Funérailles de M. l'abbé Sicard

Le 11 mai 1822

Félix-Julien-Jean BIGOT de PRÉAMENEU

INSTITUT ROYAL DE FRANCE.

ACADÉMIE FRANÇAISE.

FUNÉRAILLES

DE M. L’ABBÉ SICARD.

 

LE 11 Mai 1822, ont eu lieu les funérailles de M. l’abbé SICARD (Roch-Ambroise), Membre de l’Académie Française. Arrivé au lieu de la sépulture, M. le comte BIGOT DE PRÉAMENEIT, Membre et Directeur de l’Académie, a prononcé le discours suivant :

 

MESSIEURS,

Je n’ai pas seulement à vous exprimer sur cette tombe la douleur dont l’Académie Française est pénétrée en se séparant à jamais d’un de ses membres les plus célèbres, d’un de ceux qui ont le plus honoré leur pays. Je dois peindre un deuil que partagent tous ceux qui ont connu, ou qui ont éprouvé les services éminents que M. l’abbé Sicard rendait à l’humanité depuis un si grand nombre d’années.

Les infortunés qui nous entourent et qui sont privés de la parole ne peuvent que se livrer à des gémissements : mais ils prouvent ainsi d’une manière encore plus sensible, combien ils déplorent amèrement la perte de celui qui en réparant l’erreur de la nature était pour eux un second père ; leur langage d’action plus énergique que la parole, l’agitation qui anime les signes de leurs pensées, l’expression de tous leurs mouvements, manifestent leur désespoir. On voit que par l’impitoyable mort le cœur de chacun d’eux est déchiré dans son affection, dans son dévouement, dans tous les sentiments de la plus vive reconnaissance.

Ces sentiments de vénération, ces regrets qui remplissent aujourd’hui le champ funèbre où nous venons déposer les dépouilles mortelles de notre illustre confrère, éclateront dans toutes les parties de la France ; son zèle s’y faisait habituellement ressentir par ses conseils par ses secours, par ses savants ouvrages, par les instituteurs qu’il a formés.

Notre douleur retentira dans l’Europe entière ; on peut même à peine supposer qu’il existe une contrée dans laquelle la civilisation ait pénétré et oh le spectacle des sourds et muets ne rappelle qu’il existait en France un docte ami de l’humanité qui savait redresser ces écarts de la nature et dont la longue carrière n’a cessé de briller de cette gloire sans égale.

Quant à nous, Messieurs, qui, en le possédant, pouvions jouir chaque jour de l’extrême bonté de toutes ses qualités sociales, de cette candeur qui mettait toujours et sans réserve sa belle ame à découvert, de cette bienfaisance portée au pont de se sacrifier lui-même et de regarder comme impossible que l’on voulût en abuser : nous, qui dans nos travaux académiques profitions si souvent de sa science et notamment de ses profondes méditations sur la métaphysique des langues, nos regrets ne pourront aussi cesser qu’avec la vie. S’il nous est permis de ressentir aujourd’hui quelque consolation, c’est en observant que, dévoué aux hommes, il était en même tems consacré au divin ministère dans lequel on le regardait comme le modèle d’une piété sainte, et qu’ainsi nul mortel ne fut plus digne de recevoir dans le ciel la récompense de ses vertus.