Dire, ne pas dire

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Gigafactory

Le 6 juillet 2023

Anglicismes, Néologismes & Mots voyageurs

Giga- est un élément de composition tiré du grec gigas, « géant », et qui, placé devant un nom d’unité de mesure signifie « un milliard », comme dans gigahertz ou gigawatt. L’anglais factory est emprunté du latin médiéval factoria, qui désignait un atelier, une fabrique. À ces sens, s’est ajouté, depuis la révolution industrielle, celui d’« usine ». Ce nom a été popularisé dans les années 1960 quand Andy Warhol a ainsi nommé l’atelier où il travaillait avec d’autres artistes. Mais cela n’empêche pas que, aujourd’hui, ce que l’on appelle gigafactory serait mieux nommé par le groupe nominal « usine géante ».

Night session

Le 6 juillet 2023

Anglicismes, Néologismes & Mots voyageurs

La locution nominale réunion nocturne s’emploie pour désigner une rencontre sportive qui a lieu en soirée et en début de nuit depuis la fin du xixe siècle ; la locution adverbiale en nocturne a, elle, presque un siècle d’existence. C’est-à-dire qu’elles sont bien antérieures aux premiers matchs de tennis disputés de nuit qui eurent lieu à l’U.S. Open, en 1978. Ceux-ci furent naturellement nommés en anglais « night sessions » mais il est regrettable de constater que les organisateurs des Internationaux de France de tennis emploient maintenant cette expression quand matchs en nocturne, matchs de nuit diraient la même chose.

Itinérabilité

Le 8 juin 2023

Anglicismes, Néologismes & Mots voyageurs

Il existe une centaine de noms terminés par -abilité en français. La plupart sont dérivés d’adjectifs français en -able ou d’adjectifs latins en -abilis ; quelques-uns sont empruntés de noms latins en -abilitas. À cette centaine de noms, on se gardera d’ajouter itinérabilité, qui désignerait la qualité d’un chemin sur lequel on peut randonner. Il n’existe en effet pas d’adjectif itinérable en français et le latin ne connaissait ni itinerabilis, ni itinerabilitas. Pour parler de la qualité d’un chemin praticable, le français préfèrera avoir recours à des périphrases ou au nom praticabilité, attesté, entre autres, chez Paul Ricœur et Lamartine.

« Exhibition » pour « Exposition »

Le 8 juin 2023

Anglicismes, Néologismes & Mots voyageurs

Dans la langue du droit, le nom exhibition désigne le fait de produire une pièce en justice ou devant l’autorité compétente. Dans la langue courante, il désigne ce qu’on produit en public, un spectacle présenté comme rare ou original, une manifestation sportive faisant généralement appel à des vedettes et dont les résultats ne sont pas pris en compte dans les classements officiels. Ce nom désigne aussi une forme d’étalage inconvenant, complaisant ou scandaleux. À ces sens, on évitera d’ajouter celui de « présentation publique d’œuvres d’art, de produits commerciaux », que peut avoir le nom anglais exhibition, mais qui, en français, est celui du nom exposition.

on dit

on ne dit pas

Une exposition internationale de sculptures du Moyen Âge

Une exhibition internationale de sculptures du Moyen Âge

« D.N.F. » pour « Abandon »

Le 4 mai 2023

Anglicismes, Néologismes & Mots voyageurs

Le monde du sport doit beaucoup à la Grande-Bretagne et aux États-Unis, ce qui explique que, dans ce domaine, une grande partie du lexique est anglais. Le français leur emprunta certains termes (basket-ball, rugby, penalty, etc.), mais il en existait aussi beaucoup d’autres, appartenant souvent à des sports plus anciens, qui étaient français : course, saut, lancer, natation, escrime, aviron, cyclisme, etc. Rien ne justifie dans ce cas le remplacement de formes françaises bien en usage par des anglicismes. Cela arrive pourtant ; on commence ainsi à lire, dans des journaux français D.N.F., parfois développé en did not finish, quand « abandon » dirait la même chose. Il en va de même pour « forfait », auquel on ne substituera ni D.N.S. ni did not start, « a déclaré forfait » et, proprement, « n’a pas pris le départ ».

« Reporting » pour « Compte rendu, rapport »

Le 4 mai 2023

Anglicismes, Néologismes & Mots voyageurs

Le nom français rapport désigne, depuis le xiiie siècle, l’action de porter quelque chose à la connaissance d’autrui ou encore un récit, un témoignage, la relation d’un évènement. En ce sens, c’est un synonyme de compte rendu, apparu dans notre langue deux siècles plus tard. Il n’est pas nécessaire de remplacer ces mots par l’anglais de même signification reporting, dérivé du verbe to report, « raconter, faire un rapport, un compte rendu », lui-même emprunté, au Moyen Âge, du français reporter, qui signifiait alors « rapporter, raconter ».

