroïsme dont le principe et la récompense ne sont pas ici-bas. Ces paroles, prononcées et reproduites, seront la véritable inscription. dont la noble idée avait été présentée à l’Académie. »

Ainsi que les soldats à qui elles sont allées prodiguer des soins et des consolations, les Sœurs de charité seront donc honorées collectivement. Comme eux elles ont fait leur devoir, et leurs noms resteront inconnus. La récompense ne leur sera pas donnée sur la terre ; elles ont choisi la meilleure part.

L’Académie avait à disposer, Messieurs, d’une somme de 19,000 francs.

Cent deux mémoires lui ont été adressés ; l’an dernier, le concours n’en comprenait que quatre-vingt-quatorze. Quelques-unes des précédentes années ont présenté un chiffre plus élevé. Nous ne pensons pas qu’il y ait à tirer aucune conclusion de la diminution ou de l’augmentation du nombre des actes de charité qui nous sont signalés. Nous ne sommes pas chargés de faire une enquête. Comme vous le savez, nous ne prononçons pas sur les demandes ou les réclamations de ceux à qui nous accordons des prix. Le plus ou moins de mémoires qui vous sont envoyés prouve seulement que les administrateurs, les curés ou les compatriotes, témoins des bonnes actions accomplies sous leurs yeux, ont eu plus ou moins d’empressement à les porter à notre connaissance.

Parmi les cent deux mémoires, l’Académie en a distingué vingt-trois ; elle a décerné deux prix, six médailles de mille francs, quinze médailles de cinq cents francs.

Nous allons dire les noms de ceux que l’Académie fait participer au bienfait de M. de Montyon, et vous raconter brièvement comment ils ont mérité d’être choisis.

Lucie FIACRE, native de Maizey, canton de Saint-Mihiel, département de la Meuse, est âgée de soixante-huit ans ; elle n’en avait que seize lorsque sa sœur aînée se maria. Leur mère, déjà infirme et âgée, restait seule avec Lucie, qui ne chercha point à se marier, la nourrit par son travail et la soigna avec une tendre assiduité ; elle a rempli ce devoir pendant dix-huit années. La succession maternelle consistait en quelques centaines de francs. Elle se plaça comme domestique chez le sieur Chabert, cultivateur et boucher. Il avait dix enfants. Pour les soigner, pour faire le ménage, pour donner la nourriture au bétail, pour tout le train d’une exploitation considérable, Chabert n’avait pour tout domestique que Lucie. Comme sa position devenait de jour en jour plus embarrassée, elle lui remit la modique somme que sa mère avait laissée. Un gage de 100 francs par an lui avait été promis ; ce gage n’était pas acquitté ; le linge et le petit mobilier qui lui venaient aussi de sa mère disparurent pièce à pièce pour venir en aide à ses maîtres.

Après douze ans passés ainsi, Chabert fut déclaré en état de faillite ; la dette qu’il avait contractée envers sa servante fut entièrement perdue.

Il mourut peu après. Sa veuve restait dans la misère ; plusieurs des enfants étaient encore en bas âge. Lucie ne l’abandonna point, l’aida dans ses travaux, lui donna une part de ses vêtements. Grâce à elle, la famille put avoir du pain. Lorsque le fils aîné fut en âge de prendre l’état de son père et de soutenir sa famille, Lucie, ne leur étant plus nécessaire, n’eut pas une autre pensée que de se dévouer à sa sœur, qui était pauvre, qui avait huit enfants, et que le travail de son mari ne suffisait pas à préserver de la détresse. Lucie vint les aider et partager leurs travaux et leur misère.

Sa sœur mourut à la peine ; Lucie continua à consacrer ses soins et ses travaux à cette malheureuse famille.

C’est là qu’elle est encore. Son âge et ses forces épuisées ne suffisent plus à son dévouement ; mais elle ne songe pas à y renoncer, et ne croit pas sa tâche accomplie.

Ces détails nous avaient été donnés par M. le maire de Saint-Mihiel ; votre Commission a voulu joindre à son exposé le témoignage du curé. Voici en quels termes il a répondu : « Elle fait depuis longues années l’admiration de ceux qui connaissent une si belle vie ; mais il faut que vous sachiez la modestie angélique de cette bonne fille. J’ai voulu la voir et l’interroger ; il ne m’a pas été possible de savoir rien d’elle ; elle souffre quand on lui parle de son angélique vertu, et la rougeur lui monte au front lorsqu’on lui adresse un éloge. »

L’Académie a décerné à Lucie FIACRE un prix de deux mille francs.

