Discours du directeur de l’Académie

Le 24 avril 1816

Armand du PLESSIS, duc de RICHELIEU

DISCOURS

PRONONCÉ PAR SON EXCELLENCE

M. LE DUC DE RICHELIEU,

DIRECTEUR DE L’ACADÉMIE FRANÇAISE,

PRÉSIDANT LA SÉANCE PUBLIQUE DU 24 AVRIL 1816,

 

MESSIEURS,

En continuant à réunir sous un nom général les diverses classes qui s’occupent des connaissances humaines, le roi a imité l’auteur de tous les biens, qui, malgré les différences établies entre les arts, les sciences et les lettres, leur a donné un lien commun de fraternité. S. M., en rappelant pour chacune des classes le nom d’académies, et en maintenant le nom d’Institut, a voulu aussi rendre à ce corps illustre une ancienne splendeur, et lui conserver en même temps l’éclat que, sous un nom nouveau, il a jeté dans toute l’Europe.

Je dois laisser à d’autres le soin de retracer tous les services que les sciences et les arts ont rendus à la France en ces temps de malheur, il ne m’appartient que d’offrir à ceux qui les cultivent une partie de l’hommage qu’ils ont droit d’attendre de la postérité. Dans tous les siècles, les bienfaits qu’ils répandent ont commandé la reconnaissance des conquérants eux-mêmes, et c’est le plus habile, comme le plus heureux des capitaines de l’antiquité, qui disait : « Les honneurs du triomphe sont bien plus légitimement dus à celui qui étend le domaine des connaissances humaines qu’au vainqueur qui ne recule les bornes des empires que par la violence des armes. »

Si, malgré la fureur des révolutions et la tyrannie des blocus, les sciences ont su correspondre et s’entendre entre elles au milieu des ravages de la guerre, si elles se sont étudiées à en réparer les désastres, et ont donné aux peuples quelques compensations, que ne doit-on pas espérer de leurs progrès sous un monarque dont la restauration a rétabli la paix bannie de l’Europe !

En quel temps les lettres pourraient-elles mieux s’encourager aux grandes idées du bon et du beau, que sous un roi qui les a tant cultivées, qui leur doit une partie de cette affabilité que la religion change si aisément en clémence ; sous un roi qui, se méfiant de leur flatterie, semble leur demander par anticipation la vérité qu’elles ne disent trop souvent que par l’histoire !

S’il est en effet, Messieurs, des muses trop flatteuses, elles prennent bientôt d’autres accents quand les oreilles des princes sont inaccessibles à leurs séductions. Leurs voix alors changent d’objet, excitent plus noblement les cœurs à la vraie gloire et à la fidélité. Que ne m’ont-elles favorisé des dons précieux dont elles ont comblé celui que vous allez entendre ! J’aurais essayé de célébrer tout ce que cette journée, en rappelant une époque chérie, promet de bonheur au peuple sous son roi légitime ; j’aurais exprimé, comme je la sens, ma reconnaissance, et pour l’honneur que m’a fait S. M. en m’introduisant au milieu de vous, et pour l’honneur que je dois à vos suffrages, de me trouver à la tête d’une illustre compagnie.