Allocution prononcée dans la séance inaugurale des États généraux des écrivains francophones, à Paris

Le 11 décembre 1989

Bertrand POIROT-DELPECH

ALLOCUTION

DE

M. Bertrand POIROT-DELPECH
Directeur de l’Académie française

PRONONCÉE

dans la séance inaugurale

des

ÉTATS GÉNÉRAUX DES ÉCRIVAINS FRANCOPHONES

Paris le 11 décembre 1989

 

 

Chers Amis,

C’est en tant que directeur de l’Académie pour le trimestre que je vous souhaite, du fond du cœur, la bienvenue dans ces murs.

Notre secrétaire perpétuel, Maurice Druon, se faisait une joie de vous accueillir, lui dont vous savez la passion pour ce qui nous est commun, mais il se trouve, à cette heure même, à Stockholm pour la remise des prix Nobel. Veuillez l’excuser et croire à ses profonds regrets de ne pas vous faire les honneurs de notre Maison.

Si vous le désirez, je répondrai volontiers à vos curiosités sur cette institution vieille de trois cent cinquante ans et unique en son genre. Ni ministère ni ambassade, libre de tous les pouvoirs, forte de la diversité de ses talents et de ses opinions, l’Académie est une sorte de non-lieu, ce qui porte en grec le beau nom d’« utopie ». Son ciment n’est autre que cette langue française dont nous avons hérité ou que nous avons choisie, comme vous-mêmes, comme le président Senghor — venu du sérère à l’agrégation — comme Julien Green.

N’ayant pas le temps de saluer tous les talents rassemblés ici, permettez- moi de ne citer qu’un nom de disparu, celui du poète Kateb Yacine, qui vient de nous quitter et dont j’aurais eu un plaisir particulier à honorer l’œuvre, exemplaire d’une bouture réussie entre deux cultures.

Avant de passer la parole à mon ami Alain Decaux, permettez-moi d’évoquer d’un mot un mérite que son action inlassable fait un peu oublier : pour servir notre cause commune, il a renoncé sans barguigner à toute création personnelle. Nous tous ici, nous savons, comme personne, ce qu’il peut en coûter.

J’ai dit « cause commune ». Le mot « cause » ne va pas. Ni celui de famille, même s’il est tentant devant votre merveilleuse diversité. C’est plutôt de corps qu’il faudrait parler, au sens le plus physique. Nous habitons le même gosier. Il nous semble à tous que cette langue marie somptueusement l’ancien et le nouveau, l’utile et la chimère, qu’elle est un instrument d’avenir pour apprendre, comprendre, sentir, libérer, rêver et charmer.

Chers amis, vous êtes ici chez vous.