Complimens faits au Roi sur la mort du Roi de Sardaigne

Le 2 décembre 1732

Nicolas-Hubert de MONGAULT

COMPLIMENS

Faits au ROI, à la REINE & à MONSEIGNEUR LE DAUPHIN, au nom de l’Académie Françoise, sur la Mort du Roi de Sardaigne, par M. l’Abbé MONGAULT, Directeur, à Versailles le 2 Décembre 1732.

 

AU ROI

SIRE,

L’ACADÉMIE Françoise toujours très-flattée de l’honneur qu’elle a d’être admise au pied du Trône, voudroit n’en approcher que dans des jours heureux ; nous pensons avec douleur que c’est la troisième fois depuis quelques années, que nous venons complimenter VOTRE MAJESTÉ sur les pertes qu’Elle a faites dans l’auguste Maison de Savoie.

Le Roi, dont la mort fait aujourd’hui, SIRE, le sujet de votre affliction, tiendra une grande place dans l’Histoire, moins par l’éclat de cette Couronne qu’il a portée le premier, que par tout ce qu’il a fait pour l’assurer à ses Successeurs. Prince, dont le génie, les vues, les succès, les malheurs mêmes n’ont eu rien de médiocre, & qui tant de fois avoit fait admirer les ressources de sa politique, quelquefois même par ceux qui la blâmoient. Moins chargé d’années que rassasié de gloire, il chercha en vain dans l’obscurité d’une vie privée à se faire oublier : il a fait jusqu’à la fin l’attention de toute l’Europe.

Il avoit, comme vous, SIRE, pris en main le gouvernement de ses États dans une grande jeunesse ; mais ce n’avoit été que dans un âge plus avancé qu’il avoit bien compris qu’une sage administration au-dedans, en faisant la félicité des Peuple faisoit la véritable gloire du Souverain. Le gouvernement de VOTRE MAJESTÉ a commencé par où le sien avoit fini ; & le repos nécessaire à la France, que nous devons à votre amour pour vos Peuples, & aux conseils d’une prudence consommée, vous assure ces bénédictions auxquelles les bons Rois sont si sensibles.

Que ne doit point ajouter à ce concert de louanges, l’Académie Françoise qui, participant au bonheur de tous vos sujets, ose dire qu’elle est intéressée plus particulièrement à la gloire de VOTRE MAJESTÉ, par l’honneur qu’elle a d’avoir son Roi pour Protecteur ?

 

À LA REINE.

MADAME,

Après tant de tristes & respectueux compliments que vous avez bien voulu recevoir dans un même jour, l’Académie Françoise doit simplement témoigner à VOTRE MAJESTÉ, combien elle est sensible à la perte que vous venez de faire. Toutes celles que fait le Roi font les vôtres ; à mesure qu’il en fait de nouvelles, votre tendresse lui est devenue plus nécessaire : dorénavant vous serez son unique attachement & toute sa consolation. Puissiez-vous, MADAME, n’avoir jamais, s’il se peut, besoin, de la part du Roi de pareils secours ! Que son amitié partage votre joie, & n’essuie vos larmes ! Que le Ciel n’éprouve point votre piété par des afflictions trop sensibles ! & que cette Compagnie ne paroisse devant VOTRE MAJESTÉ, que pour lui donner, dans de moins tristes occasions, des témoignages publics de son attachement & de son profond respect !

 

À MONSEIGNEUR LE DAUPHIN.

MONSEIGNEUR,

L’HISTOIRE vous apprendra un jour quel a été le Roi dont la mort nous fait paroître aujourd’hui devant vous dans un appareil de tristesse & de deuil. Pour exciter votre douleur, il a suffi qu’on vous ait appris qu’il avoit donné le jour à cette Princesse dont vous voyez les traits & les grâces dans le visage du ROI votre auguste Père, & dont ces lieux, témoins de l’attention qu’elle donnoit à l’éducation de ses enfants, nous rappellent vivement la mémoire.

Quelle joie, MONSEIGNEUR, ç’auroit été pour elle, si, conservée à la France, elle vous avoit vu en naissant passer dans les mains de cette Personne illustre qui avoit toute sa confiance, & un emploi si noble & si important, perpétué dans une famille qui semble devoir a jamais être chargée de la première éducation de tout ce qui sera destiné au Trône.