Réponse au discours de réception de Philippe Quinault

En avril 1670

Pierre CUREAU de LA CHAMBRE

RÉPONSE de M. l’Abbé DE LA CHAMBRE au Compliment fait par Mr. Quinault, le jour de fa réception.

 

MONSIEUR,

Vous lifez affez dans les yeux de tout le monde la joye que nous avons de vous pouvoir compter parmi les nôtres, fans qu’il foit befoin que je m’étende bien au long fur ce fujet. La réputation que vous vous êtes fi légitimement acquife par vos Ouvrages, qui, pour tout dire, ont mérité l’eftime & les liberalitez du plus grand & du plus fage des Rois, jointe à l’éloquent Difcours que vous venez de prononcer, nous confirment tous dans l’opinion avantageufe que l’Académie avoit conçûë de vôtre Perfonne, & que nous ne pouvions pas faire une élection plus judicieufe. Il ne me refteroit donc plus qu’à vous exhorter suivant la coûtume établie en pareille rencontre, d’observer fidellement les ftatuts de cette Compagnie : mais je tiens cela prefque inutile, après ce que nous venons d’entendre, puisqu’il eft impoffible que vous étant formé une auffi belle idée de l’Académie, que celle que vous nous venez de reprefenter, vous commenciez à la rendre defectueufe par vous-même ; & qu’au contraire vous la foûtiendrez à l’avenir de vôtre propre poids, & l’éleverez, pour ainsi dire, encore vôtre propre merite, d’autant plus que poffedant comme vous faites, l’Art de toucher les cœurs & d’émouvoir les paffions, vous ne fçauriez manquer d’avoir beaucoup d’admiration & de tendreffe pour une Société auffi recommandable qu’eft la nôtre. Et voilà l’unique chofe que je demanderois aux Particuliers qui la compofent, qu’étant héritier du fçavoir & de la politeffe des anciens Grecs & Romains, ils euffent encore quelque étincelle de cet amour ardent, qu’ont eu les uns & les autres pour la gloire de leur Pays, qui, à dire le vray, a été la fource feconde de toutes leurs belles actions. Je voudrois que les François fuffent leurs Imitateurs en ce fens, comme ils le font à fi jufte titre du côté de l’érudition & de l’efprit ; que nous priffions un peu plus à cœur les intérêts de la Compagnie ; qu’on fe propofât fur toutes chofes la gloire & l’immortalité de fon nom : en un mot, que ce fût là toute nôtre étude & toute nôtre ambition.

C’eft ce que l’Académie Françoise efpere, MONSIEUR, que nous éprouverons particulierement en vôtre Perfonne ; & que bien loin de ralentir tant foit peu l’ardeur que vous avez témoignée de paroître icy, vôtre zele fe ranimant tous les jours de plus en plus, nous produira de temps en temps de nouvelles clartez & de nouvelles lumieres.