Compliment fait au Roi Louis XVI lors de son avènement au Trône

Le 5 juin 1774

Jean-Baptiste-Louis GRESSET

COMPLIMENS

Faits le 5 juin 1774 ;

Par M. GRESSET, Directeur de l’Académie, au Roi Louis XVI lors de fon avènement au Trone.

 

AU ROI,

SIRE,

L’ELOQUENCE la plus noble ne feroit pas aujourd’hui moins infuffifante que ma foible voix pour bien offrir à VOTRE MAJESTÉ le premier hommage de fon Académie Françoife, & notre plus profond refpect. La feule idée qui me raffure c’eft qu’en ce moment, SIRE, toutes les voix de vos fujets font égales ; il n’en eft qu’une, une même éloquence, ce cri de tous les cœurs, ces tendres acclamations univerfelles, le figne le plus sûr de l’amour des peuples, le plus éloquent éloge du Souverain.

Si nous ne craignions, SIRE, de renouveler la douleur de VOTRE MAJESTÉ, l’Académie Françoife acquitteroit, au pied du trône, le tribut de reconnoiffance que nous devons à la mémoire d’un Monarque plein de bonté, ami de la paix, ami des beaux arts, & qui honora toujours l’Académie de fes regards & de fes grâces : mais le cœur fenfible de VOTRE MAJESTÉ nous commande le filence.

Qu’elle eft intéreffante & chère, cette fenfibilité fi précieufe, qui annonce le PÈRE DU PEUPLE ! & combien vivement elle nous retrace l’ame fublime, l’ame célefte qui vous l’a tranfmife ! l’augufte auteur de vos jours, SIRE, ce Prince adoré-, qui par toutes les vertus régna fur tous les cœurs, ce génie immortel refpire tout entier dans l’ame de VOTRE MAJESTÉ, dans votre amour pour la religion, pour la vérité, pour la félicité publique : les brillantes deftinées dont ce grand Prince fut privé vont être remplies par le règne fortuné de VOTRE MAJESTÉ fur la plus noble des monarchies, fur cette nation généreufe, franche, fenfible-, fi diftinguée par fon amour pour fon maître, pour laquelle cet amour eft un befoin, une gloire, un bonheur ; nation fi digne, par fes fentimens, de l’amour de fon Roi.

 

À LA REINE,

MADAME,

Il ne reftoit plus à la nation qu’un fentiment dont elle pût offrir l’hommage à VOTRE MAJESTÉ, celui du plus profond refpect, qui nous amène au pied du Trône ; le tribut de tous les autres fentimens vous avoit été offert d’une voix unanime, dès que votre préfence augufte & chère a paré nos climats. Tous les titres faits pour commander, réuffir & plaire, titres héréditaires dans votre illuftre maifon, la bienfaifance, la fenfibilité pour l’infortune, l’efprit aimable, & la vertu embellie de toutes les graces qui la font adorer, avaient commencé votre empire fur tous les cœurs françois. Au milieu de l’enchantement univerfel, au milieu de ces attendriffantes acclamations qui précèdent, accompagnent & fuivent vos traces ; daignez, MADAME, en recevant avec bonté le premier hommage de l’Académie Françoife, daignez lui permettre d’efpérer que VOTRE MAJESTÉ voudra bien quelquefois honorer fes travaux d’un regard.

Les Lettres, les Beaux-Arts, & le génie font les organes & les dépofitaires de la gloire des Empires : quelle époque plus brillante pourroit les animer & les infpirer, que le règne fortuné qui commence ? En écrivant, MADAME, pour le plus puiffant & le plus aimable des Rois, en écrivant pour VOTRE MAJESTÉ ; l’Eloquence & la Poéfie n’auront que des fuccès à célebrer, des vertus à peindre, la vérité à exprimer.