 

Un autre prix de quinze cents francs est donné aux époux BRICARD, de la commune de Botz, arrondissement de Beaupréau, département de Maine-et-Loire.

Les époux Bricard sont métayers d’un domaine qui consiste en six hectares de terre ; ils avaient huit enfants lorsque le frère de Bricard mourut, laissant cinq orphelins. Ils les adoptèrent et les prirent à leur charge. Il n’y avait pas assez de place dans la pauvre maison. Bricard plaça quelques-uns de ses enfants chez des voisins, et n’en continua pas moins à payer exactement son fermage, sans rien demander à son maître.

Cet acte de charité fut déféré à l’Académie ; il fut répondu, tout en admirant la conduite de Bricard, que cette bonne œuvre n’avait encore que trois années de date.

Il y a deux ans que nous avons ajourné la récompense, et depuis lors les époux Bricard continuent d’élever les cinq orphelins, dont l’aîné a onze ans. Pendant ce délai un nouvel acte de vertu honorait la famille le plus jeune des cinq garçons de Bricard était tombé à la dernière conscription ; son père ne pouvait pas le racheter et se désolait de voir partir son pauvre fils, le seul qu’il ait gardé dans la métairie et qui lui était nécessaire pour la cultiver. Voyant son désespoir, les trois frères aînés ont engagé leur service pour cinq ou six ans chez les maîtres où ils sont ; empruntant sur ce gage 2,500 francs, ils sont venus consoler leur père et ont acheté un remplaçant pour leur frère. Un voisin de campagne, en racontant ces faits qu’attestaient aussi les autorités locales, nous écrivait : « Si cet acte de dévouement n’appartient pas à Bricard, il prouve au moins dans quels sentiments il élève ses enfants ; l’Académie aimera à récompenser ces actes presque ignorés de vertu héroïque, dans de pauvres cultivateurs qui croient n’avoir fait tout juste que leur devoir de parents chrétiens. Lorsque la première fois nous avons sollicité pour Bricard une récompense que vous allez sans doute lui décerner, nous lui dîmes que nous n’avions pas réussi. — « Je vous remercie bien de vos peines, dit-il je n’ai rien fait d’extraordinaire pour mériter les secours de ces Messieurs de Paris. »

« Je ne sache pas, ajoute notre correspondant, qu’il y ait rien de meilleur que cette famille dans toute notre Vendée. » Toutefois, il faut dire que ce trait de vertu fait honneur, non-seulement à une famille, mais à toute une population qui ne s’est point étonnée de cet acte de vertu.

 

Parmi les six médailles de mille francs que l’Académie a décernées, quatre sont destinées à récompenser le dévouement de serviteurs qui ont consacré leur existence à soutenir leurs maîtres devenus pauvres ou infirmes ; en renonçant à toute rémunération de leur travail et de leurs soins, ils les ont secourus et nourris. Nous remarquons, chaque année, combien cet acte de charité se produit souvent ; il n’en est pas moins touchant et digne de récompense. Cet attachement de l’inférieur pour le supérieur, où l’intérêt n’est pour rien, où l’ordre accoutumé est interverti, où le serviteur est devenu un membre de la famille, présente un exemple attendrissant de la fraternité chrétienne et de l’égalité conquise par la vertu et l’affection.

La première fois que le prix de vertu fut donné, en 1783, ce fut à un dévouement pareil ; par une circonstance bizarre, l’ingratitude du maître éclata en même temps que la vertu du serviteur. Madame de Rivarol protesta contre le rapport présenté à l’Académie et nia le bienfait. Des démarches actives furent faites pour détourner le suffrage des académiciens ; mais le dévouement de la pauvre garde-malade fut constaté et avéré. Le prix lui fut décerné, aux grands applaudissements du public.

Depuis lors, chaque année nous a présenté de pareils exemples de vertu. Jamais une si inconcevable ingratitude ne s’est reproduite ; à peine est-elle croyable.

