Compliment fait à M. Chauvelin, Garde des Sceaux

Le 11 septembre 1727

Jacques ADAM

COMPLIMENT

Fait le Jeudi 11. Septembre 1727.

À M. CHAUVELIN Garde des Sceaux de France, par M. ADAM Secrétaire de S. A. S. Monseigneur le Prince de Conti, alors Directeur de l’Académie.

 

MONSEIGNEUR,

Quelque brillantes qu’aient été les Places ; où nous vous avons vu jusqu’ici, nous sentions bien qu’elles ne remplissaient pas toute l’étendue de vos talents : mais les deux grandes dignités ; que le Roi vient de réunir en votre Personne, vous donnent un beau champ pour les déployer ; le théâtre qu’elles vous ouvrent est aussi grand que l’Univers, & n’est pas trop grand pour vous.

La nature partage ses dons aux hommes ordinaires, & les rend capables de briller l’un dans un poste l’autre dans un autre les élever plus haut ce serait les perdre. Mais elle a des enfants de prédilection, qu’elle met en état d’exceller par tout : Il n’y a point de bornes marquées pour eux.

C’est ainsi qu’elle vous a traité ; MONSEIGNEUR, elle vous a donné de quoi justifier toutes les faveurs de la fortune. Tempérament vertueux, génie élevé, esprit capable de tout, & jusqu’à ces dons extérieurs qui rendent la vertu plus aimable, elle a tout prodigué pour vous.

Quelque grands qu’aient été ceux à qui des hommes de ce caractère succèdent, il n’est point de perte que de tels Successeurs ne réparent ; heureux le siècle qui a de quoi réparer la leur.

Pleins de ces sentiments nous venons, MONSEIGNEUR, vous offrir les hommages de l’Académie Françoise : c’est un tribut qui vous est dû, Thémis fut toujours révérée du Parnasse, & Apollon lui-même se fit gloire d’être son disciple.

Ce que nous pensons de vous, ce que nous devons aux mains sacrées, qui vous couronnent, vous répond de notre cœur, & doit ce semble nous répondre du vôtre.

Une Compagnie dévouée à la gloire des Lettres Françaises, honorée de la protection de nos Rois, chérie de ce grand Cardinal, dont l’amitié est un magnifique éloge ; n’est-elle pas en droit de compter sur votre estime, & sur votre appui ? Ne peut-elle pas attendre de vous tout ce qu’il sera en votre pouvoir de faire pour elle ? Elle l’attend, MONSEIGNEUR, & elle se flatte que sous un Chef de la justice aussi bienfaisant, & aussi ami des Lettres que vous l’êtes, les Muses & les Grâces de tout temps amies vont devenir inséparables.