Wave light

Le 6 avril 2023

Anglicismes, Néologismes & Mots voyageurs

Le mot lièvre désigne en général un animal de la famille des Léporidés, mais c’est aussi le nom que l’on donne à un coureur chargé d’imprimer un rythme élevé dans la première partie d’une course afin d’aider un autre athlète à réaliser une performance de haut niveau ou à battre un record. L’anglais dit pace maker (proprement « celui qui fait, qui donne le rythme, la vitesse ») ou, par abréviation, pacer pour désigner ce coureur. Les progrès techniques font que notre lièvre est parfois remplacé, aujourd’hui, par des lampes placées tout autour de la piste, le long de la lice, et qui s’allument et s’éteignent en fonction d’un rythme déterminé, demandé par le coureur. Nos amis d’outre-Manche et d’outre-Atlantique appellent ce système wave light, proprement « onde de lumière ». On lui préfèrera la forme « lièvre lumineux », qui commence d’ailleurs à s’installer dans l’usage.

« Topping » pour » Nappage, Glaçage »

Le 6 avril 2023

Anglicismes, Néologismes & Mots voyageurs

Le nom nappage, dans son acception culinaire, fête cette année ses cinquante ans. C’est peu à l’échelle de la vie d’une langue, mais c’est suffisant pour bien s’installer dans l’usage. Glaçage a un siècle de plus. Ces noms sont formés, selon un procédé fort répandu et bien connu, à l’aide du suffixe -age et d’un verbe, napper dans un cas, glacer dans l’autre. Dans la langue de la cuisine, ces deux verbes signifient recouvrir : « recouvrir un mets d’une couche de sauce, de crème ou de tout autre accompagnement » pour le premier (napper une viande de sauce, de gelée ; un gâteau nappé de coulis), « recouvrir d’une couche lisse et brillante » pour le second (glacer des marrons, des massepains, des cerises). L’anglicisme topping, que l’on voudrait parfois voir remplacer nappage, glaçage, voire garniture, n’ajoute rien au sens de ces mots. Aussi le réservera-t-on pour la langue et la cuisine anglaises.

Merci monsieur Fabri

Le 2 mars 2023

Anglicismes, Néologismes & Mots voyageurs

En 1521 paraissait à Rouen Le grant et vray art de pleine rhetorique utille, profitable et nécessaire à toutes gens qui désirent a bien elegantement parler et escrire, de Pierre Fabri. Cet auteur y condamnait les latinismes inutiles. Il y voyait un « vice d’innovation commis par les ignorans », qui « barbarisaient les termes latins ». Il expliquait combien il est ridicule de dire « Se ludez a la pille vous amitterez », une phrase formée à l’aide du latin ludere, « jouer », pilla, « balle » (ou, plus précisément, « esteuf »), et amittere, « perdre », quand on peut dire « Si vous jouez à la balle, vous perdrez ». Quelque cinq siècles plus tard, le texte de Fabri est toujours d’actualité, car ce qu’il écrit des latinismes de son temps peut s’appliquer aux anglicismes du nôtre. Si, en effet, on n’emploie plus luder pour « jouer », amitter pour « perdre », ni pille pour « balle », on doit constater aujourd’hui que « jeu » et « joueur » sont parfois remplacés par game et gamer, « perdant », par loser (quand ce n’est pas looser), et « balle », par ball. Et pourtant, comme l’écrivait notre auteur, « L’on doit toujours prendre les termes et les mots les plus communs que l’on puisse trouver et les mettre à leur signification à tous intelligible ».

« Dark » pour « Sombre, obscur, inquiétant »

Le 2 mars 2023

Anglicismes, Néologismes & Mots voyageurs

L’expression les âges obscurs (ou les siècles obscurs) désigne une période de la Grèce antique, allant environ du xiie au viiie siècle av. J.-C., de la fin du monde mycénien aux temps archaïques, que l’on considère comme une période de fort déclin. On trouve un même type de jugement, porté sur le Moyen Âge cette fois, dans le Pantagruel de Rabelais, avec cette différence, toutefois, qu’obscur est remplacé par ténébreux : « Le temps etoit encores tenebreux et sentant l’infelicité et la calamité des Gothz, qui avoient mis à destruction toute bonne literature. » On le voit avec ces adjectifs, auxquels on pourrait ajouter sombre, le français n’est pas démuni pour qualifier ce qui est funeste, marqué par le malheur, la désolation, ou ce qui est inquiétant, menaçant. Aussi n’est-il pas nécessaire de les remplacer par l’anglais dark.

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