 

Claire BRINGUIER, de Teschez, département de l’Aude, âgée de cinquante-cinq ans, entra à l’âge de dix-huit ans comme bonne d’enfants dans une maison riche. Le chef de cette famille, considéré dans la province, mourut bientôt après en laissant ses affaires dans un si fâcheux état que ses biens furent expropriés. La femme, après avoir fait le sacrifice de sa dot, se vit réduite à la misère. Elle congédia tous ses domestiques. Claire ne voulut point se séparer d’elle, renonça à tout gage. Emmenée d’abord par son père, qui trouvait ce dévouement insensé, elle lui déclara qu’elle mourrait de chagrin si on la séparait de sa maîtresse et des enfants qu’elle avait soignés. Elle a employé pendant près de quarante ans son temps, son travail et ses forces à les faire vivre. La mère est morte l’année dernière, et Claire reste encore chargée de deux enfants. L’un des deux est paralytique et idiot.

Françoise-Marie VIGUIER, du département de l’Hérault, entra jeune au service d’une famille riche, qui, en 1839, fut complètement ruinée et se dispersa. Une des filles de la maison vint cacher sa misère à Montpellier. Françoise ne voulut point la quitter, et non-seulement la supplia de la garder gratuitement à son service, mais lui fit accepter deux mille francs, fruit de ses économies, pour acquitter une dette. Bientôt rien ne resta aux deux pauvres filles ; les meubles furent vendus. Françoise, sans quitter sa maîtresse, se chargea de donner des soins à une vieille femme aveugle, et le salaire servit à les faire vivre. Cette femme est morte. Françoise a soixante-douze ans ; elle ne peut plus travailler ses journées ne lui valent que quelques centimes, et souvent il n’y a pas de pain à la maison. La médaille de mille francs est à la fois une récompense et un juste secours.

Marguerite VEYSSIER, âgée de soixante-quinze ans, du département de la Lozère, s’était dévouée dès l’âge de douze ans à une famille persécutée pendant le règne de la Terreur. Elle contribua, non sans courir elle-même quelques périls, à sauver ses maîtres. Depuis elle ne les a point quittés, et a servi avec le même dévouement et gratuitement les générations successives de cette famille. En mainte occasion elle a prouvé son affection, son zèle et son courage. Elle a sauvé des enfants confiés à ses soins qui allaient se noyer, ou qu’elle arrachait à un incendie. En défendant un autre enfant contre un taureau furieux, elle perdit un œil. Parvenue à une vieillesse avancée, ses forces et sa santé sont épuisées. Les autorités locales attestent ces faits et recommandent avec instance Marguerite Veyssier à l’Académie.

Madeleine MORISSET, de Dinan, département des Côtes-du-Nord, présente des titres pareils. Elle est attachée depuis soixante ans à une famille illustre de Bretagne, mais pauvre, qui compte de glorieux services dans la marine. Cette famille a dû pendant soixante ans à Madeleine son mieux-être intérieur et sa consolation, dans les malheurs qui l’ont accablée depuis les mauvaises époques de la première révolution. Grâce à l’ordre, à l’économie qu’elle maintenait dans la maison, grâce à son activité infatigable, ses maîtres ont pu, jusqu’à leurs derniers moments, conserver une situation supportable et convenable à leur nom. Elle y a sacrifié à leur insu ses forces, sa santé, et même son modique patrimoine ; elle a vendu ce qui lui restait pour payer la sépulture du dernier de la famille. — Après quoi elle s’est consacrée à soigner sa propre sœur paralytique. Mais elle est au bout de ses forces, et vient de donner cent francs, son dernier pécule, pour la faire admettre à l’hôpital. Tous ces détails nous ont été fournis par les autorités de Dinan, et sont à la connaissance d’un de nos confrères.

Pierre FOISSARD, ancien couvreur et pompier à Dijon, nous a paru digne d’une médaille de mille francs. Il est âgé de soixante-quatre ans, et a plus d’une fois hasardé sa vie pour sauver des personnes qui allaient périr en se noyant. Il a aussi, à travers les flammes, emporté un enfant que l’incendie allait dévorer. En 1845, il a terrassé un chien enragé au moment où un passant allait en être mordu. A ce généreux courage, dont il a donné tant de preuves, s’ajoute le vertueux dévouement de sa vie entière à ses parents, qu’il a soutenus dans leur pauvreté tant qu’ils ont vécu, puis à des neveux orphelins, qu’il a recueillis, nourris, élevés, assurant leur avenir et leur donnant un état.

