Discours de réception de Pierre de Camboust, duc de Coislin

Le 11 décembre 1702

Pierre de CAMBOUST, duc de COISLIN

DISCOURS prononcé l’onziéme Decembre 1702. par Mr. le DUC DE COISLIN, Pair de France, lorfqu’il fut receu à la place de Mr. le Duc de Coislin fon père.

 

MESSIEURS,

Il faudroit eftre long-temps parmi vous pour apprendre à vous parler ; ce n’eft qu’en vous efcoutant qu’on peut devenir capable d’un Difcours qui foit digne de voftre Compagnie.

 

L’engagement que j’ay, MESSIEURS, de vous honorer par tous les fentiments que le fang & la naiffance m’ont infpirez, doit vous refpondre de la fincerité de ma reconnoiffance fur le contentement unanime de vos fuffrages, donnez au fils pour remplir la place du pere, honneur que vous avez voulu rendre à la memoire de mon pere, & qui feul fuffit pour fon éloge.

 

Il vous avoit efté donné de la main de Monfieur le Chancelier Seguier fon ayeul, comme un gage de fa tendreffe pour voftre illuftre Compagnie ; vous le receuftes avec d’autant plus de joye, qu’il vous faifoit reffouvenir de ce grand Cardinal de Richelieu fon oncle.

 

Ces noms qui ont fait parler fi éloquemment ceux que vous avez admis dans l’Académie Françoife, me ferment aujourd’huy la bouche par la bienféance qui défend de louer les proches, & me difpenfent de la loy que vous vous eftes faite d’orner vos Réceptions de leurs louanges.

 

Mais autant que je me dois taire fur ces premiers Miniftres de l’Eftat & de la Juftice, aufquels vous vous reconnoiffez redevables de voftre origine & de voftre élevation, qui eux-mefmes ont receu beaucoup d’efclat par le fuccez que vous avez donné à leurs deffeins & à leurs foins, autant ferois-je obligé, fi je ne fentois le fujet fuperieur à mes forces, de publier le merite des perfonnes, & l’excellence des Ouvrages qui ont ennobli l’Académie Françoife, & ont porté fa gloire au point d’eftre jugée digne par le plus grand des Rois de fon augufte protection.

 

Quel éloge, MESSIEURS, peut mieux faire connoiftre la prééminence de voftre Compagnie, que celuy de mériter d’avoir pour Protecteur ce Roy dont les plus grandes Couronnes ont recherché l’appuy ; ce Roy en qui feul font réunies toutes les qualitez qui, partagées à diverfes Teftes couronnées, en feroient de grands Rois ; ce Roy qui eft le premier mobile des plus importantes affaires, l’objet principal de l’attention de toute l’Europe, l’invincible Defenfeur des Puiffances opprimées, & des droits attaquez, l’Ame de la valeur Françoife, l’Amour de fes peuples, la Force de fon Eftat ; Héros dans les Armées, Oracle dans les Confeils, Intelligence du Gouvernement, Spectacle d’admiration à tout l’Univers. Ce Roy qui par tant de prodiges de puiffance & de grandeur, s’eftant élevé au deffus de l’homme, s’eft rendu par les vertus de l’efprit & du cœur le modelle de l’homme parfait.

 

Heureux le fiécle où régne un Roy fi fage & fi puiffant ; heureux l’Eftat qu’il gouverne par fes Loix ; heureux le fujet qui en eft regardé favorablement.

 

Vous connoiffez, MESSIEURS, parfaitement le prix d’un tel bonheur dont voftre Compagnie eft honorée, & que je voudrois mériter par tous les facrifices d’un entier dévouement.

 

Auffi voftre reconnoiffance ne peut s’épuifer fur les louanges de voftre augufte Protecteur. C’eft icy que l’on fçait dignement parler de LOUIS LE GRAND, de ce Prince qui fournit à voftre éloquence par la feule expofition du vray toutes les idées du merveilleux.

 

Pour moy, MESSIEURS, peu accouftumé à traiter un fi grand fujet, je me contenteray de venir apprendre de vous comment il en faut parler ; vous entendant célébrer fon nom par vos éloquens Difcours, je ne cefferay de le refpecter dans le filence de mon admiration.