Discours de réception de Claude Bazin de Bezons

Le 3 février 1643

Claude BAZIN de BEZONS

DISCOURS prononcé par Mr. DE BEZONS le troisième Fevrier 1643. lorſqu’il fut reçû à la place d’Académicien de M. le Chancelier Seguier, qui étoit devenu Protecteur de la Compagnie.

 

MESSIEURS,

Je reçois la faveur que vous me faites, comme une grace que je n’oſois eſperer, quoyque je la ſouhaitaſſe avec paſſion ; & ſi mon remerciment ne répond pas à la dignité de vôtre bienfait, c’eſt que je ne trouve point de paroles qui ne ſoient au-deſſous de l’obligation que je vous en ay : & que comme les grandes lumières éblouiſſent, & cauſent quelquefois l’aveuglement, cette faveur eſt telle qu’elle me fait concevoir des penſées, que je ne ſçaurois exprimer. J’ay toujours honoré cette Compagnie, & fait très grande-eſtime de tous ceux qui la compoſent. Je l’ay conſidérée comme l’arbitre de la vraye éloquence, & j’ay crû que c’étoit ici où l’on pouvoit rencontrer les regles aſſûrées d’un Art, dont pluſieurs autres n’ont que des doutes. L’Académie a eu cet avantage, que ſa naiſſance a été illuſtre, qu’elle n’a point attendu ſa reputation de la fuite des années ; & que comme les rivieres qui ſont navigables dès leur ſource, ſon origine a été auſſi fameuſe que ſon progrès. Il n’y y a point eu d’intervale entre ſon commencement & ſa perfection. Et certes, MESSIEURS, il étoit impoſſible que les fondemens de cet édifice ne fuſſent pas auſſi nobles qu’ils ont été, puiſqu’ils avoient été poſez par celuy à qui vous êtes redevables de vôtre établiſſement. Ce juſte eſtimateur des choſes, ſçavoit que l’on n’acqueroit pas moins de gloire par les Lettres que par les armes, & que la ſcience de perſuader les hommes n’étoit pas moindre que celle de les vaincre, parce que l’une eſt l’ouvrage de la force, & l’autre l’ouvrage de la raiſon. Il avoit donné à cette Compagnie un éclat, que les ennemis de la vertu croyoient que ſa mort lui feroit perdre mais l’autorité de ſon nouveau Protecteur & la bienveillance particuliere dont il l’honore, vous doivent aſſûrer que ces mauvais augures demeureront ſans effet, & que vôtre gloire, au lieu de ſouffrir de la diminution par la perte commune, ſe conſervera toute entiere ſous la faveur d’une ſi avantageuſe protection. Pour moy, MESSIEURS, puiſque je me rencontre le premier à y prendre place depuis ce changement, je voudrais pouvoir répondre à l’opinion que vôtre bonté vous a fait concevoir de moy : mais j’eſpere d’acquerir parmy vous les qualitez qui me manquent, & que j’y devrais apporter ; & j’attens beaucoup plus de vos enſeignemens & de vôtre exemple, que vous ne devez attendre de mon induſtrie & de mes ſoins. Ce que je vous puis promettre, eſt une ſincere affection, & une aſſiduité la plus exacte qu’il me ſera poſſible ; car quand mon devoir ne m’obligeroit pas à venir prendre part à vos exercices & à vôtre travail, mon utilité & ma ſatisfaction m’y convieroient trop agreablement pour m’en diſpenſer ; & je ne ſuis pas aſſez ennemi de mon bien & de mon contentement, pour negliger les occaſions de profiter dans une ſi belle Ecole, & de recueillir les fruits de l’honneur que vous me faites de m’admettre en une ſociété ſi douce, & qui me donne une liaiſon ſi étroite avec tant de perſonnes de merite, & à qui je veux rendre toute ma vie toute ſorte de déferences & de ſervices.