Pierre Blanchard[1], âgé de soixante-seize ans, de Cernay, département du Haut-Rhin, appartient à une famille autrefois riche et considérable de Briançon, qui fut réduite à une extrême pauvreté par les lois révolutionnaires. Resté orphelin et sans ressource, il s’engagea comme mousse à l’âge de douze ans ; puis il entra dans l’armée de terre et se comporta honorablement pendant les années qu’il passa au service. Il fut ensuite lieutenant des douanes, et enfin il travailla pendant trente-sept ans, comme ouvrier, dans une manufacture à Cernay. Il a été marié et n’a pas eu d’enfants. Il y a plus de vingt ans qu’il a recueilli trois enfants abandonnés. Il les a élevés, nourris, vêtus, soignés, instruits, aussi bien que le permettait son humble fortune. Sa tendresse paternelle et ses bons exemples en ont fait d’excellents sujets ; ils occupent maintenant des emplois honorables et sont devenus le soutien de leur père adoptif, que son âge a rendu incapable de travail. Il est estimé et respecté de tout le pays. Les autorités locales, les principaux habitants de Cernay, et l’on peut dire la voix publique, l’ont recommandé à l’Académie.

Nous allons maintenant nommer les quinze personnes qui recevront la médaille de cinq cents francs.

Claire DE BINOS, de la commune de Cierp, Haute-Garonne, est fille de l’ancien seigneur de ce village. A l’époque de sa naissance, les événements de la Révolution avaient déjà réduit sa famille à la dernière misère. Lorsqu’elle fut en âge de se marier, elle épousa un paysan qui n’était point riche et vivait de son travail. Elle supporta avec courage et résignation sa mauvaise fortune. Pour suffire aux besoins du ménage, elle se fit sage-femme, et a exercé cette profession avec un désintéressement, une charité, un dévouement pour les pauvres, qui la rendent chère et respectée dans son canton. Depuis onze ans elle a recueilli une cousine de son mari, abandonnée et aliénée ; elle la nourrit et la soigne, imposant des fatigues continuelles à sa vieillesse et des privations à sa misère.

Marie DOMINIQUE, couturière à Cahors, département du Lot, a refusé un mariage avantageux pour rester auprès de ses parents et les soigner. Elle a recueilli une sœur devenue veuve et presque aveugle, avec ses trois enfants. De nouveaux malheurs ont mis encore à sa charge deux autres neveux infirmes et en bas âge elle accepte ce surcroît de soins et de travail, elle ne perd pas courage et ne fait entendre aucune plainte ; mais elle devient infirme et ses forces diminuent. L’autorité municipale s’est adressée à l’Académie, qui a jugé aussi que Marie Dominique méritait un prix.

Angélique GHESQUIÈRE, du Quesnoy, département du Nord, âgée de soixante-sept ans. Elle a déjà été signalée plus d’une fois pour un prix par les autorités locales. C’est une sœur de Charité volontaire. Placée depuis onze ans dans un hospice de vieillards, après avoir doté cet établissement du prix de son petit héritage et de son mobilier vendus, elle y a apporté ses soins charitables. Ces détails, qui jusqu’ici n’étaient pas venus à la connaissance de l’Académie, ont déterminé sa décision.

Catherine GUENON, de Lyon, département du Rhône, âgée de cinquante-quatre ans. Elle a sacrifié son patrimoine pour payer les dettes de sa sœur ; elle a renoncé à se marier et travaille vingt heures sur vingt-quatre pour nourrir et élever trois neveux et pourvoir à la subsistance d’un frère aliéné.

