Réponse au discours de réception de l’abbé Dubos

Le 3 février 1720

François-Joseph de BEAUPOIL de SAINTE-AULAIRE

RÉPONSE de Monsieur le Marquis de S. AULAIRE, Directeur l’Académie, au difcours  prononcé par Monfieur l’Abbé DU BOS, le jour de fa reception.

 

MONSIEUR,

Vous avez trop de commerce avec les Anciens, & vous connoiffez trop bien quel fcours ils tiroient de leurs Conferences & de la communication de leurs lumieres, pour n’avoir pas jugé que vous en pouvez attendre d’une Société telle que l’Académie Françoife ; & l’éloquente érudition qui regne dans ce que vous venez de nous dire, prouve affez que ce fecours fera réciproque.

 

L’idée de l’étendue & de la diverfité de vos connoiffances que vous lui aviez donnée comme Politique & comme Hiftorien, a été depuis peu confirmée par vos curieufes recherches de la naiffance & du progrès des Arts les plus aimables.

 

Vous avez joint dans ces Ouvrages la fineffe & la profondeur des réflexions, à la force & à la folidité du raifonnement.

 

L’Académie n’a plus à defirer de vous que de l’affiduité à fes Affemblées, que du zele à concourir aux foins de rendre la Langue plus pure, & le goût plus parfait.

 

C’eft de fa part que je vous y exhorte, MONSIEUR, & que je vous invite à cette liaifon qui fe forme entre des Affociés, que le partage des biens qu’ils ont acquis enfemble, ne défunit pas, & qui loin de regarder comme des rivaux ceux qui courent la même carrière, ne voyent en eux que des foutiens & des guides. C’eft de la douceur de cette intelligence que vos nouveaux Confreres attendent le principal dédommagement de la perte qu’ils ont faite.

 

Un Académicien digne de toute leur eftime, de toute leur tendreffe, vient de leur être enlevé ; il réuniffoit en lui des qualités, des talens, qui fe rencontrent rarement enfemble. Philofophe & Poète à la fois, il fçut répandre des graces & de la clarté fur le fyftême le plus abftrait.

 

Homme de Cour, fimple & vrai ; fans affectation, fans empreffement, il fçut plaire à ce qu’il y a de plus élevé & de plus délicat.

 

Il tiroir des fpectacles mêmes de quoi dédommager les mœurs de ce qu’ils ont de dangereux pour elles.

 

Touché des exemples de vertu, il fe plut à les montrer dans leur beau jour.

 

Senfible au mérite rare, il eut foin de le confacrer par des peintures vives & touchantes ; peintures où lui-même eft fi reconnoiffable.

 

Peut-on lire les témoignages de fon amitié conftante, fans concevoir pour lui cette eftime, cette tendreffe qu’il infpire pour la mémoire de fon ami ? Quel exemple ne nous laiffe-t-il pas des fentimens que nous lui devons à lui-même ?

Auffi ne cherchons-nous pas à oublier fa perte, quand nous cherchons à la réparer ; l’Académie fidelle à ce cher Confrere, attendoit de fon eloge la plus douce confolation qu’elle fût capable de recevoir, & n’a pas crû pouvoir mettre en de meilleures mains que les vôtres.

 

La voix unanime d’une de nos plus nombreufes affemblées, répondoit de la juftice de ce choix ; il n’a plus été permis d’en douter, dès qu’il a été autorifé par l’augufte Prince qui nous gouverne.

 

Les Mufes qui refpectent encore plus fes lumiéres que fon autorité, font bien affûrées d’avoir réuffi, quand elles peuvent compter fur fon approbation.

 

Les fuffrages du public l’avoient devancée.

 

Mais entre ces approbations publiques dont nous vous fommes redevables, MONSIEUR, il en eft une qui nous flate fingulierement.

 

C’eft celle de cet Homme illuftre, dont les fentimens fi dignes d’être donnés pour modéle, paffent heureufement dans le cœur de notre jeune Monarque.

 

Par le choix de ceux à qui vous remîtes ce précieux dépôt, grand Roi, dont la mémoire nous eft fi refpectable & fi chere, vous lui donnâtes les plus fûrs moyens de vous imiter. A l’exemple que vous lui laiffiez, vous voulûtes ajoûter le fecours des confeils & des préceptes. Votre amour eut foin de le munir de tout ce qui peut élever l’ame, affûrer les mœurs, orner l’efprit. Dans la flatteufe confiance dont vous couronnâtes une ancienne & conftante amitié, vous eûtes auffi en vûe le bonheur de votre Peuple, & la gloire de votre Sang. Que de devoirs acquittez à la fois ! quel plaifir n’avons-nous pas à voir croître les fruits d’une fi fage prévoyance ?

 

Ils font nos plus douces efpérances ; ils font déjà notre admiration, & vous préparent, MESSIEURS, la matiére la plus noble & la plus plus digne de vos veilles.