Dire, ne pas dire

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Cool & low noise asphalt

Le 4 novembre 2021

Anglicismes, Néologismes & Mots voyageurs

Lors de la séance du 12 mai 1992, l’Assemblée nationale a introduit dans la Constitution à l’article 2 un alinéa désormais fameux : « La langue de la République est le français. » Encore un effort et elle deviendra peut-être celle de la capitale, dans laquelle on trouve de grands panneaux nous signalant un projet de Cool & low noise asphalt. Le projet est certes vertueux, mais n’aurait-il pas été possible de trouver à peu de frais quelque traducteur pour nous signaler que certaines rues seraient pourvues d’un revêtement moins bruyant et dégageant moins de chaleur ?

« Être confronté » au sens d’« Être aux prises » ou de « Devoir faire face »

Le 4 novembre 2021

Anglicismes, Néologismes & Mots voyageurs

Dans la langue du droit, le verbe confronter signifie « mettre des personnes en présence l’une de l’autre pour opposer et vérifier leurs déclarations » (confronter des témoins à l’accusé, avec l’accusé). Dans la langue courante, il signifie « rapprocher deux choses pour les comparer » (nous avons confronté nos points de vue ; confronter deux écritures, des programmes politiques). Mais on ne doit pas employer ce verbe au passif avec le sens d’« être aux prises », de « devoir faire face », calque de l’anglais to be confronted with, « être placé devant (une difficulté, un obstacle) ».

on dit

on ne dit pas

Il a été en butte à l’hostilité de son entourage

Une entreprise aux prises avec de gros soucis de trésorerie

Il a été confronté à l’hostilité de son entourage

Une entreprise confrontée à de gros soucis de trésorerie

Envie de chiller

Le 7 octobre 2021

Anglicismes, Néologismes & Mots voyageurs

Le verbe anglais to chill signifie « glacer, refroidir » et le nom qui en est dérivé, chill, « fraîcheur, froideur ». L’expression to catch a chill, « prendre froid », est synonyme de to catch a cold et ces deux noms sont apparentés à cool, qui signifie « frais ». Et de même que cet adjectif a pris familièrement le sens de « calme, tranquille, serein », to chill, a également les sens de « se détendre, être au calme, être à l’aise ». Si ces formes ont toutes leur place en anglais, on peut s’interroger sur l’utilité de l’anglicisme chiller, dans lequel les deux « l » se prononcent sans mouillure, employé en lieu et place des verbe et locutions verbales notées ci-dessus.

on dit

on ne dit pas

Envie de se mettre à l’aise ?

Laissez-vous aller, détendez-vous

Envie de chiller ?

Laissez-vous aller, chillez

Turnover

Le 7 octobre 2021

Anglicismes, Néologismes & Mots voyageurs

L’anglais turnover, dérivé de to turn, « tourner », s’est d’abord employé dans le monde de l’entreprise pour signaler un écoulement et un remplacement rapides des marchandises. Il s’est ensuite employé dans le monde du travail avec le sens de « rotation de l’emploi » ou « renouvellement (du personnel, des effectifs) » ; on s’efforcera donc d’utiliser l’une ou l’autre de ces formes en lieu et place de cet anglicisme de mauvais aloi.

on dit

on ne dit pas

Un fort renouvellement des effectifs

Une rotation du personnel importante

Un fort turnover

Un turnover important

« Traitement pharmacologique » au lieu de « Traitement médicamenteux »

Le 2 septembre 2021

Anglicismes, Néologismes & Mots voyageurs

La pharmacologie est la science qui étudie les médicaments et leurs effets sur l’organisme ; l’adjectif pharmacologique signifie « relatif à la pharmacologie ». On évitera donc d’employer l’expression « traitement pharmacologique », calque maladroit du faux ami anglais pharmalogical treatment, quand c’est « traitement médicamenteux » ou « traitement à base de médicaments » qu’il faudrait employer.

« Trials » pour « Sélections »

Le 2 septembre 2021

Anglicismes, Néologismes & Mots voyageurs

À l’approche des grandes compétitions, pour constituer les équipes qu’elles enverront aux Jeux olympiques ou aux championnats du monde, les différentes fédérations nationales disposent de critères qui leur sont propres. Dans certains pays anglophones, aux États-Unis et en Australie en particulier, ce sont les premiers d’une unique épreuve de sélection qui sont retenus. Ces épreuves sont appelées trials, nom dérivé de to try, « essayer », qui a la même origine que le français « trier ». Que ce mot soit utilisé dans les pays cités plus haut est bien naturel, mais il n’est pas utile, en France, de l’employer en lieu et place de sélection, qui dit la même chose.