Angélique JONQUELLE, âgée de quarante-six ans, est née à Servin, département du Nord. Elle y était aimée et estimée de tous les habitants pour sa bonne conduite et sa charité, lorsque, il y a sept ans, elle apprit qu’une amie à elle, mariée au sieur Barré, ouvrier mécanicien, venait d’être atteinte d’aliénation mentale, et qu’ainsi elle ne pouvait plus soigner ni nourrir son mari, que le mauvais succès de l’exploitation entreprise par une compagnie avait ruiné ; il était devenu paralytique par suite de son travail dans une mine inondée. Il avait deux enfants, qui se trouvaient ainsi privés de leur père et de leur mère. Angélique quitta sa famille et son pays pour suppléer son amie, qui ne tarda point à mourir sans avoir recouvré la raison. Depuis lors elle n’a point quitté le malheureux Barré ; elle lui prodigue les soins les plus pénibles et les plus rebutants ; car il est dans un état de paralysie si complète qu’il est incapable de tout mouvement. Depuis sept ans elle a subvenu aux nécessités de cette pauvre famille elle l’a nourrie ; elle a payé les loyers, les médicaments, les médecins, les frais d’apprentissage de la jeune fille. Son travail n’y a point suffi, et elle a vendu le coin de terre que lui avaient laissé ses parents. Maintenant elle est réduite à chercher une place de domestique, pour qu’au moyen de ses gages elle puisse continuer sa bonne action ; les cinq cents francs qu’elle recevra de l’Académie n’auront pas un autre emploi.

Clarisse LEFEBVRE, femme COUTANT, de Vervins, département de l’Aisne, âgée de cinquante-quatre ans, a donné pendant les diverses épidémies l’exemple du plus courageux dévouement. Aucune contagion n’a jamais effrayé sa charité. Il y a quatre ans qu’elle s’est chargée du soin de deux pauvres femmes infirmes. Elle a recueilli un enfant abandonné ; depuis sept ans elle l’entretient et l’élève.

Marie LEPAROUX, de la commune de Bouaye, département de la Loire-Inférieure, âgée de soixante ans, a employé sa vie entière à nourrir et à soigner son père et sa mère pauvres et infirmes. Ni peines ni privations ne l’ont détournée de ce devoir ; elle a toujours refusé de se marier pour ne les point quitter. Grâce à ses soins, sa mère, toujours malade, a vécu jusqu’à quatre-vingt-douze ans. Elle est respectée et admirée de tous les habitants de Bouaye.

Marie PENCIOLELLI, de Corte, département de la Corse, n’est âgée que de vingt-deux ans ; mais la mort de ses parents a laissé à sa charge cinq enfants en bas âge, qui n’ont d’autre moyen d’existence que le travail de leur sœur aînée. Elle a eu aussi en héritage le soin d’une grand’mère de quatre-vingt-dix ans. Elle supporte cette position pénible avec courage et sérénité une piété sincère la soutient ; elle se refuse humblement à la louange, et trouve encore le moyen de visiter et de consoler les pauvres, leur portant de modiques aumônes. La récompense que nous lui donnons est sollicitée par les principaux habitants de Corte.

Catherine DELACOURT, veuve MARÉCHAL, de Wambaix, département du Nord, a recueilli pendant dix-sept ans une vieille servante infirme, qui, dans les dix dernières années, loin de pouvoir faire le moindre service, demandait les soins les plus assidus, tant elle était infirme. Catherine, qui n’est point riche, qui n’a pour faire vivre elle et ses enfants que le travail de ses mains, a accepté cette tâche charitable, qui a duré jusqu’à la mort de cette pauvre femme.

Mélanie NOËL, de Montargis, département du Loiret, âgée de cinquante-sept ans, est fille d’un ouvrier marinier qui n’avait d’autre ressource que le prix modique de son travail. Mélanie, sa fille aînée, partagea dès l’enfance la vie laborieuse que menait sa mère et l’aidait aussi à soigner quatre enfants plus jeunes. Elle eut le malheur de la perdre, après une longue maladie où elle ne quitta point le chevet de son lit. Mélanie devint maîtresse du ménage, et en même temps travaillait de son métier de couturière. Ses trois sœurs se sont successivement mariées, et elle les a vues mourir l’une après l’autre elle avait été leur garde-malade, elle demeura la mère de leurs enfants et adopta une de ses nièces. Le père, âgé de soixante-treize ans, n’est plus en état de travailler. Un frère marié, chargé de famille, loin de pouvoir venir à son aide, reçoit d’elle quelques secours. La nièce qu’elle avait élevée, et qui commençait à prendre part à son travail, vient de mourir. Tant de malheurs et tant de constance dans la vertu nous ont semblé dignes d’être récompensés.

