Réponse au discours de réception de l’abbé de Clérambault

Le 23 juin 1695

Toussaint ROSE

Response de Monsieur ROSE, Conseiller du Roy ordinaire en ses Conseils, Secrétaire du Cabinet de Sa Majesté, President en sa Chambre des Comptes de Paris, au Discours prononcé par M. l’Abbé de Clerambault, le jour de sa reception.

 

Monsieur,

Vous devez estre persuadé de la pleine correspondance de toute l’Académie Françoise, aux marques d’estime & d’amitié que vous venez de luy donner par vostre eloquent discours.

Je puis mesme vous asseurer, que quelque sensible qu’elle soit à la perte d’un Confrere, qui n’estoit pas moins original ny moins celebre dans nostre Langue, que Phedre l’estoit dans la sienne, elle a une consolation fort peu distante de la joye, de lui avoir sceu choisir un sucesseur tel que vous.

Quel heureux choix qui rend justice à tous les talents académiques reünis en vostre personne ! & quel agrément de les avoir rencontrez dans un Sujet dont les illustres Ayeux ont eu tant de part à la gloire du Ministre de ce grand Cardinal qui forma nostre Compagnie, & de si nobles liaisons avec ce sage Chancelier qui la sauva du naufrage !

Mais quel comble de bonheur pour elle de trouver plus dans le mesme Sujet une creature hereditaire de nostre auguste Protecteur !

Le Fils d’un Pere qu’il honora du Baston de Marechal de France pour ses memorables services, & d’une Mere qu’il jugea digne de luy confier le sacré depost d’une Princesse Royale qui luy tenoit lieu de Fille, pour la conduire jusqu’au Throsne, le Frere, le Neveu, enfin le pur sang de parents tout devoüez à nostre commun Bienfaiteur, & tous les mains armées ou levées au Ciel pour sa conservation, & pour l’augmentation du nombre de ses victoires.

Vous contractez, Monsieur, en entrant ici, une obligation de les celebrer, & (s’il estoit possible) de les souhaiter, encore plus precise qu’auparavant, & nous n’avons pas de peine à croire que vous la remplirez bien.

L’abrégé que vous nous avez fait des merveilles de son Regne, nous en est un gage suffisant. C’est un chef-d’œuvre trop accompli, pour entreprendre d’y rien adjouster.

Nous remarquerons seulement qu’Alexandre le Grand dans ses guerres ne suivit que son ambition, sans se soucier beaucoup de ses Dieux ; & que LOUIS LE GRAND dans les siennes n’a jamais eu d’autres guides que la raison & la justice, ni aucune fin plus ambitieuse, que de secourir ses Alliez, faire valoir ses droits legitimes, reprimer l’audace de quelques voisins, couvrir ses Frontieres, affermir le repos de ses Peuples, soustenir la Majesté des Rois, & sacrifier tout ce qu’il est à la defense de nos Autels ; tout le reste au prix n’estant rien à cet incomparable Monarque, plus encore de cœur que de titre, veritable Roy Tres-Chrestien.