Compliment fait au Roi Louis XVI, sur son sacre

Le 2 juillet 1775

Gabriel-Henri GAILLARD

COMPLIMENT

Fait au Roi LOUIS XVI, fur fon facre, par M. GAILLARD, alors directeur de l’Académie, le 2 juillet 1775.

 

SIRE,

UN Prince dont la gloire aurait été fans tache, s’il n’avoit eu le malheur d’être un conquérant, HENRI V, Roi d’Angletere, difoit à fes fujets qui vouloient lui prêter ferment avant qu’il eût été couronné, attendez, pour me jurer obéiffance, que j’aye moi-même juré obéiffance aux lois. Chez nous, SIRE, l’obéiffance n’attend pas cette folennité ; impatiente comme l’amour avec lequel elle fe confond & dont elle prend toujours le caractère, vous l’avez vue éclater dès les premiers momens de votre règne.

C’eft une maxime de cet Empire, que, malgré le temps & la mort, la royauté eft éternelle ; que l’autorité n’eft jamais fufpendue ; que la plénitude du pouvoir paffe fans intervalle au fucceffeur avec l’amour des François, portion facrée de ce noble héritage. Que peut donc ajouter à la grandeur de nos Rois cette impofante, cette attendriffante cérémomie de leur facre ? Elle les marque du fceau de la Religion & les engagemens que la Majefté Royale vient y prendre redoublent le zèle de la nation, en confirmant fes efpérances. Ce vœu, ce vœu divin de travailler au bonheur de vingt millions d’hommes, fi c’eft à Dieu feul qu’il eft fait, s’il n’eft écrit que dans le ciel, il n’en eft que plus inviolable. Eh ! quel autre garant de fon exécution pourrons-nous défirer que le cœur de VOTRE MAJESTÉ ? Il vous éclaire, SIRE, fur tous vos devoirs : il vous a seul infpiré ce deffein de maintenir ou de rétablir les mœurs, en leur donnant pour règle votre exemple & pour bafe l’économie : il vous dira toujours qu’une guerre néceffaire eft un fléau, qu’une guerre inutile eft un crime ; que les deux plus funeftes ennemis de la religion, après l’impiété qui l’outrage, font l’intolérance qui la feroit haïr, & la fuperftition qui la feroit méprifer ; qu’un Roi doit à fes peuples la juflice, & des Juges dignes de la rendre, & des miniftres nommés par la voix publique ; qu’enfin il doit aux Lettres une protection puiffante non feulement parce qu’elles font la gloire, ou même, felon Charle le Sage, la deftinée des Empires, mais fur-tout parce qu’elles fortifient les vertus en étendant les lumières. C’eft une vérité, SIRE, dont votre académie Françoife me fourniroit de fortes preuves & de grands exemples, fi je pouvois oublier qu’ayant l’honneur d’être ici fon interprète, je ne dois parler à fon augufte protecteur que de fon refpect & de fa reconnoiffrance.