Réponse au discours de réception de Charles Perrault

Le 23 novembre 1671

Jean CHAPELAIN

REPONSE de Mr. CHAPELAIN au diſcours prononcé par Mr. Perrault, le jour de ſa reception.

 

MONSIEUR

Vous avez pû remarquer ſur le viſage & dans les mouvemens de Meſſieurs qui compoſent l’Académie Françoiſe, avec combien d’applaudiſſement & de joye ils ont entendu vôtre remercîment, pour la grace ſi bien merâlée, de vous avoir fait l’un des membres de leur Corps.

Ce ſeroit icy le lieu de vous repreſenter la dignité de ce Corps, les motifs qui porterent le grand Cardinal de Richelieu à en procurer l’établiſſement, la ſageſſe de ſa diſcipline, l’utilité de ſon employ, l’heureux ſuccés de ſes veilles, ſon approbation générale, & ce qui luy eſt incomparablement plus glorieux, l’honneur de celle dont la daigne favoriſer nôtre invincible Monarque ; mais j’employerois ſans neceſſité beaucoup de paroles à en étaler les divers avantages, après vous en avoir ouï ſi bien parler, & avoir vû que rien n’en ayant échapé à vôtre connoiſſance, c’étoit l’unique raiſon qui vous avoir fait naître le deſir paſſionné d’être admis dans une ſocieté, où reluiſoit un ſi rare merite.

Je vous diray donc ſeulement, MONSIEUR, que la poſſeſſion que cette ſocieté vient de prendre du vôtre, étoit il y a longtemps un de ſes plus ardens ſouhaits ; & que ſi vous êtes ſatisfait de la Juſtice qu’elle vous a renduë en vous aggregeant à ſon Corps, elle n’a pas de côté une moindre ſatisfaction de s’être fortifiée d’un ſecours, tel que le vôtre, pour l’avancement & l’accompliſſement du deſſein qui a cauſé ſon inſtitution, & duquel nôtre Langue attend ſa perfection derniere.

Il vous ſera doux, MONSIEUR, de pouvoir mêler vos lumieres aux lumieres de cette celebre Société, & de meriter du public avec elle, en l’aſſiſtant de la force & de la delicateſſe qui vous ſont naturelles, & qui donnent tant de relief, à vos autres ſingulieres qualitez.

Il vous ſera honorable de contribuer à ſon travail,

Il vous ſera doux, MONSIEUR, de pouvoir mêler vos lumieres aux lumieres de cette celebre Societé, & de meriter du public avec elle, en l’aſſiſtant de la force & de la delicateſſe qui vous ſont naturelles, & qui donnent tant de relief, à vos autres ſingulieres qualitez.

Il vous ſera honorable de contribuer à ſon travail, ſous les auſpices de Monſeigneur le Chancelier, nôtre tres-illuſtre Protecteur, avec les Comtes, les Marquis, les Gouverneurs de Provinces, les Conſeillers d’Etat, & les Maîtres des Requêtes, dont elle eſt remplie, ſans compter les Cardinaux, les Archevêques les Évêques, les Ducs & Pairs, les Miniſtres d’Etat, & les Secretaires des Commandemens, qui ajoûtent un ſi grand luſtre à l’éclat de cette Compagnie, formée d’ailleurs des ſujets les plus capables qu’ait la France, de purger ſon langage de ce que les ſiecles précedens luy avoient fait contracter d’impur, ou de ce qu’ils luy ont laiſſé encore de groſſier & de barbare. La Compagnie, M0NSIEUR, eſt perſuadée qu’autant que vos indiſpenſables devoirs le permettront, vous luy prêterez volontiers vôtre aſſiſtance, dont elle ſe promet un notable ſoulagement, lorſque par la facilité de vos mœurs, & par une ſincere correſpondance de veritable fraternité, vous luy communiquerez vos avis judicieux ſur les matieres qui ſont l’objet de ſes ordinaires exercices, pour leſquels, à certains jours de la ſemaine, elle s’aſſemble regulierement en ce lieu. Vous n’aurez pas une mediocre part à la gloire qui luy en reviendra ; & comme vous allez être deſormais une des Colomnes les plus fermes, pour ſoûtenir ſa reputation dans le monde, il n’y aura auſſi pas un des Meilleurs vos Confreres qui ne s’en trouve vôtre redevable, & qui s’uniſſant étroitement à vous, ne réponde avec fidelité & cordialité à l’attention que vous leur témoignerez à tous, & que tous vous demandent auſſi par ma bouche.