Funérailles de M. Picard

Le 2 janvier 1829

Abel-François VILLEMAIN

INSTITUT ROYAL DE FRANCE.

ACADÉMIE ROYALE DES SCIENCES.

FUNÉRAILLES

DE M. PICARD.

DISCOURS DE M. VILLEMAIN,
CHANCELIER,

PRONONCÉ AUX FUNÉRAILLES
DE M. PICARD.

LE 2 JANVIER 1829.

 

MESSIEURS,

Des confrères, de nombreux amis suivent ici les restes d’un homme d’un rare talent et d’un excellent homme. Nous l’avions vu avec douleur dans nos séances, déja frappé d’une langueur funeste, mais toujours bon, affectueux. Il meurt dans un âge peu avancé ; il est arraché à la plus tendre famille. Il laisse inconsolables d’une telle perte des compagnons de ses premiers succès, des amis de sa jeunesse, des témoins de sa vie entière. Leur affliction suffirait à son éloge. Esprit original et vrai, Picard renouvela les formes et soutint l’éclat d’un art charmant porté si loin parmi nous. Son nom sera toujours prononcé dans le pays qui a produit Molière. La mort remet sous nos yeux tous les titres d’une gloire qui était au milieu de nous, et qu’elle nous enlève. D’autres que moi vous parleront encore de ses vertus, de ses bonnes actions. C’est à eux de dire, combien il fut cordial, sincère, fidèle aux anciens amis, heureux de s’en faire de nouveaux dans les jeunes talents qui s’élevaient. Leur douleur et leur voix doivent plaire à son ame généreuse.

M. Casimir DELAVIGNE a succédé à M. Villemain, et a prononcé le discours suivant :

Messieurs, je ne louerai point le talent de celui dont la France pleure la perte ; que serait un hommage de plus quand tant d’hommages l’environnent ? Il y a un jour où tout le monde est d’accord sur la gloire littéraire, un jour de justice et de vérité; ce jour est venu trop tôt pour lui. Tous ont joui de ses ouvrages; ceux qui l’ont approché doivent parler de ses actions. Plusieurs de ses amis ont marché avec lui dès le commencement de sa carrière : ils ont traversé avec lui les bons et les mauvais jours de la vie ; ils lui ont dû des triomphes, ils ont contribué aux siens. Entre eux c’était en quelque sorte un échange de services, de conseils et de succès. Moi, j’ai tout reçu et n’ai rien donné. Je fus du nombre de ces jeunes écrivains qui, dès leurs premiers pas, sont venus réclamer son appui. La foule était grande ; car sa bonté n’attirait pas moins que ses ouvrages.

C’est au plus jeune de ses confrères à lui payer la dette de la jeunesse. Oui, nous avons trouvé en lui une protection paternelle ; il nous a soutenus dans nos jours de découragement, et dans les dégoûts inséparables d’une carrière qui commence ; il nous a éclairés de ses avis ; il s’est tourmenté de nos espérances et de nos craintes ; à travers les obstacles, il nous a conduits, comme par la main, à de premiers succès qu’il a sentis aussi vivement que nous-mêmes. Interprète de tous, je l’en remercie sur sa tombe, dans l’amertume de mes regrets et l’effusion de ma reconnaissance. Adieu, homme excellent ; peut être ces paroles te seront douces, car elles te sont adressées par une voix que tu as aimée ; et elles partent d’un cœur rempli de ta mémoire.