Funérailles de M. le baron Guiraud

Le 26 février 1847

Pierre-Antoine LEBRUN

FUNÉRAILLES DE M. LE BARON GUIRAUD

DISCOURS DE M. LEBRUN,
DIRECTEUR DE L’ACADÉMIE,

PRONONCÉ AUX FUNÉRAILLES

DE M. LE BARON GUIRAUD,

Le 26 février 1847.

 

MESSIEURS,

Après les prières de la religion, il semble qu’aucune voix ne devrait plus se faire entendre ; pourtant le dernier adieu laissé par des amis à un ami, par des confrères à un confrère, a aussi sa piété et sa sainteté. L’hommage rendu à celui qui part est du moins une consolation que se donnent ceux qui demeurent. Ce lieu et ce moment ne permettent que peu de paroles ; les miennes seraient bien impuissantes et bien vaines en présence du deuil qui m’entoure et de cette tombe qui vient de s’ouvrir d’une manière si prompte et si inattendue. L’Académie française, dont j’apporte ici la douleur, achevait à peine de remplir le vide fait dans ses rangs, et voilà que la mort y vient faire un vide nouveau, et réveiller d’un coup subit le sentiment de toutes nos pertes successives. En moins de vingt ans, l’Académie s’est peu s’en faut, renouvelée, et c’est pour la trente-troisième fois que j’accompagne ici le cercueil d’un confrère.

M. Alexandre Guiraud, bien qu’il fût, grâce à des succès précoces, un des membres les plus anciens de cette compagnie, était un de ceux qui semblaient devoir la consoler le plus longtemps, tant nous le voyions encore plein de vie, de force et d’avenir. Aussi notre étonnement fut-il égal à notre douleur, quand hier, au milieu de notre séance accoutumée, tout à coup, on est venu nous dire : « Guiraud est mort. » Il faudrait répéter ici les paroles qui se firent entendre dans ce moment. Ce serait le plus bel hommage qui pût être apporté sur son cercueil. On parlait, sans doute de la place brillante qu’il a occupée et qu’il gardera dans les lettres, mais surtout d’un caractère fait pour honorer les plus hauts talents : « Il avait l’âme bonne et généreuse, il avait le cœur ardent et honnête il était vrai, il était fidèle dévoué à ses amis, sympathique pour le malheur, aimant le beau et faisant le bien. » Voilà ce qu’on se répétait l’un à l’autre : car dans ces premiers moments c’est à l’homme excellent que vont s’attacher d’abord les regrets ; on songe à peine à l’éminent écrivain.

Ce n’est pas en un tel lieu et à une telle heure que je rappellerai les succès du théâtre et le bruit des battements de mains. Ce n’est pas ici que je puis prononcer convenablement l’éloge de l’auteur des Machabées du Comte Julien, de Virginius et de tant de poésies pleines de douceur, de mélancolie et de tendresse, où respirent de si nobles sympathies, où l’on trouve tant de beaux vers qui ont été aussi de bonnes actions. La solennité du lieu où nous sommes et l’aspect de cette tombe ne permettent qu’un sentiment et qu’une pensée : un grand regret et une grande espérance.

Cette espérance a rempli, durant la vie, l’âme religieuse du confrère à qui nous rendons le suprême devoir ; elle a adouci pour lui les angoisses du dernier passage ; elle doit être la consolatrice de tous ceux qui pleurent autour de ce cercueil, s’ils songent qu’elle devient en ce moment même une éternelle réalité.