on dit

on ne dit pas

Il a battu le record du monde du lancer du poids lors des sélections américaines

C’est durant les sélections pour les Jeux olympiques de 1968 que l’on courut pour la première fois le 100 mètres en moins de 10 secondes

Il a battu le record du monde du lancer du poids lors des trials américains

C’est durant les trials pour les Jeux olympiques de 1968 que l’on courut pour la première fois le 100 mètres en moins de 10 secondes

Les french days

Le 1 juillet 2021

Anglicismes, Néologismes & Mots voyageurs

Quelle étrange formule, les french days, dont l’assemblage forme, en France, une manière d’oxymore. Formule d’autant plus étrange que cette opération vise à la promotion de productions françaises… Dans un poème des Châtiments, intitulé « Fable ou histoire », Victor Hugo nous conte l’histoire d’un singe qui revêt une peau de tigre et s’en va semer la mort dans son voisinage ; le poème se termine ainsi : « Un belluaire vint, le saisit dans ses bras / Déchira cette peau comme on déchire un linge, / Mit à nu ce vainqueur, et dit : Tu n’es qu’un singe ! » Peut-être pourrait-on dire à ces french days, en parodiant Hugo, qu’ils ne sont que des jours de soldes.

Pass sanitaire

Le 1 juillet 2021

Anglicismes, Néologismes & Mots voyageurs

Le nom pass est un anglicisme à proscrire. Il pourrait en français être remplacé par le mot féminin passe, qui peut désigner un permis de passage, un laissez-passer. On lit ainsi dans les Mémoires d’un touriste, de Stendhal (1838) : « Le sous-préfet […] m’a donné une passe pour l’extrême frontière » et dans Le Martyr calviniste, de Balzac (1841) : « Nul ne quitte la ville sans une passe de monsieur de Cypierre, fût-il, comme moi, membre des États. » Ce même nom désigne aussi un titre de circulation gratuit. Dans Passe-temps (1929), Paul Léautaud enviait les « grands auteurs, et riches, qui voyagent en première classe, et sans payer, grâce à des passes de chemin de fer qui leur sont données ». Au Québec, une passe désigne un titre de transport ou une carte d’abonnement.

Au sens de laissez-passer, la passe, d’emploi un peu désuet, pourrait avantageusement être remplacée par un masculin : le passe, abréviation de « passe-partout ». L’une comme l’autre de ces formes rendraient facilement le sens contenu aujourd’hui dans l’anglicisme pass, et ce, d’autant plus que le verbe to pass est emprunté du français passer ; à peu de frais, le pass sanitaire et le pass culture deviendraient ainsi la ou le passe sanitaire et la ou le passe culture.

Ça se fighte pour On peut en débattre

Le 3 juin 2021

Anglicismes, Néologismes & Mots voyageurs

Le verbe débattre est dérivé de battre et, à l’origine, le préfixe dé- y avait une valeur intensive. Au xie siècle, débattre signifiait donc « battre fortement » et ce n’est que deux siècles plus tard que ce verbe a pris les sens de débattre, discuter, auxquels on pourrait ajouter celui de disputer. Il est donc inutile de remplacer ces verbes par l’anglais to fight, dans l’étrange monstre linguistique ça se fighte, employé en lieu et place de « cela se discute, on peut en débattre ». On n’emploiera pas non plus il y a du fight pour signaler un débat virulent, voire une rixe.

Easy

Le 3 juin 2021

Anglicismes, Néologismes & Mots voyageurs

L’adjectif simple est apparu en français au début du xiie siècle, avec le sens « qui n’est pas compliqué », quelques décennies avant aisé, « qui se fait facilement », et trois siècles avant facile, « dont l’exécution, la réalisation n’offre pas d’obstacles ». Ces adjectifs, on le voit, sont profondément ancrés dans notre langue ; il est donc légitime de se demander pourquoi, depuis peu, de grandes entreprises ont choisi de remplacer l’un ou l’autre de ces adjectifs par la forme anglaise easy, mot emprunté de l’ancien français aisié, participe passé de l’ancien verbe aisier, « bien traiter, soigner ». S’il est bon que le français accueille des mots anglais qui furent autrefois empruntés du français et nous sont revenus avec une autre forme et un autre sens, comme ce fut le cas avec le célèbre couple bougette et budget, il est vain et inutile de remplacer des formes françaises par des formes anglaises, qui furent d’abord françaises, si leur sens n’a pas varié. Et n’oublions pas que dans « Easy (écrit Izi) by E.D.F. », le F final est censé signifier France…

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