Marie CARON, de Rouen, département de la Seine-Inférieure, âgée de soixante-quinze ans, est depuis cinquante-huit ans domestique dans la même maison. Pendant vingt-six ans ses services furent rétribués. Ses maîtres furent ruinés ; elle refusa de les quitter et se dévoua à leur malheur. Le jour, elle travaille et gagne de quoi les nourrir ; la nuit, elle les soigne dans leurs maladies. Mais elle a vieilli, ses forces sont diminuées, et elle consacre d’anciennes économies à soutenir les derniers jours de sa maîtresse, qui est âgée de quatre-vingts ans.

Marguerite CHALUS, âgée de soixante et dix ans, de Moulins, département de l’Allier, mérite au même titre la même récompense. Elle a servi ses maîtres pendant cinquante-trois ans ils sont tombés dans la misère depuis sept ans, et elle n’a pas songé à les quitter. Ils ne peuvent lui payer des gages, ni même la nourrir ; leur caractère s’est aigri par le malheur loin de lui témoigner aucune reconnaissance, aucune affection, ils lui rendent la vie dure par leur mauvaise humeur. Elle n’en ressent aucune irritation ; son dévouement reste le même ; elle est douce à leur ingratitude, soutenue qu’elle est par une constante piété.

Joséphine GAGELIN, de Besançon, département du Doubs, âgée de quarante-trois ans, est fille d’un pauvre marchand de charbon. Dès sa première jeunesse, elle entra comme domestique, avec un modeste gage, chez un horloger. Après quelques années, son maître, ayant fait de mauvaises affaires et n’étant plus en âge de travailler de son état, tomba dans une telle détresse qu’il fut inscrit sur la liste des indigents. Sa situation devint d’autant plus malheureuse que sa femme était de mauvaise santé et presque toujours malade. Joséphine n’a point quitté ses maîtres. Avec une courageuse charité, elle a cherché tous les moyens de les nourrir. Elle vendait du fil et des aiguilles, elle lavait les gants des artilleurs de la garnison, elle faisait des ménages en ville. C’est encore la vie qu’elle mène. Elle n’est point forte et serait souvent arrêtée par la maladie si elle n’était pas soutenue par son vertueux sentiment. Son maître vient de mourir ; la veuve ne peut plus depuis longtemps quitter son lit. Joséphine, après avoir couru tout le jour pour gagner leur pain, se jette la nuit sur une mauvaise paillasse auprès du lit de sa maîtresse. Chacun l’admire ; elle ne sait pas même si on la regarde, et nul ne lui a entendu proférer une plainte.

Agathe MARTIN[2], de Saint-Nicolas, du département de la Meurthe, âgée de soixante-neuf ans, entra à l’âge de vingt ans comme servante chez un notaire. Onze ans après, son maître était complétement ruiné et ne pouvait plus lui payer son faible gage de cinquante francs. Agathe ne quitta point la famille où elle avait pris ses affections et ses habitudes. Le notaire mourut, laissant dans la détresse sa femme et ses deux filles jeunes encore. Agathe continua et se consacra à leur service, comme auparavant. Ainsi, voilà quarante ans d’un invariable dévouement. Le prix que vous donnez est à la fois une récompense et un secours.

Rose PASQUER, de Nantes, département de la Loire-Inférieure, est dans sa centième année. Depuis quatre-vingts ans, elle est dévouée à la même famille dont elle s’efforce encore de servir la quatrième génération. Ses maîtres étaient jadis propriétaires à Saint-Domingue ; ils furent complètement ruinés par les insurrections de la colonie. Comme d’autres riches colons ou négociants que la ville de Nantes vit tout à coup tomber dans la misère, ils passèrent de l’opulence à la plus triste détresse. Pour la cacher et pour échapper aux massacres de Carrier, ils allèrent habiter Tours ; leurs descendants y sont encore. C’est une tradition respectée dans la famille que, pendant les premières années de la Révolution, la vieille Rose, par un travail pénible et assidu, soutenait à elle seule les aïeux, qui étaient ses maîtres. Depuis lors la famille a recouvré quelque aisance, et Rose, sans avoir le même mérite, a toujours eu le même zèle et la même fidélité. Nous avons jugé qu’il convenait d’honorer l’extrême vieillesse de cette digne femme et de récompenser la vertu du temps passé.

Nous avons espéré, Messieurs, que cette nomenclature, accompagnée de notices auxquelles nous ne pouvions donner plus d’étendue, ne serait pas sans intérêt pour le public qui assiste à notre séance. On imprime chaque année un relevé des actes criminels qui ont été déférés à la justice des tribunaux ; nous sommes informés du nombre des vols et des meurtres qui ont affligé la société. Lorsque ce nombre augmente progressivement, nous nous attristons dans la crainte que ce ne soit le symptôme d’une corruption croissante, d’une éclipse des sentiments moraux, d’un oubli de la religion. Notre liste des actes de vertu est moins longue, mais, ainsi que nous l’avons dit, elle n’est pas, elle ne peut pas être complète. Les magistrats, à qui sont confiés le maintien de l’ordre et la punition des délits, ont pour devoir d’exercer une surveillance exacte, de ne laisser échapper à leurs poursuites aucune action coupable selon la loi. Quant à nous, notre devoir n’est pas de rechercher ni de constater tous les traits de charité ou de dévouement accomplis dans l’étendue de la France ; nous sommes persuadés qu’il y en a un très-grand nombre qui ne viennent pas à notre connaissance. La vertu ne comporte point la vanité ; elle ne sait pas son mérite ; c’est tout naturellement, par une inspiration du cœur et une pensée religieuse, que le dévouement et le sacrifice ont été accomplis. Cela est surtout vrai dans cette classe modestement obscure, dans cette majorité de la société qui se résigne, par habitude, à être peu regardée par la minorité.

Cette liste des prix de vertu n’est donc pas un document de statistique ; mais nous pensons qu’elle est pourtant un signe satisfaisant de l’état moral du pays, et qu’on en peut conclure que les actes récompensés par nous ont été accomplis au milieu d’une société qui n’a point oublié la loi religieuse, et qui conserve dans le cœur des sentiments de sympathie et d’humanité.

C’est ce qui peut être aperçu même dans les récits trop succincts que vous venez d’entendre. Nous ne les croyons pas dénués d’intérêt ; nous espérons qu’ils ont été écoutés sans ennui et n’ont pas semblé trop monotones. La foule se presse aux audiences des cours d’assises ; les lecteurs abondent pour le compte rendu des procès. Le crime paraît plus dramatique que la vertu ; la vie des coupables est variée, mêlée d’incidents imprévus. Ce n’est pas que cette curiosité du vulgaire suppose le moindre intérêt, la moindre pitié pour eux ; mais on cherche des émotions, on se porte vers un théâtre où elles sont plus vives, nous pourrions dire plus cruelles, parce qu’elles sont produites, non par l’imagination, mais par la réalité.

Pourrions-nous, toutefois, ne pas être émus par la peinture du malheur et de la souffrance, par les incidents qui jettent une famille dans la misère et la font passer de l’opulence au manque de pain, par les effets que produisent sur la vie privée les événements qui bouleversent toute une nation ? Est-ce que les affections de famille, devenant d’autant plus tendres et plus dévouées qu’elles imposent plus de sacrifices, le désintéressement et l’abnégation des vieux serviteurs qui consacrent leur vie entière à nourrir leurs maîtres, le zèle charitable du pauvre secourant un plus pauvre que lui, ou adoptant des orphelins, n’excitent pas en nous un intérêt qui est moins déchirant peut-être, mais plus vrai, plus tendre, et mêlé à des sentiments élevés, à l’admiration et à la pitié ? On a composé des romans sur ces données, et ils ont eu un grand charme pour les lecteurs. L’Académie, en racontant sans détails, sans fiction, sans mise en scène, les actes de vertu qu’elle récompense, ne prétend pas à un succès littéraire. Son espoir, en présentant de tels exemples, est de disposer les cœurs à la charité.

 

[1] L’Académie, étant instruite que, dès le 14 juin dernier, antérieurement à sa décision, le nommé Blanchard était décédé, a décidé que la médaille qui lui avait été conférée, dans l’ignorance de ce fait, était retirée du concours.

[2] L’Académie, ayant été également informée que, dès le 2 août dernier, antérieurement à sa décision, la demoiselle Agathe Martin était décédée, a décidé que la médaille qui lui avait été conférée, dans l’ignorance de ce fait, était retirée du concours.